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12/09/2019 | FRANCE | N°18/07377

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 12 septembre 2019, 18/07377


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



FS

Code nac : 59C



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 SEPTEMBRE 2019



N° RG 18/07377 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SXTA



AFFAIRE :



SASU COGNAC FERRAND





C/

SA DS SMITH PACKAGING PREMIUM









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Décembre 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 3

N° Section :

N° RG : 201

4F00083



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Anne-laure WIART

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

FS

Code nac : 59C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 SEPTEMBRE 2019

N° RG 18/07377 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SXTA

AFFAIRE :

SASU COGNAC FERRAND

C/

SA DS SMITH PACKAGING PREMIUM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Décembre 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 3

N° Section :

N° RG : 2014F00083

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-laure WIART

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 6 septembre 2018 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES le 4 avril 2018

SASU COGNAC FERRAND

[Adresse 1]

[Adresse 1]

assistée de Me Anne-laure WIART, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 437 - N° du dossier 24392

ET Me Philippe BERTEAUX de la SELEURL Philippe Berteaux Avocat, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0346, par Me SCHAETZ

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SA DS SMITH PACKAGING PREMIUM

N° SIRET : 333 86 7 4 633

[Adresse 2]

[Adresse 2]

assistée de Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 18516

ET Me Maroussia NETTER ADLER de l'ASSOCIATION LANGER-NETTER-ADLER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R223,

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Mai 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

La société Cognac Ferrand, spécialisée dans le commerce de boissons alcoolisées, fait fabriquer et livrer des étuis en carton destinés à emballer les produits spiritueux par la société DS Smith Packaging Premium (la société DS Smith), puis commercialise ces marchandises aux Etats-Unis par le biais d'une filiale, la société Cognac Ferrand USA.

Visée par une plainte pour contrefaçon déposée par la société Lamina Packaging pour avoir enfreint deux brevets en important et en commercialisant les étuis «'Landy VSOP 70/75 CL'» fournis par la société DS Smith, la société Cognac Ferrand USA a conclu un protocole mettant fin au litige avec la société Lamina Packaging.

Soutenant avoir engagé d'importants frais notamment des frais d'avocat pour défendre les droits de sa filiale américaine, la société Cognac Ferrand a fait assigner la société DS Smith devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la garantie d'éviction due par le vendeur.

Par jugement du 10 décembre 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit la société Cognac Ferrand recevable mais mal fondée en ses demandes et l'en a déboutée;

- condamné la société Cognac Ferrand à payer à la société DS Smith Packaging Premium la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Cognac Ferrand aux dépens.

A la suite de l'appel interjeté par la société Cognac Ferrand le 18 décembre 2015, la 12ème chambre de la cour d'appel de Versailles , autrement composée a, par arrêt du 4 avril 2017 :

- infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société Cognac Ferrand recevable en sa demande en paiement à l'encontre de la société DS Smith Packaging Premium,

Statuant à nouveau et y ajoutant:

- déclaré la société Cognac Ferrand irrecevable en sa demande en paiement à l'encontre de la société DS Smith Packaging Premium,

- condamné la société Cognac Ferrand aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec pour ceux d'appel, faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Saisie par pourvoi de la société Cognac Ferrand, la Cour de Cassation a, par arrêt du 6 septembre 2018, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 4 avril 2017 et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Versailles autrement composée, en ces termes: ' pour déclarer la société Cognac Ferrand irrecevable en sa demande, l'arrêt retient que cette société n'est pas celle qui a été assignée aux Etats-Unis, qu'elle ne justifie pas être subrogée dans les droits de la société Cognac Ferrand USA et qu'elle n'établit pas avoir réglé les frais de procédure dont elle demande le remboursement, qu'en statuant ainsi , alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais son succès, la cour d'appel a violé le texte'.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

A la suite de l'arrêt de la Cour de Cassation du 6 septembre 2018, la société Cognac Ferrand a saisi le 25 octobre 2018, la cour d'appel de Versailles, cour de renvoi.

