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11/07/2019 | FRANCE | N°17/03461

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 11 juillet 2019, 17/03461


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 216



CONTRADICTOIRE



DU 11 JUILLET 2019



N° RG 17/03461



N° Portalis : DBV3-V-B7B-RV3V







AFFAIRE :



[F] [N]



C/



SA MISSENARD-QUINT B









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section

: Encadrement

N° RG : F 14/01530







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 12 Juillet 2019 à :

- Me Julien SERVADIO

- Me Marie-Thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE ONZE JUILLET DEUX MILLE D...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 216

CONTRADICTOIRE

DU 11 JUILLET 2019

N° RG 17/03461

N° Portalis : DBV3-V-B7B-RV3V

AFFAIRE :

[F] [N]

C/

SA MISSENARD-QUINT B

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : Encadrement

N° RG : F 14/01530

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 12 Juillet 2019 à :

- Me Julien SERVADIO

- Me Marie-Thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 16 mai 2019, puis prorogé au 20 juin 2019 et au 11 juillet 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [N]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Julien SERVADIO de la SELARL S & L, constitué/ plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J129

APPELANT

****************

La SA MISSENARD-QUINT B

N° SIRET : 311 098 487

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marie-Thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE de la SELAS LHP AVOCATS, constituée/plaidant, avocate au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 282

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Février 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Missenard-Quint B est spécialisée dans l'installation d'équipements thermiques et de climatisation. Elle emploie plus de 700 salariés répartis sur le territoire au sein de directions régionales et relève de la convention collective du bâtiment (ingénieurs et cadres).

Par contrat à durée indéterminée prenant effet le 27 juin 2005, M. [F] [N], né le [Date naissance 1] 1971, était engagé par la société Missenard-Quint B, en qualité de directeur d'agence Île-de-France. Il était nommé directeur régional Île-de-France à compter du 1er janvier 2011.

Après un entretien préalable qui se tenait le 27 février 2014, le salarié se voyait notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse le 11 mars 2014.

La lettre de licenciement était ainsi rédigée :

"Nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Les motifs qui président à cette décision et dont nous avons pu nous entretenir sont les suivants :

- Dégradation de l'image de la société Missenard-Quint B causée par votre attitude et votre management en IDF

Nous avons pris connaissance d'un courriel, envoyé à votre attention par M. [M], Architecte dans l'affaire du centre de loisirs du groupe scolaire A. [Z] à [Localité 2] 92, le 19 décembre 2013 à l'issue de la réunion de direction qui se déroulait à [Localité 3], réunion à laquelle vous participiez.

Le mail de M. [M] vous avait été adressé le 17 décembre 2013 à 10h13 avec en copie 6 élus et employés de la Mairie de [Localité 2], le maître d''uvre ainsi que MM. [A] et [X] vos 2 collaborateurs impliqués dans cette altercation. C'est M. [X] lui-même qui a estimé devoir nous suivre cet e-mail de M. [M] le 19 décembre 2014 à 16h55.

Aux termes de ce mail, M. [M] vous impute la responsabilité d'une altercation entre collègues et met en cause vos méthodes et pratiques managériales au sein de notre entreprise.

Le contenu de ce mail nous a incités à refaire l'historique de cet accrochage :

De fait, nous avons été informés de cette altercation par M. [X] le 12 décembre 2014 à 08:41.

Suite à un différent de nature professionnelle avec M. [X], M. [A] visiblement sous pression, n'a pas su garder son sang froid et a fait usage d'actes physiquement violents à l'encontre de son collègue. Le gardien et le directeur du centre de loisirs au groupe scolaire A. [Z], témoins de la scène ont été très choqués. Cela s'est passé quelques minutes après le passage, devant la loge, des enfants qui partaient en activité.

Suite à cette information, nous vous avons demandé de nous faire rapidement un retour sur les circonstances, les faits et les responsabilités engagées dans cette affaire.

Par la même occasion, nous vous avons demandé de présenter vos excuses à la Mairie de [Localité 2] et à la direction de l'école au nom de l'entreprise Missenard-Quint B.

A ce jour, nous ne pouvons que constater que vous n'avez pas souhaité donner suite à ces demandes et que vous n'avez pas jugé utile et nécessaire de présenter vos excuses au maître d'ouvrage (la mairie de [Localité 2]), pas plus qu'au directeur de l'école et ce malgré notre proposition d'intervention auprès de nos clients.

Vous n'avez entrepris aucune démarche ni action commerciale auprès de nos clients pour redorer l'image de la société Missenard-Quint B.

M. [M], l'architecte, nous confirmait récemment par téléphone, que notre image s'était fortement dégradée depuis cet incident et plus particulièrement par rapport à votre attitude et votre management en IDF.

Au-delà d'un événement isolé entre 2 collaborateurs aux comportements incontrôlés, l'altercation dont il s'agit apparaît comme symptomatique d'une dérive managériale de votre part, laquelle a été constatée jusqu'au delà des frontières de l'entreprise.

