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12/09/2019 | FRANCE | N°18/02957

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 12 septembre 2019, 18/02957


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A



11e chambre

Renvoi après cassation



ARRET N° 468/19



CONTRADICTOIRE



DU 12 SEPTEMBRE 2019



N° RG 18/02957 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SP7O



AFFAIRE :



[O] [A]





C/

Société CAISSE DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA RATP

...



Association LU.DI.HA LUTTE CONTRES LES FORMES DE DISCRIMINATIO ET DE HARCELEMENT - M [J] [B]





Décision déférée à la cour : Juge

ment rendu le 25 Avril 2007 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS

N° Section : C

N° RG : 05/05382



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Monsieur [O] [A]



M. [R] [X]



M. [U] [...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

Renvoi après cassation

ARRET N° 468/19

CONTRADICTOIRE

DU 12 SEPTEMBRE 2019

N° RG 18/02957 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SP7O

AFFAIRE :

[O] [A]

C/

Société CAISSE DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA RATP

...

Association LU.DI.HA LUTTE CONTRES LES FORMES DE DISCRIMINATIO ET DE HARCELEMENT - M [J] [B]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Avril 2007 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS

N° Section : C

N° RG : 05/05382

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Monsieur [O] [A]

M. [R] [X]

M. [U] [L]

SCP AUGUST & DEBOUZY et associés

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 31 juillet 2012 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 06 juin 2012 cassant et annulant l'arrêt rendu le 12 octobre 2010 par la cour d'appel de PARIS

Monsieur [O] [A]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne

****************

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

Société CAISSE DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA RATP

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par M. [R] [X], cadre juridique, muni d'un pouvoir de représentation

Société REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Eric MANCA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438

****************

Association LU.DI.HA LUTTE CONTRES LES FORMES DE DISCRIMINATIO ET DE HARCELEMENT - M [J] [B]

M [L] [U]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par M. [U] [L], secrétaire de l'association muni d'un mandat de représentation

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Juin 2019, madame Bérangère MEURANT, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

dans l'affaire,

Greffier, lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY

Le 6 septembre 1993, M. [O] [A] était embauché par la RATP en qualité d'agent de sécurité du groupe de protection et de sécurité des réseaux par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention collective de la RATP et au statut de ses agents.

En 1998, M. [A] adhérait à l'UGICT CGT. L'année suivante, il devenait représentant de la section syndicale à la commission exécutive du centre bus de la Maltournée pour le service de la sécurité, avant d'être désigné délégué syndical d'unité au mois d'octobre 2004.

Considérant subir depuis 1997 un harcèlement moral et une discrimination à l'origine d'un retard dans son évolution de carrière, M. [A] saisissait le conseil de prud'hommes de Paris le 20 juin 2000.

Par jugement rendu le 20 août 2001, le conseil des prud'hommes annulait quatre sanctions prises à l'encontre de M. [A], rejetait la demande en dommages-intérêts pour discrimination syndicale et celle formée par le syndicat CGT et condamnait la RATP à payer à M. [A] les sommes de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et 3 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La RATP interjetait appel de cette décision et par arrêt du 16 septembre 2002, la cour d'appel de Paris a :

- Constaté l'amnistie des faits ;

- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'annulation des sanctions prises à l'encontre de M. [A] ;

- Dit n'y avoir lieu à audition de M. [I] ;

- Condamné la RATP à payer à M. [A] les sommes suivantes :

- 10 000 euros (dix mille euros) à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

- 4 000 euros (quatre mille euros) à titre de dommages-intérêts pour préjudice de carrière ;

- 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Invoquant la persistance de la situation, M. [A] a à nouveau saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 3 mai 2005.

A la suite de plusieurs arrêts de travail pour cause de maladie, M. [A] faisait l'objet d'un avis d'inaptitude définitive à son poste d'agent de sécurité le 25 mai 2007, à l'issue d'une seule visite, le médecin du travail ayant relevé une situation de danger immédiat pour le salarié. Il le déclarait néanmoins apte à la conduite d'un véhicule léger. M. [A] ayant refusé la proposition de reclassement formulée par l'employeur, l'inspection du travail, saisie par la RATP, autorisait la rupture du contrat de travail le 18 juin 2007. Le 22 juin 2007, la RATP notifiait à M. [A] sa réforme à effet au 25 juin 2007.

Vu le jugement du 25 avril 2007 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Paris qui a :

- pris acte de ce que M. [O] [A] sera au coefficient E9 au plus tard en 2009

- débouté M. [O] [A] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [A] aux dépens.

Vu la notification de ce jugement le 27 août 2007.

Vu l'appel interjeté par M. [O] [A] le 25 septembre 2007.

Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 12 octobre 2010 qui a:

- infirmé le jugement déféré,

statuant à nouveau,

- condamné la RATP à verser à M. [O] [A], avec intérêts légaux, les sommes suivantes:

- 5 000,00 euros en réparation du préjudice résultant de la violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral,

- 25 000,00 euros en réparation du préjudice résultant de l'exécution fautive du contrat de travail et du harcèlement moral,

- 57 600 euros à titre d'indemnité au titre des effets de la nullité de la rupture

- condamné, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la RATP à payer à M. [A] la somme de 3 000 euros à ce titre,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la RATP aux dépens de première instance et d'appel.