Par dernières conclusions notifiées le 2 avril 2019, la société Cognac Ferrand SAS demande à la cour de:

-réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre en date du 10 décembre 2015 en tous ses termes et dispositions,

- constater l'éviction causée à la société Cognac Ferrand du fait de la société DS Smith Packaging Premium,

- constater que la société DS Smith Packaging Premium est soumise à la garantie qui résulte de son fait personnel ;

- condamner la société DS Smith Packaging Premium à lui verser la somme de 272.708,71 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi sur le fondement des articles 1625 et 1626 du code civil ;

- condamner la société DS Smith Packaging Premium à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société DS Smith Packaging Premium aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 12 avril 2019, la société DS Smith Packaging Premium sollicite de la cour de:

In limine litis,

- constater que la personne morale qui a été visée par une procédure judiciaire aux États-Unis est la société Cognac Ferrand USA, INC,

- constater que la société Cognac Ferrand USA, INC n'a aucun lien contractuel avec la société DS Smith Packaging Premium,

- dire et juger que la société Cognac Ferrand ne saurait se substituer à la société Cognac Ferrand USA, INC,

- constater l'absence de caractère personnel de l'intérêt à agir de la société Cognac Ferrand,

- dire et juger que la société Cognac Ferrand est irrecevable à agir faute d'intérêt et de qualité à agir ;

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a décidé que la société Cognac Ferrand avait intérêt à agir et la déclarer irrecevable en son action ;

-débouter la société Cognac Ferrand de l'ensemble de ses demandes irrecevables ;

I. A titre principal, sur l'absence de garantie de la société Cognac Ferrand par la société DS Smith Packaging

A titre principal:

- écarter des débats l'accord de marché communiqué par la société Cognac Ferrand ,

- constater l'application des conditions générales de vente de la société DS Smith Packaging Premium,

- constater la stipulation de clauses exclusives de garantie d'éviction et d'indemnisation du préjudice allégué par la société Cognac Ferrand ;

- dire et juger qu'elle ne saurait garantir la société Cognac Ferrand ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a intégralement débouté la société Cognac Ferrand de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- débouter la société Cognac Ferrand de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire:

- constater l'absence de preuve d'une contrefaçon de brevet commise sur le territoire des États-Unis ;

- constater l'absence d'obligation à la charge de la société DS Smith Packaging Premium de rembourser les frais d'avocats américains dont il est allégué la dépense par la société Cognac Ferrand ,

- dire et juger que la société DS Smith Packaging Premium ne saurait garantir la société Cognac Ferrand ,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Cognac Ferrand ,

- débouter la société Cognac Ferrand de l'ensemble de ses demandes ;

II. A titre subsidiaire, sur l'absence de preuve des allégations de la société Cognac Ferrand:

- constater que le protocole d'accord prétendument conclu entre les sociétés Cognac Ferrand et Lamina Packaging n'est pas versé aux débats ;

- faire injonction à la société Cognac Ferrand de détailler précisément le montant de sa demande au titre des factures d'avocats américains versées aux débats dans la mesure où des diligences concernent une autre société que la société Cognac Ferrand,

- à défaut, constater l'impossibilité d'établir un partage des factures précitées et débouter la société Cognac Ferrand de sa demande de garantie,

- en tout état de cause, diminuer la réclamation de la société Cognac Ferrand de la somme de 16.759,84 euros payée directement par la société Cognac Ferrand à WJ Deutsch& Sons LTD sans qu'il soit justifié que cela concerne le présent litige,

- constater l'absence de preuve que les étuis argués de contrefaçon sur le territoire américain :

* correspondent aux factures de la société DS Smith Packaging Premium produites aux débats,

* sont ceux fabriqués par la société DS Smith Packaging Premium et non par la société Egisa ou par toute autre société,

- constater l'absence de preuve de la connaissance par la société DS Smith Packaging Premium du pays d'exportation des produits de la société Cognac Ferrand,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Cognac Ferrand,

- débouter la société Cognac Ferrand de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause:

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 10 décembre 2015,

-débouter la société Cognac Ferrand de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre,

- condamner la société Cognac Ferrand à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamner la société Cognac Ferrand aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Debray qui pourra les recouvrer directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux conclusions des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 avril 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de "constatations" qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques; il en est de même des "dire et juger" qui ne sont, en l'espèce, pas des prétentions mais des moyens.

