COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRÊT N° 280
CONTRADICTOIRE
DU 12 SEPTEMBRE 2019
N° RG 16/05261
N° Portalis : DBV3-V-B7A-RDNC
AFFAIRE :
[J] [X]
C/
SASU BUFFET CRAMPON
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES-LA-JOLIE
N° Section : Encadrement
N° RG : 16/00190
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 13 Septembre 2019 à :
- Me David METIN
- Me Martine DUPUIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 11 juillet 2019 puis prorogé au 12 septembre 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [J] [X]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]
de nationalité Française
Chez Mme [F] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me David METIN, constitué/plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159
APPELANTE
****************
La SASU BUFFET CRAMPON
N° SIRET : 445 363 518
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Nathaniel SCHILLI, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Florence FROMENT MEURICE, plaidant, avocate au barreau de PARIS ; et par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Mai 2019, Madame Valérie DE LARMINAT, Président, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Valérie DE LARMINAT, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIEVRE, Magistrat honoraire,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Rappel des faits constants
La SAS Buffet Crampon fabrique des instruments de musique. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective de la métallurgie.
Mme [J] [X], née le [Date naissance 1] 1962, a été engagée au sein de cette société, en qualité de directrice des ressources humaines et des affaires juridiques groupe, statut cadre dirigeant, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 mai 2008. Elle était également membre du comité de direction de la société.
Les parties ne sont pas d'accord sur la rémunération mensuelle moyenne de la salariée, Mme [X] se prévalant d'une somme de 11 033,83 euros et la SAS Buffet Crampon invoquant la somme de 8 808,70 euros.
Mme [X] a été durablement absente pour maladie à compter d'octobre 2012, à l'exception de quelques jours de reprise.
Mme [X] a été déclarée inapte à son poste à l'issue de deux visites médicales des 5 et 22 juin 2015.
Elle a ensuite été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 30 juillet 2015.
Préalablement à son licenciement, par requête reçue au greffe le 10 octobre 2013, Mme [X] a saisi la section encadrement du conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie en reconnaissance d'un harcèlement moral et en prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
La décision contestée
Par jugement contradictoire rendu le 14 novembre 2016, le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie a :
- dit le licenciement de Mme [X] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- fixé la moyenne des salaires à 11 033,83 euros par mois,
- pris acte que la salariée reconnaissait devoir la somme de 2 514,60 euros au titre du remboursement du maintien de salaire,
- condamné la SAS Buffet Crampon à payer à Mme [X] les sommes suivantes :
' 3 957 euros au titre des congés payés,
' 1 405 euros à titre de remboursement de retenue sur salaire pour paiement d'amendes,
' 66 202 euros au titre du préavis,
' 6 620 euros au titre des congés payés afférents.
Le conseil a ordonné la compensation des sommes dues par chacune des parties. Il a condamné en outre la SAS Buffet Crampon à verser à la salariée les intérêts de retard au taux légal à compter du 11 octobre 2013 et une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La procédure d'appel
Mme [X] a interjeté appel du jugement par déclaration n° 16/05261 du 24 novembre 2016.
La révocation de l'ordonnance de clôture
Lors de l'audience du 23 octobre 2018, la SAS Buffet Crampon a demandé la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture.
A l'appui de sa demande, l'intimée a exposé qu'elle avait appris, après l'ordonnance de clôture intervenue le 10 avril 2018, que Mme [X] avait occupé un emploi au sein d'une autre société dès l'année 2014, alors qu'elle était toujours salariée de la SARL Buffet Crampon. L'employeur a indiqué que le 6 mai 2018, M. [X] lui avait adressé une attestation témoignant de l'activité parallèle de son épouse dès 2014, accompagnée des pièces justificatives, à savoir des bulletins de paie ainsi que les déclarations de revenus du couple des années 2014 et 2015. Il a fait valoir que ces faits revêtaient une particulière gravité puisque Mme [X] était encore salariée de la SAS Buffet Crampon à cette époque, qu'elle était placée en arrêt maladie à compter du mois de septembre 2013 et qu'elle n'était plus revenue travailler après cette date. Il a soutenu que cette activité parallèle constituait une fraude à la sécurité sociale et une infraction à la clause d'exclusivité, de loyauté et de confidentialité du contrat de travail et que cela modifiait les termes du débat judiciaire.
Par arrêt du 20 décembre 2018, en application des dispositions de l'article 784 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture a été révoquée aux motifs que l'attestation de M. [X] ainsi que les déclarations de revenus du couple établissaient le fait que Mme [X] avait été rémunérée par la société Réminescence, en plus de sa rémunération par la SAS Buffet Crampon et de la perception d'indemnités versées par la caisse primaire d'assurance maladie au titre des années 2014 et 2015 et que dans le cadre du présent litige, à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, Mme [X] invoquait un harcèlement moral fondé essentiellement sur le fait que l'employeur aurait tenté de la licencier à plusieurs reprises, caractérisant une volonté de l'évincer. Or, celui-ci a invoqué à l'appui des différents licenciements le fait que la salariée ne donnait pas satisfaction dans certaines tâches relevant de ses attributions de directrice des ressources humaines Groupe. Il a été retenu que le fait que la salariée ait une autre activité professionnelle et les modalités de cette activité, apparaît être un élément essentiel du débat portant sur la qualité du travail de la salariée, notamment pour apprécier si les griefs opposés à la salariée dans le cadre des procédures de licenciement étaient fondés ou pas et donc pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral.