La RATP formait un pourvoi en cassation.

Vu l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 6 juin 2012 qui a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qui concerne la nullité de la rupture et l'indemnité allouée à ce titre, la demande à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, et la demande à titre de reconstitution de carrière, l'arrêt rendu le 12 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris,

- remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles,

- condamné la RATP aux dépens,

- condamné, au titre de l'article 700, la RATP à payer à M. [A] la somme de 2 500 euros.

Vu l'acte de saisine du 31 septembre 2012.

Vu l'intervention volontaire de la caisse de retraite du personnel de la RATP à l'audience du 6 décembre 2013.

Vu la radiation ordonnée par la cour d'appel de Versailles le 10 octobre 2016.

Vu la réinscription au rôle le 23 avril 2018.

Vu les conclusions de M. [A] notifiées le 23 avril 2018, soutenues à l'audience par ce dernier, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement du conseil de Prud'hommes,

- dire et juger que Monsieur [A] a été victime de discrimination syndicale et d'un retard de carrière imputables à la RATP, et en conséquence :

A titre principal,

- condamner la RATP à lui verser une somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêt

- ordonner la reconstitution de sa carrière à l'échelle :

- E9 Pilote de sécurité-métier de développement soit au Coefficient hiérarchique 319,7 au 1er janvier 2001

- EC1 (échelon 9 d'ancienneté inchangé) soit au coefficient hiérarchique 346,1 au 1er janvier 2004

- EC1 (échelon 11 d'ancienneté inchangé) soit au coefficient hiérarchique 356,8 au 1er octobre 2004

- EC3 (échelon 11 d'ancienneté inchangé) soit au coefficient hiérarchique 427,7 au 1er janvier 2006

- EC3 (échelon 12 d'ancienneté inchangé) soit au coefficient hiérarchique 434,1 au 1er octobre 2006

- EC5 (échelon 12 d'ancienneté inchangé) soit au coefficient hiérarchique 487,3 au 1er décembre 2006

- ordonner la remise des fiches de paie rectifiées et du certificat de travail rectifié ;

En conséquence, ordonner le versement de la RATP à la CRP RATP, des cotisations retraites complémentaires sur la base de la reconstitution susvisée ;

En conséquence,

- ordonner à la CRP RATP la réévaluation de la pension de retraite de M. [A] versée par la CRP de la RATP (dotée de la personnalité morale et donc juridiquement distincte), sur la base de la reconstitution de carrière en application du règlement des retraites applicable au 25 juin 2007 (article 16) ou du décret 2008-637 du 30 juin 2008 (article 22) et de lui reverser le complément de retraite sur la base du nouveau calcul ordonné avec remise des feuilles de pension rectifiées.

A titre subsidiaire,

- ordonner une expertise destinée à chiffrer le préjudice subi et à évaluer la reconstitution de sa carrière.

- dire et juger que l'inaptitude de M. [A] est la conséquence du harcèlement moral dont il a été victime, et en conséquence :

- condamner la RATP à payer à M. [A] la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêt réparant ses préjudices résultant de la perte d'emploi ;

- condamner la RATP à payer à M. [A] la somme de 67 500 euros à titre de dommages et intérêt pour violation du statut protecteur ;

- ordonner à la RATP de délivrer une nouvelle carte de circulation fonctionnelle à Monsieur [A] ;

- condamner la RATP à payer à M. [A] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de la carte de retraité depuis 2011 ;

- condamner la CRP de la RATP à payer à M. [A] une somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement de la pension de retraite de mars 2012 ;

- condamner la RATP à payer à M. [A] une somme de 1 774,85 euros à titre de remboursement des retenues sur salaires illicites de juillet 2006 à février 2007, et 177,48 euros au titre des congés payés afférents ;

- condamner la RATP à payer à M. [A] une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour tentative d'escroquerie au jugement ;

- condamner la RATP à payer à M. [A] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et l'article 15 du code de procédure civile ;

- condamner la RATP au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la RATP au paiement des intérêts légaux sur le montant des dommages et intérêts alloués à compter du jour de l'introduction de l'instance, à titre de réparation complémentaire conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil ;

- dire et juger qu'il sera fait application de l'article 1154 du code civil ;

- condamner la RATP aux entiers dépens.

Vu les écritures de la RATP notifiées le 14 juin 2016, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

A titre principal,

- Dire les demandes de M. [A] comme étant prescrites ;

En conséquence,

- Débouter M. [A] de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire,

- Dire les moyens de M. [A] relatifs à la reconnaissance du harcèlement moral comme étant irrecevables ;

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 25 avril 2007 ;

En conséquence :

- Débouter M. [A] intégralement de ses demandes ;

- Dire que M. [A] n'est pas victime de discrimination ;

- Dire que M. [A] n'est pas victime d'un retard à l'avancement ;

- Condamner M. [A] à 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner M. [A] aux éventuels dépens.

Vu les écritures de la caisse de retraites du personnel de la RATP notifiées le 10 avril 2019, en qualité d'intervenant volontaire, soutenues à l'audience par son représentant dûment mandaté M. [R] [X], auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- recevoir la caisse de retraites du personnel de la RATP en son intervention volontaire,

A titre principal,

- débouter M. [O] [A] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la caisse de retraites du personnel de la RATP,

- débouter M. [O] [A] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la caisse de retraites du personnel de la RATP.

