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25/09/2019 | FRANCE | N°17/00215

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 25 septembre 2019, 17/00215


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 SEPTEMBRE 2019



N° RG 17/00215 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RHJ5



AFFAIRE :



[G] [R]



C/



SARLAU ALDI MARCHÉ



Syndicat CGT DES PERSONNELS ALDI MARCHÉ





Décisions déférées à la cour : Décisions rendues le 29 Septembre 2014 par le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes de RAMBOUI

LLET et le 14/12/2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

Section : Encadrement

N° RG : 14/264 et 15/76







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



SCP COURTAIGNE AVOCATS



M. [Y] [E...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 SEPTEMBRE 2019

N° RG 17/00215 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RHJ5

AFFAIRE :

[G] [R]

C/

SARLAU ALDI MARCHÉ

Syndicat CGT DES PERSONNELS ALDI MARCHÉ

Décisions déférées à la cour : Décisions rendues le 29 Septembre 2014 par le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes de RAMBOUILLET et le 14/12/2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

Section : Encadrement

N° RG : 14/264 et 15/76

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SCP COURTAIGNE AVOCATS

M. [Y] [E] (délégué syndical ouvrier)

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [R], appelant et intimé

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par M. [Y] [E] (délégué syndical ouvrier)

****************

SARL ALDI MARCHÉ, appelante et intimée

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52, substituée par Me Thomas KABORE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K020

****************

Syndicat CGT DES PERSONNELS ALDI MARCHÉ

Aldi marché [Localité 3]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par M. [Y] [E] (délégué syndical ouvrier)

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 02 Juillet 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 janvier 2004, M. [G] [R] a été engagé par la société Aldi Marché en qualité d'assistant de magasin. Le 1er septembre 2009, M. [G] [R] a été promu responsable de magasin, statut cadre.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération mensuelle brute de 3 350,75 euros.

M. [R] a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail entre le 19 juillet et le 15 septembre 2013 puis du 4 novembre au 4 décembre 2013.

A l'issue des visites médicales des 17 décembre 2013 et 2 janvier 2014, la médecine du travail a déclaré M. [R] inapte à son poste de travail, tout en restant apte dans un autre contexte relationnel et organisationnel pour un poste équivalent.

Par lettre du 17 janvier 2014, la société Aldi Marché a proposé à M. [R] plusieurs offres de reclassement qu'il a refusées.

Par lettre du 12 février 2014, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement puis s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude physique avec impossibilité de reclassement par lettre du 25 février 2014.

La société Aldi Marché employait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail et la convention collective nationale applicable à la relation de travail est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

Contestant son licenciement, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet, le 14 août 2014, pour demander essentiellement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la nullité du forfait-jours, un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, les repos de compensation et congés payés y afférents ainsi que des dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité.

Le conseil de prud'hommes de Rambouillet a rendu le 29 septembre 2014 une ordonnance contre laquelle M. [R] a fait appel (RG 15/01603).

Par jugement du 14 décembre 2015, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Aldi [Localité 3] à payer à M. [R] les sommes suivantes :

- 10 728,30 euros au titre des heures supplémentaires majorées des congés payés,

- 1 003,06 euros au titre du repos compensateur majoré des congés payés pour l'année 2013,

- condamné la société Aldi [Localité 3] à payer à M. [R] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [R] du surplus et des autres chefs de demande,

- débouté la société Aldi [Localité 3] de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Aldi [Localité 3] aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution.

Les parties ont régulièrement relevé appel du jugement les 7 et 14 janvier 2016 (RG 16/00309).

Par lettre reçue le 10 janvier 2017, M. [R] a sollicité la réinscription des affaires radiées, qui avaient été enregistrées sous les numéros RG 15/01603 et 16/00309, pour qu'elles soient rétablies au rôle des affaires en cours.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 2 juillet 2019, M. [R] demande à la cour de :

- le recevoir en ses demandes,

- de confirmer la condamnation aux titres des heures supplémentaires sauf en ce qu'elle en a limité le quantum,

- dire et juger la convention de forfait-jours nulle et en tirer les conséquences de droit,

- et statuant à nouveau, condamner la société Aldi Marché [Localité 3] à payer la somme de 40 209 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Aldi Marché [Localité 3] à payer la somme de 41 404,80 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents,

