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12/09/2019 | FRANCE | N°17/01753

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 12 septembre 2019, 17/01753


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89A



5e Chambre







ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 SEPTEMBRE 2019



N° RG 17/01753



N° Portalis DBV3-V-B7B-ROHQ



AFFAIRE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'[Localité 1]



C/



[Y] [Y]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Mars 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CHARTRES

N° RG : 2013/179


r>Copies exécutoires délivrées à :



Me Olivia MAURY



la SELARL RAOULT PHILIPPE



Copies certifiées conformes délivrées à :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'[Localité 1]



[Y] [Y]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89A

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 SEPTEMBRE 2019

N° RG 17/01753

N° Portalis DBV3-V-B7B-ROHQ

AFFAIRE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'[Localité 1]

C/

[Y] [Y]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Mars 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CHARTRES

N° RG : 2013/179

Copies exécutoires délivrées à :

Me Olivia MAURY

la SELARL RAOULT PHILIPPE

Copies certifiées conformes délivrées à :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'[Localité 1]

[Y] [Y]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'[Localité 1]

[Adresse 1]

Service juridique

[Localité 2]

représentée par Me Olivia MAURY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R276

APPELANTE

****************

Monsieur [Y] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Philippe RAOULT de la SELARL RAOULT PHILIPPE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 172 - N° du dossier P17134 substituée par Me Erline GUERRIER de la SELARL RAOULT PHILIPPE, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier P17134

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Juin 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice présidente placée,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,

M. [Y] [Y] a été embauché au sein de la société Renault, usine de Flins, le 18 décembre 1972. Il y a travaillé jusqu'au 31 mars 2013.

Souffrant d'otites chroniques, M. [Y] a été opéré à trois reprises de l'oreille droite par tympanoplastie, la première fois en 1989 puis en 1990 et 1991 pour tenter, en vain, de réhabiliter son audition.

Il a été reconnu comme travailleur handicapé en 2008.

Le 24 septembre 2009, M. [Y] a établi une déclaration de maladie professionnelle pour un déficit audiométrique bilatéral par lésion cochléaire irréversible relevant du tableau n°42, que la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après désignée 'la Caisse' ou 'CPAM') a refusé de prendre en charge à ce titre. Ce refus est devenu définitif au 16 mars 2010 après confirmation de la commission de recours amiable.

M. [Y] a bénéficié d'arrêts de travail pour maladie successifs entre le 25 octobre 2010 et le 1er octobre 2011 date à laquelle il a repris son travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique. Il a fait valoir ses droits à la retraite le 31 mars 2013.

Le 19 juillet 2012, M. [Y] a établi une nouvelle déclaration de maladie professionnelle visant de nouveau une surdité du tableau 42. Il joignait un nouveau certificat médical (CMI), établi le même jour, par le docteur [Q], évoquant une tympanoplastie droite en 1990 et 1991, ainsi qu'un examen audiométrique réalisé le 26 novembre 2010. Le médecin mentionnait que « l'audiogramme réalisé le 26 novembre 2010 montre une surdité bi-latérale importante avec une perte auditive moyenne (...) ; la surdité bilatérale est due, en grande partie aux traumatismes sonores provoqués par son métier ».

Par courrier du 30 novembre 2012, la Caisse a informé M. [Y] qu'un délai complémentaire d'instruction était nécessaire et lui a demandé de pratiquer une impédancémétrie et un réflexe stapédien pour les deux oreilles.

Le médecin conseil, le docteur [S], a fixé la date de première constatation médicale de la maladie au 24 avril 2008, date correspondant au premier audiogramme communiqué lors de la première demande de maladie professionnelle. Le médecin indiquait, sur la fiche de colloque médico-administratif, qu'elle n'était pas d'accord sur le diagnostic figurant sur le CMI et que les conditions médicales réglementaires du tableau n° 42 n'étaient pas remplies notamment en raison de réflexes stapédiens inexistants à droite et à gauche et d'une tympanométrie plate à gauche.

Par décision du 25 février 2013, la Caisse a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie de M. [Y] au motif que les conditions médicales mentionnées au tableau n° 42 des maladies professionnelles n'étaient pas remplies et que le délai de prise en charge de un an était dépassé.

Saisie par l'assuré le 28 février 2013, la commission de recours amiable de la Caisse a implicitement rejeté le recours de M. [Y] de sorte que celui-ci a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'[Localité 1] le 22 avril 2013 aux fins de reconnaissance de sa surdité au titre du tableau 42 des maladies professionnelles.

