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25/09/2019 | FRANCE | N°17/00292

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 25 septembre 2019, 17/00292


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 SEPTEMBRE 2019



N° RG 17/00292

AFFAIRE :



[N] [K]



Syndicat CGT OTIS



C/

SCS OTIS







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Nanterre

N° Section : Industrie

N° RG : 15/01022



Copies exécutoires e

t certifiées conformes délivrées à :



Me Emmanuelle

[E]



SELARL [M]

[Y]







le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suiva...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 SEPTEMBRE 2019

N° RG 17/00292

AFFAIRE :

[N] [K]

Syndicat CGT OTIS

C/

SCS OTIS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Nanterre

N° Section : Industrie

N° RG : 15/01022

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Emmanuelle

[E]

SELARL [M]

[Y]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [N] [K]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 9] (38)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentant : Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA,

Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1355 substitué par Me Xavier SAUVIGNET, avocat au barreau de PARIS et Me Clara GANDIN, avocat au barreau de PARIS

Syndicat CGT OTIS

UL CGT LA DEFENSE

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA,

Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1355 substitué par Me Xavier SAUVIGNET, avocat au barreau de PARIS et Me Clara GANDIN, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

SCS OTIS

N° SIRET : 542 107 800

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentants : Me Béatrice POLA du LLP PROSKAUER ROSE LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J043 - et Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 -

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mai 2019, devant la cour composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Corinne DELANNOY

Par jugement du 15 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Nanterre, statuant en sa formation de départage a :

- débouté M. [N] [K] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté le syndicat CGT Otis de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [K] à payer à la société Otis la somme de 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [K] aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe du 13 janvier 2017, le salarié a interjeté appel devant la cour d'appel de Versailles.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été prononcée le 22 mai 2019.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 7 mai 2019, M. [N]  [K] et le syndicat CGT Otis demandent à la cour de :

pour le salarié,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 15 décembre 2016 en toutes ses dispositions,

et, statuant de nouveau,

- juger qu'il a été victime de discrimination syndicale,

en conséquence,

- annuler les avertissements du 28 octobre 2005, du 26 mars 2012 et la mise à pied disciplinaire d'un jour prononcée le 12 mai 2014,

- ordonner le rappel de salaire afférent à l'annulation de la mise à pied disciplinaire,

- fixer au 1er janvier 2011 son coefficient à 285 et son salaire de base hors ancienneté à 2 161,48 euros bruts,

- dire que ce salaire devra être majoré annuellement des augmentations individuelles et

générales moyennes perçues par la catégorie du salarié ou celles perçues par le salarié lorsqu'elles ont été plus favorables,

- condamner la société Otis au rappel de salaire correspondant avec intérêts de droit à compter de la saisine du conseil, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- ordonner le rappel de prime d'ancienneté du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 sur la base du coefficient 285,

- fixer au 1er janvier 2014 son coefficient à 305,

- ordonner le rappel de prime d'ancienneté depuis le 1er janvier 2014 sur la base du

coefficient 305,

- ordonner la délivrance des bulletins de salaire rectifiés à partir de janvier 2011, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours en suite à la notification de la décision à intervenir,

- condamner la société Otis à lui verser les sommes de :

. 20 236,03 euros au titre du préjudice financier subi jusqu'au 31 décembre 2010,

. 26 000 euros en réparation du préjudice moral subi en raison de la discrimination,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1454 du code civil,

- condamner la société Otis à verser la somme de  2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et à la même somme au titre de la procédure d'appel,

- condamner la société Otis aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels,

pour le syndicat,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle rejette les demandes du syndicat CGT Otis et le condamne aux dépens,

en conséquence,

- juger recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT Otis,

- condamner la société Otis à verser au profit au syndicat CGT Otis les sommes de :

. 10 000 euros au titre du préjudice,

. 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure de première instance et à la même somme au titre de la procédure d'appel,

- condamner la société Otis aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 16 mai 2019, la société Otis demande à la cour de :