Vu les écritures de l'association de lutte contre les formes de discrimination et de harcèlement (LU.DI.HA) notifiées le 20 novembre 2015, en qualité d'intervenant volontaire, soutenues à l'audience par son représentant dûment mandaté M. [U] [L], auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- faire preuve d'aucune longanimité dans l'affaire opposant Monsieur [A] à la RATP.

- étudier si la carrière de Monsieur [A] n'a pas «stagné», et si Monsieur [A] a subi un traitement différencier ;

et si tel est le cas,

- réparer les entiers préjudices nés de la discrimination illicite :

'Préjudice matériel de rémunération,

'Préjudice matériel de cotisation retraite pour permettre le recalcul de la pension retraite éventuellement à intervenir sur un nouveau repositionnement,

'Préjudice moral du traitement différencié et de la perte de chance promotionnelle

'Préjudice moral né de l'absence de jouissance de la rémunération et de la perte de qualité de vie qui aurait dûe être la sienne,

'Préjudice moral des membres de la famille (concubine [R] et leur fils),

et concernant la reconstitution de la carrière de ce dernier, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, de procéder à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination et au regard de ses compétences reconnues par plusieurs diplômes universitaires (DUT Gestion, Licence management de la sécurité. DU 3ème cycle « Politiques et dispositifs de sécurité territoriale ») et reconnues par ses futurs employeurs.

SUR CE,

Sur les moyens d'irrecevabilité

- Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription

- Sur la prescription des demandes nouvelles formées à l'encontre de la RATP

La RATP soulève la prescription des demandes nouvelles formées par M. [A] au visa de l'article 2224 du code civil. L'employeur considère que le salarié avait nécessairement connaissance des faits motivant les demandes lorsqu'il a quitté les effectifs de la RATP le 24 juin 2007 et, à tout le moins, à la date d'audience devant la cour d'appel de Paris le 17 novembre 2009.

L'article L 1134-5 du code du travail dispose que « l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ».

M. [A] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 3 mai 2005, soit avant l'abrogation de l'article R 1452-6 du code du travail autorisant les demandes nouvelles en cours d'instance, l'action en justice interrompant la prescription pour toutes les demandes dérivant de l'exécution du contrat de travail. Au surplus, la Cour constate que le salarié, dès 2005, formulait une demande indemnitaire liée à son absence d'évolution consécutive à la discrimination syndicale dont il soutenait avoir été victime. La demande de dommages et intérêts, présentée sur le même fondement, mais relative à un nouveau niveau et/ou à une nouvelle période concerne l'exécution du même contrat de travail. Il en résulte que la prescription a été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 3 mai 2005.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription doit par conséquent être rejetée.

- Sur la prescription des demandes formées à l'encontre de la caisse de retraite du personnel de la RATP

La caisse de retraite du personnel de la RATP soulève l'irrecevabilité de la demande de M. [A] relative à la revalorisation de sa pension de retraite, au regard de l'article 41 du décret du 30 juin 2008 portant règlement des retraites du personnel de la RATP et du principe général du droit de la sécurité sociale d'intangibilité des retraites. Elle considère également que la demande nouvelle de dommages et intérêts en raison du paiement tardif de sa pension de mars 2012 est irrecevable en application des dispositions des articles 565 du code de procédure civile et 2224 du code civil.

Comme le soutient M. [A], la saisine du conseil des prud'hommes le 3 mai 2005 a interrompu le délai de prescription pour toutes les demandes, même celles présentées en cours d'instance. Toutefois, ces demandes ne peuvent concerner que l'exécution du contrat de travail, alors que celle formée à l'encontre de la caisse de retraite se rapporte aux droits issus de l'affiliation du salarié à l'organisme de sécurité sociale. L'effet interruptif de prescription invoqué ne peut donc être étendu à l'action engagée par le salarié contre la caisse de retraite du personnel de la RATP.

Il ressort de l'article 41 du décret n°2008-637 du 30 juin 2008 code des pensions civiles et militaires que « La liquidation de la pension est définitive. Elle peut être révisée à l'initiative de la caisse ou sur demande de l'intéressé dans le délai d'un an à compter de la notification de la liquidation initiale de la pension, en cas d'erreur de droit et à tout moment en cas d'erreur matérielle ».

M. [A] n'invoquant aucune erreur de droit ou matérielle, l'action dirigée contre la caisse de retraite du personnel de la RATP doit être déclarée irrecevable comme étant prescrite.

S'agissant de la demande d'indemnisation au titre du paiement tardif de la pension de mars 2012, formulée pour la première fois aux termes des dernières conclusions de M. [A] du 23 avril 2018, qui ne présente effectivement aucun lien avec les demandes formées en première instance et l'exécution du contrat de travail, elle doit être déclarée prescrite en application de l'article 2224 du code civil, qui fixe le délai d'action à 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

- Sur l'irrecevabilité des demandes de dommages et intérêts au titre de la perte d'emploi et de la violation du statut protecteur

La RATP soulève l'irrecevabilité de demandes de dommages et intérêts au titre de la perte d'emploi et de la violation du statut protecteur.