- condamner la société Aldi Marché [Localité 3] à payer la somme de 11 570,13 euros au titre du temps de repos de compensation et congés payés afférents,

- condamner la société Aldi Marché [Localité 3] à payer la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- condamner la société Aldi Marché [Localité 3] à payer la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

- condamner la société Aldi Marché [Localité 3] à payer la somme de 20 105 euros au titre du travail dissimulé,

- condamner la société Aldi Marché [Localité 3] à lui payer pour le non-respect des règles de modulation 10 000 euros de dommages et intérêts,

- condamner la société Aldi Marché [Localité 3] à payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation ASSEDIC conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours, 30 jours après la décision à intervenir, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte sur simple requête,

- ordonner en application des dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil le versement par l'entreprise des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes s'agissant des demandes formulées au titre des salaires et à compter du prononcé de l'arrêt s'agissant des sommes ordonnées au titre des dommages-intérêts et prononcer en outre la capitalisation des intérêts,

- recevoir le syndicat CGT des personnels Aldi Marché,

- condamner la société Aldi Marché [Localité 3] à payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts,

- condamner la société Aldi Marché [Localité 3] à payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 2 juillet 2019, la société Aldi Marché demande à la cour de :

- prononcer la jonction avec l'affaire n° 17/00215,

- in limine litis, déclarer l'action du syndicat CGT irrecevable,

A titre principal, confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a condamnée au versement des sommes suivantes :

- 10 728,30 € au titre des heures supplémentaires majorées des congés payés,

- 1 003,06 € au titre du repos compensateur majoré des congés payés pour l'année 2013,

- en conséquence, débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter le syndicat CGT des personnels Aldi Marché de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire, si la convention de forfait annuel en jours était jugée nulle, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En tout état de cause, condamner M. [R] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le syndicat CGT des personnels Aldi Marché à lui verser la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [R] et le syndicat CGT des personnels Aldi Marché aux entiers dépens,

MOTIFS :

Considérant qu'à titre liminaire, la société Aldi Marché demande le rejet des prétentions et pièces qui lui ont été communiquées à la veille de l'audience ;

Considérant toutefois que l'affaire dont la cour est saisie est soumise aux règles de la procédure orale et les corrections apportées par M. [R] à ses précédentes conclusions ne portent que sur l'augmentation de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le point de départ et la capitalisation des intérêts ;

Considérant que l'intimée n'avait donc pas besoin de plus de temps pour sa défense et les pièces qui lui ont été communiquées sont les mêmes que les précédentes ;

Qu'il y a donc lieu de rejeter sa demande visant à écarter les dernières conclusions et pièces de M. [R] ;

Sur le recours dirigé contre l'ordonnance du 29 septembre 2014 et la demande de jonction :

Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure que les recours successivement introduits par M. [R] contre l'ordonnance du 29 septembre 2014 puis contre le jugement du 14 décembre 2015 ont été joints sous le numéro RG 17/00215 ;

Considérant que, compte tenu de l'évolution du litige, le salarié se désiste de l'appel dirigé contre l'ordonnance et il convient de lui en donner acte ;

Sur la contestation de la recevabilité de la l'action du syndicat CGT des personnels Aldi Marché :

Considérant que pour contester la recevabilité de cette action, la société Aldi Marché rappelle qu'en vertu des articles L 2131-3 et R 2131-1 du code du travail, les fondateurs de tout syndicat professionnel doivent déposer en mairie les statuts et noms de ceux qui sont chargés de la direction et qu'il appartient au syndicat d'établir la preuve du dépôt des statuts ;

Considérant cependant qu'il ressort des pièces de la procédure que les statuts du syndicat CGT des personnels Aldi Marché ont été régulièrement déposés ainsi que le nom de son représentant ;

Considérant que le secrétaire général de ce syndicat justifie, par un pouvoir spécial, être habilité pour agir dans la présente procédure ;

Considérant qu'enfin, le présent litige relatif notamment à l'application de la convention de forfait- jours aux responsables de magasin Aldi pose une question susceptible de concerner d'autres salariés se trouvant dans une situation équivalente et autorise l'intervention des organismes syndicaux chargés de la défense des intérêts collectifs de la profession ;

