COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 83E
6e chambre
ARRÊT N° 218
CONTRADICTOIRE
DU 11 JUILLET 2019
N° RG 17/03513
N° Portalis : DBV3-V-B7B-RWCU
AFFAIRE :
[E] [V] épouse [J]
Syndicat CGT AXA MARLY LE ROI
UNION LOCALE CGT DES CLAYES SOUS BOIS
C/
SA AXA FRANCE
SA AXA FRANCE VIE
Compagnie d'assurances AXA FRANCE IARD
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de POISSY
N° Section : Commerce
N° RG : 13/00510
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 12 Juillet 2019 à :
- M. [I] [K] [N]
- Me Antoine SAPPIN
- Me Audrey BELMONT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 23 mai 2019, puis prorogé au 27 juin 2019 et au 11 juillet 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame [E] [V] épouse [J]
née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Le Syndicat CGT AXA MARLY LE ROI
[Adresse 2]
[Localité 3]
L'UNION LOCALE CGT DES CLAYES SOUS BOIS
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par M. [I] [K] [N] (Délégué syndical ouvrier)
APPELANTES
****************
La SA AXA FRANCE
N° SIRET : 334 356 672
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Me Audrey BELMONT, avocate au barreau de PARIS, substituant Me Antoine SAPPIN de la SELARL CAPSTAN LMS, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020
INTIMÉE
****************
La SA AXA FRANCE VIE
N° SIRET : 310 499 959
[Adresse 4]
[Localité 5]
La Compagnie d'assurances AXA FRANCE IARD
N° SIRET : 722 057 460
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentées par Me Audrey BELMONT de la SCP CAPSTAN LMS, constituée/plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : K020
PARTIES INTERVENANTES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Février 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par contrat à durée indéterminée du 1er septembre 1976, Mme [E] [J], née le [Date naissance 2] 1951, était engagée par le Groupe Drouot, aux droits duquel vient désormais Axa France Vie et Axa France Iard, en qualité d'employée de restaurant.
À compter du 1er septembre 1982, elle était affectée au poste d'employée administrative au sein du service Groupe Central Particuliers. Elle occupait en dernier lieu le poste de rédacteur polyvalent gestion recouvrement et/ou contentieux.
Désignée déléguée syndicale CGT en septembre 1977, la salariée devenait permanente syndicale à partir du 1er janvier 1997.
Le 1er décembre 2011, elle partait à la retraite.
Le 19 avril 2012, Mme [J] saisissait le conseil de prud'hommes de Poissy aux fins de voir reconnaître la discrimination syndicale dont elle estimait avoir été victime.
Par jugement de départage du 30 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Poissy a :
- débouté Mme [E] [J] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté le syndicat CGT Axa Marly-le-Roi et l'union locale CGT des Clayes-sous-Bois de leurs demandes,
- débouté la SAS Axa France de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [E] [J], le syndicat CGT Axa Marly-le-Roi et l'union locale CGT des Clayes-sous-Bois aux entiers dépens.
Par déclaration du 12 juillet 2017. Mme [J], le syndicat CGT Axa Marly-le-Roi et l'union locale CGT des Clayes-sous-Bois ont interjeté appel de la décision.