Comme le rappelle l'intimée, la Cour de cassation, par arrêt du 6 juin 2012, a effectivement cassé partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Paris en ce qu'il a déclaré le licenciement de M. [A] nul en raison du harcèlement moral qu'il avait subi, alors que l'autorisation de licenciement accordée par l'autorité administrative ne permet plus au salarié de contester la cause ou la validité de son licenciement en raison du harcèlement.

L'examen de la demande formée par M. [A] au titre du licenciement nul a donc été renvoyé devant la présente cour. Si le motif de cassation constitue un élément du débat concernant le bien-fondé de cette demande, il n'a pas pour effet de la rendre irrecevable. La Cour de cassation précise d'ailleurs en page 4 de son arrêt que les parties sont remises dans l'état où elles se trouvaient sur ce point avant sa décision, étant toutefois souligné que la cour ne statue que sur les demandes actualisées des parties au jour des débats.

Sur la discrimination et le retard de carrière :

M. [A] expose qu'à compter de son embauche le 6 septembre 1993, sa carrière n'a évolué qu'une fois, après 9 ans de présence, du niveau E7 à E8 à effet au 1er janvier 2002, en violation des règles statutaires en vigueur au sein de la RATP. Il souligne que l'employeur a refusé d'organiser les entretiens d'appréciation et de progrès pendant 5 ans entre le 27 novembre 1998 et le 23 décembre 2003 en raison de la dénonciation des agissements racistes de M. [M] à son égard, puis en 2004. Il ajoute que la RATP a rejeté de manière constante toute reconnaissance des diplômes qu'il a obtenus en violation des principes résultant du protocole d'accord sur la formation professionnelle, notamment l'article 4.1, et du protocole sur la promotion interne.

Le salarié fait également valoir qu'il a subi une inégalité de traitement par rapport à ses collègues, dès lors que sur les 45 agents embauchés en 1993, tous ont été promus au niveau E8 après 7 ans au plus, soit au plus tard en 2000 et en moyenne après 5 ans, alors que lui-même n'a atteint ce niveau qu'en 2002. Il ajoute que 39 de ces 45 agents ont été promu E9 en 2006 et en moyenne après 3 ans de l'ancien grade, alors qu'il a quitté l'entreprise en 2007 sans jamais l'atteindre. Il explique qu'à la date de son départ, 27 agents étaient niveau E 10 en moyenne après 4 ans, et 3 étaient agent de maîtrise alors qu'ils n'avaient pas fourni le même effort de formation que lui. Il ajoute que la comparaison avec des agents embauchés en 1994 et 1995 révèle également une inégalité de traitement au regard de leur évolution de carrière plus favorable que la sienne, malgré ses bonnes évaluations et son investissement dans des formations couronnées de succès.

La RATP répond que :

- par arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 septembre 2002, M. [A] a obtenu 4 000 euros au titre de dommages et intérêts pour retard à l'avancement concernant la période antérieure à 2002, de sorte qu'il a déjà été indemnisé, cette décision revêtant le caractère de la chose jugée.

- le passage au niveau E9 se situe dans une fourchette allant de 3 à 7 ans, si bien que conformément au texte applicable, M. [A] aurait pu être nommé au plus haut de la fourchette le 1er janvier 2009 sans subir de retard à l'avancement s'il n'avait pas quitté l'entreprise. La RATP rappelle que la Commission de classement est composée en nombre égal de membres représentants la direction et de représentants du personnel désignés par les organisations syndicales et que les textes applicables relatifs au déroulement de carrière ne prévoient pas un droit à l'avancement lié exclusivement à l'ancienneté mais font intervenir le choix de la hiérarchie.

- M. [A] a montré peu d'implication dans son métier, il n'a accepté de prendre aucune initiative ni responsabilité, en refusant notamment de prendre la tête d'une équipe d'agents de sécurité. Elle souligne que les 10 salariés de la promotion de 1993 qui ont obtenu le niveau EC1 agent de maîtrise justifiaient de 15 ans d'ancienneté et deux titulaires de mandats syndicaux auprès de la CGT ont atteint le niveau E9 en qualité de pilote de sorte que l'évolution de M. [A] est sans lien avec ses fonctions syndicales.

- s'agissant des formations, elle insiste sur la démarche personnelle du salarié auquel il n'a pas été demandé de formation qualifiante. Elle rappelle que l'article 4-1 du protocole sur la formation professionnelle continue ne confère absolument pas au titulaire d'un diplôme une reconnaissance automatique du diplôme. Elle explique que la faculté pour l'entreprise de prendre en considération une formation suivie avec succès est soumise à condition et qu'il importe au minimum que les aptitudes de l'intéressé correspondent au poste qui pourrait lui être attribué. Or, M. [A], auquel des droits ont été ouverts sur la bourse à l'emploi, afin qu'il puisse dépose son CV, consulter les offres et y postuler, n'a jamais déposé son CV ni postulé à un emploi via cet outil.

- enfin, en ce qui concerne l'absence d'entretien d'évaluation périodique, elle explique que cet entretien annuel a été créé par l'instruction générale n°492 du 17 octobre 2001 qui précise toutefois que la Régie se doit de veiller à respecter un rythme annuel « dans la mesure du possible », c'est à dire sans obligation. L'employeur ajoute que pour la période antérieure à 2003, l'absence d'entretien annuel n'est due qu'aux absences et tergiversations de M. [A] et qu'à partir de mi-2003 l'agent de maîtrise devant effectuer cet entretien a été longuement absent pour cause de maladie, puis d'inaptitude, de sorte que tous les agents du relais des [Localité 2] n'ont pu être évalués avant 2005.