Elle relève également à titre liminaire que la société DS Smith n'explique pas sur quel fondement devrait être écarté des débats l'accord de marché communiqué par la société Cognac Ferrand, que dès lors sa demande sera rejetée.

Sur l'intérêt et la qualité à agir de la société Cognac Ferrand:

La société Cognac Ferrand se fonde sur l'arrêt de la cour de cassation intervenu le 6 septembre 2018 pour soutenir que son droit d'agir ne peut plus être discuté.

La société DS Smith soutient pour sa part l'irrecevabilité de la société Cognac Ferrand faute d'intérêt et de qualité à agir, considérant que l'appelante n'a aucun intérêt personnel à agir alors que la personne morale assignée aux Etats-Unis est la société Cognac Ferrand USA, entité distincte de la première.

La cour d'appel a par arrêt du 4 avril 2017 déclaré irrecevable la société Cognac Ferrand en sa demande de paiement à l'encontre de la société DS Smith aux motifs qu'il est constant que cette société n'est pas celle assignée aux Etats-Unis et qu'elle ne justifie pas être subrogée dans les droits de la société Cognac Ferrand USA, qu'elle n'établit pas au demeurant avoir réglé les frais de procédure dont elle réclame le remboursement, la simple liste de frais qu'elle produit aux débats n'étant nullement probatoire.

La cour de cassation a le 6 septembre 2018 cassé cet arrêt rendu par la 12ème chambre de la cour, autrement composée, aux motifs que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son préjudice mais de son succès.

L'article 31 du code de procédure civile édicte que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

La notion d'intérêt à agir englobe celle de qualité à agir, sauf quand l'action est attitrée, c'est à dire lorsque la loi restreint l'action aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention.

En l'espèce, la société Cognac Ferrand agit dans le cadre de cette procédure à l'encontre de son vendeur, la société DS Smith, sur le fondement de la garantie d'éviction en tant qu'acquéreur des produits que cette dernière lui a vendus. Cette action est attitrée et profite à l'acquéreur en droit de la vente, de sorte que la société Cognac Ferrand a qualité pour agir.

Elle a également intérêt à agir à l'encontre de la société DS Smith pour recouvrer sur ce fondement, en sa qualité de victime d'un préjudice personnel, les frais qu'elle dit avoir personnellement engagés pour défendre sa filiale, la société Cognac Ferrand USA à la suite des conditionnements vendus par la société DS Smith et argués de contrefaçon.

Il convient par conséquent de déclarer la société Cognac Ferrand recevable à agir à l'encontre de la société DS Smith et de débouter la société DS Smith de sa fin de non-recevoir.

Sur la garantie d'éviction:

La société Cognac Ferrand explique que la société DS Smith a l'obligation légale de la garantir de toute éviction dans la jouissance des biens qu'elle lui a fournis, que tel n'a pas été le cas, qu'en effet une action judiciaire a été initiée contre sa filiale américaine pour les étuis qu'elle lui a fournis et qui étaient destinés à des spiritueux vendus sur le territoire américain, qu'elle a dû indemniser la société Lamina Packaging pour la violation de deux brevets et engager ainsi d'importants frais pour faire valoir ses droits.

Elle ajoute que le trouble causé dans la jouissance des produits achetés à la société DS Smith lui a causé un préjudice certain, ayant dû engager d'importants frais d'assistance et d'avocat dans l'action engagée par la société Lamina Packaging, à l'encontre de sa filiale, la société Cognac Ferrand USA.

Elle précise que la société DS Smith avait parfaitement connaissance du territoire de commercialisation des étuis qu'elle a conditionnés et de la plainte initiée aux Etats-Unis par la société Lamina Packaging, et qu'elle ne peut pas lui opposer l'article 7 des conditions générales de vente, qui ne porte que sur l'exclusion de la garantie de délivrance.

