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11/09/2019 | FRANCE | N°16/04198

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 11 septembre 2019, 16/04198


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 SEPTEMBRE 2019



N° RG 16/04198



AFFAIRE :



[R] [E] [P]





C/

[I] [N]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Montmorency

Section : Activités diverses

N° RG : F 14/01280



Copies exécutoires

et certifiées conformes délivrées à :



Me Hristina [T]



Me Yves BOURGAIN







le : 11 septembre 2019





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 SEPTEMBRE 2019

N° RG 16/04198

AFFAIRE :

[R] [E] [P]

C/

[I] [N]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Montmorency

Section : Activités diverses

N° RG : F 14/01280

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Hristina [T]

Me Yves BOURGAIN

le : 11 septembre 2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [R] [E] [P]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Hristina [T], Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 240

APPELANTE

****************

Monsieur [I] [N]

profession libérale-chirurgien dentiste

N° SIRET : 402 031 165

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Yves BOURGAIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Mai 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Corinne DELANNOY,

Par jugement du 8 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Montmorency (section activités diverses) a :

- condamné le docteur [I] [N] à verser à Mme [R] [P] les sommes suivantes :

. 3 454,60 euros au titre des indemnités AG2R,

. 5 483,19 euros au titre de prime de secrétariat,

. 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné au docteur [N] de communiquer à Mme [P] tous les bulletins de salaire de Mme [E] pour les années 2011 et 2012,

- dit que la moyenne des salaires est de 1 919,22 euros bruts, aux fins de l'exécution provisoire du jugement prévue à l'article R.1454-28 du code du travail,

- débouté Mme [P] du surplus de ses demandes,

- mis les éventuels dépens à la charge du docteur [N].

Par déclaration adressée au greffe le 19 septembre 2016, Mme [P] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 25 janvier 2018.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 17 janvier 2018, Mme [P] demande à la cour de :

- dire recevable et bien fondée sa demande,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency rendu le 8 septembre 2016 ayant condamné le docteur [N] à lui payer les sommes suivantes :

. 3 454,60 euros à titre d'indemnités journalières dues par l'assureur AG2R prévoyance,

. 4 554,21 euros à titre de prime de secrétariat,

- constater que le docteur [N] n'a pas exécuté le jugement du 8 septembre 2016 et ne lui a pas communiqué les bulletins de salaire de Mme [E],

- infirmer le jugement pour le reste,

- constater qu'elle a été victime de harcèlement moral,

- constater que le principe de l'égalité de traitement n'a pas été respecté au sein du cabinet [N], de sorte que sa rémunération était nettement inférieure du salaire de Mme [V], épouse [E],

par conséquent,

- condamner le docteur [N] à lui payer les sommes suivantes :

. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral pour le harcèlement moral,

. 7 917,47 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice matériel pour le harcèlement moral,

. 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral pour violation de l'égalité de traitement,

. 180 932,62 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel qui correspondent au rappel de salaire,

. 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du code civil.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 22 janvier 2018, M. [N] demande à la cour de:

- dire Mme [P] mal fondée en son appel principal,

- le dire par contre bien fondé en son appel incident et infirmer la décision déférée des chefs de demandes accueillies au profit de Mme [P],

en conséquence, après avoir constaté la prescription des demandes salariales pour la période antérieure à mars 2012,

- débouter Mme [P] de toutes ses demandes,

- la condamner au paiement d'une indemnité procédurale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA COUR,

Mme [R] [E] [P] a été engagée par le docteur [I] [N], chirurgien-dentiste, en qualité d'assistante dentaire qualifiée, d'abord par contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 23 avril 2002, puis par contrat à durée indéterminée à temps plein en date du 21 octobre 2002.

La rémunération brute mensuelle de la salariée était fixée à 1 250 euros.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des cabinets dentaires.

A partir du 5 septembre 2005, le salaire mensuel brut de la salariée s'élevait à 1 380,20 euros. A compter de septembre 2007, la salariée a bénéficié d'un congé pathologique de grossesse, suivi d'un congé maternité puis d'un congé parental jusqu'en septembre 2009. A son retour, par lettre du 7 octobre 2009, la salariée a démissionné.

La salariée a été réintégrée à son poste par contrat à durée indéterminée en date du 10 novembre 2009. A partir du 10 novembre 2009, le salaire mensuel net de la salariée s'élevait à 1 500 euros.