A titre liminaire, la Cour écarte le moyen d'irrecevabilité soulevé par la RATP concernant les faits invoqués par M. [A] au soutien de sa demande relative à la discrimination qu'il soutient avoir subie. En effet, dès lors que l'arrêt de la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du chef de la discrimination, il appartient à la présente cour de réexaminer l'ensemble des moyens et arguments soutenant la demande. Par ailleurs, un même ensemble de faits peut être à l'origine, à la fois, d'un harcèlement moral et d'une discrimination.

M. [A] ne produit pas l'intégralité de ses fiches de paie pour la période considérée. Seuls les bulletins de salaires de juillet 2006 à février 2007, outre celui d'avril 2007, sont communiqués. Ils permettent de constater que le salarié était au niveau E8, échelon 11 au mois de juillet 2006 et qu'il avait atteint l'échelon 12 au mois d'octobre 2006.

Il affirme, sans être contredit, avoir obtenu une seule évolution de niveau le 29 mars 2002, à effet rétroactif au 1er janvier 2002, en violation des règles statutaires en vigueur au sein de la RATP.

La lecture de ces règles permet de constater que si l'avancement d'échelon est déterminé uniquement par l'ancienneté, les avancements de niveau, de qualification, de catégorie et de position pour les techniciens supérieurs dépendent, outre de l'ancienneté, du choix de la hiérarchie après avis d'une commission de classement et dans la limite d'un nombre de nominations autorisées, voire d'une formation qualifiante.

En effet, pour l'avancement de niveau, l'instruction générale n° 468 A précise qu'elle est accordée au choix, après avis d'une commission de classement, dans la limite d'un nombre de nominations autorisées et dans une fourchette d'ancienneté de niveau. L'instruction SEC/D/02-315 précise que « le déroulement de carrière des agents de sécurité s'effectue sur les niveaux E7 à E10 au choix en fourchette de 3 à 7 ans selon les pourcentages (') Moyenne : 5 ans ». L'instruction générale n° 468 A ajoute en page 6 que les possibilités d'évolution résultant de l'application des pourcentages « doivent être respectées aussi près que possible pour chaque tranche d'ancienneté » et que « lors de l'entrée dans les deux dernières tranches des fourchettes, l'entretien d'appréciation et de progrès doit expliciter et notifier les motifs risquant d'entraîner à terme un avis défavorable pour la promotion ». En l'absence d'évolution, les raisons doivent être consignées dans le compte rendu d'entretien d'appréciation et de progrès qui doit comporter également le plan de progrès défini pour remédier à la situation.

S'agissant du métier de pilote de sécurité, il ressort de la pièce n°30-1 produite par le salarié, qu'il est accessible « au choix, sur vacance de poste parmi les agents de sécurité de niveau E8 depuis au moins 3 ans, de niveau E9 ou de niveau E10, après validation d'une formation qualifiante ».

M. [A] a été embauché le 6 septembre 1993 au niveau E7 et n'a accédé au niveau E8 que le 1er janvier 2002, après 9 ans, soit 1 an et demi au-delà des 7 années maximales d'ancienneté fixées par la fourchette précitée. Il a adhéré au syndicat UGICT CGT à compter de 1998.

Cependant, le préjudice de carrière de M. [A], au titre de cet accès tardif au niveau E8, a d'ores et déjà fait l'objet d'un examen et d'une indemnisation par décision définitive du 16 septembre 2002 de la cour d'appel de Paris. La demande indemnitaire de l'appelant est donc irrecevable pour la période antérieure à cette date, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée.

Il convient donc d'apprécier si la discrimination s'est poursuivie à compter de 2002, à la suite de l'accès au niveau E8.

M. [A] n'a connu aucune évolution de niveau entre le 1er janvier 2002 et le 25 juin 2007. Si la moyenne de l'ancienneté nécessaire pour changer de niveau est fixée à 5 ans, il apparaît que le salarié, lors de sa réforme, n'avait pas atteint l'ancienneté maximale de 7 ans de la fourchette évoquée supra. Aucune violation des règles statutaires relatives à la progression de carrière au sein de la RATP n'apparaît donc caractérisée.

Cependant, M. [A] verse aux débats en pièce n°13 un tableau retraçant l'évolution de carrière d'une liste d'une quarantaine d'agents embauchés par la RATP en 1993 au niveau E7 et à la qualification 2, soit dans une situation équivalente à la sienne. Il en ressort que la majorité de ces salariés a atteint le niveau E9 dans des conditions d'ancienneté au niveau E8 variant entre 3 et 5 ans, alors que M. [A] n'y a pas accédé avant d'être réformé malgré 5 ans et demi à ce niveau.

Ce fait laisse supposer l'existence d'une inégalité de traitement à l'origine d'une discrimination liée à l'activité syndicale du salarié.

Cependant, la cour relève qu'aux termes de l'entretien d'appréciation et de progrès du 23 juin 2005, l'évaluateur indiquait : « [O] [A] doit être un acteur actif lors des opérations conjointes et missions de coordination conjointes. Dans ce cadre-là, il doit se mettre à la disposition de son responsable d'équipe.