La société DS Smith soutient pour sa part à titre principal qu'elle n'est pas contractuellement tenue de garantir la société Cognac Ferrand au regard des dispositions de l'article 7 et notamment de l'article 7.2 et 7.3 des conditions générales de vente, et à titre subsidiaire qu'elle n'est pas légalement tenue de garantir la société Cognac Ferrand pour ses frais de défense aux Etats-Unis, les faits de contrefaçon n'étant pas au surplus établis et aucun protocole d'accord n'étant produit,

Elle ajoute que la réalité du préjudice allégué par la société Cognac Ferrand n'est pas démontrée, qu'en effet la preuve du paiement de frais d'honoraires n'est pas rapportée, pas plus que la preuve de la date de livraison des emballages en cause, ni celle de la connaissance par elle des pays d'exportation des produits Cognac Ferrand'.

***

En application de l'article 1625 du code civil, «la garantie que le vendeur doit à l'acquéreur a deux objets : le premier est la possession paisible de la chose vendue; le second, les défauts cachés de cette chose ou les vices rédhibitoires».

L'article 1626 du code civil précise que «quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente.»

* sur l'article 7 des conditions générales de vente:

La société DS Smith se prévaut de l'article 7 (7.1 et 7.2) des conditions générales de vente (CGV) selon lequel elle n'est pas tenue contractuellement des dommages indirects et immatériels sans restriction et que la contrefaçon est expressément exclue, pour soutenir que sont remplies les conditions de validité d'une clause restrictive de la garantie légale d'éviction, et pour s'opposer dès lors à la demande en paiement de la société Cognac Ferrand.

La société Cognac Ferrand fait valoir que cet article 7 intitulé « responsabilité» des CGV stipule uniquement une exonération de garantie concernant l'obligation de délivrance des produits objets du contrat, et ne porte pas sur la garantie légale d'éviction.

A la suite de l'article 1626 du code civil précité, l'article 1627 du code civil énonce que «les parties peuvent, par des conventions particulières, ajouter à cette obligation de droit ou en diminuer l'effet ; elles peuvent même convenir que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie».

Il est constant qu'une clause de non garantie stipulée dans un contrat ne doit laisser aucun doute sur les intentions précises des parties, que toute intention de limiter ou même de supprimer la garantie légale normalement imposée au vendeur ne doit pas être entachée d'ambiguïté, que dans le doute la clause doit être interprétée, en application de l'article 1602 du code civil, contre le vendeur.

Les parties ne sont pas d'accord sur les dispositions de l'article 7 des CGV, chacune donnant de l'article 7.1 une interprétation différente, de l'article 7.2 une version différente et la société Cognac Ferrand ne mentionnant pas le point 7.3.

En l'espèce la société Cognac Ferrand revendique les dispositions de l'article 7 intitulé «' responsabilité'» des CGV ainsi rédigées

«' 7.1': le vendeur apporte le plus grand soin à la production, à l'emballage et à la livraison des produits. Cependant, en cas de retard de livraison, malfaçons, ou de défectuosités dûment reconnues par le vendeur et à l'exception de la réparation des dommages corporels, et des conséquences de la faute lourde du vendeur, l'obligation de ce dernier sera forfaitairement limitée à la réparation des seuls dommages directs et au remplacement des quantités défectueuses, ce y compris au titre de la garantie légale des vices cachés. En tout état de cause, le vendeur ne saurait être tenu à l'indemnisation des dommages indirects et immatériels tels que notamment pertes de production, d'exploitation et de profit, prejudice commercial et autres frais, la réclamation faite par l'acheteur ne suspend pas l'obligation de paiement des produits concernés.

7.2': le vendeur décline toute responsabilité notamment quant au contenu et à la véracité des informations imprimées à la demande de l'acheteur sur les produits du vendeur».

De son côté, la société DS Smith, si elle est d'accord sur les termes de l'article 7.1, fait valoir que l'article 7.2 applicable à la présente instance est ainsi rédigée': «' sauf stipulation contraire convenue lors de la commande, aucune garantie en contrefaçon n'est donnée sur les produits de la commande», l'article 7.3 reprenant les termes de l'article 7.2 de la version donnée par l'appelante et ne donnant pas lieu à débat.

La société DS Smith soutient que les CGV comportant l'article 7 dans des dispositions1,2 et 3 sont celles que la société Cognac Ferrand a produit aux débats devant le tribunal sous cote 11 et s'appliquent à la présente procédure tandis que cette dernière lui réplique que c'est sa version des CGV comportant uniquement les points 7.1 et 7.2 qu'elle a toujours versée aux débats sous la pièce 11 devant le tribunal et devant la cour.

