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19/09/2019 | FRANCE | N°18/00986

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 19 septembre 2019, 18/00986


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



TA

Code nac : 55B



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 SEPTEMBRE 2019



N° RG 18/00986 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SFMK



AFFAIRE :



SARL SAGA





C/

SNC FEDERATION EXPRESS INTERNATIONAL (FRANCE)









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 24 Janvier 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° Section :

N° R

G : 2015F00796



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT

Me Anne-laure DUMEAU







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

TA

Code nac : 55B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 SEPTEMBRE 2019

N° RG 18/00986 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SFMK

AFFAIRE :

SARL SAGA

C/

SNC FEDERATION EXPRESS INTERNATIONAL (FRANCE)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 24 Janvier 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 2015F00796

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Patricia MINAULT

Me Anne-laure DUMEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL SAGA

N° SIRET : 335 06 3 5 333

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20180055 - Représentant : Me Ingrid-mery HAZIOT de la SELEURL IMH, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0852

APPELANTE

****************

SNC FEDERATION EXPRESS INTERNATIONAL (FRANCE)

N° SIRET : 384 956 892

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : Me Anne L'HOIR de la SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0559 - Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42301

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mai 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Saga a pour activité la commercialisation, la conception et la fabrication de bijoux en métaux précieux, se fournissant en bijoux, matières et pierres précieuses auprès de la société Paris Bijoux, domiciliée en Thaïlande.

Le 4 octobre 2013, la société Paris Bijoux a confié en Thaïlande, à la société Fédéral Express International France (ci-après la société Fedex) l'expédition de deux colis d'un poids total de 40 kg à destination de la société Saga à Paris sous lettre de transport aérien (LTA) n°7968 3783 7335.

Le 7 octobre 2013, les colis, arrivés en France, ont été confiés à la société GLV, un sous-traitant de la société Fedex.

Le même jour, le camion de la société GLV a fait l'objet d'un braquage et l'ensemble de la cargaison, dont les colis à destination de la société Saga, a été volé.

Le 9 octobre 2013, la société Fedex a porté plainte contre X pour vol en réunion sous la menace d'une arme de poing et vol à la fausse qualité.

Le 1er novembre 2013, la société Paris Bijoux a de nouveau remis, en Thaïlande, à la société Fedex, trois colis de marchandises d'un poids de 30 kg devant être livrés à Paris à la société Saga sous lettre de transport aérien': LTA n°7970 5574 9638.

Les colis ont été livrés le 6 novembre 2013 à la société Saga, qui a constaté la disparition partielle de marchandises en or. Elle alors émis le même jour une réclamation auprès de la société Fedex faisant état d'un vol avec ouverture puis fermeture des colis proprement sans trace, et elle a déposé plainte pour vol le 7 novembre 2013.

La société Saga a ensuite, par lettre recommandée avec avis de réception du 24 mars 2014, mis en demeure la société Fedex de lui payer sous huitaine, les préjudices résultant du sinistre du 7 octobre 2013 s'élevant à la somme de 68.490 euros pour perte sèche de marchandises payées et à celle de 27.396 euros pour gain manqué de ventes non réalisées, atteinte à sa réputation professionnelle et troubles commerciaux pendant la période de Noël.

Elle a, par lettre recommandée avec avis de réception du 29 juillet 2014, étendu sa demande à l'expédition du 1er novembre 2013 ayant fait l'objet de la réclamation du 6 novembre 2013 restée sans réponse, et a sollicité le paiement de la somme de 60.119,37 euros pour perte de marge bénéficiaire moyenne non réalisée et de celle de 30.000 euros pour atteinte à sa réputation professionnelle et troubles commerciaux pendant la période de Noël.

Par courriel du 27 août 2014, la société Fedex a proposé, en réponse à la réclamation du 6 novembre 2013, le paiement d'une somme de 220 euros fondée sur sa limitation de garantie contractuelle.