Appréciation du responsable suite à la demande de M. [A] :

- Travail moyen dans l'ensemble,

- Montre peu d'implication pour son métier,

- Ne prends aucune initiative et aucune responsabilité. Doit montrer une dynamique (prendre les équipes quand le cas se présente et être un véritable soutien pour le pilote)

- Montre une certaine réticence ... ».

Il apparaît en conséquence que l'absence d'accès de M. [A] au niveau E9 après 3 ans au niveau E8, soit en 2005, ne caractérise aucune discrimination, dès lors qu'elle est la conséquence de l'évaluation de la qualité de son travail par l'employeur, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation de la prestation de travail du salarié.

En revanche, pour les années 2006 et 2007, la RAPT ne produit aucun élément permettant de justifier le maintien de M. [A] au niveau E8, alors que 30 des 38 salariés constituant le panel de comparaison avaient atteint le niveau E9 après 4 ans d'ancienneté dans le niveau E8 et qu'ils étaient 33 après 5 ans d'ancienneté à ce niveau.

Ce fait caractérise un fait discriminatoire à l'égard de M. [A].

S'agissant du passage au niveau E10, l'examen du panel de comparaison permet de constater que les salariés listés justifiaient d'une ancienneté d'au moins 6 ans depuis leur accès au niveau E8. M. [A] ayant été réformé le 25 juin 2007, après 5 ans et demi dans le niveau E8, aucun fait laissant supposer une discrimination à son égard n'apparaît caractérisé.

Il en va de même pour le passage au niveau EC1, que seuls 8 salariés ont atteint après au moins 7 ans d'ancienneté depuis l'accès au niveau E8.

Si M. [A] se prévaut en pièce n°13-1 d'un panel de 149 salariés qui auraient connu des évolutions de carrière plus favorables que la sienne en atteignant, pour la plupart, les niveaux E10 et E11, aucune comparaison n'est possible avec la situation de l'appelant, dans la mesure où les dates auxquelles ces salariés ont atteint les niveaux supérieurs au niveau E7 ne sont pas précisées, alors que 25 années se sont écoulées depuis les embauches les plus anciennes en 1994.

La comparaison opérée par le salarié avec M. [W] n'apparaît pas davantage pertinente, dès lors que ce dernier n'était pas placé dans une situation équivalente à la sienne, puisqu'il a obtenu un diplôme de troisième cycle en ressources humaines qui lui a permis d'accéder à un poste de cadre disponible au sein du département GIS, distinct de celui de la sécurité. En outre, pour les motifs développés infra, il est établi que M. [A] n'a entrepris aucune démarche utile pour valoriser ses diplômes.

En effet, le salarié reproche encore à l'employeur de ne pas en avoir tenu compte de l'obtention de plusieurs diplômes dans son évolution de carrière.

Il justifie avoir obtenu :

- un brevet professionnel d'agent technique de sécurité dans les transports en 1997,

- un DUT en gestion des entreprises et des organisations en 2003,

- une licence professionnelle en sécurité des biens et des personnes en 2005,

- un diplôme universitaire en politiques et dispositifs de sécurité territoriale en 2006.

L'article 4-1 du protocole sur la formation professionnelle prévoit que : « lorsqu'un agent s'engage, de sa propre initiative, dans un processus de formation qualifiante, l'entreprise est prête à reconnaître sa qualification dans la mesure où il y a compatibilité entre le diplôme acquis et les postes à pourvoir, selon les principes suivants : lorsque la formation choisie conduit à un diplôme donnant accès à un métier pour lequel la Régie recrute régulièrement, et que les capacités de l'agent paraissent compatibles avec le type de poste qui pourrait lui être confié : la RATP s'engage alors à prendre en compte le diplôme ou l'équivalence obtenu à l'issue de la formation prévue, et cette décision devient une donnée du plan de recrutement ».

La RATP justifie par la production des attestations de M. [T] et de Mme [C] avoir organisé des rendez-vous les 13 décembre 2004 et 27 janvier 2005 entre M. [A] et le service des ressources humaines, au cours desquels il a été rappelé au salarié que la valorisation des diplômes obtenus sur initiative personnelle n'était pas automatique. Ces témoignages établissent qu'un droit d'accès à la bourse à l'emploi interne lui a été ouvert, afin de lui permettre de déposer un curriculum vitae, consulter les offres d'emploi et de postuler à un poste en lien avec sa formation. Or, M. [A] ne justifie pas avoir mis en ligne son curriculum vitae ni avoir candidaté à un quelconque emploi en rapport avec les diplômes précités. Il n'établit pas davantage avoir informé la RATP des diplômes obtenus après 2005. Il ne saurait donc imputer à l'employeur l'absence de valorisation de ses compétences.