Prétentions de Mme [X], appelante
Par conclusions adressées par voie électronique le 11 avril 2019, Mme [X] demande à la cour d'appel ce qui suit :
Sur les demandes afférentes à l'exécution du contrat de travail
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes formulées au titre de l'exécution de son contrat de travail et statuant à nouveau,
À titre principal,
- dire et juger qu'elle a été victime d'actes discriminatoires en raison de son état de santé et d'actes répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et ont gravement porté atteinte à sa santé et compromis son avenir professionnel,
- en conséquence, condamner la SAS Buffet Crampon à lui verser les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts :
' 20 000 euros au titre de la discrimination subie en raison de l'état de santé,
' 20 000 euros en raison du harcèlement moral subi,
' 10 000 euros en raison de la totale inertie de la société face aux dénonciations de harcèlement et de discrimination,
À titre subsidiaire,
- dire et juger que la SAS Buffet Crampon n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail,
- en conséquence, condamner la SAS Buffet Crampon à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts,
Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Buffet Crampon à lui verser la somme de 66 202 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 6 620 euros au titre des congés payés afférents,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée des autres demandes formulées au titre de la rupture de son contrat de travail et statuant à nouveau,
À titre principal,
- ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la SAS Buffet Crampon,
- en conséquence, condamner la SAS Buffet Crampon à lui verser la somme de 100 000 euros net de charges sociales et de CSG-CRDS à titre d'indemnité de licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
À titre subsidiaire,
- dire et juger que son licenciement est nul,
- en conséquence, condamner la SAS Buffet Crampon à lui verser la somme de 100 000 euros net de charges sociales et de CSG-CRDS à titre d'indemnité de licenciement nul,
À titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, condamner la SAS Buffet Crampon à lui verser la somme de 100 000 euros net de charges sociales et de CSG-CRDS à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Sur les autres demandes
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire pour la période du 13 mai 2013 au 28 juillet 2013,
- statuant à nouveau, condamner la SAS Buffet Crampon à lui verser la somme de 21 115 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 13 mai 2013 au 28 juillet 2013, outre celle de 2 111 euros au titre des congés payés afférents,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de la prime de vacances,
- statuant à nouveau, condamner la SAS Buffet Crampon à lui verser la somme de 510 euros à titre de prime de vacances,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Buffet Crampon à lui verser la somme de 1 405 euros à titre de remboursement de la retenue sur salaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Buffet Crampon à lui verser la somme de 3 957 euros à titre d'indemnité compensatrice de dix jours de congés payés,
- condamner la SAS Buffet Crampon à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi postérieurement à la rupture en raison du dénigrement de la société à son égard,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la compensation de la somme de 2 514,60 euros qu'elle doit avec les condamnations prononcées à l'encontre de la SAS Buffet Crampon,
- débouter la SAS Buffet Crampon de toutes ses demandes,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée au titre des documents conformes,
- ordonner la remise de l'attestation destinée au Pôle emploi et des bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans les trente jours suivant la notification de l'arrêt,
- se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte,
- confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance,
- et y ajoutant, condamner la SAS Buffet Crampon à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que ces sommes produiront intérêts à compter du 11 octobre 2013, date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation,
- condamner la SAS Buffet Crampon aux entiers dépens.
Prétentions de la SAS Buffet Crampon, intimée
Par conclusions adressées par voie électronique le 10 avril 2019, la SAS Buffet Crampon demande à la cour d'appel ce qui suit :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [X] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de sommes au titre de congés payés, de remboursement de retenue sur salaire, d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, soit au total de 79 684 euros,
En conséquence,
- à titre principal, constater que les demandes de Mme [X] sont infondées, constater que Mme [X] a adopté un comportement déloyal, en conséquence, débouter Mme [X] de l'intégralité de ses demandes,
- à titre subsidiaire, si la cour faisait droit aux demandes de Mme [X], fixer la moyenne mensuelle des salaires à 8 808,70 euros, en conséquence, recalculer les indemnités en fonction de ce salaire mensuel brut et en fonction du préjudice démontré,
- ordonner le remboursement de la somme de 17 617,40 euros au titre des salaires versés indûment à Mme [X] alors qu'elle percevait les indemnités journalières de sécurité sociale et qu'elle subrogeait la sécurité sociale,
- condamner Mme [X] à lui verser la somme de 94 786,86 euros à titre de dommages- intérêts pour manquements à ses obligations contractuelles,
- condamner Mme [X] à lui verser une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 avril 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016 applicable en la cause en raison de la date des faits dénoncés, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral , il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l'appui de son allégation de harcèlement moral, Mme [X] fait état de plusieurs faits. Elle allègue que la dégradation de ses conditions de travail a débuté au mois d'avril 2012, lorsque la société a tenté de lui imposer une modification de son contrat de travail (1), que la société a fait preuve à son égard d'un acharnement incompréhensible afin de l'évincer de ses effectifs en diligentant plusieurs procédures de licenciement, toutes injustifiées (2), qu'après la deuxième procédure de licenciement, la société a refusé de lui fournir du travail alors qu'elle était pourtant apte à la reprise (3), que finalement, la société a entendu lui imposer, sans véritable discussion, la signature d'un avenant temporaire la plaçant sur un autre poste de travail que le sien et lui proposant ainsi une rétrogradation à titre de reclassement (4), que la société, ne souhaitant pas qu'elle reprenne ses fonctions, a initié une troisième procédure de licenciement dès le 9 septembre 2013, en la convoquant à un entretien préalable tout en lui notifiant une mise à pied à titre conservatoire (5), que la société a eu la volonté de l'évincer (6), qu'elle a dû faire face à des brimades, des décisions managériales incompréhensibles et à une mise à l'écart évidente (7), que la société a opéré une pression financière à son égard en la privant injustement de salaire durant plusieurs semaines voire plusieurs mois et ce, à plusieurs reprises (8), que la gravité des manquements qu'elle a subis, a été accentuée par la totale inertie de son employeur face à ses alertes multiples (9).
