COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 89B
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 JUILLET 2019
N° RG 17/04438
N° Portalis DBV3-V-B7B-R2EQ
AFFAIRE :
[G] [S]
C/
SAS XARDEL DEMOLITION
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 22 Août 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE
N° RG : 15-00020/P
Copies exécutoires délivrées à :
la SCP GUILLEMIN - MSIKA
la SCP RICHARD MERTZ & ASSOCIES
Me Michel PRADEL
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 4]
Copies certifiées conformes délivrées à :
[G] [S]
SAS XARDEL DEMOLITION
SAS METRO CASH & CARRY FRANCE,
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [G] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Yann MSIKA de la SCP GUILLEMIN - MSIKA, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 107
APPELANT
****************
SAS XARDEL DEMOLITION
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
représentée par Me Alexandra DUQUESNE-THEOBALD de la SCP RICHARD MERTZ & ASSOCIES, avocat au barreau de substituée par Me Hélène NICOLAS de la SCP RICHARD MERTZ ET ASSOCIES, avocat au barreau de METZ
SAS METRO CASH & CARRY FRANCE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par Me Michel PRADEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0304 substitué par Me Stefania VALMACHINO, avocat au barreau de PARIS
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 4]
Service Contentieux
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Mme [R] [Y] (Inspecteur contentieux) en vertu d'un pouvoir général
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Madame Caroline BON, Vice présidente placée,
Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,
M. [G] [S] a été salarié de la société Connect Intérim, entreprise de travail temporaire, à compter du 6 novembre 2013. Par plusieurs contrats de mission, dont le dernier est daté du 14 avril 2014, il a été mis à la disposition de la société Xardel Démolition en qualité de manoeuvre.
La société Xardel Démolition est une entreprise de bâtiment spécialisée dans le gros oeuvre, notamment la déconstruction, la démolition et le terrassement.
La société Xardel Démolition a été sollicitée par la société Advanced building construction et design afin d'effectuer des travaux de démolition et de désamiantage sur le site de [Localité 3], propriété de la société Cash et Carry France, désormais dénommée société Metro France. C'est sur ce chantier que M. [S] était affecté jusqu'au 14 avril 2014.
Le 19 juin 2014, M. [S] a été victime d'un accident que la société Xardel Démolition SARL a déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4] (ci-après 'la Caisse') dans les termes suivants : « En démontant une plaque isotherme, Monsieur [S], qui portait son casque de sécurité, a [laissé] échappé la plaque qui [lui] est tombée sur sa tête ». Le certificat médical initial établi le 20 juin 2014 faisait mention de « cervicalgies » et prescrivait un arrêt de travail jusqu'au 22 juin 2014.
Le 8 juillet 2014, M. [S] a signé un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de man'uvre avec la société Xardel Démolition, avec effet rétroactif au 11 juin 2014. M. [S] en conteste désormais la validité.
Le 3 octobre 2014, M. [S] a déclaré auprès de la Caisse une nouvelle lésion décrite ainsi « des cervicalgies sévères ; cavité (incompréhensible) non évolutives d'après le docteur (incompréhensible) A surveiller », qu'il estimait être en relation avec l'accident du travail du 19 juin 2014.
Le 27 octobre 2014, la Caisse a refusé de reconnaître le caractère professionnel de cette nouvelle lésion estimant qu'elle n'était pas imputable à l'accident du 19 juin 2014. L'expert désigné dans le cadre de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale a confirmé l'absence toute relation de cause à effet directe ou par aggravation entre la maladie et l'accident du travail du 19 juin 2014 relevant que « La syringomyélie n'a évidemment aucun rapport avec l'accident initial ».
Par courrier du 30 juillet 2015, la Caisse a notifié à M. [S] une décision fixant la date de la consolidation de ses lésions au 9 août 2015, sans séquelles indemnisables, date qu'elle reportera au 31 août 2017. Finalement, il sera reconnu à M. [S] un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % qui a été réévalué à 15 % par le tribunal du contentieux de l'incapacité de Paris et il lui sera versée une rente annuelle d'un montant de 1 389 euros.