A la suite du décès de sa fille le 11 février 2010, la salariée a pris un mois de congés. La salariée a par la suite été en arrêt maladie à plusieurs reprises.

La salariée a repris son travail le 19 septembre 2011 en mi-temps thérapeutique.

Par lettre du 22 décembre 2011, la salariée a sollicité une rupture conventionnelle. Par lettre du 4 janvier 2012, M. [N] a informé la salariée qu'il n'était pas opposé à une telle rupture. Le 2 février 2012, une rupture conventionnelle a été établie par les parties, à effet au 12 mars 2012.

Le 27 octobre 2014, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins d'obtenir des indemnités AG2R, une prime de secrétariat ainsi que des indemnités pour harcèlement moral et inégalité de traitement.

SUR CE,

Sur l'inégalité de traitement :

Mme [P] se compare à Mme [E] qui, selon elle, avait les mêmes fonctions et jouissait pourtant d'une rémunération horaire 5 fois supérieure à la sienne. Elle se compare en outre à Mme [Z] qui était payée, dès l'année 2011, à hauteur de 11,954 euros de l'heure alors que de 2002 à 2005, elle était payée à 8,24 euros de l'heure, que de 2005 à 2009 elle a été payée à 9,67 euros de l'heure et que le montant de son salaire horaire, après plusieurs années, était de 12,074 euros de l'heure.

En réplique, M. [N] expose que Mme [E] n'exerçait pas au sein du cabinet dentaire les mêmes fonctions que Mme [P] ; que Mme [E] s'est vue confier des missions d'audit et de conseil en formation ; qu'elle a créé le nouveau poste de chirurgien-dentiste collaborateur, a recruté le Dr. [J] et a procédé à sa formation à la gestion du cabinet ; qu'elle a également formé Mme [Z], assistante dentaire, lors de l'absence de Mme [P] ; qu'ainsi, la différence de salaire entre les deux salariées est justifiée par des critères objectifs et pertinents. M. [N] conteste en outre une inégalité de traitement entre Mme [P] et Mme [Z], laquelle accomplissait des tâches de secrétariat et de stérilisation, au contraire de l'appelante.

M. [N] expose qu'en toute hypothèse, il appartient au salarié qui invoque une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ; que le conseil de prud'hommes a relevé à juste titre que Mme [P] n'avait produit aucun élément permettant d'attester de l'inégalité de traitement dont elle se prétend victime ; qu'après avoir constaté la prescription de la demande de rappel de salaires pour la période antérieure au mois de mars 2012, il convient de débouter la salariée de sa demande.

Le principe « à travail égal, salaire égal » impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre les salariés fournissant un même travail ou un travail de valeur égale. Une différence de traitement peut en revanche se justifier en raison de critères objectifs pertinents.

Le régime de la preuve de l'inégalité de traitement invoquée par Mme [P] est le même que celui prévu à l'article L. 1134-1 du code du travail en matière de discrimination : s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal salaire égal » de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

Sur la différence avec Mme [Z] :

Mme [Z] a été engagée le 6 septembre 2010 par M. [N] par contrat de travail à durée indéterminée - contrat de professionnalisation d'assistante dentaire. Son contrat de travail prévoyait qu'elle percevrait une rémunération de base de 90% du SMIC pour un temps plein de référence de 35 heures (pièce 24 de la salariée). Il était prévu que Mme [Z] travaille tous les jours de la semaine, excepté le mardi consacré à sa formation. Les bulletins de paie de Mme [Z] montrent qu'elle percevait, en décembre 2010, un taux horaire de 7,974 euros. En décembre 2011, elle percevait une rémunération horaire de 11,954 euros (pièce 24 de la salariée).

Pour sa part, comme il a été rappelé plus haut, Mme [P] a été engagée en 2002 en qualité d'assistante dentaire.

Les deux salariées exerçaient donc au sein du cabinet des fonctions comparables d'assistante dentaire.