C'est dans ce contexte que le 27 mars 2015 la société Saga a fait assigner la société Fedex devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 24 janvier 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a:

- Dit que la convention de Montréal du 28 mai 1999 s'appliquait au litige ;

- Condamné la société Fedex à payer à la société Saga la somme de 880 euros au titre du sinistre ayant affecté le transport objet de la LTA n°7968 3783 7335 ;

- Débouté la société Saga de sa demande indemnitaire au titre du transport objet de la LTA n°7970 5574 9638 ;

- Débouté la société Saga de ses demandes en paiement de dommages et intérêts au titre des gains manqués, de l'atteinte à sa réputation professionnelle et des troubles commerciaux et logistiques allégués ;

- Condamné la société Saga à payer à la société Fedex la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi, qu'aux dépens;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 13 février 2018, la société Saga a interjeté appel de la décision par acte visant expressément toutes les dispositions du jugement entrepris.

Par dernières conclusions notifiées le 25 mars 2019, la société Saga demande à la cour de:

- la déclarer tant recevable que bien fondée en son appel,

Et y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a :

-dit que la Convention de Montréal du 28 mai 1999 s'applique au présent litige;

-condamné la société Fedex à payer à la société Saga la somme de 880 euros au titre du sinistre ayant affecté le transport objet de la LTA n°7968 3783 7335 ;

-débouté la société Saga de sa demande indemnitaire au titre du transport objet de la LTA n°7970 5574 9638 ;

-débouté la société Saga de ses demandes en paiement de dommages et intérêts au titre des gains manqués, de l'atteinte à sa réputation professionnelle et des troubles commerciaux et logistiques allégués ;

- condamné la société Saga à payer à la société Fedex la somme de 5.000 euros assortie de l'exécution provisoire,

Et, statuant à nouveau,

- la dire recevable à agir à l'encontre de la société Fedex ;

- constater la qualité de commissionnaire de transport de la société Fedex ;

- constater l'application et la violation de la réglementation française en vigueur en matière de transports de fonds ;

- constater la faute inexcusable commise par la société Fedex dans la violation délibérée et réitérée de la réglementation française en vigueur en matière de transports de fonds, commise témérairement et avec conscience qu'un dommage en résulterait, excluant l'excuse de force majeure ;

- constater l'inopposabilité des limitations de garanties de la Convention de Montréal ;

- dire bien fondée la demande de dommages et intérêts de 23.694,95 euros (premiers colis volés) et 82.356,54 euros (deuxième colis vidé) au titre des pertes sèches ;

- dire bien fondée la demande en dommages et intérêts de 50.000 euros au titre des préjudices professionnels liés à la réputation et au bon fonctionnement de l'entreprise ;

En conséquence :

- condamner la société Fedex au paiement de dommages et intérêts au titre des pertes sèches, à hauteur de 106.051,49 euros ;

- condamner la société Fedex au paiement de 50.000 euros de dommages et intérêts au titre des préjudices subis du fait de l'atteinte à la réputation professionnelle et aux troubles commerciaux et logistiques qu'elle a subis,

- condamner la société Fedex au paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 699 du code de procédure civile ;

- débouter la société Fedex de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

- la condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 5 avril 2019, la société Fedex sollicite de la cour de:

A titre principal :

- dire et juger la société Saga mal fondée en son appel,

En conséquence:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la responsabilité de la société Fedex à la somme de 880 euros au titre du transport sous LTA n° 7968 3783 7335 et débouté la société Saga de sa demande indemnitaire au titre du transport objet de la LTA n° 7970 5574 9638 ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Saga de ses demandes en paiement de dommages et intérêts au titre des gains manqués, de l'atteinte à sa réputation professionnelle et des troubles commerciaux et logistiques allégués.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que la responsabilité de Fedex n'était pas limitée en application de la Convention de Montréal du 28 mai 1999,

- dire et juger la société Saga mal fondée en ses demandes indemnitaires,

En conséquence,

- l'en débouter.

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour écartait l'application de la Convention de Montréal et jugeait que la société Fédéral Express International France est intervenue en qualité de commissionnaire de transport:

A titre principal:

- dire et juger la société Saga irrecevable en ses demandes du fait de la prescription de son action à rencontre de la société Fedex ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Fedex n'encourt aucune responsabilité au titre du transport sous LTA n° 7968 3783 7335 et à défaut, dire que sa responsabilité est limitée à la somme de 880 euros,

- dire et juger que la responsabilité de la société Fédéral Express International France est limitée à la somme de 660 euros au titre du transport sous LTA n° 7970 5574 9638 ;

En conséquence,

- débouter la société Saga de ses demandes excédant ces sommes,

En tout état de cause,

- condamner la société Saga à lui payer la somme de 15.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mai 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de "constatations" qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques; il en est de même des "dire et juger" qui ne sont, en l'espèce, pas des prétentions mais des moyens.