Par conclusions reçues au greffe de la cour le 16 avril 2018, ils demandent à la cour de :
- reconnaître la discrimination syndicale que Mme [J] a subie du fait du comportement de son employeur, la société Axa SAS,
- en conséquence, condamner la société Axa SAS à verser à Mme [J] la somme de 495 500 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
- à titre subsidiaire, condamner la société Axa SAS à verser à Mme [J] la somme de 309 045 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
- condamner la société Axa SAS à verser à Mme [J] la somme de 63 436,08 euros en réparation du préjudice moral subi,
- condamner la société Axa SAS à verser à Mme [J] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Axa SAS à verser au syndicat CGT Axa Marly-le-Roi la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamner la société Axa SAS à verser au syndicat CGT Axa Marly-le-Roi la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Axa SAS à verser à l'union locale CGT des Clayes-sous-Bois la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamner la société Axa SAS à verser à l'union locale CGT des Clayes-sous-Bois la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- assortir la décision à intervenir de l'exécution provisoire et du paiement des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 17 octobre 2018, la société Axa France Assurance demande à la cour de':
À titre liminaire :
- ordonner la mise hors de cause d'Axa France Assurance,
À titre principal :
- annuler l'intervention volontaire des syndicats «'CGT Axa Marly Le Roi'» et «'Union locale CGT'»,
- dire et juger que les demandes d'indemnisation de Mme [J] se heurtent à la prescription quinquennale,
En conséquence :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy du 30 juin 2017,
- condamner Mme [J] à verser à Axa France Assurance la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les syndicats «'CGT Axa Marly Le Roi'» et «'Union locale CGT'» à verser chacun à Axa France Assurance la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre subsidiaire :
- dire et juger que la demande d'indemnisation des syndicats «'CGT Axa Marly Le Roi'» et «'Union locale CGT'» n'est pas fondée,
- dire et juger que Mme [J] ne démontre aucun élément se rattachant à une «'discrimination syndicale'»,
En conséquence :
- débouter les syndicats CGT de leur demande d'indemnisation,
- débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner Mme [J] à verser à Axa France Assurance la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les syndicats «'CGT Axa Marly Le Roi'» et «'Union locale CGT'» à verser chacun à Axa France Assurance la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre très subsidiaire :
- apprécier le préjudice allégué par Mme [J] au titre d'une «'discrimination syndicale'» dans de bien plus justes proportions,
- apprécier le préjudice allégué par les syndicats «'CGT Axa Marly Le Roi'» et «'Union locale CGT'» dans de bien plus justes proportions.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 17 octobre 2018, la société Axa France Vie et la société Axa France Iard demandent à la cour de :
À titre liminaire :
- déclarer recevable leur intervention volontaire,
- annuler l'intervention volontaire des syndicats «'CGT Axa Marly Le Roi'» et «'Union locale CGT'»,
À titre principal :
- dire et juger que les demandes d'indemnisation de Mme [J] se heurtent à la prescription quinquennale,
- dire et juger que la demande d'indemnisation des syndicats «'CGT Axa Marly Le Roi'» et «'Union locale CGT'» n'est pas fondée,
En conséquence :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy du 30 juin 2017,
- condamner Mme [J] à verser à Axa France Vie et Axa France Iard la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les syndicats «'CGT Axa Marly Le Roi'» et «'Union locale CGT'» à verser chacun à Axa France Vie et Axa France Iard la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre subsidiaire :
- dire et juger que la demande d'indemnisation des syndicats «'CGT Axa Marly Le Roi'» et «'Union locale CGT'» n'est pas fondée,
- dire et juger que Mme [J] ne démontre aucun élément se rattachant à une «'discrimination syndicale'»,
En conséquence :
- débouter les syndicats CGT de leur demande d'indemnisation,
- débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner Mme [J] à verser à Axa France Vie et Axa France Iard la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les syndicats «'CGT Axa Marly Le Roi'» et «'Union locale CGT'» à verser chacun à Axa France Vie et Axa France Iard la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre très subsidiaire :
- apprécier le préjudice allégué par Mme [J] au titre d'une «'discrimination syndicale'» dans de bien plus justes proportions,
- apprécier le préjudice allégué par les syndicats «'CGT Axa Marly Le Roi'» et «'Union locale CGT'» dans de bien plus justes proportions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2018.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de mise hors de cause de la société Axa France Assurance et l'intervention volontaire des sociétés Axa France Vie et Axa France Iard
La société Axa France Assurance soutient qu'elle n'a aucun lien de droit avec Mme [J] ; que l'appel a été dirigé à tort contre une société dénommée "SAS Axa France", qui n'a pas d'existence juridique. Elle sollicite sa mise hors de cause du présent litige.
Les sociétés Axa France Vie et Axa France Iard, intervenantes volontaires à l'instance, font valoir qu'elles étaient ensemble (du fait de la séparation légalement obligatoire entre les branches d'assurance vie et d'assurance Iard, qui ne peuvent être exploitées au sein d'une même entité juridique), les derniers employeurs de Mme [J], venant ainsi aux droits du Groupe Drouot au terme d'opérations de fusions successives. Elles demandent que leur intervention volontaire soit jugée recevable.