1) sur les demandes présentées par le salarié,

à titre principal,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté le salarié de l'ensemble de ses prétentions,

et, statuant de nouveau,

- constater que la mise en garde et la mise en demeure prononcées par la société Otis à l'égard du salarié le 28 octobre 2005 et le 12 avril 2012 et la mise à pied disciplinaire du 22 mai 2014 étaient justifiées par le comportement professionnel du salarié,

- constater que la mise en garde et la mise en demeure prononcées par la société Otis à l'égard du salarié le 28 octobre 2005 et le 12 avril 2012 ne sont pas susceptibles d'être qualifiées de sanctions disciplinaires,

- constater que la demande du salarié en annulation de la mise en garde prononcée par la société Otis le 28 octobre 2005 est prescrite,

- dire que le salarié n'a été victime d'aucune différence de traitement injustifiée susceptible de caractériser une discrimination syndicale,

en conséquence,

- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes,

- condamner le salarié à lui verser la somme de :

. 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de la procédure d'appel,

- condamner le salarié aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL [Y] [M] agissant par Me [M] avocat et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

si par extraordinaire, la cour devait retenir l'existence d'une inégalité de traitement qui ne s'expliquerait pas par des éléments objectifs,

- dire que le salarié n'a été victime d'aucune discrimination syndicale,

en conséquence,

- dire que la prescription triennale applicable en matière d'action en répétition de salaire trouve vocation à s'appliquer en l'espèce,

- dire que le rappel de salaire de base du salarié doit être calculé en tenant compte du salaire minimum conventionnel,

- constater que le salarié perçoit un salaire de base supérieur au salaire minimum conventionnel annuel correspondant au coefficient sollicité,

- dire que la méthode Clerc est inapplicable au calcul d'un quelconque préjudice financier,

- constater que le salarié n'a subi aucun préjudice moral,

et ainsi,

- débouter le salarié de l'ensemble de ses autres demandes,

2) sur les demandes présentées par le syndicat CGT Otis,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté le syndicat CGT Otis de l'ensemble de ses prétentions,

et, statuant de nouveau,

- dire qu'aucun intérêt collectif n'a été atteint et qu'en tout état de cause, aucune preuve d'un quelconque préjudice n'est rapportée,

en conséquence,

- débouter le syndicat CGT Otis de l'ensemble de ses demandes.

SUR CE LA COUR,

La société Otis a pour activité la fabrication, l'installation et la maintenance d'ascenseurs et de systèmes de transport horizontal. Elle emploie environ 4 500 salariés en France répartis sur plusieurs établissements.

M. [N] [K] a été engagé en qualité d'agent qualifié de montage, échelon 170 au niveau II-1 par la société Ascinter Otis, aujourd'hui dénommée Otis, sur l'établissement de [Localité 10], par un contrat de travail à durée déterminée du 6 juin 1988 au 6 décembre 1988 (pièce JPZ 1 du salarié).

Les relations se sont poursuivies par la signature d'un second contrat de six mois, puis par un contrat à durée indéterminée à effet au 8 mai 1989, toujours sur l'établissement de [Localité 10], et aux mêmes niveaux d'emploi (pièces JPZ 2 et JPZ 3 du salarié).

A compter du 6 octobre 1997, le salarié a été affecté à l'agence de [Localité 12] et son emploi est devenu 'agent qualifié de réparation' (pièce JPZ 6 du salarié).

Le 2 janvier 2006, le salarié a été affecté à l'équipe maintenance (pièce JPZ 7 du salarié).

Les relations contractuelles sont régies par la convention collective des industries métallurgiques du Rhône.

Depuis 2002, le salarié, qui s'est affilié à la CGT en 2004, exerce des activités de représentation du personnel dans l'entreprise.