Prenant comme éléments de comparaison des éléments qui sont comparables, la cour ne peut remonter à l'origine de la relation contractuelle de Mme [P] pour comparer sa progression depuis 2002 au sein du cabinet avec celle de la salariée à laquelle elle se compare et qui n'est entrée au service de M. [N] qu'en septembre 2010. Ne seront donc pris en compte que les éléments de salaire de Mme [P] à compter du 6 septembre 2010, c'est-à-dire à compter de la date d'engagement de Mme [Z]. En pratique, cela revient à comparer les salaires qu'elles ont toutes deux perçus en décembre 2010 puis en décembre 2011, mois pour lesquels la cour dispose d'éléments de comparaison. Par sa pièce 4, la salariée établit qu'au mois de décembre 2010, elle percevait une rémunération horaire de 12,074 euros (étant rappelé que Mme [Z] percevait alors 7,974 euros par heure) ; qu'au mois de décembre 2011, Mme [P] percevait une rémunération horaire de 12,074 euros (étant rappelé que Mme [Z] percevait alors 11,954 euros par heure).

S'il peut être relevé que Mme [Z] a connu une évolution de sa rémunération entre 2010 et 2011, Mme [P] percevait, pour des fonctions identiques, une rémunération supérieure. Cela ne laisse pas présumer l'existence d'une inégalité de traitement.

Sur la différence de traitement avec Mme [E] :

Il ressort des explications de M. [N] que Mme [E] « a été engagée à la hâte lors du premier mois d'absence de Mme [P] ». Si tel est bien le cas, il faut en déduire que Mme [E] a été engagée initialement pour exercer les mêmes fonctions que celle qu'elle était destinée à remplacer à la hâte.

Il n'est pas contesté que Mme [E] jouissait d'une rémunération supérieure à celle de Mme [P]. M. [N] n'a pas produit, alors que cela avait été ordonné en première instance par le conseil de prud'hommes de Montmorency, les bulletins de paie de Mme [E], ce qui aurait permis à la cour de vérifier arithmétiquement l'écart de rémunération. Sur ce point précis, M. [N] ne conteste cependant pas que l'écart de rémunération entre Mme [E] et Mme [P] était de 1 à 5. Il sera donc tenu pour acquis que Mme [E] était rémunérée à hauteur de 61,129 euros par heure alors que Mme [P] était quant à elle rémunérée à concurrence de 12,074 euros ainsi qu'il a été vu ci-dessus.

En présentant la situation de Mme [E] telle qu'elle a été décrite ci-avant, Mme [P] démontre l'existence d'éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité.

Il incombe donc à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

Si M. [N] ne produit pas le contrat de travail de Mme [E], lequel aurait pu montrer qu'elle exerçait ' contractuellement ' des fonctions différentes de Mme [P] et s'il ne produit pas non plus les bulletins de paie de Mme [E] (en dépit d'une sommation de communiquer et de la décision du conseil de prud'hommes) qui auraient pu donner une indication sur les fonctions de Mme [E], il apparaît que l'intimé verse aux débats des attestations :

. D'abord (pièce 10 de l'employeur), celle de Mme [Z] qui atteste avoir été formée par Mme [E] et qui témoigne de ce que cette dernière s'occupait de la gestion administrative/secrétariat du cabinet, ce que ne faisait pas Mme [P] ;

. Ensuite (pièce 11 de l'employeur) celle de Mme [K] (autre salariée de M. [N]) qui témoigne de ce que Mme [P] refusait de participer aux tâches de stérilisation et d'hygiène du cabinet ;

. Celle de Mme [E] (pièce 15 de l'employeur) qui n'est plus au service de M. [N] pour avoir quitté le cabinet le 31 janvier 2011, et qui décrit ses tâches et en particulier les nombreuses tâches administratives et organisationnelles qui lui étaient confiées, ajoutant que Mme [P] n'accomplissait pour sa part aucune tâche administrative et avait d'ailleurs décliné la formation qui lui avait été proposée dans ce domaine ;

. enfin, celle de M. [J], chirurgien dentiste du cabinet (pièce 16 de l'employeur), qui témoigne de ce que Mme [P] « était principalement au fauteuil du Dr. [N] » et qu'elle ne s'occupait pas de ses documents administratifs ni de la réalisation de ses devis.

Compte tenu des éléments qui précèdent, l'employeur établit que les fonctions exercées par Mme [P] et celles exercées par Mme [E] étaient différentes et pouvaient dès lors objectivement justifier une différence de traitement.

Il n'est par ailleurs pas contesté par Mme [P] que Mme [E] a été embauchée dans l'urgence pour procéder au remplacement de l'appelante du fait de son départ inopiné en raison du décès de sa fille. Ainsi, le manque de temps imparti à M. [N] pour trouver un remplaçant à sa salariée, contribue-t-il à expliquer la rémunération de Mme [E].