Les appelants ne répliquent pas sur ce point.
Les bulletins de paie de la salariée ont été établis au nom des sociétés Axa France Vie et Axa France Iard, ce qui suffit à présumer que ces sociétés avaient la qualité d'employeurs de Mme [J].
En l'absence d'éléments contraires, il convient en conséquence d'ordonner la mise hors de cause de la société Axa France Assurance et de dire recevable l'intervention volontaire à l'instance des sociétés Axa France Vie et Axa France Iard.
Sur l'intervention volontaire des syndicats
Les intimées demandent que l'intervention des syndicats CGT soit déclarée nulle car ils ne démontrent pas être valablement représentés à l'instance en s'abstenant de produire leurs statuts respectifs et l'acte habilitant leur représentant à agir.
Il appartient au syndicat, dont la capacité d'agir en justice est contestée, de justifier du dépôt de ses statuts en mairie.
Or, les appelants ne s'expliquent pas sur ce point et ne versent aux débats ni les statuts du syndicat CGT Axa Marly-le-Roi, ni ceux de l'union locale CGT des Clayes-sous-Bois, ni le récépissé de leur dépôt en mairie.
Ainsi, le syndicat CGT Axa Marly-le-Roi et l'union locale CGT des Clayes-sous-Bois ne justifient pas de leur capacité à agir. Leur action sera donc déclarée irrecevable.
Sur la prescription
Les intimées soutiennent que les demandes de Mme [J] sont irrecevables comme prescrites. Elles font valoir que la discrimination alléguée par la salariée s'étend de septembre 1977 à son départ à la retraite le 1er décembre 2011 ; que dans le cadre de l'exercice de ses différents mandats électifs et syndicaux, Mme [J] a été parfaitement informée pendant plus de trente ans de l'évolution salariale de ses collègues de travail de même niveau et/ou occupant le même poste qu'elle ; qu'elle disposait donc de tous les éléments lui permettant d'avoir connaissance d'une éventuelle discrimination et de faire valoir ses droits en temps utile.
Mme [J] prétend n'avoir eu connaissance qu'en 2008 des faits de discrimination syndicale dont elle se dit victime ; qu'auparavant, elle ne disposait pas d'éléments de comparaison lui permettant de prendre la mesure de cette discrimination. Elle fait valoir que jusqu'à la loi du 17 juin 2008 qui a porté le délai de prescription à cinq ans à compter de la connaissance de la discrimination, ce délai était de trente ans ; que lorsqu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 19 avril 2012, son action n'était pas prescrite.
Aux termes de l'article L. 1134-5 du code du travail , dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, « l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée. »
Selon l'alinéa 2 de l'article 2222 du code civil, « En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
Avant la loi du 17 juin 2008, le délai pour agir était soumis à la prescription trentenaire de droit commun.
C'est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil de prud'hommes en sa formation de départage a déclaré irrecevables les demandes de Mme [J] qui a introduit son action le 19 avril 2012 alors que le délai de prescription était expiré depuis le 5 novembre 2011. Le jugement qui a débouté la salariée de l'intégralité de ses demandes sera donc confirmé.
Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles
Mme [J] supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.
Elle sera en outre condamnée à payer une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile qui doit être arbitrée à la somme de 900 euros, laquelle sera divisée en parts égales entre les sociétés Axa France Assurance, Axa France Vie et Axa France Iard.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté le syndicat CGT Axa Marly-le-Roi et l'union locale CGT des Clayes-sous-Bois de leurs demandes et en ce qu'il a débouté la SAS Axa France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ORDONNE la mise hors de cause de la société Axa France Assurance ;
DÉCLARE recevable l'intervention volontaire des sociétés Axa France Vie et Axa France Iard ;
DÉCLARE irrecevable l'intervention volontaire du syndicat CGT Axa Marly-le-Roi et de l'union locale CGT des Clayes-sous-Bois ;
CONDAMNE Mme [E] [J] à payer la somme totale de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, laquelle sera divisée en parts égales entre les sociétés Axa France Assurance, Axa France Vie et Axa France Iard ;
DÉBOUTE Mme [E] [J] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [E] [J] aux dépens ;
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, légitimement empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,P /Le PRÉSIDENT empêché,