Le 30 octobre 2008, trois salariés délégués du personnel ont déclenché une procédure de droit d'alerte sur le fondement de l'article L. 2313-2 du code du travail pour plusieurs cas de discrimination syndicale, ce qui a donné lieu au déclenchement d'une enquête interne de l'employeur. (pièce PG 5 du salarié)

Le 24 décembre 2009, MM. [F], [U] et [C] ont saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, statuant en la forme des référés aux fins d'ordonner l'enquête prévue à l'article L. 2313-2 du code du travail. (pièce PG 17-1 du tome I/II (1/4) de l'employeur)

Par ordonnance de référé rendue en formation de départage le 21 mai 2010, le conseil de prud'hommes de Nanterre a ordonné une mesure de consultation confiée à une avocate médiatrice et a fixé la date de dépôt du rapport au 30 septembre 2010. (pièce PG 21, PG 22 et PG 23 du salarié)

MM [F], [U] et [C] ont fait appel de cette ordonnance.

Par arrêt du 18 mars 2011, la cour d'appel de Versailles a infirmé la décision du conseil de prud'hommes et a ordonné à la société Otis de :

- produire tous les éléments nécessaires à l'établissement d'une comparaison objective de nature à révéler une éventuelle différence de traitement en matière de rémunération et d'évolution professionnelle à l'égard des salariés bénéficiaires du droit d'alerte,

- établir pour chacun d'eux un groupe de comparaison nominatif de personnes entrées dans l'entreprise la même année, ou au cours d'années proches, embauchées dans la même filière professionnelle, au même niveau de qualification et de classification, à un niveau de diplôme

comparable,

- préciser pour chacune de ces personnes et pour chacun des salariés bénéficiaires du droit d'alerte, les date de changements de qualification et de classification tout au long de leur carrière, leurs changements de postes ou d'affectations, leurs qualification et classification actuelles, ainsi que le montant de leurs rémunérations brutes imposables en 2009,

- justifier des raisons objectives pouvant expliquer les éventuelles disparités que les comparaisons pourraient révéler, et notamment les formations qualifiantes et diplômantes suivies au cours de la carrière,

- communiquer les informations ci-dessus visées dans le délai d'un mois.

Par courrier du 18 avril 2011 (pièce PG 18-1, tome 1/4 de la société), l'employeur a communiqué aux trois délégués du personnel ' par courrier électronique le tableau récapitulatif comprenant les informations nominatives concernant chacun des salariés composant le panel de comparaison' suite à la décision de la cour d'appel de Versailles.

Par requête du 10 décembre 2013, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre d'une demande de dommages et intérêts pour discrimination dans le déroulement de sa carrière, ainsi que pour obtenir le paiement de diverses sommes.

Sur les sanctions disciplinaires :

Le salarié soutient qu'à partir de son engagement comme délégué du personnel, et plus encore après son affiliation à la CGTen 2004, ses conditions de travail se sont fortement dégradées et qu'il a fait l'objet d'abus de pouvoir de la part de l'employeur.

Par courrier du 28 octobre 2005 (JPZ 14), la société a reproché à M. [K] :

' Depuis le début du mois d'octobre 2005, suite à votre changement de tournée consécutif au départ d'un technicien, votre comportement envers votre hiérarchie et vos co-équipiers s'est considérablement dégradé.

Le 10 octobre 2005 au matin, en l'absence de votre contremaître, Monsieur [A] [L], vous êtes arrivé à votre centre de service pour informer le leader, Monsieur [Z] [I] que vous étiez en heures de délégation pour l'après-midi et avez déposé votre feuille d'absence afférente.

A la remarque formulée par le leader qui considérait vortre demande d'absence tardive pour prévoir une organisation de l'équipe performante pour le service client pour l'après-midi, vous avez répondu que vous pouviez poser . Une telle réaction est inacceptable pour assurer le service cleint et sauvegarder la qualité du travail de vos collègues.

Nous ne remettons pas en cause vos droits et devoirs d'élu, mais nous attirons votre attention sur la nécessité de planifier vos absences ou d'en avertir votre hiérarchie, dans un délai qui permet d'organiser efficacement l'organisation de l'équipe.

Le 11 octobre 2005, votre contremaître ainsi que votre leader ont tenté de vous joindre sur votre portable à plusieurs reprises sans que vous ne répondiez à leurs appels. Monsieur [A] [L] a dû intervenir auprès d'OTIS LINE pour vérifier votre présence et pour faire passer un message par ce service. Vous n'avez pas daigné rappeler votre hiérarchie, alors que celui-ci voulait évoquer avec vous notamment une formation SAE prévue le 12 octobre 2005 au matin. Le 12 octobre 2005, votre contremaître a à nouveau tenté de vous joindre sans succès.