Sur l'application de la Convention de Montréal aux deux LTA:

La société Saga conteste l'application de la Convention de Montréal au présent litige, excipant de la responsabilité de la société Fedex sur le territoire français en qualité de commissionnaire de transport .

Elle critique le jugement déféré qui a retenu la limitation pécuniaire de responsabilité de la société Fedex par application de la Convention de Montréal du 28 mai 1999, faisant valoir que la société Fedex n'a pas participé au transport aérien effectué par la société Federal Express Corporation, que cette convention ne trouve de toute façon pas à s'appliquer quand le dommage a eu lieu pendant le transport terrestre, que tel est le cas puisque le premier vol résulte d'un braquage survenu place de la Bastille à [Localité 3] et que le second vol provient d'une livraison tardive et défectueuse.

Elle considère que la société Fedex a la qualité de commissionnaire de transport des marchandises sur le territoire français, qu'elle avait pleinement connaissance de la valeur des bijoux transportés mais qu'elle n'a pas respecté la réglementation spécifique en matière de transports de fonds.

La société Fedex réplique qu'elle a agi en tant que transporteur aérien étant en charge de l'acheminement et de la livraison des colis de la Thaïlande à [Localité 3], que la Convention de Montréal doit s'appliquer en vertu des articles 3 et 5 du règlement CE n°793/2008 du 17 juin 2008 ( Rome I) et de l'article L.6422-2 du code des transports bien que la Thaïlande ne l'ait pas signée, que dès lors les limitations de responsabilité de la convention sont opposables à la société Saga.

****

Il ressort des pièces produites que les relations contractuelles de la société Saga et de la société Fedex sont uniquement matérialisées par deux lettres de transport aérien n°7968 3783 7335 et n°7970 5574 9638 aux termes desquelles la société Paris Bijoux a confié à la société Fedex le transport de colis d'un poids respectif de 40 kg et de 30 kg , sans mention de leur valeur, à destination de la société Saga.

Il est constant que le destinataire inscrit sur la lettre de transport aérien comme partie au contrat de transport et habilité comme tel à recevoir la marchandise délivrée par le transport aérien, en l'occurrence la société Saga, dispose du droit d'agir en responsabilité contre le transporteur aérien, et que toutes les clauses du contrat de transport, négociées par l'expéditeur dans l'intérêt du destinataire sont opposables à ce dernier qui est réputé y adhérer dès la formation de la convention.

La société Saga conteste la qualité de transporteur aérien de la société Fedex (Federal Express International), considérant que c'est la société Federal Express Corporation qui a assuré le transport aérien.

Cependant cette allégation est contredite par les deux LTA précitées qui comportent le nom de «FedEx Express» et précisent que «FedEx fait référence à Federal Express Corporation, ses filiales et succursales, employés, agents et entrepreneurs indépendants respectifs ['] Si votre expédition émane d'un pays extérieur aux Etats-Unis, votre contrat de transport est avec la filiale succursale FedEx ou entrepreneur indépendant qui accepte votre expédition».

Il sera en outre observé que ces deux lettres de transport aériens renvoient à l'application de «certains traités internationaux'» et notamment à la convention de Varsovie « ainsi modifiée» (la convention de Montréal a remplacé la convention de Varsovie) ainsi qu'aux conditions de transport de la société Fedex, qui sont communiquées au dossier, que ces LTA comportent le tampon et la signature de l'expéditeur, la société Paris Bijoux, qu'il est ainsi établi que les transports ont été confiés à la société Fedex France et sont soumis à ses conditions générales, lesquelles ayant été acceptées par l'expéditeur sont opposables au destinataire, c'est à dire à la société Saga.

Il en résulte que la société Fedex a bien la qualité de transporteur aérien pour le transport de ces colis acheminés de Thaïlande à destination de la société Saga et que ces deux transports sont dès lors soumis à la Convention de Montréal.