S'agissant de l'absence de notation annuelle, d'entretien annuel d'appréciation et de progrès et de formation, il ressort de l'article 122 du statut du personnel de la RATP que chaque agent doit bénéficier d'une notation annuelle, dont l'employeur ne justifie pas pour M. [A], sans fournir d'explication, ni établir que les agents placés dans une situation équivalente à la sienne n'ont pas non plus été évalués. En revanche, l'instruction générale d'appréciation n°492 n'impose pas d'entretien annuel d'appréciation et de progrès et de formation, dès lors qu'elle le soumet « dans la mesure du possible [à] un rythme annuel ». En outre, il ressort des éléments de la procédure qu'aucun manquement n'est imputable à l'employeur qui a été confronté aux contestations répétées de M. [A] concernant les dates et l'interlocuteur devant mener l'entretien, ainsi qu'à ses absences pour congés, récupération, maladie et congés individuels de formation. Enfin, si le droit à la formation est consacré par les protocoles d'accord sur la formation professionnelle continue au sein de la RATP, M. [A] ne justifie d'aucune demande, alors que l'employeur démontre que le salarié a bénéficié des formations organisées pour le personnel du service de la sécurité à plusieurs reprises et qu'à nouveau, ses absences pour les raisons précitées ne lui ont pas permis d'assister à l'ensemble des journées de formation. La cour rappelle que malgré les formations individuelles suivies par le salarié et l'ouverture de droits sur la bourse à l'emploi de la RATP, ce dernier n'a pas exploité les possibilités de valorisation de ses diplômes.

En conséquence, seuls le maintien de M. [A] au niveau E8 à compter de 2006 et jusqu'au 25 juin 2007 et l'absence de notation annuelle constituent des actes discriminatoires. Il lui sera alloué une somme de 7 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant.

La demande relative à la reconstitution de carrière et à la revalorisation de sa pension de retraite ne peut prospérer, dès lors que le fait discriminatoire ne peut caractériser qu'une perte de chance pour M. [A] de connaître une meilleure évolution professionnelle au regard de l'ensemble des conditions statutaires de progression de carrière au sein de la RATP, telles que rappelées supra, qui révèlent qu'elle dépend toujours, pour partie, du choix de l'employeur, de l'avis d'une commission de classement et du nombre de nominations autorisées. De surcroît et en tout état de cause, la cour relève que M. [A] ne justifie pas du montant de sa retraite, ni des barèmes de rémunération et de calcul de sa pension pourtant nécessaires, alors qu'une expertise ne peut être ordonnée pour pallier la carence des parties.

Sur la rupture du contrat de travail :

M. [A] ne conteste plus la régularité de la rupture de son contrat de travail par l'effet de sa réforme autorisée par l'inspection du travail le 18 juin 2007.

Néanmoins, il sollicite l'indemnisation de tous les droits résultant de l'origine de son inaptitude et en particulier du préjudice résultant de la perte d'emploi.

Le salarié rappelle que le harcèlement moral qu'il a subi pendant près de 11 ans de 1997 à 2007 a été définitivement reconnu, ce comportement de la RATP étant directement à l'origine de la dégradation de son état de santé ayant conduit à son inaptitude et à la perte de son emploi. Il invoque des certificats médicaux, notamment du médecin du travail, évoquant sa souffrance psychique et le lien avec ses conditions de travail, l'avis d'inaptitude rendu en une seule visite par le médecin du travail du fait du danger immédiat auquel il était exposé dans l'entreprise et l'autorisation de licenciement délivrée par l'inspection du travail afin de le protéger. Il sollicite 100 000 euros de dommages et intérêts correspondant à 33 mois de salaire et 67 500 euros au titre de la violation du statut protecteur, soit 22 mois de salaire.

Les parties conviennent du caractère définitif de la décision de la cour d'appel de Paris du 12 octobre 2010 concernant le harcèlement moral invoqué par le salarié, la RATP ayant été condamnée à lui verser la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Si l'employeur conclut à l'irrecevabilité de la demande, il convient de rappeler que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations.

Les éléments de la procédure, notamment le certificat médical du docteur [S] produit par le salarié en pièce n°17-1, l'avis d'arrêt de travail du 21 octobre 2005, les avis d'arrêt de travail en lien avec un accident de travail ou une maladie professionnelle délivrés du 7 avril 2006 au 27 février 2007 et les fiches d'aptitude établies par le docteur [O], médecin du travail les 5 mars 2007 et 25 mai 2007 établissent que l'inaptitude ayant conduit à la réforme de M. [A] est en lien de causalité certain et direct avec les faits de harcèlement moral retenus par la cour d'appel de Paris aux termes de son arrêt du 12 octobre 2010. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient à tort la RATP, le salarié est bien fondé à solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi. Compte tenu des pièces produites, notamment des bulletins de salaire de l'intéressé, la RATP sera condamnée à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

En revanche, la demande indemnitaire formée par l'appelant au titre de la violation de son statut protecteur ne peut prospérer, dès lors que la réforme a été régulièrement autorisée par l'inspection du travail le 18 juin 2007 comme rappelé supra.

Sur les autres demandes

- Sur la carte de retraité de la RATP

M. [A] sollicite 5 000 euros au titre de la suppression de la carte de retraité de la RATP depuis octobre 2011 en violation de l'article 138 du statut du personnel de la RATP. Il demande également qu'il soit enjoint à la RATP de lui délivrer une nouvelle carte.

La RATP ne conclut pas sur ces demandes.

Il ressort effectivement de l'article 138-2° du statut du personnel de la RATP que les agents retraités ou réformés jouissant d'une pension proportionnelle attribuée en application de l'article 16 (1°) du règlement des retraites, bénéficient d'une carte de circulation leur permettant d'utiliser les lignes exploitées par la RATP sous réserve qu'ils aient accompli au moins dix années de service.