Il convient d'examiner successivement les faits invoqués à l'appui du harcèlement moral invoqué par la salariée.
1 - La tentative d'imposer à la salariée une modification de son contrat de travail en avril 2012
Mme [X] fait grief à la SAS Buffet Crampon d'avoir voulu lui imposer une diminution de son périmètre d'intervention, l'obligeant à solliciter sa direction.
Alors qu'elle a été engagée en qualité de « directrice des ressources humaines et affaires juridiques Groupe », la SAS Buffet Crampon a proposé un avenant à la salariée, que celle-ci n'a pas accepté. Après avoir obtenu un entretien avec son supérieur hiérarchique, elle a donné son accord et a signé le deuxième avenant qui lui a été soumis le 16 juillet 2012.
Au regard de ces circonstances, Mme [X] n'établit pas que son employeur a usé de pressions pour lui imposer cette modification de son contrat de travail.
Le fait n'est pas établi.
Mme [X] soutient par ailleurs qu'à l'occasion de la conclusion de cet avenant, M. [D], son supérieur hiérarchique, lui a reproché de façon oppressante et déplacée, d'être en retard au rendez-vous et d'avoir tardé à donner une réponse.
Il résulte du courriel de M. [D] que celui-ci a rappelé à Mme [X] qu'elle s'était présentée avec quarante minutes de retard au rendez-vous, qui n'a pu se tenir, générant un nouveau retard. Il écrit : « Tu crées par cette désinvolture une situation difficile. J'attends à l'avenir une meilleure attitude et davantage de respect. »
Ce courriel, rédigé en termes mesurés, n'apparaît ni oppressant, ni déplacé. Il manifeste l'exercice par l'employeur de ses prérogatives. Mme [X] qui conteste aujourd'hui avoir été en retard, ne justifie pas avoir fait valoir ce motif sur le moment, ce qui rend non crédible son explication.
Le fait n'est pas établi.
2 - Le fait d'avoir diligenté plusieurs procédures de licenciement injustifiées
Mme [X] fait grief à son employeur d'avoir diligenté trois procédures de licenciement injustifiées à son encontre, en octobre 2012, en février 2013 et en septembre 2013, fondées en réalité sur ses absences et donc sur son état de santé.
La première procédure a été diligentée au motif de la mauvaise qualité du travail de la salariée et des difficultés à mener à bien sa mission de directrice des ressources humaines. La SAS Buffet Crampon indique avoir appris à l'occasion de l'entretien préalable que la salariée était protégée par un mandat de conseiller du salarié et avoir de ce fait renoncé à sa procédure.
La deuxième procédure diligentée pour absence prolongée perturbant le fonctionnement de l'entreprise et nécessitant le remplacement définitif de la salariée, n'a pas abouti, l'autorisation administrative de licenciement n'ayant pas été obtenue.
La troisième procédure diligentée pour faute grave a également été stoppée, faute d'autorisation administrative de licenciement.
Ainsi, il est démontré que les trois procédures de licenciement ont été interrompues pour des raisons indépendantes de la volonté de l'employeur, lequel a manifesté de façon constante son souhait de mettre un terme au contrat de travail le liant à Mme [X] et a donc réitéré la procédure.
La SAS Buffet Crampon déclinait un certain nombre d'éléments.
Dans un premier temps, alors que le directeur général s'était plaint auprès d'elle de son travail et des difficultés qu'elle rencontrait pour mener à bien sa mission de directrice des ressources humaines, la salariée n'a pas accepté ces reproches et s'est opposée à la direction, ce qui, au regard des fonctions qu'elle exerçait, rendait irréaliste la poursuite de la relation contractuelle.
L'employeur reprochait encore à Mme [X] de s'être constituée son « dossier prud'homal », d'utiliser sa position de cadre dirigeant et sa protection au détriment de la collectivité qu'elle était censée diriger, d'avoir témoigné contre l'entreprise pour une salariée alors qu'elle dirigeait le service ressources humaines de l'entreprise, d'avoir déclaré elle-même avoir subi un accident du travail qui n'a pas été reconnu par la CPAM.