Le jugement sera donc de ce chef confirmé.

Le jugement sera en revanche infirmé en ce qu'il a ordonné au docteur [N] de communiquer à Mme [P] tous les bulletins de salaire de Mme [E] pour les années 2011 et 2012. Statuant à nouveau, Mme [P] sera déboutée de cette demande.

Sur la prime de secrétariat :

Mme [P] conteste la prescription qui lui est opposée, estimant que la prescription est de 5 ans, de sorte qu'elle peut prétendre à un rappel couvrant la période d'octobre à mars 2012. Au fond, elle se fonde sur les articles 3.14 et 3.16 et 6.1 de la convention collective. Elle soutient qu'elle effectuait régulièrement l'établissement, le suivi et le rappel des échéances administratives et assurait la correspondance du cabinet, notamment la correspondance en anglais du cabinet avec ses partenaires en Chine ; que pourtant, elle n'a jamais perçu la prime de secrétariat qui lui était due à raison de ces tâches. Mme [P] ajoute que son contrat de travail prévoyait expressément qu'elle bénéficiait de la prime de secrétariat ; que par ailleurs, depuis 2002 jusqu'en 2010, elle était la seule salariée au sein du cabinet et effectuait régulièrement des tâches de secrétariat.

Mme [P] expose encore que lorsque le salarié ne remplit plus les conditions d'attribution, la prime doit être dénoncée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et que cette dénonciation n'est effective qu'à l'expiration d'un délai minimum de 6 mois ; qu'aucune dénonciation n'a été faite par l'employeur.

M. [N] réplique que la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail s'applique à compter du 31 de chaque mois ; que Mme [P] est prescrite en ses demandes concernant un rappel de prime entre le mois de mars 2009 et le mois d'octobre 2011. Il se fonde sur l'article 2.4 de l'annexe I attachée à la convention collective qui subordonne le versement de la prime visée à l'article 3.16 à l'accomplissement régulier, par le salarié, de 3 compétences ; que Mme [P] n'établit pas avoir réalisé lesdites tâches et donc, qu'elle n'est pas éligible au bénéfice de la prime.

Sur la prescription :

L'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013, dispose : « L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »

Ce texte est issu de l'article 21 IV de la loi du 14 juin 2013.

L'article 21 V de cette loi prévoit : « V. ' Les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »

Avant l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, la prescription des répétitions de salaire se prescrivait par 5 ans conformément à l'article 2277 du code civil.

Les dispositions de la loi nouvelle, qui réduisent le délai antérieur, se sont appliquées à compter du 17 juin 2013 (un jour franc après la publication de la loi au JORF) aux prescriptions en cours, pour le temps qu'il leur restait à courir, sans que celui-ci puisse excéder les limites fixées par la loi ancienne.

Les demandes de Mme [P] couvrent en l'espèce une période comprise entre le mois d'octobre 2009 et le mois de mars 2012.

Sous l'empire de la loi applicable entre octobre 2009 et mars 2012, l'action en répétition de Mme [P] était prescrite par 5 ans.

Le délai de prescription a commencé à courir à partir de la date à laquelle la salariée a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action c'est-à-dire la date à laquelle les salaires étaient exigibles soit le dernier jour de chaque mois.

Mme [P] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 27 octobre 2014, elle peut donc former de demande en répétition de salaire pour la période postérieure au 27 octobre 2009.

La demande de Mme [P] n'est donc en rien prescrite de sorte que la fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur le fond pour le rappel de prime couvrant la période comprise entre le mois d'octobre 2009 inclus et le mois de mars 2012 :

L'article 3.16 de la convention collective nationale des cabinets dentaires du 17 janvier 1992 prévoit le montant de la prime de secrétariat : « Le montant de la prime de secrétariat correspond à 10 % du salaire conventionnel de l'emploi d'assistant(e) dentaire qualifié(e). »

L'article 6.1 de l'annexe I. « classification des emplois » de la convention collective définit ainsi les travaux de secrétariat : « Les travaux de secrétariat consistent à effectuer régulièrement au moins l'une des tâches suivantes :

. établir, suivre et rappeler les échéances administratives ;

. enregistrer les opérations comptables courantes : traitement des factures et préparation de leur règlement ;

. assurer la correspondance du cabinet, le courrier pouvant être dactylographié, manuscrit ou sur traitement de texte, la rédaction éventuelle des travaux d'étude ou de recherche des praticiens.

