COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRÊT N° 228
CONTRADICTOIRE
DU 11 JUILLET 2019
N° RG 18/05068
N° Portalis : DBV3-V-B7C-S2UE
AFFAIRE :
[B] [S]
C/
SA SAP FRANCE
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 27 Novembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : Référé
N° RG : 18/00296
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 12 Juillet 2019 à :
- M. [F] [B] [S]
- Me Virginie DUBOIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 27 juin 2019 puis prorogé au 11 juillet 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [B] [S]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par M. [F] [B] [S] (Délégué syndical ouvrier)
APPELANT
****************
La SA SAP FRANCE
N° SIRET : 379 821 994
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Charlène LAMBERT, avocate au barreau de PARIS, substituant Me Virginie DUBOIS de la SCP DAVIES & MOUCHON, constituée/plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E1334
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Mai 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Luc LEBLANC, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Rappel des faits constants
La SA SAP France, qui est une filiale du groupe SAP, a pour activité principale l'édition de logiciels. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils dite Syntec.
M. [B] [S], né le [Date naissance 2] 1962, a été engagé par cette société en qualité d'ingénieur technico-commercial, par contrat à durée indéterminée prenant effet le 2 mars 1998.
M. [S] a été promu au poste de consultant expert par avenant du 2 avril 2001, qui prévoyait également le bénéfice d'une rémunération variable et en précisait les modalités.
Au mois de février 2018, une avance de 3 000 euros sur frais professionnels a été accordée à M. [S] et une retenue mensuelle sur salaire de 300 euros a été effectuée de mars 2018 à janvier 2019 en remboursement de cet emprunt.
Par lettre du 26 mars 2018, la SA SAP France a informé M. [S] que celui-ci avait bénéficié d'un trop-perçu s'élevant à 14 603 euros au titre de sa rémunération variable de 2017 et a commencé à opérer des retenues sur salaire à ce titre à partir du mois d'avril 2018.
Le 5 septembre 2018, M [S] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre pour obtenir la levée des retenues qu'il considère comme une sanction pécuniaire illicite.
La décision contestée
Par jugement contradictoire rendu le 27 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Nanterre a jugé qu'il y avait une contestation sérieuse sur les demandes de M. [S] et a dit n'y avoir lieu à référé.
La procédure d'appel
M. [S] a interjeté appel du jugement par déclaration n° 18/05068 du 13 décembre 2018.
Prétentions de M. [S], appelant
Par conclusions reçues au greffe le 19 avril 2019, M. [S] demande à la cour d'appel ce qui suit :
- infirmer l'ordonnance,
- juger qu'il est recevable et bien fondé en sa demande de faire cesser une sanction pécuniaire illicite,
- en conséquence, ordonner à la SA SAP France de :
- cesser toute retenue mensuelle sur salaire au titre du remboursement d'un prétendu trop perçu en matière de rémunération variable au titre de l'année 2017,
- rembourser toutes les retenues illicites sur salaire déjà opérées par SAP, pour un montant de 6 552 euros au 1er avril 2019, et qui sera actualisé le jour de l'audience,
- établir un bulletin de paie rectifié pour le mois d'avril 2018,
- ordonner cette exécution sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, astreinte que la cour d'appel se réservera le droit de liquider.
L'appelant sollicite en outre une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Prétentions de la SA SAP France, intimée
Par conclusions adressées par voie électronique le 18 avril 2019, la SA SAP France demande à la cour d'appel ce qui suit :
- à titre principal, déclarer l'appel de M. [S] irrecevable, faute pour ce dernier d'être représenté conformément aux dispositions des articles R. 1461-1 et R. 1461-2 du code du travail et, par conséquent, faute pour ce dernier d'avoir accompli les actes de procédure d'appel selon les formes prescrites par les articles 930-1 et suivants du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité,
- à titre subsidiaire, déclarer l'appel de M. [S] irrecevable, la déclaration d'appel de M. [S] étant nulle sur le fondement de l'article 117 du code de procédure civile,
- à titre infiniment subsidiaire, confirmer l'ordonnance et en conséquence, constater que les demandes ne présentent pas un caractère urgent, constater l'absence de trouble manifestement illicite au jour où la cour va statuer et l'absence de réunion des conditions du référé, en conséquence, dire n'y avoir lieu à référé.