Par ailleurs, compte tenu du niveau élevé de responsabilités de la salariée, son absence prolongée a désorganisé l'entreprise et pouvait nécessiter son remplacement définitif, ce qui constituait le motif soutenu à l'appui de la deuxième procédure.
Enfin, concernant la troisième procédure de licenciement, le reproche de déloyauté et d'utilisation d'informations cruciales auxquelles elle avait accès en sa qualité de directrice des ressources humaines et de membre du comité de direction apparaissait également sérieux.
Le fait n'est pas établi.
3 - L'absence de fourniture de travail malgré une aptitude à la reprise
Mme [X] reproche à son employeur d'avoir refusé qu'elle reprenne son poste alors qu'elle avait été déclarée apte à temps partiel thérapeutique par le médecin du travail.
L'avis du médecin du travail en date du 13 mai 2013 mentionne : « Apte reprise au poste avec aménagement à temps partiel thérapeutique pour une durée prévisible de trois mois. A revoir à l'issue du temps partiel thérapeutique. »
La SAS Buffet Crampon a contesté cet avis en invoquant l'impossibilité d'appliquer un temps partiel thérapeutique compte tenu des responsabilités confiées à la salariée.
Par décision du 1er août 2013, l'inspection du travail a infirmé l'avis du médecin du travail et a, compte tenu de l'évolution de l 'état de santé de Mme [X], déclaré celle-ci apte à reprendre son poste à temps complet. Il a par ailleurs rappelé que l'employeur devait donner son accord pour une reprise à temps partiel thérapeutique et fixer la répartition des heures de travail dans la semaine, accord que la SAS Buffet Crampon n'a pas donné, de sorte que Mme [X] n'est pas fondée à lui reprocher de ne pas lui avoir fourni de travail pendant cette période.
Elle n'est pas non plus fondée à contester l'avertissement qu'elle a reçu alors qu'elle continuait à se présenter sur son lieu de travail malgré l'interdiction formulée par son employeur.
Le fait n'apparaît pas établi.
Mme [X] sera déboutée de sa demande spécifique de rappel de salaire pour la période du 6 mai au 28 juillet 2013.
4 - Le fait d'avoir tenter d'imposer à la salariée un avenant temporaire la plaçant sur un autre poste et lui proposant une rétrogradation à titre de reclassement
Mme [X] reproche à la SAS Buffet Crampon, après l'avoir laissé durant plusieurs semaines sans travail et sans aucune ressource, de lui avoir demandé de signer un avenant temporaire.
A l'appui de ses dires, Mme [X] produit un courriel du 6 juin 2013 contenant un échange avec M. [T] reprenant les circonstances de cette proposition. Apparaît annexée en pièce jointe la proposition d'avenant, lequel n'est toutefois pas produit de sorte que l'on ignore son contenu et donc s'il impliquait une rétrogradation, laquelle pouvait être justifiée par les restrictions médicales.
Mme [X] a toutefois refusé de signer cet avenant, manifestement proposé par l'employeur face à l'insistance de la salariée à reprendre son poste malgré le recours exercé contre l'avis d'aptitude, de sorte que le fait n'apparaît pas établi.
5 - La société ne souhaitant pas que la salariée reprenne ses fonctions a initié une troisième procédure de licenciement
Mme [X] fait grief à son employeur d'avoir initié une troisième procédure de licenciement pour faute grave en lui reprochant des fautes qu'elle conteste.
Le réitération de la procédure de licenciement, lorsqu'elle a échoué pour des raisons indépendantes de la volonté de l'employeur, ne peut être considérée comme fautive et le fait que les griefs soient ou non fondés relève du débat judiciaire et ne caractérise pas à lui seul un comportement de nature à laisser présumer un harcèlement moral.
Ce fait n'est pas établi.
6 - La volonté d'évincer la salariée
Mme [X] reproche à la SAS Buffet Crampon d'avoir eu la volonté de l'évincer et d'avoir cherché tous les prétextes afin de rompre le contrat, allant jusqu'à souhaiter que la salariée soit déclarée inapte à son poste.
Mme [X] ne démontre cependant pas que l'employeur, qui a la liberté de rompre un contrat de travail qui lui apparaît contraire aux intérêts de l'entreprise, a fait preuve de déloyauté en cherchant à « l'évincer de façon illégitime ». Elle n'allègue pas de faits précis.
Le fait n'est pas matériellement établi.
7 - Des brimades, des décisions managériales incompréhensibles et une évidente mise à l'écart
Mme [X] reproche à son employeur de lui avoir adressé de multiples reproches infondés, notamment dans le cadre des procédures de licenciement qui ont été engagées par la société et de lui avoir délivré un avertissement infondé.
Il n'est toutefois pas établi que la SAS Buffet Crampon a exercé de façon abusive son pouvoir disciplinaire.
Mme [X] reproche encore à la SAS Buffet Crampon de l'avoir mise en demeure de régler diverses sommes en lui imputant notamment des manquements quant à l'utilisation de la carte bancaire mise à sa disposition pour ses dépenses professionnelles. Elle indique avoir été contrainte d'adresser des observations pour démontrer que ces manquements étaient infondés.