Par requête du 6 janvier 2015, M. [S] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur lequel, par jugement du 23 août 2017 a :
- dit le recours mal fondé ;
- mis hors de cause la société Métro Cash et Carry France ;
- débouté M. [G] [S] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné ce dernier, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à verser les sommes de :
. 500 euros à la société Xardel Démolition;
. 500 euros à la société Métro Cash et Carry France.
M. [S] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 12 septembre 2017. Les parties ont alors été convoquées à l'audience du 21 mai 2019.
A l'audience de la cour, M. [S], reprenant oralement le bénéfice de ses écritures, demande à la cour d'infirmer la décision querellée en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- débouter la société Metro France de sa demande de mise hors de cause en ce qu'il existe une incertitude quand à la nature des relations de travail au jour de l'accident du 19 juin 2014 ;
- au principal et avant dire droit, de dire et juger qu'à la date de l'accident du travail du 19 juin 2015 à 15 h 30, M. [S] n'avait signé aucun contrat de travail à durée indéterminée avec la société Xardel Démolition, ni avec la société Metro, qu'il n'avait pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche, et n'avait été appelé que pour réaliser une mission temporaire, de sorte qu'il doit être considéré comme un salarié temporaire au sens de l'article L. 4134-3 du code du travail ce qui fait présumer l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur ;
- dire et juger, en sus, que la société Xardel Démolition ne lui a pas joint le document unique d'évaluation des risques professionnels, au sens des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 et R. 4121-1 du code du travail induisant l'existence d'une faute professionnelle ;
- dire et juger, enfin, que la société Xardel Démolition, ainsi que la société Metro Nanterre, ont commis une faute inexcusable en ayant conscience ou en ayant dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et n'avoir pris aucune mesure visant à l'éviter ;
- dire et juger, dans ces circonstances, que la société Xardel Démolition et, dans une moindre mesure, la société Metro Cash & Carry France, établissement de Nanterre, sont responsables de l'accident de travail survenu le 19 juin 2014 aux environs de 15H30 au sein de l'établissement Metro France de Nanterre et que le ou les employeur(s) ont commis une faute inexcusable ;
- condamner la société Xardel Démolition, la société AXA France IARD et Metro France in solidum à lui payer une somme de 5 000 euros de provision à valoir sur la réparation de son préjudice ;
- dire et juger que la mission d'expertise médicale ci-dessous sollicitée sera totale et non limitée comme l'indique la société Xardel Démolition en ce que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 juin 2010 considérait que la faute inexcusable de l'employeur engendrait une indemnisation de l'ensemble des dommages non couverts dans le livre IV du code de la sécurité sociale, induisant une réparation totale et qu'à défaut de réparation intégrale et totale, la décision prise par la juridiction serait discriminatoire au sens des stipulations de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
A titre subsidiaire, M. [S] demande à la cour :
- de faire droit à l'expertise médicale au regard des seuls postes de préjudices prévus par la jurisprudence visée dans le dispositif des conclusions de la société Xardel Démolition ;
- d'ordonner une expertise médicale confiée à tel médecin spécialisé en chirurgie de la moelle épinière qu'il plaira au tribunal des affaires de sécurité sociale de Cergy Pontoise (sic) de bien vouloir désigner avec les missions habituelles ;
- dire que les frais d'expertise seront à la charge de la société Xardel Démolition et de la société Metro France de Nanterre ;
- fixer le montant et le délai de dépôt de la consignation ;
- constater la mise en cause de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4] ;
- rappeler que l'exécution provisoire est de droit ;
- condamner in solidum les sociétés Xardel Démolition, la société AXA France IARD et la société Metro France de Nanterre à payer à M. [S] une somme de 1 200 euros à valoir sur l'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;
- et voir réserver les dépens.
La société Xardel Démolition, reprenant oralement le bénéfice de ses conclusions déposées à l'audience, demande à la cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions. Subsidiairement, si la cour faisait droit à la demande d'expertise, elle entend que soit exclus de la mission de l'expert :
- le déficit fonctionnel temporaire,
- les frais de santé futurs et les frais médicaux restés à charge,
- l'assistance d'une tierce personne après la consolidation,
- les souffrances physiques ou morales après la consolidation,
- le préjudice esthétique permanent,
- la perte de gains professionnels actuelle et future,
- l'incidence scolaire ou professionnelle,
et de dire et juger que la Caisse sera tenue de faire l'avance des sommes allouées au titre de la faute inexcusable.