Qu'il y a donc lieu de rejeter les fins de non-recevoir soulevées en cause d'appel par la société Aldi Marché ;

Sur la contestation du bien-fondé du licenciement pour inaptitude physique d'origine non professionnelle :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, 'lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail' ;

Considérant que M. [R] considère d'abord que son employeur n'a pas satisfait à son obligation en limitant indûment le périmètre de recherche de reclassement aux seuls postes disponibles sur le territoire français alors que le groupe développe ses activités à travers toute l'Europe ;

Considérant cependant que le périmètre de reclassement n'est étendu au-delà des frontières nationales que si les activités, le lieu d'exploitation, l'organisation ou la gestion commune permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Considérant qu'en revanche, le seul lien financier ne suffit pas à caractériser une telle possibilité de permutation ;

Considérant qu'en l'espèce, la société Aldi Marché justifie du fait que l'organisation du travail est complètement différente selon les pays où la marque est exploitée et qu'il n'existe aucune relation économique ou gestion commune permettant la permutation de tout ou partie du personnel en dehors de la France ;

Considérant que l'employeur n'avait donc pas à étendre sa recherche de reclassement aux autres pays où l'enseigne Aldi est exploitée de manière indépendante les uns des autres ;

Considérant ensuite que M. [R] estime qu'aucune des offres de reclassement qui lui ont été faites n'était loyale dans la mesure où elles comportaient toutes les mêmes contraintes physiques et reproche à son employeur de ne pas avoir recherché d'autres possibilités de reclassement alors qu'il existait de nombreux postes vacants ;

Considérant toutefois que la société Aldi Marché justifie avoir soumis à M. [R] plusieurs offres de reclassement correspondant aux recommandations de la médecine du travail, dont plusieurs postes administratifs ne présentant aucune contrainte physique et des postes d'assistant ou de responsable de magasin comparables à celui précédemment occupé par le salarié et situés à 23 km de son domicile ;

Considérant qu'il est également établi qu'un entretien a été proposé à M. [R] pour discuter de ces possibilités de reclassement et qu'il a refusé de s'y rendre ;

Considérant qu'enfin, le salarié ne peut utilement critiquer l'offre de reclassement qui lui a été faite aux mêmes fonctions de responsable de magasin sur le site de [Localité 4] sous prétexte que cela l'exposerait aux mêmes conditions de travail qu'antérieurement dès lors que le médecin du travail l'a reconnu inapte à son emploi mais 'apte à un autre emploi dans un autre contexte relationnel et organisationnel, même dans un poste équivalent' ;

Considérant que le reclassement sur un poste équivalent n'était donc pas exclu par le médecin du travail et les témoignages recueillis par le salarié ne confirment pas ses craintes sur la nature et l'organisation du travail proposé à titre de reclassement qui avait l'avantage d'être situé à une faible distance de son domicile ;

Considérant qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le salarié, la société Aldi Marché a satisfait à son obligation de reclassement ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il le déboute de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur l'application de la convention de forfait-jours et la demande en paiement d'heures supplémentaires :

Considérant que M. [R] soutient que la convention individuelle de forfait annuel en jours qui lui a été appliquée est nulle car les dispositions de l'accord collectif n'assurent pas la protection de la sécurité et de la santé des salariés et que sa charge de travail n'était pas suivie comme elle le devait ;

Considérant que la société Aldi Marché prétend au contraire que l'accord d'entreprise du 1er octobre 2012 remplit toutes les conditions nécessaires à la validité du forfait-jours ;

Considérant qu'elle se prévaut notamment des articles 3 sur le suivi du forfait-jours et 4 sur l'amélioration des conditions de travail qui permettent de s'assurer du respect des obligations de repos quotidien et hebdomadaire, de vérifier le nombre de jours travaillés et prévoit des entretiens individuels pour aborder l'organisation, la charge de travail ainsi que l'articulation entre vie professionnelle et vie privée ;

Considérant cependant que les dispositions de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire relatives aux forfaits jours ne comportent pas de garanties suffisantes pour que la charge et l'amplitude de travail des salariés concernés restent raisonnables et l'accord d'entreprise du 1er octobre 2012 n'est pas davantage protecteur de sorte que la loi de validation du 8 août 2016 ne peut pas non plus recevoir d'application ;