- Désaccord avec la direction au sujet des orientations commerciales sur votre périmètre d'activité et refus d'adhérer aux actions qui en découlent

Nous vous avons demandé quelles étaient vos explications concernant la très forte baisse du niveau de commandes travaux depuis le 1er octobre 2013, (184 K euros de commandes enregistrées pour un objectif de 1 340 K euros, soit 14%).

Vous nous expliquez que la conjoncture est difficile mais que tout peut s'améliorer si l'affaire chiffrée en août 2013 pour [J] & [Y] de plus de 1,2M euros est acceptée.

Nous vous avons alors demandé si vous aviez à l'époque soumis pour approbation à la Direction Générale la fiche de renseignement concernant tous les appels d'offres supérieurs à 1 M euros.

Votre réponse est non. Vous nous expliquez alors qu'il y a 2 lots dans cette affaire (plomberie pour 290 K euros et CVC pour 940 K euros). Effectivement cette affaire est ainsi présentée dans vos états mais vous nous confirmez que ces 2 lots sont pour la même affaire et pour le même donneur d'ordre et que l'ensemble représente un enjeu de plus de 1,2 M euros.

A partir de là, vous auriez donc dû soumettre cette fiche de renseignement pour approbation de la Direction Générale. Cette fiche fait partie de nos procédures afin d'appréhender et d'apprécier les risques encourus par la société en cas d'obtention de la commande.

Ce non respect du processus de validation par la Direction Générales des affaires de plus d'un million d'euros engage la société.

Nous vous avons rappelé à maintes reprises la nécessité et l'obligation de respecter ce processus de validation et tout particulièrement au cours de nos réunions de direction de décembre 2012, juin 2013 et tout dernièrement décembre 2013.

Nous ne pouvons accepter ce refus d'adhérer aux directives de la direction et d'appliquer les procédures mises en place. Vous nous faites la démonstration, ici encore, d'un abus d'autorité et du dévoiement de l'autonomie qui vous est consentie.

De fait, vous vous octroyez des prérogatives que vous n'avez pas pour vous soustraire dans le même temps à toute espèce de contrôle de communication, et vous affranchir du lien de subordination caractéristique de votre contrat de travail.

Je considère d'ailleurs, à titre personnel, que cette façon de procéder est amplement révélatrice du comportement que vous avez adopté vis-à-vis de la direction, et du supérieur hiérarchique que je suis.

Il est vrai que vous considérez être le seul patron de l'Ile-de-France et que vous n'avez à rendre compte, communiquer et dialoguer qu'avec vous-même et qu'à ce titre, vous confondez manifestement les notions de collaboration et d'interférence.

- Dissimulation d'information impactant directement les intérêts et l'image de la société Missenard- Quint B

Nous avions le 18 et 19 décembre dernier notre réunion annuelle de direction à laquelle ont participé tous les Directeurs Régionaux, M. B. Missenard, Mme [P], M. [I].

Le 19 au matin nous avons présenté vos objectifs d'activité pour l'exercice 2013/2014 en travaux, maintenance et exploitation.

Objectifs largement débattus et commentés entre nous avant cette présentation et plus particulièrement sur vos objectifs travaux pour l'agence de [Localité 4] où vous passiez d'une activité de 1 719 K euros sur l'exercice 2012/2013 à un objectif de 575 K euros pour l'exercice à venir 2013/2014, soit 1 144 K euros de moins.

Nous avons donc à ce sujet échangé à plusieurs reprises par mails, par téléphone et également au cours d'une réunion au siège le 18 novembre 2013.

Outre le fait de nous expliquer et nous répéter que les temps sont difficiles et la conjoncture incertaine vous n'avez à aucun moment justifié cette baisse d'activité par un autre motif jusqu'au 19 décembre au matin.

Nous vous avons donc écrit le 13 décembre pour, compte tenu de notre incompréhension de vos chiffres, vous demander de les commenter et de les expliquer au cours de notre réunion de direction.

Le 19 décembre au matin lors de la présentation de vos objectifs nous vous avons demandé de les commenter.

A notre grande surprise, vous nous annoncez, devant l'ensemble des personnes présentes, que vos objectifs sont à la baisse à raison du départ de M. [T].

M. [T] étant dans votre dispositif un collaborateur essentiel pour l'activité travaux il aurait été judicieux pour l'intérêt de l'entreprise de nous en informer et, potentiellement, de tenter de le retenir.

Vous confirmez que le départ de M. [T] justifie vos chiffres budgétaires et vous avez préféré attendre la réunion de direction pour nous prévenir malgré nos nombreux échanges (oraux et écrits) concernant nos désaccords sur vos valeurs budgétaires.

Nous vous avons donc demandé des explications sur cette dissimulation d'informations et vous nous avez répondu ce qui suit : « je n'ai pas à vous en informer, je suis le patron de l'IDF ».