Par jugement du 28 mars 2014, le tribunal a ordonné une expertise médicale technique qu'il a confiée au docteur [N] [N], médecin ORL, afín de déterminer si les lésions de M. [Y] correspondent à une hypoacousie de perception par lésion cochléaire après avoir effectué les examen prescrits par le tableau 42 et si ces lésions causent un déficit auditif d'au moins 35 dB. Il était également demandé à l'expert si l'assuré souffrait d'une autre maladie essentiellement ou directement causée par son travail habituel, et dans ce cas, d'évaluer l'incapacité permanente en résultant.

L'expert a déposé son rapport le 15 juillet 2014, aux termes duquel il relevait une perte auditive moyenne sur l'oreille gauche de 42,5 dB et de 49 dB sur l'oreille droite et en concluait que « la maladie professionnelle pouvait être reconnue puisqu'il avait été exposé au bruit durant 41 ans et que les seuils exigés par le tableau numéro 42 des maladies professionnelles étaient atteints ». Il relevait également que M. [Y] présentait une pathologie d'otite chronique ancienne, non directement causée par son travail habituel.

Par jugement du 11 septembre 2015, le tribunal a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région [Localité 4] (désigné ci-après CRRMP) pour connaître la date de cessation d'exposition au risque.

Par décision du 29 juin 2016, ce CRRMP a exclu l'existence d'un lien de causalité direct entre la pathologie déclarée et l'activité professionnelle exercée par M. [Y].

Par jugement du 3 mars 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale a infirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable et a admis le caractère professionnel de la maladie d'hypoacousie de perception déclarée par M. [Y]. Il a également fixé le point de départ de l'indemnisation de ce dernier au 26 novembre 2010.

La Caisse a interjeté appel de cette décision et, par arrêt du 17 mai 2018, la cour d'appel autrement composée a, avant dire droit, ordonné la saisine du CRRMP des [Localité 5].

Le CRRMP a rendu son avis le 13 novembre 2018 estimant que ni la chronologie de la pathologie par rapport aux expositions professionnelles, ni les niveaux d'exposition sonores ne permettent de retenir un lien direct entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle.

Les parties ont a alors été convoquées à l'audience du 4 juin 2019.

Reprenant oralement ses écritures, la caisse primaire demande à la cour d'infirmer la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale et de juger que M. [Y] ne peut prétendre au bénéfice de la législation sur les maladies professionnelles pour l'affection invoquée le 19 juillet 2012.

En tout état de cause, le cas échéant, la Caisse demande à la cour de fixer le point de départ de l'indemnisation de l'affection de M. [Y] au 19 juillet 2012.

Pour sa part, reprenant oralement ses conclusions, M. [Y] demande à la cour de confirmer la décision entreprise.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIVATION DE LA COUR

M. [Y] soutient que les conditions administratives exigées par le tableau n°42 des maladies professionnelles, notamment le délai de un an de prise en charge et l'exposition aux travaux, sont remplies.

La Caisse rétorque que le délai de prise en charge est dépassé puisque M. [Y] n'est plus exposé au bruit depuis l'année 2005.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale

Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux quatrième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.

M. [Y] a procédé, auprès de la CPAM d'[Localité 1], le 19 juillet 2012 à une déclaration de maladie professionnelle évoquant « une surdité bilatérale du tableau 42 ».

Ce tableau prévoit :

DÉSIGNATION DES MALADIES

DÉLAI de prise en charge

LISTE LIMITATIVE DES TRAVAUX SUSCEPTIBLES de provoquer ces maladies

Hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d'acouphènes.

1 an (sous réserve d'une durée d'exposition d'un an, réduite à 30 jours en ce qui concerne la mise au point des propulseurs, réacteurs et moteurs thermiques)

Exposition aux bruits lésionnels provoqués par :

1. Les travaux sur métaux par percussion, abrasion ou projection tels que :

- le décolletage, l'emboutissage, l'estampage, le broyage, le fraisage, le martelage, le burinage, le rivetage, le laminage, l'étirage, le tréfilage, le découpage, le sciage, le cisaillage, le tronçonnage ;

- l'ébarbage, le grenaillage manuel, le sablage manuel, le meulage, le polissage, le gougeage et le découpage par procédé arc-air, la métallisation ;

2. Le câblage, le toronnage, le bobinage de fils d'acier ;

3. L'utilisation de marteaux et perforateurs pneumatiques ;

4. La manutention mécanisée de récipients métalliques ;

5. Les travaux de verrerie à proximité des fours, machines de fabrication, broyeurs et concasseurs ; l'embouteillage ;

6. Le tissage sur métiers ou machines à tisser, les travaux sur peigneuses, machines à filer incluant le passage sur bancs à broches, retordeuses, moulineuses, bobineuses de fibres textiles ;