En tout état de cause la Société sollicite la condamnation de M. [S] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La société Métro France, mise en cause par M. [S], reprenant oralement ses écritures, demande à la cour de confirmer la décision entreprise et, en conséquence, de :
- juger qu'elle n'est pas l'employeur de M. [S] et qu'elle ne s'est pas substituée à la société Xardel Démolition ;
- la mettre hors de cause ;
- et condamner M. [S] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le représentant de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4], indique à la cour qu'elle s'en rapporte à la justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Par contre, si elle était retenue, la Caisse demande de :
- lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à la mise en oeuvre d'une expertise médicale judiciaire mais en limiter la mission aux postes de préjudices prévus à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
- de lui donner acte de ce qu'elle sollicitera le rejet des demandes de préjudices déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
- dire que la date de consolidation a déjà été fixée par la Caisse et que l'expert ne saurait en fixer une nouvelle ;
- et de réduire la provision à de plus justes proportions.
En tout état de cause, la Caisse demande à la cour de :
- dire qu'elle récupérera auprès de l'employeur ou de son assureur le montant de tous les préjudices dont elle sera tenue de faire l'avance, qui seront alloués à M. [S] conformément aux articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
- et de condamner la partie succombante aux dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la production de pièces
La cour rappelle que l'oralité de la présente procédure n'exonère pas les parties du respect du principe du contradictoire prévu aux articles 15 et 16 du code de procédure civile selon lesquels
Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
M. [S] a transmis ses pièces et conclusions aux autres parties la veille au soir de la présente audience, de sorte qu'elles n'ont pas eu la possibilité de les étudier.
De même, la cour constate que le bordereau de communication de pièces joint aux conclusions de M. [S] comporte 141 pièces alors que le dossier de plaidoirie qu'il a déposé en comporte 154, aucun justificatif d'envoi de pièces complémentaires n'ayant été produit.
En conséquence il convient de faire droit à la demande de la société Xardel Démolition et d'écarter des débats les pièces 151 à 154, la cour écartant également les pièces 142 à 150.
Les écritures ayant été reprises oralement et, en l'absence d'opposition des parties, elles seront régulièrement prises en compte.
Sur la qualification du contrat de travail et la détermination de l'employeur
M. [S] fait valoir qu'il a toujours travaillé dans le cadre de missions temporaires et a toujours été placé de manière constante auprès de la société Metro. Il conteste avoir été engagé à compter du 11 juin 2014 par la société Xardel puisque le contrat de travail invoqué a été signé le 8 juillet suivant. Il en déduit que ces deux sociétés peuvent être considérées comme co-employeur ou alors qu'il est resté intérimaire.
La Société Xardel Démolition confirme l'existence d'un contrat de travail signé le 8 juillet 2014 mais souligne que les parties avaient entendu lui donner un caractère rétroactif au 11 juin 2014, date réelle de l'embauche de M. [S]. Elle rappelle que l'existence d'un écrit n'est pas obligatoire dans le cadre d'un emploi à durée indéterminée à temps complet, comme en l'espèce, de sorte qu'il ne saurait être déduit d'une signature au 8 juillet 2014 une absence de relation de travail pour la période antérieure. La Société indique enfin que toutes les déclarations sociales et fiscales mentionnaient la date du 11 juin 2014 comme étant celle de l'embauche.
La société Metro relève que les explications de M. [S] sont très confuses, puisqu'il considère tantôt la société Metro comme « entreprise utilisatrice ou employeur » et qu'il considère que sa responsabilité peut être engagée en sa qualité de « bénéficiaire de la prestation de travail ». Elle relève en outre l'incohérence des développements faits par M. [S] qui estime qu'il est un travailleur intérimaire sans mettre en cause la Société Connect Intérim qui a été, dans un premier temps, l'agence qui l'a employé.
La société Metro conteste tout lien contractuel avec M. [S] expliquant avoir uniquement conclu un contrat de services avec la société Advanced building construction afin qu'elle effectue des travaux de déconstruction et de réaménagement de l'un des bâtiments dont elle est propriétaire, celui situé à [Localité 3]. Dans ce cadre, cette société a fait appel à la société Xardel Démolition dans le cadre d'un contrat d'entreprise, laquelle a employé, d'abord dans le cadre de contrats de mission d'intérim puis dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, M. [S].