Vous nous apprenez par la même occasion, que vous avez conclu une rupture conventionnelle avec M. [T] et que vous lui avez versé une indemnité de 17 500 euros sans la consultation et le consentement de la direction. Cette indemnité impacte directement les charges de notre société.

De plus, vous nous avez affirmé, à plusieurs reprises, que vous ne saviez pas où M. [T] était parti et que cela ne vous regardait pas, tandis que nous apprenons par l'un de vos collaborateurs que M. [T] a intégré le groupe [L] avec 2 autres de vos collaborateurs partis également de la société en fin d'année 2013 : il s'agit de MM. [V] (rupture conventionnelle de 6 500 euros) et [F] (démission).

Nous n'adhérons pas à vos agissements, d'autant plus que vous côtoyez très souvent le PDG de ce groupe [L], M. [P] [K] ce dernier étant également le président du Syndicat des entreprises de Génie Climatique et de Couverture Plomberie (GCCP), syndicat dont vous êtes membre depuis de nombreuses années et avec lequel vous partagez de nombreuses réunions dont tout dernièrement un séjour à [Localité 5] les 3, 4 et 5 février derniers. Nous ignorons vos réelles relations avec M. [K] ni vos réelles intentions mais nous sommes convaincus que vous étiez parfaitement informé des intentions de M. [T] et que vous avez délibérément caché son départ pour lui faciliter son embauche à la concurrence.

Quoiqu'il en soit de vos intentions réelles ou sous-jacentes, votre comportement et vos atermoiements sur la justification de données impactant votre secteur d'intervention, n'est pas compatible avec la fonction qui est la vôtre.

De fait, vos prérogatives ne vous privent pas de devoirs dont la communication et la cohésion, entre autres.

D'autre part, nous apprenons que le départ de M. [T] a également été tenu secret en interne. En effet, vous avez annoncé son départ à l'ensemble de vos collaborateurs que le 20 décembre au cours du pot de Noël. Collaborateurs qui eux aussi ont été très surpris.

M. [T] ayant un rôle de chargé d'affaires travaux vous auriez dû mettre en place les moyens adaptés pour permettre la reprise de ses affaires en cours et ce, bien avant son départ. Cela nécessitait néanmoins, de communiquer sur son départ, ce dont vous vous êtes manifestement abstenu, tant vis-à-vis de vos équipes, que de la direction.

De ce fait, l'absence de reprise des affaires de M. [T] a créé un diffèrent avec un de nos très importants clients : Carrefour. Ce dernier est très insatisfait que notre société ait laissé un compresseur sur la toiture du centre commercial [Localité 6], ce matériel endommageant l'étanchéité de la toiture.

Vous êtes totalement responsable de ce manque de suivi, vous aviez le devoir d'assurer une continuité des affaires de M. [T].

Ce manque notoire a été relevé par un de nos clients très important pour l'entreprise (3,5 M euros de chiffre d'affaires en 2013 et entre 3 et 5 M euros de chiffre d'affaires en négociation pour 2014). Vos agissements remettent en cause des années de travail commercial avec ce client.

Pour finir, un de vos collaborateurs nous informe que le Groupe [L] aurait pris un marché travaux d'environ 150 K euros chez un de nos clients [Localité 7], affaire chiffrée par M. [T] en avril 2013 pour le compte de la société Missenard-Quint B.

Vous ne semblez pas être étonné et ne souhaitez pas prendre position par rapport à cette situation. Nous en concluons que vous en êtes déjà informé et notons que vous n'êtes pas intervenu auprès de M. [D] que vous connaissez très bien afin qu'il puisse intervenir en tant que président du syndicat pour demander la fin de tels agissements entre 2 entreprises membres du syndicat GCCP, la sienne, [L] et Missenard-Quint B.

Nous avons également perdu le contrat de maintenance, chez ce même client [Localité 7], de 34 707 euros (montant 2013) au 31/12/2013 alors que nous avons fait une proposition à 27 800 euros pour l'exercice 2014.

Vous nous assurez ne pas être informé du nom de notre successeur. Vous nous justifiez cette perte de contrat par rapport au niveau de la qualité de nos prestations et de notre comportement chez ce client qui était médiocre pour ne pas dire mauvaise.

Nous vous rappelons que vous êtes responsable de la qualité de nos prestations chez vos clients et donc de l'image de la société Missenard-Quint B qui a été dans le cas précis mise en cause.

- Turn over région IDF, management général sur votre périmètre d'intervention

A la suite de cet incident, nous avons regardé plus en détail vos états RH (dossier en cours, contentieux, turn-over, etc.).

Nous vous rappelons que l'effectif IDF sous votre responsabilité est d'environ 40 collaborateurs(rices).

(...)

Vous avez eu depuis le 23 octobre 2013 (moins de 4 mois) 13 sorties soit plus de 30% de votre effectif dont 6 démissions, 4 ruptures conventionnelles et 3 licenciements.