7. La mise au point, les essais et l'utilisation des propulseurs, réacteurs, moteurs thermiques, groupes électrogènes, groupes hydrauliques, installations de compression ou de détente fonctionnant à des pressions différentes de la pression atmosphérique, ainsi que des moteurs électriques de puissance comprise entre 11 kW et 55 kW s'ils fonctionnent à plus de 2 360 tours par minute, de ceux dont la puissance est comprise entre 55 kW et 220 kW s'ils fonctionnent à plus de 1 320 tours par minute et de ceux dont la puissance dépasse 220 kW ;

8. L'emploi ou la destruction de munitions ou d'explosifs ;

9. L'utilisation de pistolets de scellement ;

10. Le broyage, le concassage, le criblage, le sablage manuel, le sciage, l'usinage de pierres et de produits minéraux ;

11. Les procédés industriels de séchage de matières organiques par ventilation ;

12. L'abattage, le tronçonnage, l'ébranchage mécanique des arbres ;

13. L'emploi des machines à bois en atelier : scies circulaires de tous types, scies à ruban, dégauchisseuses, raboteuses, toupies, machines à fraiser, tenonneuses, mortaiseuses, moulurières, plaqueuses de chants intégrant des fonctions d'usinage, défonceuses, ponceuses, clouteuses ;

14. L'utilisation d'engins de chantier : bouteurs, décapeurs, chargeuses, moutons, pelles mécaniques, chariots de manutention tous terrains ;

15. Le broyage, l'injection, l'usinage des matières plastiques et du caoutchouc ;

16. Le travail sur les rotatives dans l'industrie graphique ;

17. La fabrication et le conditionnement mécanisé du papier et du carton ;

18. L'emploi du matériel vibrant pour l'élaboration de produits en béton et de produits réfractaires ;

19. Les travaux de mesurage des niveaux sonores et d'essais ou de réparation des dispositifs d'émission sonore ;

20. Les travaux de moulage sur machines à secousses et décochage sur grilles vibrantes ;

21. La fusion en four industriel par arcs électriques ;

22. Les travaux sur ou à proximité des aéronefs dont les moteurs sont en fonctionnement dans l'enceinte d'aérodromes et d'aéroports ;

23. L'exposition à la composante audible dans les travaux de découpe, de soudage et d'usinage par ultrasons des matières plastiques. 24. Les travaux suivants dans l'industrie agroalimentaire : - l'abattage et l'éviscération des volailles, des porcs et des bovins ; - le plumage de volailles ; - l'emboîtage de conserves alimentaires ; - le malaxage, la coupe, le sciage, le broyage, la compression des produits alimentaires. 25. Moulage par presse à injection de pièces en alliages métalliques.

Cette hypoacousie est caractérisée par un déficit audiométrique bilatéral, le plus souvent symétrique et affectant préférentiellement les fréquences élevées.

Le diagnostic de cette hypoacousie est établi : par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes ; - en cas de non-concordance : par une impédancemétrie et recherche du réflexe stapédien ou, à défaut, par l'étude du suivi audiométrique professionnel.

Ces examens doivent être réalisés en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré.

Cette audiométrie diagnostique est réalisée après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins 3 jours et doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 dB. Ce déficit est la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1000, 2000 et 4000 Hertz.

Aucune aggravation de cette surdité professionnelle ne peut être prise en compte, sauf en cas de nouvelle exposition au bruit lésionnel.

La cour constate que les parties ne contestent plus la réalisation des conditions médicales réglementaires prévues au tableau n° 42 des maladies professionnelles, la Caisse s'en étant rapportée aux conclusions du docteur [N]. Les parties sont en désaccord sur le délai de prise en charge et l'exposition au risque.

Le tableau n° 42 définit un délai de prise en charge de un an entre la fin de l'exposition aux risques acoustiques et la première constatation médicale de la maladie réalisée grâce à une audiométrie.

La date de première constatation médicale a été fixée par le service médical au 24 avril 2008, date qui correspond au premier audiogramme communiqué lors de la première demande de maladie professionnelle de M. [Y]. Cette date n'est pas contestée des parties.

Le certificat médical initial produit par M. [Y] à l'appui de sa demande de maladie professionnelle est ainsi rédigé :

Monsieur [Y] travaille dans le bruit, chez Renault depuis 1972. Il a subi une tympanoplastie droite (intervention en 89/90 et 1991). Actuellement, l'oreille est sèche avec intégrité de la chaîne ossiculaire (scanner du 26 mai 2008).