En effet, si la Thaïlande n'est signataire ni de la convention de Varsovie ni de la convention de Montréal, la société Fedex fait à juste titre référence et sans que cela ne soit d'ailleurs contesté par l'appelante, à l'article 5 du règlement CE n°793/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ( Rome 1) selon lequel «'À défaut de choix exercé conformément à l'article'3 ( le contrat est régi par la loi choisie par les parties), la loi applicable au contrat de transport de marchandises est la loi du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle, pourvu que le lieu de chargement ou le lieu de livraison ou encore la résidence habituelle de l'expéditeur se situe aussi dans ce pays. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, la loi du pays dans lequel se situe le lieu de livraison convenu par les parties s'applique'».

Alors qu'il n'est pas contesté que le lieu de livraison des colis est la France ainsi que cela est attesté par les deux LTA, il y a lieu de se référer aux dispositions de l'article L6422-2 du code des transports qui mentionnent que «la responsabilité du transporteur de marchandises par air est régie par les seules dispositions de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929 et de toute convention la modifiant ou la complétant et applicable en France, même si le transport n'est pas international au sens de cette convention'».

Par conséquent c'est bien la Convention de Montréal qui a vocation à s'appliquer à ces deux transports de marchandises en cause, sous réserve de l'examen de ses dispositions et de son champ d'application.

L'article 38 de la Convention de Montréal intitulé «'Transport intermodal'» stipule que «'1. Dans le cas de transport intermodal effectué en partie par air et en partie par tout autre moyen de transport, les dispositions de la présente convention ne s'appliquent, sous réserve du paragraphe 4 de l'article 18, qu'au transport aérien et si celui-ci répond aux conditions de l'article 1er'».

A cet égard, l'article 18 dénommé «'Dommage causé à la marchandise'» mentionne que':

«'1. Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de la marchandise par cela seul que le fait qui a causé le dommage s'est produit pendant le transport aérien.

2. Toutefois, le transporteur n'est pas responsable s'il établit, et dans la mesure où il établit, que la destruction, la perte ou l'avarie de la marchandise résulte de l'un ou de plusieurs des faits suivants :

a) la nature ou le vice propre de la marchandise ;

b) l'emballage défectueux de la marchandise par une personne autre que le transporteur ou ses préposés ou mandataires ;

c) un fait de guerre ou un conflit armé ;

d) un acte de l'autorité publique accompli en relation avec l'entrée, la sortie ou le transit de la marchandise.

3. Le transport aérien, au sens du paragraphe 1 du présent article, comprend la période pendant laquelle la marchandise se trouve sous la garde du transporteur.

4.La période du transport aérien ne couvre aucun transport terrestre, maritime ou par voie d'eau intérieure effectué en dehors d'un aéroport. Toutefois, lorsqu'un tel transport est effectué dans l'exécution du contrat de transport aérien en vue du chargement, de la livraison ou du transbordement, tout dommage est présumé, sauf preuve du contraire, résulter d'un fait survenu pendant le transport aérien. Si, sans le consentement de l'expéditeur, le transporteur remplace en totalité ou en partie le transport convenu dans l'entente conclue entre les parties comme étant le transport par voie aérienne, par un autre mode de transport, ce transport par un autre mode sera considéré comme faisant partie de la période du transport aérien'».

Il ressort de cet article qu'un transport terrestre nécessaire pour permettre la livraison de la marchandise au destinataire et ce faisant l'exécution du transport aérien international n'a pas pour effet d'écarter l'application de la convention de Montréal, le transport pouvant être considéré comme une seule et même opération, le transport aérien comprenant, outre le transport stricto sensu, la période pendant laquelle la marchandise se trouve sous la garde juridique du transporteur.

Cependant ainsi que le mentionne cet article, il s'agit d'une présomption simple («sauf preuve contraire») et dès lors s'il est rapporté la preuve que le dommage n'est pas survenu pendant le transport aérien, la convention de Montréal n'a plus vocation à s'appliquer.

Il convient dès lors d'examiner à quel stade du transport les dommages sont survenus aux colis des deux LTA.

En ce qui concerne le transport des marchandises sous LTA n° 7968 3783 7335' du 4 octobre 2013 :

Il résulte de la plainte déposée par la société Fedex le 7 octobre 2013 contre X pour vol en réunion sous la menace d'une arme et vol par fausse qualité que ce colis acheminé à la société Saga a fait l'objet d'un braquage commis à l'occasion de la livraison réalisée par la société GLV, sous-traitant de la société Fedex, des colis à [Localité 3] au siège de la société Saga.