De plus, après vérification de votre activité sur OUTITEC, il apparaît qu'aucune synchronisation n'a été faite entre le 5 octobre 2005 et le 12 octobre 2005. De plus, les heures d'arrivées sur site sont cliquées dès le départ de l'appareil précédant.

Nous vous rappelons que l'entreprise vous a fourni des outils de communication ( téléphone portable ) et externe ( OUTITEC) pour assurer votre mission de technicien.

Vous comprendrez que l'ensemble de ces faits nuit à la bonne marche de l'équipe et à son organisation.

De plus nous vous rappelons que c'et à votre contremaître de fixer les directives et les priorités de travail et de présence au centre de service ( à l'exception de vos temps de délégation).

Si de tels agissements étaient de nouveau constatés, nous serions amenés à prendre à votre égard des mesures disciplinaires.

Nous avons bien entendu vos remarques, mais nous vous confirmons que nous avons été amenés à vous affecter pour raison de service, et pour quelques semaines seulement, à un poste correspondant à l'activité maintenance et dépannage, alors que vous êtes habituellement affecté à l'exécution de travaux de réparation '.

(JPZ 15) Par courrier du 28 novembre 2005, le salarié a contesté les termes du courrier précédent en indiquant qu'il avait subi au cours de l'entretien de nombreuses allusions désobligeantes concernant son mandat et que le changement imposé était un changement de métier et non de tournée.

L'employeur conteste que ce courrier soit constitutif d'un avertissement.

La qualification de sanction suppose l'existence d'un agissement considéré comme fautif par l'employeur et la caractérisation d'une volonté de l'employeur de sanctionner cet agissement.

En l'espèce, la société précisant dans le courrier du 28 octobre 2005 qu'elle en sanctionne pas les faits celui-ci est constitutif seulement d'une mise en garde.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 28 octobre 2005.

Par courrier du 26 mars 2012, la société a notifié au salarié ce qui suit :

' Dans le cadre de votre activité vous avez eu à intervenir sur les appareils WV247 et WV248 du lycée [11] à [Localité 13].

Il apparaît que les registres d'entretien n'ont pas été correctement renseignés comme la législation nous le demande.

Ainsi, je tiens à vous rappeler les obligations légales et contractuelles associées à nos contrats d'entretien en la matière et que la mise à jour des registres d'entretien des appareils sur lesquels vous intervenez fait partie de vos obligations professionnelles et ce quelles que soient les installations.

Je sais pouvoir compter sur vous pour la prise en compte de ces recommandations. '

Par courrier du 12 avril 2012 ( JPZ 21) le salarié a contesté les faits. en soulignant le fait que les reproches intervenaient 3 semaines après l'expiration de son mandat.

Le courrier du 26 mars 2012 ne révélant pas une volonté de sanctionner mais étant un simple rappel de consignes, il n'a pas non plus le caractère d'une sanction et le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 26 mars 2012.

Par courrier du 7 avril 2014, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à sanction fixé au 16 avril 2014 (pièce JPZ 22 du salarié), donnant lieu, le 12 mai 2014, à une mise à pied disciplinaire d'une journée pour manquement grave aux règles de sécurité fixée au 23 mai 2014 (pièce JPZ 24 du salarié) pour les motifs suivants :

' Lors de la visite chantier du 20 février 2014, nous avons pu constater un manquement grave aux règles de sécurité.

Ainsi, il a été constaté en votre présence la non conformité de la pose des chaînes de retrait par la présence d'une clef plate ainsi que d'un pied de biche en lieu et en place d'un point d'ancrage conforme aux exigences des procédures d'élingage en vigueur dans notre société.

Au cours de l'entretien préalable à sanction qui s'est tenu en présence de M. [D] [X] - directeur d'agence - et M. [S] [P] au sein de l'agence de [Localité 12] le mercredi 16 avril 2014, entretien auquel vous étiez assisté de M. [W] [F], nous avons souhaité entendre vos explications sur les faits mentionnés plus haut.