Elle sollicite une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
La SA SAP France soutient que l'appel de M. [S] est irrecevable, faute pour ce dernier d'être représenté par un avocat ou un défenseur syndical autre que lui-même.
Elle rappelle que M. [S] est partie au dossier et qu'il a effectué lui-même sa déclaration d'appel sans être représenté par un défenseur syndical, autre que lui-même, et sans avoir constitué avocat ; qu'il a également rédigé, signé et notifié ses conclusions d'appelant, et non un défenseur syndical autre que lui-même ou à fortiori un avocat.
Elle soutient que la représentation obligatoire de la procédure d'appel en matière sociale implique que l'ensemble des actes de procédure doit être accompli par l'avocat constitué ou le défenseur syndical représentant du salarié, étant rappelé que le salarié partie au litige ne peut pas se choisir lui-même comme représentant car le mandat de représentation judiciaire implique la dualité du représentant et du représenté.
Elle en déduit que, dans la mesure où M. [S] a décidé d'assurer sa propre représentation devant la cour d'appel, la cour doit constater qu'il n'est pas valablement représenté.
M. [S] s'oppose à cette prétention.
Il se prévaut d'un arrêt [W] contre Serbie n° 3067/08 du 11 mai 2014 rendu par la Cour européenne des droits de l'homme qui a posé, selon lui, le principe d'un droit à se représenter soi-même.
Il fait valoir que la création récente du statut de défenseur syndical montre que le ministère d'avocat n'est pas obligatoire en matière prud'homale.
Il rappelle qu'il est inscrit sur la liste des défenseurs syndicaux de la région Île-de-France et soutient qu'il pouvait valablement former appel pour lui-même.
Sur ce,
L'article 18 du code de procédure civile dispose que : « Les parties peuvent se défendre elles-mêmes, sous réserve des cas dans lesquels la représentation est obligatoire. »
Le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, concernant la justice prud'homale et le traitement judiciaire du travail, applicable en l'espèce dans la mesure où la déclaration d'appel est postérieure au 1er août 2016, a instauré à partir de cette date la représentation obligatoire devant la chambre sociale de la cour d'appel en cas d'appel d'une décision du conseil des prud'hommes conformément aux dispositions de l'article R. 1461-2 du code du travail, cette représentation obligatoire pouvant être assurée par un défenseur syndical.
L'article R. 1461-1 du code du travail dispose qu'à défaut d'être représentées par un défenseur syndical, les parties sont tenues de constituer avocat.
En matière de représentation obligatoire, le plaideur ne peut se choisir lui-même comme représentant car le mandat de représentation judiciaire implique nécessairement la dualité du représentant et du représenté.
En l'espèce, M. [S], partie au litige, a effectué lui-même sa déclaration d'appel le 11 décembre 2018, sans être représenté par un défenseur syndical autre que lui-même et sans avoir constitué avocat.
C'est également M. [S] qui a rédigé, signé et notifié ses conclusions d'appelant le 6 février 2019.
Faute pour lui d'avoir choisi un représentant, avocat ou défenseur syndical autre que lui-même, M. [S] n'est pas valablement représenté.
Il s'ensuit que son appel est irrecevable.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [S] supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Pour des considérations tirées de l'équité, la SA SAP France sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
DÉCLARE irrecevable l'appel de M. [B] [S] ;
DÉBOUTE la SA SAP France de sa demande présentée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [B] [S] au paiement des entiers dépens ;
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Monsieur Luc LEBLANC, Président, légitimement empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,P /Le PRÉSIDENT empêché,