L'audiogramme du 26 novembre 2010 montre une surdité bilatérale importante avec une perte auditive moyenne de 100 décibels à droite et de 75 à gauche. Le patient est appareillé des 2 côtés depuis juin 2009.

Cette surdité bilatérale est due en grande partie aux traumatismes sonores provoqués par son métier.

Cette surdité doit rentrer dans le cadre d'une maladie professionnelle.

Dans le cadre de l'enquête administrative, M. [Y] a complété deux questionnaires, les 15 septembre 2012 et 19 octobre 2012, aux termes desquels il a indiqué qu'il travaillait au sein de la société Renault depuis le 18 décembre 1972, à différents postes « dans le bruit ». Il précisait avoir utilisé divers outils bruyants, notamment des ponceuses, lustreuses, soufflettes, pistolets à peinture, cabines de peinture, extracteurs et conditionneurs. Il expliquait enfin que son audition s'était dégradée au fil des années en raison de ces agressions sonores, précisant que son exposition « était loin d'être occasionnelle puisqu'il était exposé au bruit tous les jours pendant 7 heures 30 ».

Pour sa part, l'employeur, répondant au questionnaire de la Caisse le 16 octobre 2012, confirmait avoir embauché M. [Y] le 18 décembre 1972 mais précisait que depuis le 1er septembre 2005, il était employé à la cire (injection de cire dans les corps creux du véhicule à l'aide d'un pistolet) dans une zone non exposée au bruit.

L'expertise médicale technique réalisée par le docteur [N] le 15 juillet 2014 indique : « Monsieur [Y] [Y] qui a subi une exposition aux bruits durant 41 ans, présente bien une surdité professionnelle liées à cette exposition et entrant dans le cadre du tableau n° 42 des maladies professionnelles. Il présente par ailleurs une pathologie d'otite chronique ancienne qui n'a rien à voir avec la profession qu'il a exercé et qui existait avant l'exercice de cette profession. Cette pathologie n'est donc pas directement causée par le travail habituel de la victime ».

Pour autant, il doit être relevé que la question posée au médecin était de savoir si M. [Y] présentait une surdité relevant du tableau 42 et non pas de dire si les conditions administratives nécessaires à la reconnaissance de la pathologie au titre du risque professionnel étaient remplies.

Or, consulté précisément sur ce point, le CRRMP d'[Localité 6] a émis, le 29 juin 2016, un avis négatif « rejet[ant] le lien direct entre la maladie (déficit audiométrique bilatéral par lésion cochléaire irréversible) et le travail habituel de la victime (ouvrier spécialisé). Avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée ». Cet avis était par la suite confirmé par le CRRMP de [Localité 7], saisi par la présente cour, qui concluait ainsi : « au final, ni la chronologie de la pathologie par rapport aux expositions professionnelles, ni les niveaux d'expositions sonores ne permettent de retenir un lien direct entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle ».

Plus précisément, le CRRMP, rappelant qu'il avait eu connaissance des pièces du dossier communiqué, indique que :

- s'agissant de la date de cessation d'exposition au risque, les différents postes occupés par M. [Y] confirmés par le médecin du travail, démontrent qu'il a été soustrait aux bruits lésionnels depuis 1987. Il conclut que « le dépassement du délai de prise en charge est considérable et ne peut être expliqué par aucun élément cohérent d'histoire clinique d'autant qu'entre 1972 (date d'entrée dans l'entreprise) et 1984 (date d'un audiogramme intermédiaire), il n'y a pas d'altération significative de l'audition alors que l'assuré occupait censément les postes les plus exposants de sa carrière » ;

- s'agissant du niveau d'exposition sonore, même en tenant compte, au poste « retouche cabine », du bruit des extracteurs, les niveaux sonores ne constituent pas des bruits lésionnels au sens du tableau 42.

Aucune des pièces produites aux débats par M. [Y] ne permet de démentir les avis clairs, précis et motivés des deux CRRMP et d'établir qu'il était encore exposé aux bruits lésionnels un an avant la date de première constatation.

C'est ainsi que lors de l'enquête, la carrière de M. [Y] a pu être ainsi reconstituée :

- de 1972 à 1976 : travail sur un poste d'expédition consistant à emballer des pièces détachées de véhicules ;

- de juin 1976 au 31 mars 2013, travail sur différents postes de peinture de la ligne de production et plus précisément affecté :

. de 1976 à 1977 à des travaux de ponçage ;

. de 1977 à 1980 à des travaux de retouche (poste en cabine peinture sèches avec des bruits d'extracteurs),

. de 1980 à 1986 à des travaux en cabine peinture (poste très bruyants car circulation d'eau et extracteurs) ;

. de 1986 à 1993, à des travaux de retouche (poste en cabine peinture sèche avec des bruits d'extracteurs) ;

. de 1993 à 1999 à des travaux de ponçage ;

. de 1999 à 2003 à des travaux de retouche ;

. de 2003 à septembre 2005 : mastic ;

. de septembre 2005 à octobre 2010 à des travaux d'injection cire dans une zone non exposée au bruit.