La Société conclut en conséquence qu'en l'absence de tout lien contractuel avec ce dernier, sa mise hors de cause doit être confirmée.
Sur ce,
Les articles L. 1221-1 et suivants du code du travail prévoient que le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il est donc régi par le principe de liberté contractuelle, sous réserves des dispositions particulières de ce code.
En l'espèce, il ressort des pièces produites par les parties que la société Xardel Démolition et M. [G] [S] ont signé un contrat de travail à durée indéterminée le 8 juillet 2014 et qu'ils ont fait rétroagir au 11 juin 2014, la cour rappelant, au demeurant, que dans le cadre d'un contrat de travail à temps plein, aucun écrit n'est exigé : M. [S] pouvait donc légalement effectuer une prestation de travail pour le compte de Xardel Démolition avant toute signature d'un contrat de travail.
Si M. [S] produits deux courriers (pièce 140 et 141) à l'en-tête de la société Connect Intérim semblant sous-entendre que Xardel Démolition aurait demandé à l'entreprise de travail temporaire de régulariser un contrat de mission en date du 12 juin 2014, soit avant l'accident du travail, la cour constate que :
- la pièce 140 comporte bien un tampon d'entreprise et une signature mais ces mentions semblent avoir été sur-ajoutées comme en témoigne les fines lignes noires qui apparaissent immédiatement au dessus et qui coupent dans la largeur le document,
- la pièce 141 est entièrement dactylographiée et ne comporte ni signature ni tampon de Société et n'est accompagnée d'aucune pièce d'identité du rédacteur ; son logo et la pagination sont d'ailleurs différents du courrier ci-dessus.
La cour se trouve donc dans l'impossibilité de vérifier l'identité de leur auteur de sorte qu'elle ne peut considérer ces documents comme probants. Néanmoins, à les supposer probantes et conformes à la réalité, elles ne traduiraient que la volonté de la société Xardel Démolition d'échapper à ses responsabilités, mais ne remettraient pas en cause l'existence d'une prestation de travail effectuée par M. [S] au seul profit de cette dernière.
La lecture du contrat de travail litigieux permet de constater qu'outre la signature de l'intéressé, figure également la mention manuscrite « Lu et approuvé » suivie de la date de la signature de M. [S]. Aucune surcharge ni rature ne vient altérer le document.
Il apparaît en outre que ce contrat a été remis par voie postale par M. [S] à la société Xardel Démolition, excluant toute pression physique, accompagné d'un courrier manuscrit daté du 8 juillet 2014 dans lequel il indiquait « (...) Vous trouverez ci-joint à ce courrier [le contrat de travail à durée indéterminée] que je vous fait parvenir par courrier accusé de réception le 09/07/2014, contrat dumant daté et signé » (sic). A l'évidence, ce courrier n'évoque aucune contrainte ni pression et M. [S] ne manifeste aucune réserve sur l'une des clauses du contrat de travail. En conséquence aucun élément ne permet de considérer que son consentement aurait été vicié ou que sa signature aurait été obtenue sous la contrainte.
L'effet rétroactif de ce contrat est confirmé par la délivrance, dès le mois de juin, de bulletins de salaire par la société Xardel ainsi que par la déclaration préalable à l'embauche reçue par l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales le 27 juin 2014, mentionnant une date d'embauche au 11 juin précédent.
Cette date du 11 juin 2014 est en outre cohérente avec la fin des contrats de mission, dont le dernier a été conclu le 14 avril 2014, et la poursuite de l'intervention de Xardel Démolition sur le chantier de [Localité 3].
Aucun élément n'est enfin produit pour démontrer que la prestation de travail se serait poursuivie dans le cadre d'un contrat d'intérim, M. [S] n'ayant jamais remis en cause qu'au moment de l'accident, il effectuait une prestation de travail pour la société Xardel Démolition. Il n'a d'ailleurs jamais fait appeler devant les juridictions, la société Connect Intérim.