Rappelant qu'elle n'est saisie que des pièces communiquées devant sa juridiction, la cour relève d'une part que le jugement du 10 décembre 2015 déféré devant elle ne fait pas mention dans les motifs de sa décision du point 7.2 de l'article 7, le premier juge s'étant uniquement fondé sur l'article 7.1 des CGV, que d'autre part les CGV dont fait état la société DS Smith devant la cour comportent en bas de page: «révision 10/2013» ( pièce 11 intimée) tandis que celles de la société Cognac Ferrand mentionnent «...2011».

Or, la cour observe en premier lieu que le contentieux dont elle est saisie porte sur des ventes effectuées par la société DS Smith à la société Cognac Ferrand antérieurement à la plainte de la société Lamina Packaging du 21 février 2013 et à l'enquête diligentée de ce fait par la Commission Internationale du Commerce (ITC) des Etats-Unis ( pièces 6 et 7 appelante).

En deuxième lieu, les factures produites à la cour par la société Cognac Ferrand pour la période de septembre 2011 au 21 février 2014 montrent que ce n'est qu'à compter de la facture du 11 décembre 2013 ( facture n°80839) que les CGV adjointes pour chacune des factures comportent l'article 7.2 modifié et l'article 7.3.( pièce 13 appelante).

Il s'ensuit de ces éléments que la société DS Smith ne justifie pas que les CGV comportant la modification de l'article 7.2 doivent s'appliquer à la présente instance, qu'il convient de prendre en compte les CGV en vigueur avant le 21 février 2013 et par conséquent la cour ne procédera à l'examen que de l'article 7.1 seul en litige, dont les parties s'accordent sur ses termes mais diffèrent sur l'interprétation à en donner.

Il est tout d'abord indiscutable que l'article 7.1 ne mentionne pas expressément la garantie d'éviction, ne faisant référence qu'à la garantie des vices cachés, que cependant ces deux garanties n'ont pas le même objet, la première, la garantie d'éviction, ayant trait à une remise en cause du droit de propriété du vendeur ou à un trouble apporté à l'acheteur dans la jouissance du produit acheté tandis que la seconde porte sur des défauts affectant les qualités matérielles du produit ou sa non conformité aux stipulations contractuelles.

Au regard des termes mêmes de l'article 7.1, concernant les «'cas de retard de livraison, malfaçons, ou de défectuosités des produits'», c'est à juste titre que la société Cognac Ferrand soutient que cette clause stipule une exonération de garantie portant sur la seule obligation de délivrance des produits, objets du contrat, qui englobe également la garantie des vices cachés.

La deuxième phrase de cet article 7.1, au demeurant comprise dans le même paragraphe et non à la ligne, donne la portée de l'exonération de garantie stipulée dans la phrase précédente en ce qui concerne l'indemnisation des dommages indirects et immatériels et il ne peut être valablement déduit du fait que la société Cognac Ferrand demande la réparation de dommages immatériels pour induire que cette phrase introduite par «'en tout état de cause'» comporte une exclusion de la garantie légale d'éviction.

Par conséquent, il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré que cette clause contractuelle de l'article 7.1 trouvait à s'appliquer dans cette instance introduite sur le fondement de la garantie légale d'éviction.

* sur la garantie légale:

La société Cognac Ferrand fait valoir qu'elle a subi un trouble dans la jouissance des produits achetés auprès de la société DS Smith et destinés aux Etats-Unis en raison de la procédure en contrefaçon initiée par la société Lamina Packaging à l'encontre de sa filiale américaine, la société Cognac Ferrand USA.

Il résulte de l'action judiciaire initiée le 21 février 2013 devant le juge américain à l'encontre notamment de la société Cognac Ferrand USA pour l'importation et la vente de produits ayant fait l'objet de contrefaçon ( étui Landy VSOP) et de la saisine de l'ITC, laquelle a diligenté une enquête le 22 mars 2013, que la société Lamina Packaging a entendu faire valoir ses droits sur les étuis importés par la société Cognac Ferrand USA pour des faits de contrefaçon sur le fondement de la violation de ses brevets.