La preuve étant ainsi rapportée que le dommage a eu lieu lors du transport terrestre de la marchandise sur le sol français entre l'aéroport [Établissement 1] et le lieu de livraison à [Localité 3], il convient en application de l'article 18.4 ci-dessus rappelé, d'écarter l'application du droit aérien issu de la Convention de Montréal et d'examiner la responsabilité du transporteur au regard des règles de droit interne régissant le transport routier des marchandises, les faits à l'origine du dommage ayant été commis à l'occasion du transport routier des colis en France.

Or, en application de l'article L. 3224-1 du code des transports, "S'il n'exécute pas un contrat de transport avec ses propres moyens, le transporteur public routier de marchandises peut le sous-traiter, pour tout ou partie, à une autre entreprise de Transport public routier de marchandises sous sa responsabilité.

(...)

Les responsabilités du transporteur routier qui recourt à la sous-traitance sont celles prévues par le code de commerce pour les commissionnaires de transport (...)".

En l'espèce, il résulte de la lettre de transport aérien que la société Fedex s'est engagée à assurer le transport et la livraison de colis de bijoux de la Thaïlande à [Localité 3] et il n'est pas contesté par la société Fedex qu'elle a chargé un sous-traitant d'opérer la livraison de l'aéroport CDG à la société Saga

Il y a lieu en conséquence d'apprécier la responsabilité de la société Fedex qui a organisé le transport litigieux conformément à l'article L3224 précité à la lumière du régime de responsabilité applicable au commissionnaire de transport.

A cet égard, en application de l'article L. 132-5 du code de commerce, le commissionnaire est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure. Il est en outre garant en vertu de l'article L. 132-6 de ce même code des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises.

La société Fedex soulève l'irrecevabilité de la demande de la société Saga sur le fondement de la prescription annale de l'action au visa de l'article L133-6 du code de commerce, ce que conteste la société Saga.

La société Fedex a déposé plainte le 9 octobre 2013 pour le braquage des marchandises destinées à la société Saga, mais cette dernière ne produit pas de plainte de sa part postérieure et n'apporte pas d'élément sur la suite donnée à cette plainte.

La société Saga fait cependant valoir que la société Fedex a reconnu sa responsabilité dans son courrier adressé le 27 août 2014.

Pour autant, ce courrier concerne uniquement la référence de transport n°7970 5574 9638, le simple fait d'indiquer dans ce courrier': «'je réserve à ma collègue en charge du dossier 7968 3783 7335'le résumé du dossier litige et je vous prie de bien vouloir me faire connaître les intentions de votre client'» n'est pas suffisant pour caractériser une reconnaissance du droit du réclamant et une volonté d'indemnisation de la part de la société Fedex sur ce transport.

Au surplus, les courriels échangés entre les parties en novembre 2013 et produits par la société Saga ( pièce 37) ne concernent que l'incident de novembre 2013 et non celui du mois d'octobre 2013.

Le délai d'un an courant à compter du dépôt de plainte de la société Fedex le 9 octobre 2013, l'action de la société Saga aux fins de voir reconnaître la responsabilité de la société Fedex en tant que commissionnaire de transports engagée par l'assignation qu'elle a délivrée le 27 mars 2015 pour ce transport n°7968 3783 7335' doit être déclarée irrecevable

En ce qui concerne le transport des marchandises sous LTA n° 7970 5574 9638:

Le gérant de la société Saga a adressé le 6 novembre 2013, par courriel à la société Fedex une réclamation au sujet de la livraison de ce colis, indiquant': «une boite légèrement cabossée'» et décrivant le dommage comme «' vol avec ouverture et fermeture des colis proprement sans trace'», sollicitant le paiement de la somme de 82 356,54 euros', et il a déposé plainte le 7 novembre 2013 pour vol de bijoux ( pièces 7 et 8).

La société Saga fait valoir que les colis ont été remis pour livraison le 4 novembre 2013 au matin mais ne sont arrivés à destination que le 6 novembre dans la matinée, et indique dans son dépôt de plainte que le vol s'est produit entre la prise en charge à l'aéroport et la livraison sur son site.