La lettre de la société en date du 12 février 2014 et la réponse de Mme [X] datée du 18 février 2013 (en réalité 2014) montrent que l'employeur a été sollicité comme caution solidaire du fait du non-paiement par la salariée de deux échéances du prêt permanent dont bénéficiait la salariée pour ses dépenses professionnelles, qu'il a donc interrogé la salariée et que celle-ci a fourni des éléments de réponse, sans que cette démarche ne révèle un abus de la part de l'employeur, lequel est en droit de solliciter des éclaircissements.
Mme [X] reproche aussi à son employeur d'avoir remis en cause la légitimité de ses arrêts de travail et d'avoir fait diligenter des contrôles. Elle n'établit toutefois pas en quoi la société aurait abusé de son droit.
Mme [X] prétend encore qu'on lui a indiqué qu'elle allait changer de bureau et être séparée de son équipe et ce afin de la laisser seule. Elle ne démontre cependant pas la réalité de cette allégation.
Elle prétend encore que la société lui a également coupé l'accès à sa messagerie professionnelle à compter du 1er octobre 2013 sans l'en informer au préalable. Elle produit deux documents dans lesquels elle se plaint de cette situation, qui n'a cependant pas d'incidence directe sur ses conditions de travail dans la mesure où elle était durablement en arrêt de travail pendant cette période.
Elle indique, en finissant sa phrase par trois points de suspension suggérant un sous-entendu, qu'elle a été dispensée d'activité à partir du 2 septembre 2013. Elle omet d' indiquer que cette dispense est intervenue dans le cadre d'un accord, ainsi que cela ressort du courriel dont elle se prévaut à titre de preuve de ce même fait, que lui a adressé M. [D] le 2 septembre 2013 : « [J], comme convenu lors de nos échanges de ce matin et dans le cadre de nos discussions, tu es dispensée d'activité à compter de ce jour, et bien entendue rémunérée, jusqu'au mardi 10 septembre inclus. Cordialement. »
Le fait n'est pas établi.
8 - Une pression financière en privant la salariée injustement de salaire durant plusieurs semaines voire plusieurs mois et ce, à plusieurs reprises
Mme [X] soutient que la société ne lui a pas réglé ses salaires à partir de la date à laquelle la suspension de son contrat a pris fin, soit le 13 mai 2013, la considérant en absence injustifiée ; qu'elle n'a eu aucune ressource durant plus de trois mois en raison de sa mise à pied à titre conservatoire totalement injustifiée ; qu'elle n'a jamais reçu de prime de vacances et qu'elle n'a pas reçu non plus de complément de salaire durant son arrêt maladie, versé par la société et pris en charge in fine par l'organisme de prévoyance.
Concernant la période du 13 mai au 28 juillet 2013 déjà évoquée ci-avant, Mme [X] n'est pas plus fondée à reprocher à son employeur de ne pas l'avoir payée que de ne pas lui avoir fourni de travail.
Concernant la mise à pied conservatoire à compter du 9 septembre 2013, il apparaît qu'après avoir opéré des retenues à ce titre au mois de septembre, octobre et novembre 2013, la SAS Buffet Crampon les a ensuite régularisées au mois de décembre 2013. Mme [X] a ainsi bénéficié du maintien intégral de son salaire.
Concernant la prime de vacances, Mme [X] en réclame le paiement au titre de l'année 2013. Le bénéfice de cette prime est conditionné à un double critère de travail effectif et de présence au sein de l'entreprise au moment de son versement, conformément à l'engagement unilatéral de 1979 qui la prévoit. Or, Mme [X] a été absente durant l'année 2013, elle ne pouvait donc se prévaloir de cette prime et c'est donc à bon droit que l'employeur ne lui a pas versée.
Concernant le complément de salaire pendant son arrêt-maladie, Mme [X] a reçu un versement de 53 851,05 euros en mai 2015 et 22 291,83 euros lors du versement de son solde de tout compte.
Ces faits, Mme [X] alléguant avoir été privée de salaire, ne sont pas établis.
9 - La totale inertie de la société face aux alertes de la salariée sur ses conditions de travail
Mme [X] reproche à la société de ne pas avoir réagi alors qu'elle était parfaitement informée puisqu'elle l'avait alertée par écrit à plusieurs reprises et lors des trois entretiens préalables, qu'il appartenait à l'employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir de tels agissements, qu'aucune enquête n'a été diligentée, que la société n'a pas pris la peine de répondre aux courriers, que l'absence de réaction du supérieur hiérarchique aux alertes d'un salarié participe en elle-même à la caractérisation du harcèlement moral.
Il résulte des développements qui précèdent que les faits dénoncés, qui s'inscrivent dans un contexte conflictuel, ont été pris en compte par l'employeur, qui a échangé des courriers avec la salariée et qui a fait des démarches. Ainsi, celui-ci n'est pas resté inactif, même si son action n'a pas été conduite dans le sens voulue par la salariée.
Le fait de « totale inertie de la société » n'est pas établi.
La demande spécifique de Mme [X] présentée sur ce fondement doit être rejetée.