L'exécution régulière d'une des 3 compétences décrites ci-dessus entraîne le versement de la prime de secrétariat dont le montant est défini à l'article 3.16 de la convention collective nationale des cabinets dentaires. »

L'article 2.4 de l'annexe I « classification des emplois » à la convention collective prévoit, in fine, que « En complément : L'exécution régulière d'une des 3 compétences suivantes entraîne, conformément à l'annexe I, titre V (travaux de secrétariat) le versement de la prime de secrétariat dont le montant est défini à l'article 3.16 de la convention collective nationale des cabinets dentaires :

. établit, suit et rappelle les échéances administratives ;

. enregistre les opérations comptables courantes : traitement des factures et préparation de leurs règlements ;

. assure la correspondance du cabinet, le courrier pouvant être dactylographié, manuscrit ou sur traitement de texte, la rédaction éventuelle des travaux d'étude ou de recherche des praticiens. »

Il ressort de ces textes que pour être éligible au bénéfice de la prime de secrétariat, le salarié qui y prétend doit établir qu'il accomplissait régulièrement :

. soit un suivi ou un rappel des échéances administratives,

. soit l'enregistrement des opérations comptables courantes,

. soit la correspondance du cabinet.

Le contrat de travail de Mme [P] (dernier contrat du 10 novembre 2009 ' pièce 6 de la salariée) prévoyait : « Elle percevra une rémunération sur la base de 1 500 euros nets (') prime de secrétariat comprise ». Les parties étaient donc convenues par contrat que la prime de secrétariat serait englobée dans le salaire total de Mme [P] fixé à 1 500 euros nets qui a toujours été intégralement payé.

En procédant de la sorte, l'employeur ne permet pas de vérifier que les prescriptions de la convention collective relatives au montant de la prime, laquelle correspond en principe à 10% du salaire conventionnel, ont bien été observées. Cette prime aurait dû être individualisée sur la feuille de paie pour pouvoir être identifiée. En tout état de cause, le contrat de travail, ainsi rédigé, montre que la prime de secrétariat était ' au moins en son principe ' accordée à Mme [P] au moment de sa signature. Par la suite elle a été déchargée de ses tâches de secrétariat mais en l'absence d'avenant ou de dénonciation, la prime lui reste acquise.

La cour dispose d'éléments pour fixer à 4 554,21 euros ' montant n'est pas utilement critiqué par l'employeur ' le rappel total dû par M. [N] à Mme [P] à titre de rappel de primes de secrétariat entre le mois d'octobre 2009 et le mois de mars 2012.

Il convient donc d'infirmer de ce chef le jugement et, statuant à nouveau, de condamner M. [N] à payer à Mme [P] la somme de 4 554,21 euros à titre de rappel de primes de secrétariat.

Sur l'indemnité AG2R :

M. [N] est appelant incident de l'ensemble des chefs de demande accueillis, au rang desquels figure la demande relative au rappel d'indemnité AG2R.

Pour sa part, Mme [P] sollicite de ce chef la confirmation du jugement.

Pour autant, aucune des parties n'articule de moyens relativement à cette demande : ni Mme [P] qui en demande la confirmation, ni M. [N] qui en sollicite l'infirmation.

L'article 954 du code de procédure civile prévoit : « Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. »

A défaut, pour M. [N], d'exposer les moyens qui, selon lui, devraient conduire à l'infirmation du jugement ayant accueilli Mme [P] en sa demande de rappel d'indemnité AG2R, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le harcèlement :

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Sur le terrain de la preuve, il ressort de l'article L. 1154-1, dans sa version applicable au présent litige, que lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1 le salarié établit des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il revient donc au salarié d'établir la matérialité de faits, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris en leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Dans la négative, le fait de harcèlement ne peut être reconnu. Dans l'affirmative, il revient à l'employeur de prouver que ces éléments ne constituent pas un harcèlement.