M. [Y] a lui-même déclaré avoir occupé de septembre 2005 à octobre 2010 le poste d'injection cire qu'il décrivait ainsi : « Cette opération s'effectuait aux postes de pose obturateurs intérieur et essuyage, niche moteur. Pour réaliser cette opération aucun outil n 'était nécessaire. Conditions de travail : beaucoup de dextérité, des gestes et postures toujours accompagnés de mouvements des bras avec torsions, extension et flexions de ceux-ci ainsi que pour le dos, rotations des poignets, torsion du tronc et de la tête, flexions et inclinaisons également de la tête dû au poste inadapté à ma taille. Dans un environnement bruyant dû aux convoyeurs de véhicules et aux conditionneurs d'air de la cabine d'injection cire ».

Le poste qu'il a occupé de septembre 2005 à octobre 2010 ne l'a donc pas exposé au risque du tableau n° 42 des maladies professionnelles, la seule référence à un environnement bruyant ne suffisant pas au cas d'espèce.

L'employeur précise en outre, sans qu'aucun élément ne vienne le contredire, que ce poste consistait à injecter de la cire dans les corps creux des véhicules automobiles à l'aide d'un pistolet, ce qui n'exposait pas M. [Y] à des bruits de percussion, d'abrasion ou de projection sur métaux et qui ne nécessitait aucune utilisation de marteaux pneumatiques ou de moteurs thermiques, propulseurs, réacteurs ou groupes électrogènes.

A l'audience, sur interrogation de la cour, M. [Y] n'a d'ailleurs pas été en mesure de désigner, parmi les 24 travaux limitativement énumérés par le tableau 42 comme étant à l'origine de la surdité, le(s)quel(s) il avait exercé(s) dans l'année précédant la déclaration de la maladie.

Si M. [Y] verse aux débats deux attestations de collègues afin de démontrer son exposition au bruit, la cour relève que ces derniers évoquent le poste de retoucheur, c'est-à-dire le poste occupé avant 2003, et non celui d'injection cire. Or, ce dernier poste, occupé depuis le 1er septembre 2005, ne rentre pas dans le cadre des travaux cités à la liste limitative du tableau n° 42.

De même, le médecin du travail, le docteur [F], relevait, dès le 7 décembre 2009, que M. [Y] n'avait été exposé au bruit en cabine peinture que jusqu'en 1987 et qu'il n'avait jamais été remis en cabine, au bruit, depuis cette date. Il précisait que la surdité était apparue brutalement en 1987 sur l'oreille droite et sur toutes les fréquences (tympanoplastie en 1987) et s'agissant de l'oreille gauche, il constatait une dégradation de l'audition au regard d'un examen audiométrique réalisé en 2004.

Il ressort donc de ce qui précède que le poste occupé par M. [Y] de septembre 2005 à octobre 2010 ne l'a pas plus exposé au risque du tableau n° 42 des maladies professionnelles, c'est-à-dire aux bruits provoqués par le travail sur métaux par percussion, abrasion ou projection, par l'utilisation de marteaux pneumatiques, par la mise au point, les essais et l'utilisation de moteurs thermiques, propulseurs, réacteurs, groupes électrogènes et par l'emploi de machines à bois, étant relevé que la seule référence à un environnement bruyant ne permet pas de suppléer à l'exigence du tableau.

En conséquence, la cour décide que le délai de prise en charge de un an depuis la fin de l'exposition au risque était dépassé lorsque M. [Y] a procédé à la déclaration de maladie professionnelle auprès de la Caisse. Sa pathologie ne peut donc être prise en charge au titre du risque professionnel.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

M. [Y] qui succombe à l'instance sera condamné aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile désormais applicables au contentieux de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 3 mars 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Eure-et-Loir (n° 2013/179) ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Décide que la pathologie déclarée par M. [Y] [Y] le 19 juillet 2012 ne relève pas du tableau n° 42 des maladies professionnelles ;

Déboute M. [Y] de sa demande de prise en charge de la pathologie qu'il a déclarée le 19 juillet 2012 au titre du risque professionnel ;

Déboute les parties de leurs demandes autres, contraires ou plus amples ;

Condamne M. [Y] aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 17/01753
Date de la décision : 12/09/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°17/01753 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-12;17.01753 ?
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