Vous n'avez pas émis de commentaires sur les faits décrits ci-dessus.

Nous ne pouvons accepter un tel manquement de votre part aux règles de sécurité.

Ce dernier est constitutif d'une violation des règles cardinales dans le domaine de l'élingage, du levage et du blocage mécanique. (...) '

Le salarié conteste le déroulement de l'entretien en faisant valoir qu'aucun grief ne lui a été reproché et qu'il lui a seulement était demandé de répondre à des questions sur ce qui avait été constaté par M. [V] lors de l'intervention des 19 et 20 février sur le [Adresse 5].

Il conteste également la réalité des faits reprochés ( JFZ 25) en expliquant qu'il ne connaît pas M. [V] de la société SCHUBB, et qu'il n'est resté sur ce chantier que l'après-midi du 19 février 2014.

L'employeur produit ( JFZ 14) un document intitulé ' Visites chantiers ' [Localité 12] 20 février 2014 qui mentionne des écarts aux règles de sécurité et que les points d'ancrage doivent être à l'aplomb de l'élingage et qu'une clé plate ou un pied de biche ne peuvent faire office de point d'ancrage.

Ce document n'est pas signé et ne mentionne pas les conditions de constatations des irrégularités et la présence de M. [K] sur le site.

L'employeur, qui ne démontre pas que M. [K] travaillait sur ce site le 20 février 2014, n'établit pas que celui-ci est l'auteur de ce manquement aux règles de sécurité.

Il convient donc, infirmant le jugement, d'annuler la mise à pied disciplinaire et d'accorder au salarié le rappel de salaire afférent.

Sur la discrimination syndicale :

Il ressort de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, qu'aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte notamment en matière de promotion professionnelle en raison de ses activités syndicales.

L'article L. 2141-5 prévoit qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. Un accord détermine les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie professionnelle avec la carrière syndicale et pour prendre en compte l'expérience acquise, dans le cadre de l'exercice de mandats, par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle.

Sur le terrain de la preuve, il n'appartient pas au salarié qui s'estime victime d'une discrimination d'en prouver l'existence. Selon l'article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A juste titre, le salarié fait valoir que le mécanisme probatoire de la discrimination se distingue de celui applicable à l'inégalité de traitement, puisque dans la première hypothèse le salarié n'est pas tenu de comparer sa situation à celle d'autres salariés en situation identique, mais seulement de présenter des éléments de sa situation personnelle qui laissent présumer l'existence d'une discrimination.

Contrairement à ce que prétend l'employeur, le salarié ne forme pas de demande au titre d'une inégalité de traitement mais s'en prévaut au soutien de sa demande de discrimination syndicale.

A titre liminaire, le salarié fait état de l'existence au sein de la société d'une répétition méthodique d'actes discriminatoires à l'égard des élus CGT qui se traduit en particulier par une évolution de carrière inférieure à celle dont bénéficie la majorité des salariés et aussi par une mise à l'écart lors de certaines réunions de représentants du personnel.

Sur l'évolution de carrière :

Embauché en 1988 au coefficient 170, M. [K] est passé au coefficient 190 en 1991, au coefficient 215 en 2003, au coefficient 240 en 2009 et au coefficient 255 en 2016.

Il est donc resté 2 ans au coefficient 170, 11 ans au coefficient 190, 5 ans au coefficient 215 et 7 ans au coefficient 240.

S'il est resté 11 ans au coefficient 190 il a obtenu son passage au coefficient 215 juste après le début de ses activités de représentant du personnel.

En 2008, il s'est plaint de discrimination. Il a alors été inscrit pour passer les tests en 2009, tests qu'il a réussis. Il a alors été classé au coefficient 240.

Depuis son premier mandat en 2002, M. [K] a changé en 14 ans trois fois de coefficient en 2003, 2009 et 2016, alors que sur la période précédente de 1988 à 2002 soit 14 ans il n'avait changé de coefficient qu'une fois.