En l'espèce, au soutien de sa demande, Mme [P] invoque :

. le montant extrêmement faible de sa rémunération pendant des années,

. le non-paiement des indemnités AG2R,

. le non-paiement de la prime de secrétariat,

. l'inégalité de son traitement,

. la difficulté de se former,

. le fait qu'après le décès de sa fille survenu le [Date décès 1] 2010 elle a dû s'absenter jusqu'à la mi-mars 2010 pour organiser ses funérailles et qu'à son retour, M. [N] lui a dit « Pourquoi tu es revenue ' Tu as profité du décès de ta fille pour prendre des vacances. A cause de tes absences mon chiffre d'affaires a dégringolé »,

. le fait qu'à partir de ce moment là, elle a été soumise à une pression énorme et à des remarques irrespectueuses,

. le fait qu'elle était constamment rabaissée et humiliée devant ses collègues et patients.

Mme [P] soutient encore que le harcèlement qu'elle a subi a eu des répercussions sur sa santé puisqu'elle a été suivie pour un syndrome dépressif.

Mme [P] établit, en produisant ses bulletins de paie, le montant de sa rémunération. Elle la qualifie « d'extrêmement faible pendant des années ». Cette appréciation, purement subjective, n'engage que Mme [P]. Il sera observé que Mme [P] a entendu quitter le cabinet de M. [N] en 2009 et que, par suite d'une négociation ayant conduit à élever sa rémunération à 1 500 euros par mois nets, la salariée a repris son travail alors qu'elle n'y était nullement tenue. Elle n'établit donc pas la matérialité objective du caractère « extrêmement faible de sa rémunération pendant des années »

Il a été jugé que Mme [P] était éligible à un rappel d'indemnité AG2R ainsi qu'à un rappel de prime de secrétariat.

Il a par ailleurs été jugé que Mme [P] n'avait pas subi une inégalité de traitement fondée sur le principe « à travail égal, salaire égal ».

Elle n'établit pas les difficultés qu'elle aurait eues de se former.

Pour justifier des autres faits qu'elle impute à son employeur, Mme [P] verse aux débats, en pièce 16, un courrier qu'elle a adressé à son employeur le 22 décembre 2011. Elle y dénonce des faits de harcèlement, reprenant les propos qu'elle prête à M. [N], et propose une rupture conventionnelle. Les faits qu'elle y dénonce ne peuvent être tenus pour établis par cette seule pièce, étant observé que par courrier du 4 janvier 2012, M. [N] les a contestés (pièce 17 de la salariée) et a par ailleurs accepté le principe d'une rupture conventionnelle, fixant un rendez-vous à cet effet le 11 janvier 2012.

De même en est-il de sa pièce 23 (saisine directe du 20 octobre 2014 du bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins de le voir statuer en référé sur une demande indemnitaire fondée sur harcèlement et discrimination) qui ne constitue pas en elle-même une preuve des faits qui y sont dénoncés, s'agissant d'un document qui a été rédigé par Mme [P] ou par son conseil.

Mme [P] produit en outre sa pièce 15, laquelle est une copie de sa feuille de temps de novembre 2011. La salariée explique, dans ses écritures, qu'en novembre 2011, elle a présenté sa feuille de temps pour solliciter des heures supplémentaires. La salariée explique encore qu'elle avait transmis sa feuille de temps à une collègue ' Mme [K] ', laquelle a remis ladite feuille à M. [N] qui l'aurait alors déchirée, ce qui lui aurait été rapporté par Mme [K]. Ce fait procède d'une allégation de Mme [P]. Même si, effectivement, le document porte la trace de déchirures, rien ne permet de les imputer à M. [N].

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, Mme [P] n'établit pas les éléments de fait qui seraient susceptibles de laisser supposer l'existence d'un harcèlement.

Il en résulte que le jugement sera de ce chef confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, M. [N] sera condamné aux dépens.

Il conviendra de dire n'y avoir lieu de condamner M. [N] au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement en dernier ressort et par mise à disposition au greffe :

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [P] de sa demande tendant à la communication des salaires de Mme [E] pour les années 2011 et 2012,

Rejette la fin de non-recevoir du chef de la prescription des demandes de Mme [P],

Condamne M. [N] à payer à Mme [P] la somme de 4 554,21 euros à titre de rappel de primes de secrétariat,

Confirme le jugement sur le surplus,

Dit n'y avoir lieu de condamner M. [N] à payer à Mme [P] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [N] aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Mme Clotilde Maugendre, présidente et M. Achille Tampreau, greffier.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/04198
Date de la décision : 11/09/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°16/04198 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-11;16.04198 ?
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