(...)

Vous avez actuellement encore 8 dossiers en cours dont 3 prud'hommes.

Nous ne pouvons que constater que ces états sont dramatiquement hors norme et nous y voyons la manifestation concrète d'un management défaillant. L'image de la société Missenard-Quint B est de fait profondément altérée et ne correspond absolument pas à ce qui se pratique dans les autres régions de notre société.

Certaines des personnes précitées, n'ont d'ailleurs pas manqué de mettre en cause vos pratiques.

Encore dernièrement, nous avons constaté que vous avez fait contrôler 3 fois en 3 semaines une collaboratrice, Mme [S], démissionnaire.

Vous nous expliquez que, par là même, vous souhaitiez ainsi la faire revenir dans l'entreprise pour finir son préavis. A notre question : Qu'aviez-vous comme intérêt pour l'entreprise à la faire contrôler 3 fois de suite ' Vous n'apportez aucune réponse.

Nous considérons que votre comportement envers cette personne est intolérable et incompatible avec l'image de la société Missenard-Quint B. Nous retrouvons ici la brutalité et la violence que vous reproche M. [M] dans son mail, comme d'autres personnes en interne.

- Manquement à votre obligation de sécurité et de résultat entraînant la mise en danger d'un salarié

Nous avons appris très récemment qu'un de vos techniciens de maintenance M. [J] [B] travaillait sans habilitation électrique.

Vous avez réalisé le recrutement et embauché M. [J] [C] en tant que Technicien de Maintenance en 2011.

Lors de notre entretien vous nous avez confirmé connaître la formation de base de ce salarié qui est « tailleur de pierre ». Vous nous confirmez aussi que vous saviez qu'il n'avait aucune formation électrique et qu'il n'avait exercé aucune autre activité depuis.

De là, vous auriez du prévoir un processus de formation et d'habilitation électrique avant de confier le poste de Technicien de maintenance à ce salarié.

Or, depuis qu'il est entré le 1er juillet 2011 dans notre entreprise comme technicien de maintenance il n'a reçu aucune formation en électricité.

M. [B] travaille régulièrement et depuis près de 3 ans sur des installations électriques en courants faibles et courants forts soit en maintenance préventive soit en maintenance corrective.

Il intervient fréquemment dans des armoires électriques sous-tension et procède à des remplacements de matériels électriques : moteurs électriques, éclairages, etc. Il est donc appelé à consigner des parties d'installations sans en connaître les modes opératoires.

Nous vous rappelons que votre service maintenance de [Localité 2] est composé de 7 techniciens dont M. [C] et qu'il vous est donc aisé de vérifier très rapidement les niveaux d'habilitation de chacun. Cet état que vous ne pouvez pas ignorer est de votre entière responsabilité.

Nous considérons qu'il y a là une faute inexcusable de votre part. Non seulement vous ne respectez pas la réglementation en vigueur ni les consignes de sécurité mais vous laissez un de vos techniciens travailler sur des installations électriques au péril de sa vie.

Ce manque de considération envers votre collaborateur est intolérable et inacceptable pour le manager que vous prétendez être.

Cette attitude engage également, en cas d'accident, la personne morale (entreprise) et votre hiérarchie en responsabilité pénale.

Votre laxisme et votre peu de considération envers les règles élémentaires de sécurité et ce collaborateur en particulier engagent pleinement l'image de la société Missenard-Quint B.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous sommes contraints à prononcer votre licenciement pour cause réelle et sérieuse."

Le 30 mai 2014, M. [N] saisissait le conseil de prud'hommes de [Localité 2] aux fins de contester son licenciement.

Par jugement du 13 juin 2017, le conseil de prud'hommes de [Localité 2] a':

- débouté M. [F] [N] de toutes ses demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu à article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Missenard-Quint B de ses demandes,

- laissé les dépens à chacune des parties en ce qui les concerne.

M. [N] a interjeté appel de la décision par déclaration du 10 juillet 2017.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 13 novembre 2018, il demande à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner la société Missenard-Quint B/ Missenard Climatique à lui verser la somme de 287 622 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Missenard-Quint B à lui verser la somme totale de 447 443,28 euros brut se décomposant comme suit :

' 245 139,51 euros brut de rappel des heures supplémentaires travaillées entre 2009 et 2013,

' 55 843,16 euros de rappel des jours supplémentaires (congés et week-end) travaillés entre 2009 et 2013,

' 30 713,74 euros au titre des 55 jours de RTT non pris entre 2009 et 2013,

outre les congés payés afférents soit la somme de 44 744,32 euros,

- condamner la société Missenard-Quint B à lui verser la somme de 21 150 euros de rappel de primes relatives aux astreintes de 2011, 2012 et 2013,