Il est constant que l'éviction résulte de l'action engagée par un tiers pour faire valoir ses droits, que le trouble actuel existe avant même qu'intervienne le jugement sur les faits dénoncés.

En l'espèce, l'action introduite par la société Lamina Packaging devant les instances américaines pour des faits de contrefaçon constitue pour la société Cognac Ferrand un trouble actuel qui a été apporté à la jouissance de ses droits qu'elle a dû défendre, ce dont la société DS Smith en tant que vendeur des produits est redevable.

Par conséquent, il est inopérant pour la société DS Smith de soutenir qu'un protocole transactionnel a été conclu avec la société Lamina Packaging dans le cadre de l'instance judiciaire et que l'action devant l'ITC a été radiée, puisque la société Cognac Ferrand sollicite seulement les frais de conseil qu'elle a dû exposer devant ces instances pour faire valoir ses droits.

La société DS Smith fait par ailleurs valoir qu'il n'est pas établi que ce sont ses emballages qui sont en cause dans la procédure en contrefaçon initiée aux Etats-Unis, arguant qu'elle a livrés les produits en France, que la mention figurant sur les factures des «étuis Blle Landy VSOP'» :« livr. de biens et /ou prest, de services aux exportateurs exonérés de TVA» montre simplement que ces produits étaient destinés à l'exportation, et que la production d'une feuille communiquée, surtout en noir,( pièce 13) sur laquelle apparaissent la mention de «'domestic market USA'» sur le parkaging de ses produits et deux codes barres dont un pour les Etats-Unis est insuffisante à démontrer la nature des produits destinés au territoire américain, que la société Cognac Ferrand a également fait appel pour ces mêmes étuis à la société Egisa.

Cependant, il ressort des termes mêmes de la plainte de la société Lamina Packaging et de de l'ouverture de l'enquête de l'International Trade Commission (ITC) que sont notamment en cause les étuis Blle Landy VSOP commercialisés par la société Cognac Ferrand USA, que dès lors la société DS Smith ne peut valablement soutenir ne pas connaître la destination de ces étuis qu'elle conditionne alors que ses relations avec la société Cognac Ferrand perdurent, selon cette dernière et sans que cela soit démenti, depuis 1994'. Elle ne démontre pas en outre que ce sont les mêmes étuis qui sont vendus par la société Egisa.

Elle ne peut pas plus utilement prétendre que la société Cognac Ferrand ne rapporte pas la preuve de la date de livraison des emballages en cause alors que ce n'est pas un ou plusieurs lots spécifiques qui sont incriminés mais les propriétés de l'étui au regard de l'existence de brevets antérieurs.

La société DS Smith soutient également ne pas avoir été informée de la plainte dont elle était l'objet aux Etats-Unis, ce qui ne lui a pas permis de faire valoir ses droits et ses arguments sur l'action en contrefaçon introduite aux Etats-Unis sur ses produits.

Si effectivement le courrier de l'avocat de la société Cognac Ferrand et de la société Cognac Ferrand USA adressé le 25 février 2013 à la société DS Smith Packaging en Belgique, ne permet pas d'établir de façon évidente que la société DS Smith Packaging Premium, société par actions simplifiés dont le siège social est à [Localité 1]) ait eu nécessairement connaissance de la procédure initiée sur ses produits aux Etats-Unis ( pièce 14 appelante), l'intervention éventuelle du vendeur dans la procédure américaine n'est pas en tout état de cause une condition de la mise en 'uvre de la garantie d'éviction dont elle est légalement redevable.

Il résulte de ces éléments que la société DS Smith est tenue à la garantie d'éviction à l'égard de la société Cognac Ferrand pour les étuis qu'elle lui a vendus.

Il appartient cependant à cette dernière d'établir le préjudice dont elle se prévaut.

Sur le préjudice

Il sera tout d'abord relevé que la société Cognac Ferrand sollicite les frais d'avocat qu'elle a personnellement supportés et pas ceux éventuellement supportés par sa filiale américaine, et qu'elle n'a donc pas, malgré les dires de l'intimée, à rapporter la preuve d'une subrogation de sa part.