Force est cependant de constater que même à supposer que les colis auraient dû être acheminés sur le lieu de livraison le 4 novembre 2013, la société Saga ne produit aucun élément attestant que le vol des bijoux dans un des colis, arrivé «'légèrement cabossé'» s'est produit lors du transport terrestre entre l'aéroport CDG et l'adresse de la société Saga,

Il s'ensuit que la preuve contraire n'étant pas rapportée par la société Saga, le dommage est, au vu des développements explicités plus avant et en application des termes même de la Convention de Montréal, présumé résulter d'un fait survenu pendant le transport aérien.

Il convient en conséquence d'appliquer les modalités prévues par cette convention pour l'indemnisation des colis.

La société Saga explique que la seconde livraison a eu lieu avec deux jours de retard soit le 6 novembre, qu'elle a constaté le jour de l'arrivée des colis la disparition de nombreux bijoux. Elle déclare s'opposer au plafond prévu par l'article 22-3 de la Convention de Montréal mettant en avant la faute inexcusable de la société Fedex, du fait de la violation délibérée des dispositions relatives au transport de fonds et objets précieux et de son manquement téméraire à son obligation de vigilance renforcée par le choix d'un sous-traitant non conforme.

La société Fedex fait valoir que la Convention de Montréal ne prévoit pas la faute inexcusable du transporteur aérien, en contrepartie de la lourdeur du régime de responsabilité qui lui est applicable.

Elle demande la confirmation du jugement qui a débouté la société Saga de sa demande d'indemnisation sur ce deuxième incident, expliquant que les colis ont été livrés le 4 novembre 2013 à la société Saga et que celle-ci n'a déposé plainte pour vol que le 6 novembre 2013.

Il résulte cependant du courriel adressé par la société Fedex à la société Saga le 27 août 2014 qu'elle reconnaît bien avoir reçu sa réclamation du 6 novembre 2013 concernant le colis n°7970 5574 9638 sans qu'elle remette en cause à cette date que le vol a eu lieu alors qu'elle avait la garde juridique des colis.

Elle indique d'ailleurs dans ce courriel qu'à défaut de valeur déclarée pour le transport «' Fedex dédommage suivant sa limite de responsabilité forfaitaire de 22 euros du kilo ce qui en la matière correspond à 10 kilos (1 colis déclaré partiellement vide par Saga) x22 € = 220 € dès réception d'un RIB avant la prescription de 30 jours et pour solde définitif du litige'»'. Elle ajoute que «' les frais de transport peuvent faire l'objet d'un avoir mais au bénéfice de l'expéditeur qui a utilisé son propre compte client'»( pièce 11 de l'appelante).

Dans ces conditions, la société Fedex ayant reconnu à cette époque le droit à indemnisation de la société Saga pour ce colis arrivé en partie vide alors qu'elle en avait la garde juridique jusqu'à la livraison est malvenue de contester maintenant les circonstances de ce vol.

Selon l'article 22 3° de la Convention de Montréal': «' Dans le transport de marchandises, la responsabilité du transporteur, en cas de destruction, de perte, d'avarie ou de retard, est limitée à la somme de 17 droits de tirage spéciaux par kilogramme, sauf déclaration spéciale d'intérêt à la livraison faite par l'expéditeur au moment de la remise du colis au transporteur et moyennant le paiement d'une somme supplémentaire éventuelle. Dans ce cas, le transporteur sera tenu de payer jusqu'à concurrence de la somme déclarée, à moins qu'il prouve qu'elle est supérieure à l'intérêt réel de l'expéditeur à la livraison'».

L'article 18.1° des conditions générales de la société Fedex qui s'appliquent en l'espèce indiquent que «à moins que l'expéditeur n'indique une valeur déclarée plus importante pour le transport sur le bordereau d'expédition (international) et paye les frais requis, la responsabilité de FedEx est limitée au plus élevée des trois montants suivants': a) le montant prévu par la convention internationale applicable ou la législation locale, b) 22€ apr kilogramme ou c) 100 US$ par envoi'» ( pièce 6 la société Fedex).

En l'occurrence, la LTA n°7970 5574 9638 montre que la société Paris Bijoux a stipulé une «'valeur déclarée nulle'» pour cet envoi, la seule valeur indiquée concerne la valeur en douane «'custom value'». Le tribunal a dès lors justement retenu que cette seule indication de la valeur en douane des marchandise sur le LTA dans la rubrique «'custom value'» ne peut permettre d'écarter les limitations de responsabilité de l'article 22.3 susvisé.