- ordonner la remise des documents suivants : certificat de travail, bulletins de paie rectifiés, attestation Pôle emploi rectifiée, tout autre document social, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner la société Missenard-Quint B au paiement des intérêts au taux légal sur l'intégralité des sommes dues à compter de la date de saisine du bureau de conciliation,

- condamner la société Missenard-Quint B à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 25 janvier 2019, la société Missenard-Quint B demande à la cour de':

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes et l'y déclarer mal fondé,

- le condamner à verser à la société Missenard-Quint B la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2019.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires, de jours supplémentaires, de RTT et d'astreintes

M. [N] prétend que dans le cadre de ses fonctions de directeur d'agence, il était amené à travailler en soirée et parfois le week-end, au-delà des 37 heures hebdomadaires prévues par son contrat de travail ; qu'il réalisait un travail équivalent à celui de deux salariés, en terme de temps passé ; qu'il effectuait ainsi souvent bien plus que l'hypothèse basse de 50 heures par semaine retenue dans le tableau récapitulatif qu'il produit aux débats au soutien de sa demande ; qu'il était confronté à un harcèlement de courriels, y compris pendants ses congés ; qu'il aurait dû en outre bénéficier d'un minimum de 11 jours de RTT annuels, ce qui n'a jamais été le cas ; qu'enfin il a été de nombreuses fois sollicité au titre des astreintes, sans percevoir les primes correspondantes.

La société Missenard-Quint B (ci-après Missenard) réplique qu'en raison de sa qualité de cadre dirigeant, le salarié est mal fondé à revendiquer le paiement d'un rappel de salaire lié à de prétendues heures supplémentaires, RTT, astreintes et congés afférents.

Pour apprécier s'il convient d'accueillir la demande de M. [N] en paiement de rappel d'heures supplémentaires, de jours supplémentaires, de RTT et d'astreintes, il convient de vérifier qu'il n'avait pas la qualité de cadre dirigeant puisque, selon l'article L. 3111-52 du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et l'aménagement des horaires ainsi qu'à celles relatives aux repos et jours fériés.

Sont considérés comme tels, selon ce texte, "les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement".

Ces critères, cumulatifs, supposent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise.

La qualité de cadre dirigeant au sens de l'article L. 3111-52 du code du travail n'est pas exclusive du lien de subordination qui caractérise le contrat de travail.

En l'espèce, le contrat de travail signé le 27 juin 2005 prévoit que M. [N] est engagé en qualité de directeur d'agence Île-de-France Ouest, cadre, position B, 2ème échelon, catégorie 2, coefficient 120 ; que ses appointements mensuels sont fixés à 4 230 euros brut sur la base d'un horaire de 37 heures par semaine ; qu'en outre une gratification fondée sur les résultats du département de l'agence et sur ses performances personnelles lui sera éventuellement versée chaque année au mois de juillet.

M. [N] a été nommé directeur régional Île-de-France à compter du 1er janvier 2011. Il était à ce titre doté de pouvoirs étendus pour gérer les deux agences ([Localité 2] et [Localité 4]) placées sous sa responsabilité, qui comptaient environ 50 salariés. Il disposait d'une très large autonomie dans l'organisation de son travail et dans la gestion de son emploi du temps, refusant d'ailleurs de partager son agenda Outlook avec son supérieur hiérarchique. Il avait le pouvoir de négocier et conclure des marchés d'un montant total hors taxes inférieur à un million d'euros, représenter la société à l'égard des maîtres d'ouvrage et des maîtres d'oeuvre ainsi qu'à l'égard des tiers, recruter le personnel, consentir des délégations de pouvoirs, appliquer des sanctions disciplinaires, veiller au respect des dispositions législatives et réglementaires applicables. Il est également admis que M. [N] percevait l'une des rémunérations les plus élevées de l'entreprise. Son bulletin de paie pour le mois de février 2014 mentionne un salaire brut mensuel de 7 170 euros outre une prime exceptionnelle d'aide au logement de 900 euros et en juillet 2013, il a perçu une gratification d'un montant de 43 150 euros brut.

Le salarié, figurant dans l'organigramme de la direction parmi les sept directeurs régionaux rattachés au président du directoire et reconnu par ses homologues comme "le dirigeant le plus rentable de la société", participait en outre aux réunions de direction conduites par le président du directoire et était associé aux décisions stratégiques concernant l'entreprise. De 2005 à 2012, il a ainsi accompagné le développement de l'entreprise en Ile-de-France et a été partie prenante dans la création d'une deuxième agence à [Localité 4], qui est venue s'ajouter à celle basée à [Localité 2].

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que les fonctions exercées par M. [N] étaient celles d'un cadre dirigeant, peu important qu'il soit tenu de rendre compte de son activité au président du directoire sous l'autorité duquel il était hiérarchiquement placé.