L'évolution anormale de carrière depuis ses mandats alléguée n'est pas établie.

Sur le manque de formation :

Le salarié met en cause la fiabilité des listes de formation alléguées par l'employeur.

Pour sa part, il produit (JPZ 13) un document issu de l'intranet de l'entreprise, intitulé ' formation des techniciens ' édité le 14 mars 2012, dont il résulte qu'entre le 29 mars 1999 et le 10 octobre 2011 il a suivi 25 formations mais que seules 9 formations sont des formations techniques.

Il en résulte aussi que M. [K] n'a bénéficié d'aucune formation en 2000 et 2008, ce qui ressort de la liste produite par l'employeur contestée par le salarié.

Dans un courrier du 18 juin 2008, (JPZ 10) l'employeur a d'ailleurs admis que M. [K] n'avait pas bénéficié de formation technique depuis 3 ans.

Le défaut de formation est établi.

Sur la prise en compte des mandats dans l'appréciation des qualités professionnelles :

Dans l'entretien d'évaluation de l'année 2007 en date du 30 mai 2008 ( JPZ 35), le notateur a indiqué ' bonne connaissance de l'entreprise fait aussi partie du comité d'entre prise et délégué '. Cette mention, qui précise la bonne connaissance de l'entreprise, est donc favorable au salarié.

Le salarié soutient que dans l'évaluation du 20 février 2009 ( JPZ 36), en filigrane apparaît une critique du temps qu'il consacre à son activité syndicale.

Alors que l'évaluation est bonne sur beaucoup de point, la perspective d'amélioration donnée par le manager est ' plus d'investissement ' sans autre précision. Il ne peut cependant en être déduit qu'il s'agit d'une allusion aux mandats du salariés.

La prise en compte des mandats alléguée n'est pas établie.

Sur la dégradation de ses conditions de travail à compter de son élection :

M. [K] soutient qu'à partir de ses mandants en 2002 et surtout de son affiliation à la CGT en 2004, il a fait l'objet d'avertissements injustifiés.

Le salarié a été débouté de ses demandes d'annulation des soi-disant avertissements des 28 octobre 2005 et 2012.

Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit de reproches formulés par l'employeur sans que celui-ci n'en démontre le bien fondé.

La mise à pied disciplinaire notifiée le 12 mai 2014 a été annulée.

Par courrier du 7 mars 2006, (JPZ16), M. [K] a été félicité pour la qualité de son intervention au Hilton de [Localité 12] le 28 février 2006.

Il établit s'être plaint le 23 mai 2006 de ne pas avoir reçu de primes contrairement à ses collègues qui ont tous reçu le même montant alors qu'il était le seul réparateur de l'équipe.

Il lui a été répondu que la prime techniciens est une prime d'équipe répartie par la hiérarchie

et que ses résultats ont été affectés par le fait qu'en septembre 2005 il avait changé de poste pour assurer la maintenance pendant 3 mois.

Par courrier du 12 mars 2010, il s'est plaint d'être une nouvelle fois mis à l'écart de la prime technicien, puisque les 7 techniciens maintenance ont reçu une prime et que lui-même seul réparateur n'en a pas eu.

Il lui a été répondu qu'en 2009, seul l'objectif sur les CRI appels clients a été atteint par l'équipe, qu'en sa qualité de technicien réparateur il n'y a pas participé et n'était donc pas éligible à la répartition de cette prime et qu'en outre l'attribution de la prime technicien est laissée à la libre initiative de la hiérarchie.

La dégradation des conditions de travail est établie.

Sur la comparaison avec la situation des salariés embauchés à la même période :

A juste titre, le salarié conteste la méthode des salariés mystères utilisée par l'employeur qui se prévaut de la situation de salariés anonymes ne figurant pas dans le panel dressé en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, sur lesquels il donne très peu d'indication.

Le salarié se compare avec 27 de ses collègues embauchés comme lui en 1988, en qualité d'agent qualifié de montage, au coefficient 170.