Il résulte de ce qui précède que M. [S] n'était plus, au 19 juin 2014, employé de la Société d'intérim dans le cadre d'une mission temporaire mais été employé par la seule société Xardel Démolition dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
En conséquence, la société Xardel Démolition était l'employeur de M. [G] [S] au moment des faits litigieux.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la mise hors de cause de la société Métro
Aux termes de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail ne peut agir en reconnaissance d'une faute inexcusable que contre l'employeur, quel que soit l'auteur de la faute de même que la Caisse ne dispose que d'un recours contre la personne qui a la qualité juridique d'employeur.
En l'espèce, il résulte des pièces produites que l'accident a eu lieu sur un chantier de ré-aménagement de l'entrepôt de l'enseigne Metro situé à [Localité 3], appartenant à la société Metro Cash & Carry France. Cette dernière avait confié à la société Advanced Building Construction & Design, spécialisée dans les bâtiments d'entreprise, la mise en 'uvre et la direction de ces travaux, laquelle a fait appel à la société Xardel Démolition, spécialisée dans les travaux spécifiques de dépollution et de désamiantage. Un contrat d'entreprise a été signé le 19 août 2013, pour un « lot travaux de dépollution et désamiantage (n°B020) & lot démolitions (n°B060) pour un délai global des travaux de 28 mois ».
Ainsi, si M. [S], salarié de la société Xardel Démolition en qualité de man'uvre, travaillait au moment de l'accident du travail sur le site de la société Metro, celle-ci n'était que propriétaire du site.
En conséquence, la société Metro, qui n'a ni qualité juridique d'employeur ni celle d'entreprise utilisatrice au sens de l'article L. 1251-1 du code du travail, et qui ne s'est pas davantage substituée à la société Xardel Démolition dans son pouvoir de direction du travail de M. [S], doit être mise hors de la cause.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la faute inexcusable de la société Xardel Démolition
M. [S] estime qu'il n'a pas à faire la démonstration de la faute inexcusable de son employeur puisqu'il travaillait comme salarié intérimaire et qu'il bénéficie, à ce titre, d'une présomption. Il estime en tout état de cause que l'employeur et la société Metro ont commis une faute inexcusable en n'assurant pas sa sécurité, soit par défaut de vérification, soit par défaut d'entretien du plafond et de la plaque isothermique y figurant.
Il affirme que si une plaque isothermique est tombée sur sa tête cela démontre que toutes les mesures de sécurité n'avaient pas été mises en place pour évaluer les risques professionnels et tout mis en oeuvre pour les éviter.
La société Xardel Démolition tient à rappeler que la reconnaissance de l'origine professionnelle d'un accident ne permet pas d'établir de façon automatique la faute inexcusable de l'employeur. Elle estime que M. [S] ne verse aucun élément pour démontrer qu'elle aurait eu conscience d'un danger qu'elle n'aurait pas tenté d'éviter ou d'en limiter les conséquences.
Sur ce,
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
L'employeur doit notamment prendre toutes les mesures d'organisation du travail propres à garantir la surveillance et l'encadrement de ses salariés effectuant des travaux dangereux et leur imposer l'usage des mesures de sécurité. Il ne peut s'exonérer de son obligation au motif que la victime a été négligente ou imprudente.
Il sera au préalable rappelé que M. [S] ne peut invoquer une présomption de faute inexcusable puisqu'il vient d'être jugé qu'il n'était pas un salarié intérimaire.
La cour indique par ailleurs que, contrairement à ce que fait plaider M. [S], la seule survenance d'un accident n'induit pas la faute inexcusable et il lui appartient d'établir que son employeur a manqué à son obligation de sécurité.
Au demeurant, il n'est pas contesté que le 19 juin 2014, M. [S] se trouvait dans une nacelle et qu'il était occupé à la dépose et la pose de plaques isothermes dont l'une d'elle est tombée sur lui.
Il est constant également que la cause de cette chute demeure inconnue, M. [S] ne produisant aucun témoignage des personnels travaillant avec lui sur le site.
Les pièces produites aux débats enseignent que le travail de M. [S] consistait à déposer des panneaux isothermes dans les chambres froides. Il utilisait, pour se faire, une nacelle ciseaux et des outils à mains. La procédure à suivre pour la manoeuvre litigieuse était, dans un premier temps d'ôter les vis de maintien fixant les panneaux sur la glissière, de positionner ensuite la nacelle au centre du panneau puis la monter légèrement afin que les gardes corps de la nacelle viennent en appui sous le panneau. Le panneau est ainsi décollé de trois à quatre centimètres de la glissière et repose sur le garde-corps de la nacelle. Lors de cette opération, l'opérateur est assis dans la nacelle et réalise les opérations de montée/descente de la nacelle. Une fois la nacelle abaissée, les deux opérateurs restés au sol récupèrent le panneau (d'environ 47 kg) aux fins d'évacuation.