La société Saga oppose la faute inexcusable de la société Fedex pour s'opposer au plafond de garantie instituée par la Convention de Montréal, alors que cette convention n'évoque ni le dol ni la faute inexcusable pour les marchandises et que seule une déclaration d'intérêt spécial est de nature à écarter sa limite d'indemnisation ( article 22-3) .

Elle fait également valoir de manière tout aussi inopérante le non respect de la réglementation française en matière de transports de fonds et de bijoux précieux relevant de l'article R 613-24 2° du code de la sécurité intérieure pour «'les bijoux représentant une valeur d'au moins 100 000 euros'» et un manque de vigilance de la part de la société Fedex alors même qu'aucune déclaration de valeur n'a été faite sur la LTA lors de l'envoi des colis, et que la société Saga ne justifie pas la valeur des objets volés.

Il s'ensuit de tous ces éléments et de l'application combinée des articles susvisés de la Convention de Montréal et des conditions générales de la société Fedex qu'à défaut de toute souscription d'une valeur pour le transport, la responsabilité de la société Fedex est plafonnée à la somme de 660 euros ( 22 eurosx30 kg (indiqué sur LTA)).

La société Fedex sera donc condamnée à payer cette somme à la société Saga, laquelle sera déboutée en conséquence de sa demande en paiement de la somme de 82 356,54 euros au titre des pertes sèches. Au surplus, la société Fedex fait remarquer que la société Paris Bijoux a crédité la société Saga de cette somme le 13 janvier 2014 ( pièce 29 de la société Saga).

La société Saga sollicite en outre le paiement de la somme de 50 000 euros au titre des préjudices subis du fait de l'atteinte portée à sa réputation professionnelle et aux troubles commerciaux et logistiques subis, ce que conteste la société Fedex invoquant l'article 29 de la Convention de Montréal.

Cet article mentionne que «Dans le transport de passagers, de bagages et de marchandises, toute action en dommages-intérêts, à quelque titre que ce soit, en vertu de la présente convention, en raison d'un contrat ou d'un acte illicite ou pour toute autre cause, ne peut être exercée que dans les conditions et limites de responsabilité prévues par la présente convention, sans préjudice de la détermination des personnes qui ont le droit d'agir et de leurs droits respectifs. Dans toute action de ce genre, on ne pourra pas obtenir de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires ni de dommages à un titre autre que la réparation'». '

Par conséquent, la société Saga ne peut être indemnisée que dans les limites du plafond de garantie instituée par la Convention de Montréal.

En tout état de cause elle n'apporte aucun élément propre à caractériser le préjudice dont elle fait état, la production du calcul des marges entre 2012 et 2014 ne faisant apparaître qu'un très léger fléchissement en 2012 et le compte de résultats des exercices 2012-2013 et 2014 montre qu'après un résultat négatif en 2012, le résultat a été positif en 2013 ( 35 894) et très largement positif en 2014 ( 71 276) ( pièces 34 et 35 de la société Saga).

Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce que la société Saga sera déboutée de ses demandes indemnitaires supplémentaires qui ne sont pas justifiées.

Sur les autres demandes':

Le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance et les frais irrépétibles à la charge de la société Saga

La société Fedex est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il y a lieu de la condamner à payer à la société Saga la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 24 janvier 2018 par le tribunal de commerce de Nanterre, sauf en ce qu'il a condamné la société Federal Express International à payer à la société Saga la somme de 880 euros au titre du sinistre ayant affecté le transport objet de la LTA n°7968 3783 7335 , et en ce qu'il a débouté la société Saga de sa demande indemnitaire au titre du transport objet de la LTA n°7970 5574 9638 ainsi que condamné la société Saga aux dépens et aux frais irrépétibles,

Statuant à nouveau :

Déclare prescrite l'action engagée le 27 mars 2015 par la société Saga à l'encontre de la société Federal Express International , commissionnaire de transports, pour le transport des colis objet de la LTA n°7968 3783 7335,

Condamne la société Federal Express International à payer à la société Saga la somme de 660 euros au titre du sinistre ayant affecté le transport aérien objet de la LTA n°7970 5574 9638,

Déboute les parties pour le surplus de leurs demandes,

Condamne la société Federal Express International aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne la société Fedex à verser à la société Saga la somme de 4000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 18/00986
Date de la décision : 19/09/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°18/00986 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-19;18.00986 ?
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