Les règles relatives à la durée du travail ne lui étant en conséquence pas applicables, le jugement qui a débouté M. [N] de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires, de jours supplémentaires, d'astreintes et de congés payés afférents sera confirmé. Le salarié sera également débouté de sa demande formée en cause d'appel de rappel de salaire et de congés payés afférents au titre des jours de RTT non pris entre 2009 et 2013

Sur le licenciement

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si un doute persiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties. En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits matériellement vérifiables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.

M. [N] soutient que son licenciement est injustifié puisqu'aucun des griefs invoqués ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Il allègue qu'en 8 ans, aucune remarque ne lui a été faite, ni sur la qualité de son management, ni sur ses résultats et orientations commerciales. Il souligne qu'après la nomination de M. [H] [O] comme directeur général puis comme président du directoire, il a été victime d'une mise à l'écart et de mesures visant à l'empêcher d'exercer sereinement ses fonctions, dans le but de justifier qu'il n'était plus à la hauteur de son poste.

Au soutien du licenciement, la société Missenard invoque plusieurs griefs ayant une incidence sur la bonne marche de l'entreprise. Elle reproche à M. [N] une dégradation de l'image de la société causée par son attitude, son management de l'Île de France, le non respect des directives données par la direction générale ; un désaccord avec la direction au sujet des orientations commerciales, sur son périmètre d'activité et le refus d'adhérer aux actions qui en découlaient ; la dissimulation d'informations impactant directement les intérêts et l'image de la société ; un turn over en région Île de France stigmatisant un management général défaillant ; divers manquements à son obligation de sécurité entraînant la mise en danger d'un salarié.

Il convient de vérifier la réalité de ces manquements et leur imputabilité à M. [N] au regard de la mission qui lui était impartie, des moyens mis à sa disposition et des éléments probants versés aux débats.

- Sur la dégradation de l'image de la société Missenard-Quint B causée par l'attitude du salarié et son management de la région Île-de-France

L'employeur CST invoque à l'origine de ce grief une violente altercation entre deux salariés de la société Missenard, M. [X] et M. [A], survenue le 11 décembre 2013 lors d'une réunion de chantier à [Localité 2], en présence du maître d'ouvrage (la mairie de [Localité 2]), de l'architecte en charge du projet (une école) et du directeur de l'école. Elle reproche à M. [N] de n'avoir entrepris aucune démarche ou action commerciale, et en particulier de n'avoir présenté des excuses au nom de l'entreprise à aucun des participants, comme le lui demandait M. [O], son supérieur hiérarchique, ce qui a fortement dégradé l'image de l'entreprise auprès du client. En outre, le salarié a passé sous silence les suites de l'altercation et n'a pas informé sa hiérarchie de la réception d'un courriel particulièrement virulent diffusé le 17 décembre 2013 par l'architecte, M. [M], le mettant personnellement en cause et à travers lui la société.

M. [N] rétorque qu'il n'était pas présent sur le chantier le jour de ladite altercation ; qu'il n'a pu prendre connaissance de cet incident que le lendemain ; qu'il a immédiatement pris les mesures nécessaires pour d'une part, sanctionner les salariés fautifs et d'autre part, gérer l'incident vis-à-vis du client ; qu'à aucun moment la relation commerciale avec le maître d''uvre n'a été menacée, contrairement à ce que prétend l'employeur dans sa lettre de licenciement, puisque la mairie de [Localité 2] a même adressé un courriel au responsable du chantier, M. [X], en mettant en copie le président du groupe et M. [N], pour confirmer son souhait de maintenir sa collaboration avec les équipes Missenard.

Il est démontré par les pièces versées aux débats que :

- Le soir même de l'altercation, la mairie de [Localité 2] signalait les faits à M. [N] par l'envoi d'un courriel ayant pour objet "Incident grave" rédigé en ces termes : "Suite à un différend de nature professionnelle avec M. [X], M. [A] n'a pas su garder son sang froid à l'encontre de son collègue cet après-midi en usant d'actes physiquement violents. Le gardien et le directeur du centre de loisirs au groupe scolaire A. [Z], témoins de la scène ont été très choqués. Cela s'est passé quelques minutes après le passage, devant la loge, des enfants qui partaient en activité. Nous ne pouvons tolérer un tel emportement dans une école et nous demandons que M. [A] soit remplacé sans délai par un autre chargé d'affaire."

- Le lendemain, 12 décembre 2013, M. [X] adressait un message d'excuses à la représentante de la mairie de [Localité 2], Mme [H], mettant en copie de son courriel le président du directoire de la société, M. [O], lequel indiquait aussitôt à M. [N] que ces faits inacceptables méritaient sanction et lui demandait impérativement de présenter des excuses à la mairie de [Localité 2] et à la direction de l'école au nom de l'entreprise Missenard.

- Le même jour, Mme [H] écrivait à la société Missenard : « Je tiens à réaffirmer que nous sommes pleinement satisfaits du travail réalisé par Missenard GTB (...) Ce qui n'est pas le cas de Missenard CVC. Je souhaite que notre collaboration aussi bien avec Missenard GTB que Missenard CVC puisse se poursuivre dans les meilleures conditions. Pour ce faire nous souhaitons un nouvel interlocuteur pour le lot CVC / Plomberie ».