La RATP ne conteste pas l'attribution d'une pension proportionnelle au profit de M. [A], qui justifie de plus de dix années de service effectif. Le salarié produit en outre les attestations de MM. [I] [D] et [Q] [B] qui certifient avoir constaté, pour le premier, le 27 décembre 2013 et pour le second, le 16 janvier 2015, le message « périmé depuis le 07 octobre 2011 » au passage de la carte de transport de M. [A] sur le lecteur d'un tripode d'accès au réseau de la RATP.

Néanmoins, M. [A] ne démontre pas avoir informé la RATP de cette difficulté. En l'absence de tout manquement caractérisé à l'égard de l'employeur, la demande de dommages et intérêts ne peut aboutir. En revanche, il sera enjoint à la à la RATP de délivrer une nouvelle carte de circulation fonctionnelle à M. [A], en application des dispositions susvisées.

- Sur la demande de rappel de salaire au titre d'abattements injustifiés

M. [A] sollicite un rappel de salaire d'un montant de 1 774,85 euros au titre d'abattements injustifiés sur ses salaires de juillet 2006 à février 2007, en violation de l'article 80 du statut du personnel de la RATP qui prévoit le paiement d'un salaire plein en cas de maladie ou de blessure pendant 365 jours consécutifs,

Cependant, il ressort de l'article 80 précité que le « congés à plein salaire » auquel peut prétendre l'agent en activité en cas de maladie ou de blessure est conditionné par un constat d'un praticien habilité ou d'un médecin du conseil de prévoyance agréé par la RATP. En outre, le congé ne peut être accordé, jusqu'à trois mois, que sur proposition du praticien habilité et au-delà, par une commission médicale.

M. [A] ne justifiant pas remplir ces conditions, il doit être débouté de sa demande de rappel de salaire.

- Sur le panel de comparaison incomplet

M. [A] réclame 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la tentative d'escroquerie au jugement qu'il a subie du fait de la production par l'employeur d'une liste tronquée des agents embauchés en 1993 à titre de panel de comparaison.

La RATP répond que la demande ne peut prospérer, dès lors qu'elle est fondée sur une qualification de nature strictement pénale sur laquelle aucune prévention ni condamnation n'a et n'aura lieu, M. prouvé ayant retiré sa plainte.

Toutefois, il ressort de la comparaison de la pièce n°72 communiquée par le salarié, que la RATP ne conteste pas avoir produit en décembre 2015 devant les premiers juges, et de la pièce n°73 de l'appelant, que l'employeur a manifestement retiré de la liste des salariés embauchés comme M. [A] en 1993, la ligne relative à quatre salariés ayant connu une évolution de carrière leur ayant permis d'accéder au niveau d'agent de maîtrise pendant la période d'activité de l'appelant.

La RATP ne conteste pas avoir ensuite produit la liste exhaustive après le dépôt de plainte de M. [A] auprès des services de gendarmerie. Ce manquement de l'intimée à l'obligation de loyauté à laquelle elle est tenue, en application de l'article 9 du code de procédure civile, dans le cadre du débat judiciaire justifie sa condamnation au paiement d'une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts, compte tenu du préjudice né de l'obligation pour M. [A] de procéder à un dépôt de plainte pour obtenir une liste exhaustive.

- Sur la violation de l'article 15 du code de procédure civile

M. [A] sollicite une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en raison de la violation par la RATP de l'article 15 du code de procédure civile, par la communication délibérément tardive de ses conclusions et pièces afin de retarder l'issue de la procédure.

Cependant, comme le relève pertinemment la RATP, M. [A] est à l'origine de la décision de radiation ordonnée par la cour le 10 octobre 2016 et motivé par la constitution d'avocat par l'appelant quelques jours avant l'audience. Il sera par conséquent débouté de sa demande.

Sur les intérêts

S'agissant de créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées ; ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la RATP.

La demande formée par M. [A] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement, dans les termes et limites de l'arrêt de renvoi de la Cour de cassation du 6 juin 2012,

Infirme le jugement entrepris en ce qui concerne la demande à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, la nullité de la rupture du contrat de travail et l'indemnité allouée à ce titre ;

Le confirme s'agissant de la demande au titre de la reconstitution de carrière ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable comme étant prescrite l'action engagée par M. [O] [A] à l'encontre de la caisse de retraite du personnel de la RATP s'agissant de l'ensemble des demandes ;

Déclare irrecevable la demande indemnitaire au titre du préjudice de carrière antérieur au 16 septembre 2002, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée ;

Rejette les autres moyens d'irrecevabilité ;

Condamne la RATP à payer à M. [O] [A] les sommes suivantes :

7 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la discrimination syndicale

20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte d'emploi

500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la communication d'une pièce au titre du panel de comparaison incomplet ;

Enjoint à la RATP de délivrer une nouvelle carte de circulation fonctionnelle à M. [O] [A] ;

Déboute M. [O] [A] de ses autres demandes ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la RATP aux dépens d'appel ;

Condamne la RATP à payer à M. [O] [A] la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Stéphanie HEMERY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02957
Date de la décision : 12/09/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°18/02957 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-12;18.02957 ?
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