A l'appui de sa demande en paiement de la somme de 272.708,71 euros, la société Cognac Ferrand produit un tableau récapitulatif des frais engagés, un extrait de compte tiers de sa société et des factures d'avocat et celles complémentaires du cabinet d'avocat Osha Liang LLP (pièces 12,16,21,21-1)', expliquant avoir réduit sa demande des prestations effectuées au bénéfice de la société Deutsch pour la somme de 8 415,74 euros.

La société DS Smith conteste le montant allégué et essentiellement les frais d'avocat du cabinet d'avocats américain Osha Liang'.

Il résulte des pièces versées aux débats et des dires des parties':

- que les factures du cabinet d'avocat américain Abitbol des 1/07/2013, 2/08/2013 et 28/08/2013, et celles du cabinet Marvel des 31/05/2013 et 31/07/2013 sont au nom de la société Cognac Ferrand SAS et sont débitées sur le compte tiers de sa société, lequel compte est une pièce de la comptabilité de la société,

- que les factures du cabinet d'avocat Osha Liang sont au nom de la société Cognac Ferrand ( sans précision SAS ou USA) et du cabinet Abitbol, que cependant ces factures ont bien été payées par la société Cognac Ferrand SAS, comme elle le soutient et comme le prouve le compte tiers de la société produit,

- que certes comme le souligne la société DS Smith, sur certaines factures du cabinet Osha Liang apparaît l'existence de prestations de défense communes à la société Cognac Ferrand et à la société WL Deutsh&Sons LTD, que cependant la société DS Smith ne rapporte pas la preuve qu'il ne s'agit pas de la seule part imputable à la société Cognac Ferrand qui est mentionnée sur ces factures, d'autant que le montant de ces factures produites a été réglé dans son intégralité par la société Cognac Ferrand,

- qu' aucun élément n'est produit sur «' l'agreement'» de 38 497,07 euros, dont le montant ne peut dès lors être réclamé par la société Cognac Ferrand,

- que la société DS Smith fait valoir que la somme de 16 759,84 euros a été payée par la société Cognac Ferrand à la société WL Deutsh&Sons LTD et que l'objet de cette somme n'est pas justifié, que la cour relève effectivement que si la facture de cette somme de 16 759, 84 euros est produite, son objet n'est pas mentionné et que la société Cognac Ferrand ne justifie pas qu'il s'agit de frais de conseil,

- qu'aucun élément n'est produit sur la facture du 30/04/2013 de «'Sueur'» de 1 200 euros dont la société Cognac Ferrand demande le paiement.

Sans qu'il y ait lieu, comme le sollicite la société DS Smith, de donner injonction à la société Cognac Ferrand de détailler plus avant le montant de ses demandes en paiement, il ressort de ces éléments amplement examinés par la cour que la société Cognac Ferrand SAS a engagé des frais d'assistance et de conseil du fait de la procédure en contrefaçon diligentée par la société Lamina Packaging sur les produits vendus par la société DS Smith, à hauteur de la somme de 216 251,80 euros ( 272.708,71- (38 497,07- 1 200- 16 759,84), somme dont la société DS Smith est tenue à garantie à l'égard de son acheteur.

Il convient donc de condamner la société DS Smith Packaging Premium à verser à la société Cognac Ferrand SAS la somme de 216 251,80 euros au titre de la garantie d'éviction dont elle est redevable.

La décision entreprise sera dès lors infirmée, sauf en ce qu'elle a déclaré la société Cognac Ferrand SAS recevable en ses demandes.

Sur les autres demandes:

Le jugement est infirmé en ce qui concerne les dépens et l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

il y a lieu de condamner la société DS Smith Packaging Premium à verser à la société Cognac Ferrand SAS la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la société DS Smith Packaging Premium.

PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 6 septembre 2018,

Infirme le jugement rendu le 10 décembre 2015 par le tribunal de commerce de Nanterre, sauf en ce qu'il a déclaré la société Cognac Ferrand SAS recevable en ses demandes,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société DS Smith Packaging Premium à payer à la société Cognac Ferrand SAS la somme de 216 251,80 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne la société DS Smith Packaging Premium à payer à la société Cognac Ferrand SAS la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société DS Smith Packaging Premium aux dépens de première instance et d'appel.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 18/07377
Date de la décision : 12/09/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°18/07377 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-12;18.07377 ?
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