- Le même jour, le directeur des services de l'architecture de la ville de [Localité 2], M. [G], demandait à Mme [H] "de me faire part de la réponse qui nous sera faite. J'entends suivre ce dossier de près." et M. [O], ayant pris connaissance de ce message relançait M. [N] dans ces termes : "Je pense qu'il est souhaitable de prendre position très rapidement auprès de M. [G] par rapport au mail de Mme [H]".

- A la suite de cette relance, M. [N] adressait alors un courriel à M. [G] : « (...) Nous vous confirmons que nous ne laisserons pas cet incident sans sanction. Nous partageons votre point de vue et de tels agissements sont inacceptables. Je rencontrerai personnellement dans le cadre d'un entretien ces deux personnes lundi 16 décembre 2013 pour comprendre les raisons qui ont poussé à de tels comportements et je prendrai les décisions et sanctions adéquates. Nous vous tiendrons informés sans délai début de semaine prochaine de nos actions et décisions. Nous vous renouvelons notre engagement et notre volonté de préserver notre bonne collaboration avec la mairie de [Localité 2]. »

- Le 17 décembre 2013, M. [N] recevait un courriel extrêmement virulent de l'architecte, M. [M], qui était par ailleurs diffusé à un certain nombre d'interlocuteurs à la mairie de [Localité 2], dans lequel il traitait M. [N] de "grand voyou", le disait capable de lui "envoyer vos hommes de main puisque c'est comme ça qu'on résout les problèmes au final chez Missenard, dans la brutalité" et faisait le constat que "les deux protagonistes sont sans aucun doute les personnes les plus professionnelles auxquelles nous avons eu affaire dans votre entreprise".

- Le même jour en réponse à ce courriel, M. [A], partie prenante dans l'altercation, écrivait à M. [M] ainsi qu'à l'ensemble des interlocuteurs du projet : « (') je suis entièrement responsable de cette situation (') j'en assume l'entière responsabilité et les conséquences qui en découleront à mon égard (') mon comportement est inexcusable et n'aurait jamais dû avoir lieu, qui plus est dans l'enceinte de l'école (') Je tiens à formuler mes regrets et je prie chaque personne que j'ai pu choquer ou blesser d'accepter mes sincères excuses (...) », réponse qu'il transmettait le 27 décembre 2013 à M. [O], "à la demande de M. [N]" précisait-il.

- L'altercation a donné lieu le 7 février 2014 à la notification par M. [N] d'un avertissement à chacun des protagonistes, M. [A] et M. [X].

La cour observe que si des salariés de l'entreprise ont ainsi exprimé leurs regrets et présenté des excuses (M. [X] au personnel de la mairie de [Localité 2] et M. [A] à M. [M], l'architecte), il n'apparaît pas que de semblables excuses aient été présentées au nom de la société, contrairement à ce qui avait été expressément demandé par M. [O] à M. [N], auquel revenait cette responsabilité en sa qualité de directeur régional. Ce dernier a attendu d'être relancé par sa hiérarchie pour écrire à M. [G], s'engageant à le tenir informé "sans délai début de semaine prochaine de nos actions et décisions". Ce seul message n'a cependant été suivi d'aucun autre. Il apparaît que M. [N] n'a pas pris toute la mesure de l'incident survenu le 12 septembre 2013 et n'a pas engagé des actions à la hauteur de la gravité de l'événement, alors qu'il ressort clairement des échanges avec le client que l'image de la société Missenard s'en est trouvée objectivement affectée.

Il est en outre établi que M. [N] a négligé d'informer pleinement sa hiérarchie en s'abstenant de lui transmettre le courrier de l'architecte M. [M], tout autant virulent à son adresse qu'à celle de l'entreprise Missenard. C'est M. [X], l'un des protagonistes de l'altercation, qui le 19 décembre 2013, soit deux jours après sa réception, a transféré le courriel de M. [M] à M. [O], courriel auquel M. [N] n'a d'ailleurs jamais jugé utile de répondre.

Le grief est donc fondé.

- Sur le désaccord avec la direction au sujet des orientations commerciales sur le périmètre d'activité et sur le refus d'adhérer aux actions qui en découlent

La société Missenard reproche à M. [N] de ne pas avoir respecté le processus de validation consistant à transmettre une fiche de renseignement dès lors que l'enjeu associé à une affaire était supérieur à un million d'euros. Elle fait grief à M. [N] de se considérer comme le seul patron en Ile-de-France, n'ayant de comptes à rendre à personne.