Considérant qu'en tout état de cause, la société Aldi Marché ne justifie pas avoir organisé pendant la période considérée un entretien individuel sur la charge de travail de M. [R] comme elle y était tenue ; que la tenue des entretiens professionnels d'évaluation ne peut y suppléer et n'est pas suffisante pour assurer le suivi de la charge de travail ;

Considérant que de même, le conseil de prud'hommes a relevé à juste titre que l'employeur ne rapportait pas la preuve du suivi des repos quotidiens et hebdomadaires ;

Considérant que c'est donc à juste titre qu'il a considéré que la convention de forfait n'était pas opposable à M. [R] et que ce dernier était donc en droit de demander le paiement des heures supplémentaires accomplies pour l'exécution de son travail ;

Considérant qu'en application de l'article L.3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties mais il appartient au salarié d'étayer préalablement sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Considérant qu'en l'espèce, M. [R] verse aux débats un tableau récapitulant, semaine après semaine, le nombre d'heures de travail accomplies entre juillet 2010 et décembre 2012 ;

Considérant que pour s'opposer à la demande de rappel de salaire en résultant, la société Aldi Marché relève d'abord que les éléments fournis ne sont pas suffisamment précis mais les décomptes du salarié reportent pour chaque semaine des durées différentes de travail en fonction de l'affluence en magasin et sont complétés par la liste de présence du salarié et de ses plannings horaires ;

Considérant que de même, l'employeur soutient sans fondement que les heures de travail n'ont pas été effectuées à sa demande expresse alors que le travail réalisé par M. [R] était nécessaire au fonctionnement du magasin dont il avait la responsabilité ;

Considérant qu'en revanche c'est à juste titre que le salarié demande la réformation du jugement qui a limité le rappel de salaire aux périodes non frappées par la prescription sans prendre en considération le fait qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, la prescription était supérieure à trois années ;

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il reconnaît l'existence d'heures supplémentaires mais la condamnation de la société Aldi Marché sera porté à la somme de 41 404,80 € au titre du rappel d'heures supplémentaires outre les congés payés afférents et à celle de 11 570,13 € au titre du repos compensateur le tout majoré des congés payés y afférents ;

Sur la demande au titre du travail dissimulé :

Considérant que M. [R] formule une demande de ce chef en considérant que son employeur ne pouvait ignorer qu'il accomplissait un nombre d'heures supérieur à celui déclaré ;

Considérant toutefois que, comme le fait observer à juste titre la société Aldi Marché, la seule application d'une convention de forfait illicite ne suffit pas à caractériser l'intention de l'employeur de dissimuler une partie du temps de travail du salarié ;

Considérant que par ailleurs la lettre d'observations de l'URSSAF à laquelle se réfère M. [R] n'aborde pas la question des conventions de forfait ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejette la prétention de M. [R] sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail ;

Sur la demande indemnitaire pour non-respect des règles de modulation du temps de travail :

Considérant que M. [R] soutient que l'accord de modulation du temps de travail de janvier 2004 à décembre 2008 n'était pas conforme aux dispositions du code du travail au motif qu'il ne comportait pas de programme indicatif de la répartition de la durée du travail ni la définition des contreparties dues au salarié en cas de réduction du délai de prévenance de sept jours préalable à toute modification du programme indicatif ;

Considérant cependant que sous couvert d'une demande indemnitaire, le salarié poursuit en réalité la réparation du préjudice résultant de la perte de salaire dont il ne peut plus réclamer le paiement du fait de la prescription ;

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges l'ont débouté de cette prétention ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur les demandes en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité :

Considérant qu'aux termes de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il appartient au salarié qui se plaint de subir des agissements répétés de harcèlement moral, de présenter des faits précis et concordants permettant d'en présumer l'existence et il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant qu'en l'espèce, M. [R] fait état de ses mauvaises conditions de travail à l'origine d'une dégradation de son état de santé et des avertissements qui lui ont été notifiés au cours de l'exécution de la relation de travail sans plus de précision ; qu'il estime que l'organisation mise en place par l'entreprise était basée sur la pression et dénonce à nouveau l'application illicite d'une convention de forfait ainsi que l'insuffisance des recherches de reclassement :