Au titre des éléments médicaux, il est produit, outre de nombreux avis d'arrêt de travail faisant état notamment d'une « souffrance au travail », d'une « anxiété », d'une « dépression sévère », d'un « épuisement physique et psychique », d'un « burn-out », un certificat du docteur [O], psychiatre, psychothérapeute, en date du 18 février 2013, qui atteste de la dégradation de l'état de santé de Mme [X] en ces termes :
« Je soussigné, Dr [V] [O], psychiatre, certifie suivre Mme [J] [X] depuis novembre 2012 pour un état dépressif majeur sévère avec épuisement physique et psychique chez une femme jusqu'alors très impliquée dans son travail. Malgré une augmentation importante de son traitement, la patiente reste très fragile avec des troubles du sommeil, réveils précoces, asthénie ++, anxiété, sentiment d'injustice, troubles de la concentration, de l'attention. Le traitement a été modifié récemment mais la patiente reste encore très bouleversée par la situation dans son entreprise qu'elle décrit comme extrêmement tendue. »
Faute toutefois d'établir la matérialité des faits invoqués au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral, Mme [X] en sera débouté.
Sur la discrimination en raison de l'état de santé
Mme [X] fonde cette demande sur les mêmes faits que ceux invoqués à l'appui du harcèlement moral. Les faits ayant été jugés non établis, la salariée sera également déboutée de cette demande.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Mme [X] fonde sa demande de résiliation judiciaire sur les manquements suivants :
- le harcèlement moral,
- la discrimination en raison de l'état de santé,
- le fait de lui imposer une modification de son contrat à deux reprises, au mois d'avril 2012 et à son retour d'arrêt maladie,
- les avertissements et reproches injustifiés,
- la mise à l'écart de la salariée,
- le fait de tenter à trois reprises de l'évincer des effectifs en diligentant des procédures de licenciement injustifiées,
- les multiples refus de la réintégrer pourtant déclarée apte à la reprise en temps partiel thérapeutique tout en la dispensant de travail,
- l'absence de versement du salaire,
- la totale inertie de la société face aux alertes de la salariée sur ses conditions de travail.
Il a été jugé que ces faits n'étaient pas matériellement établis. Dans ces conditions, ils ne peuvent servir de fondement au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Mme [X] sera déboutée de cette demande.
Sur la nullité du licenciement
Mme [X] soutient que la société ne pouvait se prévaloir de l'inaptitude de Mme [X] afin de la licencier puisque, par son comportement fautif, elle en est précisément à l'origine.
Dans la mesure où il a été jugé qu'il n'était pas établi de comportement fautif de l'employeur à l'origine de l'inaptitude de la salariée, Mme [X] sera déboutée de cette demande.
Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [X] soutient qu'elle a été déclarée inapte au poste de directrice des ressources humaines et affaires sociales groupe et non à tout emploi dans l'entreprise, que la société, face à un tel avis, aurait dû solliciter le médecin du travail afin d'obtenir des précisions dans la mesure où, à la date à laquelle il s'est prononcé, il ne pouvait par son avis libérer l'employeur de son obligation de reclassement.
La SAS Buffet Crampon soutient qu'elle a bien effectué une recherche de reclassement en contactant les présidents des filiales du groupe, sans succès. Elle souligne qu'en tout état de cause, le second avis d'inaptitude était très clair en ce qu'il affirmait qu'aucun aménagement de poste ou aucun reclassement n'était possible compte tenu de l'état de santé de la salariée.
Sur ce,
L'article L. 1226-2 du code du travail impose à l'employeur, en cas de constatation d'une inaptitude médicale d'origine non professionnelle, d'effectuer une recherche loyale de reclassement.
Les conclusions du premier avis en date du 5 juin 2015 sont les suivantes : « Inapte au poste ' 1ère visite art. R 4624-31 du code du travail : inapte au poste de directrice des ressources humaines groupe et affaires sociales. Une étude de poste et des conditions de travail sont à prévoir ainsi qu'une deuxième visite. En attendant, l'état de santé de la salariée ne lui permet pas d'être affectée à un poste dans l'établissement. »
Les conclusions du deuxième avis en date du 22 juin 2015 sont les suivantes : « Inapte au poste ' 2ème visite art. R 4624-31 du code du travail : inapte au poste de directrice des ressources humaines et affaires sociales groupe dans l'entreprise Buffet Crampon de Mantes la Ville. Pas de possibilité de proposition d'aménagement du poste ne fonction de l'état de santé de la salariée et de l'étude de poste réalisée le 16/06/2015. Compte tenu de l'état de santé de la salariée et après étude des postes, aucune proposition en vue d'un reclassement ne peut être faite. »
La SAS Buffet Crampon justifie avoir fait les recherches de reclassement suivantes : elle a adressé un courriel à M. [T] [F], président de Buffet Crampon USA, à M. [S] [E], président de Buffet Crampon Japan et à M. [H] [K] en ces termes : « Cher [T], [R] & [H],
Vous savez tous les deux que Madame [X] est malade depuis trois ans. Le médecin du travail a décidé qu'elle ne peut plus être le directeur des ressources humaines du groupe. Conformément à la législation française, nous devons lui proposer un nouvel emploi. Pourriez-vous s'il vous plaît m'informer, dès que possible, si vous avez un emploi dans votre département à proposer à Madame [X], correspondant naturellement à sa formation et ses expériences. Vous trouverez son CV en pièce jointe. Si vous avez besoin de plus amples informations, vous pouvez téléphoner à Nicolas [T], notre directeur des ressources humaines chez PB. Notre date limite pour lui proposer un nouvel emploi est le 17 juillet. Merci d'avance à tous pour votre réponse. Bien cordialement. »
La SAS Buffet Crampon a communiqué les registres uniques du personnel des sociétés Buffet Crampon SAS et Buffet Group et a expliqué ne pas être en mesure de communiquer des documents équivalents pour les sociétés japonaises et américaines.