(JPZ 28) Avant ses mandats, en 2002, M. [K] avait le coefficient 190 comme 8 salariés, 1 seul ayant le coefficient 190. En 2004, il avait le coefficient 215 comme 13 autres salariés, 4 salariés avaient encore le coefficient 190 et les autres des coefficients supérieurs à 215.

En 2010, 11 salariés avaient un coefficient inférieur au sien et 5 équivalent.

M. [K] a bénéficié d'une évolution de coefficient dans la moyenne sans changement depuis son engagement syndical.

S'agissant de la comparaison des salaires ( JPZ 29), à l'embauche en 1988 M. [K] avait le salaire le plus élevé du panel. En 2002, il avait la 15 ème rémunération et en 2010, il avait la 17ème rémunération. La différence s'était donc faite bien avant ses engagements syndicaux.

S'agissant de l'attribution des primes, au cours de la période de 2002 à 2010 en 2004, année de son engagement à la CGT, le salarié a perçu une prime supérieure à la moyenne. Il a aussi perçu une prime supérieure à la moyenne en 2008 et 2009.

Finalement M. [K] a bénéficié d'une évolution dans la moyenne, aucun changement n'étant sensible après ses engagements syndicaux.

Ainsi seuls sont établis le défaut de formation, les abus de pouvoir de l'employeur et les difficultés d'attribution de primes en 2006 et 2010.

Ces éléments sont suffisants pour laisser présumer l'existence d'une discrimination syndicale.

Il incombe donc à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Dès lors que la société ne justifie pas du bien fondé des mises en garde et de la mise à pied disciplinaire et de l'attribution des primes 2005 et 2009, ni des raisons objectives qui ont privé le salarié de formations certaines années, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe.

Il convient donc, infirmant le jugement, de dire la discrimination syndicale établie.

Sur la réparation de la discrimination :

L'article L. 1134-5 du code du travail dispose :

' L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

Ce délai est susceptible d'aménagement conventionnel.

Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée '.

Il n'y a pas lieu d'examiner le moyen tiré de la prescription triennale soulevé par l'employeur uniquement au cas où l'inégalité de traitement serait retenue.

Concernant le repositionnement professionnel et le préjudice financier

Le salarié privé d'une possibilité de promotion par suite d'une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination. Il appartient au juge de rechercher à quel coefficient de rémunération le salarié serait parvenu sans la discrimination constatée.

Dès lors qu'il a été démontré que l'évolution de la carrière de M. [K] n'a pas été affectée par la discrimination syndicale subie, le salarié sera débouté de sa demande de repositionnement professionnel, de rappel de salaire et de primes d'ancienneté afférentes et de réparation du préjudice financier.

Concernant le préjudice moral

Les abus de pouvoir de l'employeur et le défaut de formation ont causé au salarié un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros.

Sur les intérêts :

Les règles de droit des intérêts légaux seront appliquées aux présentes condamnations sans qu'il soit nécessaire de les assortir d'une astreinte.

Sur les demandes du syndicat CGT Otis :

La discrimination syndicale subie par M. [K] du fait de son appartenance au syndicat CGT a porté atteinte à l'intérêt collectif des travailleurs représentées par le syndicat CGT Otis.

Il convient, infirmant le jugement de ce chef, d'allouer au Syndicat CGT Otis la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Il est inéquitable de laisser à la charge du salarié et du syndicat CGT Otis les frais par eux exposés non compris dans les dépens en cause d'appel à hauteur respectivement de 2 000 euros et 500 euros.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Annule la mise à pied disciplinaire notifiée le 12 mai 2014 et ordonne le rappel de salaire afférent à cette mise à pied,

Dit la discrimination syndicale établie,

Condamne la société Otis à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral au titre de la discrimination syndicale, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la société Otis à payer au syndicat CGT Otis la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

Confirme le jugement pour le surplus,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne la société Otis à payer à M. [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,

Condamne la société Otis à payer au syndicat CGT Otis la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Déboute la société Otis de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Otis aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, présidente et M. Achille TAMPREAU, greffier.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00292
Date de la décision : 25/09/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°17/00292 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-25;17.00292 ?
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