Considérant que la société Aldi Marché relève pour sa part que les sanctions infligées au salarié n'ont fait l'objet d'aucune contestation et souligne le fait que les pressions qu'aurait prétendument subies le salarié et ses mauvaises conditions de travail sont invoquées d'une façon générale sans le moindre élément factuel à l'appui de ses allégations ;

Considérant qu'il n'est effectivement relaté aucun fait précis pour illustrer les méthodes de management de l'employeur en dehors du refus d'une formation finalement accordée l'année suivante et des avertissements fondés sur des fautes dont le salarié ne conteste pas la réalité mais leur caractère inévitable compte tenu de ses conditions de travail ;

Considérant qu'enfin, si la dégradation de l'état de santé du salarié est certaine, son lien avec des agissements répétés de l'employeur ne peut résulter des certificats de médecins ayant seulement recueillis ses doléances sans aucune vérification de ses conditions de travail ;

Considérant qu'ainsi, appréciés dans leur ensemble, les faits présentés par le salarié à l'appui de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral ne permettent pas d'en présumer l'existence ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Considérant que de même, c'est à juste titre que les premiers juges l'ont débouté de sa demande indemnitaire pour violation de l'obligation de sécurité dès lors qu'il n'est pas établi que la société Aldi Marché se soit abstenue de mettre en oeuvre les mesures nécessaires à la protection de la santé de ses salariés et ait ainsi méconnu son obligation :

Sur les demandes du syndicat CGT des personnels Aldi Marché :

Considérant que le syndicat formule une demande indemnitaire en raison de la mise en place d'une modulation du temps de travail en dehors des conditions requises par la loi mais la demande du salarié ayant été rejetée sur ce point, il en sera de même pour celle du syndicat ;

Considérant qu'en tout état de cause, l'organisation syndicale ne justifie pas de l'existence du préjudice dont il demande réparation ;

Qu'il convient de le débouter de ses prétentions ;

Sur les autres demandes :

Considérant que les intérêts légaux courront à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation pour les créances salariales ; que les intérêts échus pour une année entière à compter de la demande capitalisation porteront eux-mêmes intérêts ;

Considérant que les bulletins de salaire et l'attestation Pôle emploi devront être rectifiés conformément au présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte ;

Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, la société Aldi Marché sera condamnée à verser à M. [R] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 et déboutée de sa propre demande à ce titre ;

Considérant que le syndicat CGT des personnels Aldi marché qui succombe en sa demande indemnitaire sera déboutée de ses prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il ne sera pas davantage fait droit à la demande d'Aldi Marché à ce titre ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;

- Rejette la demande de la société Aldi Marché visant à écarter les pièces et conclusions communiquées en juin 2019 par M. [G] [R] :

- Constate que les instances initialement suivies sous les numéros RG 15/01603 et 16/00309 ont été joints sous le numéro 17 00215 ;

- Donne acte à M. [G] [R] de son désistement de l'appel dirigé contre l'ordonnance du 29 septembre 2014 ;

- Rejette les fins de non recevoir opposée par la société Aldi Marché à la présence du syndicat des personnel Aldi Marché dans la procédure ;

- Confirme le jugement sauf en ce qu'il limite le montant du rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs à des sommes inférieures à celles qui sont dues au salarié ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

- Porte les condamnations de la société Aldi Marché en faveur de M. [G] [R] aux sommes suivantes :

- 41 404,80 € à titre de rappel d'heures supplémentaires outre les congés payés y afférents,

- 11 570,13 € au titre des repos de compensation outre les congés payés y afférents ;

- Rappelle que les sommes ainsi allouées portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation ;

- Dit que les intérêts échus pour une année entière à compter de la demande de capitalisation porteront eux-mêmes intérêts ;

- Ordonne à la société Aldi Marché de délivrer à M. [G] [R] les bulletins de salaire et une attestation Pôle emploi rectifiés conformément au présent arrêt ;

- Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;

- Déboute le syndicat CGT des personnels Aldi Marché de sa demande indemnitaire :

- Condamne la société Aldi Marché à payer à M. [G] [R] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- Rejette les autres prétentions des parties à ce titre ;

- Condamne la société Aldi Marché aux dépens ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00215
Date de la décision : 25/09/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°17/00215 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-25;17.00215 ?
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