Il apparaît que cette recherche est demeurée infructueuse.
Au regard du poste à très haute responsabilité occupé par Mme [X] - [C] groupe - et des termes de l'avis d'inaptitude - impossibilité de reclassement -, ces recherches apparaissent conformes aux exigences légales, de sorte que l'employeur a satisfait à son obligation de recherches d'un reclassement.
Le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé de ce chef de demande.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Un salarié licencié pour inaptitude ne peut prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité d'exécuter en raison de son inaptitude physique à son emploi.
Mme [X] sera déboutée de sa demande.
Le jugement sera infirmé de ce chef de demande.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
A l'appui de sa demande tendant à l'allocation d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages- intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, Mme [X] se contente d'affirmer que : « la société a exécuté le contrat (') de manière déloyale » sans présenter de moyens à l'appui de sa demande.
Elle en sera de ce fait déboutée.
Sur la prime de vacances
A l'appui de sa demande, Mme [X] fait valoir qu'au cours de la réunion des délégués du personnel du 27 juin 2013, la société s'est engagée à verser aux salariés une prime de vacances d'un montant de 510 euros mais qu'elle n'a jamais été destinataire de cette prime.
La SAS Buffet Crampon conteste cette demande. Elle rappelle que cette prime est versée au titre d'un engagement unilatéral datant de 1979 et que son versement suppose un travail effectif et la présence du salarié dans l'entreprise au moment du versement de la prime en fin d'année.
Sur ce,
Il résulte de l'engagement unilatéral datant de 1979 que le versement de la prime de vacances est conditionné à la présence du salarié dans l'entreprise au moment du versement de la prime. L'engagement indique en effet : « en cas de départ en cours d'année, pas de prime de vacances. ». Ce texte indique également que : « la prime est égale au prorata de la présence de travail rémunérée pour les douze derniers mois ».
Mme [X] ayant été absente durant l'année 2013, elle ne peut se prévaloir de la prime de vacances au titre de l'année 2013.
Elle sera déboutée de cette demande.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la retenue sur salaire
Mme [X] soutient que la SAS Buffet Crampon a opéré illégalement une retenue sur salaire de 1 405 euros dans le cadre de son solde de tout compte, correspondant au remboursement des contraventions afférentes au véhicule professionnel mis à son service et en demande remboursement de cette somme.
La SAS Buffet Crampon ne présente aucun argument à ce sujet.
Sur ce,
La retenue sur salaire pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié est illégale, fût-elle prévue par un contrat de travail.
Il ressort du solde de tout compte de la salariée que la SAS Buffet Crampon a opéré une retenue de « 1 405 euros nets correspondant aux amendes véhicules connues et non remboursées à ce jour à Buffet Crampon ».
Cette retenue apparaît illégale.
La SAS Buffet Crampon sera condamnée à rembourser la somme de 1 405 euros à Mme [X] à ce titre.
Le jugement sera confirmé de ce chef de demande.
Sur les congés payés imposés à la salariée
Mme [X] sollicite la paiement de la somme de 3 957 euros au titre de jours de congés payés qui auraient été déduits à tort. Elle rappelle qu'elle a été déclarée inapte après deux visites médicales des 5 et 22 juin 2015 et qu'elle n'a été licenciée que le 30 juillet 2015 à effet au 3 août 2015. Elle soutient que la société aurait dû reprendre le paiement de son salaire le 23 juillet 2015, soit un mois après l'avis d'inaptitude, mais qu'elle a préféré lui imposer de prendre des congés payés.
La SAS Buffet Crampon fait valoir qu'il appartient à l'employeur de fixer la période de congés et l'ordre des départs en congés des salariés, qu'elle a en effet imposé à Mme [X] de prendre ses congés à cette période, ce que la salariée n'a pas contesté en ne se présentant pas sur son lieu de travail.
Sur ce,
Il résulte des articles L. 3141-13 et L. 3141-14 du code du travail, et à défaut de stipulation en sens dans les conventions et accords collectifs applicables, qu'il appartient à l'employeur de fixer la période de congés et l'ordre des départs en congés des salariés.
L'employeur peut imposer au salarié qu'il prenne son congé et lui imposer la date de prise de congés.
La SAS Buffet Crampon a demandé à Mme [X] de prendre des congés, ce que celle-ci a fait.
Elle sera déboutée de sa demande.
Sur la loyauté de l'employeur
Mme [X] sollicite une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour déloyauté de la société postérieurement à la rupture du contrat de travail. Elle expose qu'alors que la procédure de divorce est déjà particulièrement conflictuelle, elle a été stupéfaite de constater que le directeur des ressources humaines de la SAS Buffet Crampon avait attesté contre elle. Elle indique qu'elle croit comprendre qu'il s'agit d'un échange mutuel, M. [X] atteste dans l'affaire prud'homale tandis que la société atteste contre elle dans le cadre de la procédure de divorce.