Il ne peut être contesté que le travail ainsi décrit, qui s'effectue pour partie dans un engin motorisé et en hauteur, et qui nécessite la manipulation de divers outils mécaniques, comportent sans conteste, des risques de chutes, de coupures ou de chocs que l'employeur, spécialisé dans les travaux de gros oeuvre, ne pouvait pas ignorer.
Pour autant, il doit être constaté que M. [S] ne produit aucun élément permettant de considérer que la Société n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour éviter ou, à tout le moins, limiter la réalisation des risques identifiés, la quasi intégralité des pièces produites ne concernant que son état de santé.
Pour sa part, néanmoins, alors qu'elle n'a pas la charge de la preuve, la Société justifie d'abord que, conformément aux règles d'utilisation des matériels, M. [S] était aidé de deux autres ouvriers pour effectuer les opérations.
De même, la Société démontre avoir mis à la disposition de M. [S] les équipements de protection individuelle nécessaires à l'exercice de sa mission : il portait un casque, des chaussures de protection, des bottes, des gants de manutention, des lunettes de protection, des protections auditives et un harnais anti-chute, comme il le reconnaît dans ses conclusions d'appel et comme en atteste la fiche d'accueil et d'information qu'il a signée le 3 mars 2014.
La Société fournissait également une nacelle ciseaux, destinée à limiter les opérations de manutention lourde et de chute et qui était, en l'espèce, adaptée au travail à effectuer. Ce matériel était en bon état de fonctionnement, aucune défaillance n'ayant été relevée par M. [S] ni par un quelconque autre salarié.
Un plan particulier de sécurité et de protection de la santé avait également été mis en place pour le chantier du ré-aménagement de l'entrepôt dans lequel travaillait M. [S] et pour lequel un coordonnateur de sécurité et de protection de santé avait été désigné (société Dekra Conseils Hse). Ce plan, rédigé antérieurement à la date de l'accident, avait été porté à la connaissance de M. [S], comme en atteste la fiche d'accueil et d'information qu'il a signée, et le salarié avait en outre reçu les consignes générales de sécurité en vigueur.
La société Xardel Démolition justifie enfin de l'établissement d'un document unique d'évaluation des risques professionnels de 81 pages, très détaillé et très précis, portant sur les mesures de prévention et de sécurité, sur les modes opératoires, sur la diffusion de l'information et la formation ainsi que sur la mise à disposition des équipements de protection individuelle.
En conséquence, la cour considère que M. [S] échoue à établir qu'ayant connaissance du danger qu'il encourait du fait de ses missions, la société Xardel Démolition n'aurait pas pris les mesures de prévention et de protection nécessaires pour éviter la réalisation du risque.
L'accident du travail de M. [S] n'est donc pas dû à la faute inexcusable de la société Xardel Démolition et il sera débouté, en conséquence, de ses demandes indemnitaire et d'expertise.
Le jugement est confirmé sur l'ensemble de ces points.
Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Succombant à l'instance, M. [S] sera condamné aux dépens d'appel, l'article 696 du code de procédure civile étant désormais applicable devant les juridictions de sécurité sociale.
De même, il sera condamné à payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer :
- à la somme de 1 000 euros au profit de la société Xardel Démolition,
- à la somme de 1 000 euros au profit de la société Metro,
en sus de celles qui ont été allouées en première instance.
M. [S] sera par ailleurs débouté de la demande qu'il a formée sur le même fondement.
Enfin, il sera rappelé à M. [S] que la présente décision n'étant pas susceptible d'un recours suspensif, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;
Ecarte des débats les pièces numérotées 142 à 154 déposées par M. [G] [S] ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 août 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (n°15-20/P),
Y ajoutant,
Condamne M. [G] [S] à verser à la SAS Metro France la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [G] [S] à verser à la SARL Xardel Démolition la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;
Condamne M. [G] [S] aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,