Sur ce,
L'attestation rédigée par M. [T], directeur des ressources humaines de la SAS Buffet Crampon, le 25 mai 2018, reprend des données factuelles, date d'embauche, arrêts-maladie, licenciement, procédure en cours.
Aucun dénigrement ne peut être reproché à l'employeur.
Mme [X] sera déboutée de cette demande présentée pour la première fois en appel.
Sur le maintien de salaire
La SAS Buffet Crampon sollicite le paiement du salaire intégralement maintenu à Mme [X] pour sa période d'arrêt-maladie du 3 décembre 2013 au 31 janvier 2014 au motif que celle-ci a également perçu des indemnités journalières de la sécurité sociale.
Mme [X] reconnaît que pendant cette période, elle a en effet perçu son salaire intégralement sans que la société ne déduise les indemnités journalières de sécurité sociale qui lui étaient alors directement versées. Elle indique consentir à verser à son ancien employeur la somme correspondant à la période du 3 décembre 2013 au 31 janvier 2014 mais pas le salaire dans la mesure où la convention collective prévoit le maintien du salaire intégral pendant quatre mois.
Sur ce,
Mme [X] admet avoir perçu, en plus de son salaire, les indemnités journalières de sécurité sociale en décembre 2013 et janvier 2014.
En application de la convention collective, elle bénéficiait du maintien de son salaire intégral de sorte que l'employeur est en droit de réclamer le remboursement des indemnités journalières de sécurité sociale perçues.
Mme [X] n'a pas communiqué ses décomptes d'indemnités journalières malgré deux demandes de la société en ce sens. Au regard des justificatifs produits, les indemnités journalières de sécurité sociale seront évaluées sur la période, du 3 décembre 2013 au 31 janvier 2014, à la somme de 2 514,60 euros.
Mme [X] sera condamnée à payer la somme ainsi déterminée à la SAS buffet Crampon.
Le jugement sera confirmé.
Sur les manquements de la salariée à ses obligations contractuelles
La SAS Buffet Crampon sollicite pour la première fois en appel une somme de 94 786,86 euros à titre de dommages-intérêts à l'encontre de Mme [X]. A l'appui de sa demande, elle explique qu'elle a découvert en mai 2018 que Mme [X] avait travaillé auprès d'une autre société à compter du 15 janvier 2014, alors qu'elle était en arrêt de travail. Elle fait valoir que ces faits constituent une violation flagrante de son obligation d'exclusivité contenue à l'article 7 de son contrat de travail, clause à laquelle elle n'a jamais renoncée, le courriel dont se prévaut la salariée pour soutenir le contraire n'ayant jamais été écrit par son prétendu auteur.
Mme [X] conteste cette demande, faisant valoir que la société ne rapporte pas la preuve ni de la réalité du préjudice invoqué, ni de son quantum.
Sur ce,
L'activité parallèle de Mme [X] auprès de la société Réminiscence, dont la réalité a été retenue ci-avant, constitue une violation des obligations contractuelles de la salariée, tenue à une obligation d'exclusivité en vertu de l'article 7 de son contrat de travail.
Cette violation de l'obligation d'exclusivité a causé un préjudice à la SAS Buffet Crampon, laquelle a maintenu le salaire de Mme [X] pendant son arrêt maladie alors que celle-ci travaillait pour le compte d'une autre société et percevait à ce titre une rémunération.
Ces circonstances conduisent à fixer à la somme de 20 000 euros les dommages-intérêts dus par la salariée à son employeur à ce titre.
Sur les intérêts moratoires
Mme [X], qui seule le demande, peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par l'employeur.
Les condamnations prononcées au profit de Mme [X] produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation pour les créances contractuelles et à compter de l'arrêt pour les créances indemnitaires.
Sur la compensation
Celle-ci étant demandée, il y a lieu d'ordonner la compensation judiciaire. Le jugement sera confirmé de ce chef de demande.
Sur la remise des documents de fin de contrat de travail sous astreinte
La teneur de l'arrêt rend infondée cette demande. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
Mme [X], qui succombe dans ses prétentions, supportera les entiers dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée à payer à la SAS Buffet Crampon une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 000 euros.
La condamnation de première instance au titre des dépens et des frais irrépétibles sera infirmée.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
INFIRME partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie le 14 novembre 2016 ;
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE Mme [J] [X] de sa demande tendant au paiement de jours de congés payés qu'elle aurait été contrainte de prendre ;
DÉBOUTE Mme [J] [X] de sa demande tendant au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;
DÉBOUTE Mme [J] [X] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance ;
CONDAMNE Mme [J] [X] au paiement des dépens de première instance ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [J] [X] de sa demande de dommages-intérêts pour dénigrement de l'employeur à son égard ;
CONDAMNE Mme [J] [X] à payer à la SAS Buffet Crampon une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
CONDAMNE la SAS Buffet Crampon à payer à Mme [J] [X] les intérêts moratoires dus à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation pour les créances contractuelles et à compter de l'arrêt pour les créances indemnitaires ;
CONDAMNE Mme [J] [X] à payer à la SAS Buffet Crampon en cause d'appel une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [J] [X] au paiement des entiers dépens ;
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, faisant fonction de Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,