M. [N] réplique qu'aucune procédure formelle de validation préalable n'était en vigueur dans l'entreprise et que la règle invoquée par l'employeur était un simple usage au sein de la société qui ne revêtait aucun caractère impératif ; qu'en tout état de cause, il n'a fait courir aucun risque à l'entreprise. Il ajoute que les faits reprochés remontent aux mois d'août et septembre 2013, soit plus de 6 mois avant le licenciement, de sorte qu'ils étaient prescrits au moment où la procédure de licenciement a été introduite.

En application de l'article L. 1332-4 du code du travail, "aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales".

Il ne ressort pas des éléments du dossier que l'employeur a eu une connaissance exacte des faits reprochés à M. [N] avant le mois de décembre 2013, à l'occasion de la réunion de direction des 18 et 19 décembre 2013. Les poursuites disciplinaires ayant été engagées le 14 février 2014, par l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, après l'expiration du délai de deux mois, les faits ne sont pas prescrits.

La cour observe que nonobstant l'absence de règle écrite dans l'entreprise, M. [N] assure qu'il respectait le processus d'information et de validation préalable par la direction des marchés à fort risque supérieurs à 1 million d'euros, reconnaissant ainsi l'existence d'un usage. L'utilité de la fiche de renseignement, produite aux débats par l'employeur, est de permettre à la direction générale d'avoir une vision du risque encouru. Or, il est établi que M. [N] s'est abstenu de soumettre à la procédure de contrôle interne une affaire négociée avec l'entreprise Demathieu & Bardau au prétexte qu'elle était composée de deux lots d'un montant inférieur au million d'euros, cependant qu'ensemble les deux lots envisagés avec ce client portait le marché à 1 229 210 euros et que ces deux lots ont fait l'objet d'un chiffrage simultané. L'argument avancé par le salarié selon lequel il ne s'agissait que d'une estimation budgétaire, sans commande ferme, est inopérant.

Le grief est établi.

- Sur la dissimulation d'information impactant directement les intérêts et l'image de la société Missenard-Quint B

L'employeur reproche à M. [N] des manquements à l'obligation de loyauté pour avoir dissimulé le départ d'un collaborateur clé, responsable de centre d'activité, M. [T], ce qui a eu des conséquences graves sur l'activité de la direction régionale Ile-de-France.

M. [N] réfute avoir jamais dissimulé la moindre information concernant le départ de M. [T]. Il prétend que ce départ a été sciemment provoqué par M. [O], qui tentait depuis février 2013 de lui imposer l'embauche de M. [U] au poste prévu pour M. [T], ce qui aurait inévitablement entraîné une rétrogradation de ce dernier alors qu'il donnait pleine satisfaction depuis 8 ans. Il affirme que le départ de M. [T] n'a provoqué aucune désorganisation fonctionnelle car la continuité de services avait d'ores et déjà été prévue avec le recrutement d'un responsable maintenance pour mars 2014 et d'un chargé d'affaires travaux pour février 2014.

L'employeur produit plusieurs attestations selon lesquelles lors de la réunion de direction du 19 décembre 2013, M. [N] a annoncé que ses objectifs pour l'année suivante, pourtant débattus avec M. [O] avant leur présentation à cette réunion, étaient revus à la baisse en raison du départ de M. [T], présenté comme un collaborateur essentiel pour l'activité travaux. Or, M. [N] était informé depuis le 18 novembre 2013 de la décision de M. [T] de quitter l'entreprise dans le cadre d'une rupture conventionnelle, qu'il a formalisée et signée moyennant une indemnité de 17 500 euros pour un départ le 20 décembre 2013, soit le lendemain de la réunion de direction. De plus, M. [T] a immédiatement intégré le groupe [L], concurrent direct de la société Missenard.

Il est en outre démontré que M. [N] n'a commencé à évoquer le départ de M. [T] auprès de sa hiérarchie que le 9 décembre 2013 dans un courrier adressé à Mme [P], directeur général de la société, dans lequel il faisait part des difficultés rencontrées avec M. [O]. Dans un second courrier à Mme [P] en date du 27 janvier 2014, M. [N] admet d'ailleurs qu'il a attendu la réunion de direction pour annoncer ce départ, étant réticent à se "confier à M. [O] à ce sujet puisque la motivation de M. [T] pour rompre son contrat de travail était fondée exclusivement sur le comportement de M. [O]". Il apparaît en effet que M. [N] a immédiatement divulgué à M. [T] le projet d'organigramme que lui avait soumis en mai 2013 M. [O] comme base de discussion, ce qui a pu légitimement susciter quelque crainte chez M. [T] puisque M. [U], dont M. [O] soutenait le recrutement, était susceptible de prendre le poste de responsable de l'agence de [Localité 4] qu'il briguait.

M. [N] est fautif de ne pas avoir alerté à temps sa hiérarchie du fait que l'entreprise était sur le point de perdre un collaborateur important dans l'organisation de la région Ile-de-France, de n'avoir ni relayé la demande de rupture conventionnelle de M. [T] ni informé sa hiérarchie de la décision qu'il a prise.

Le grief est fondé.

L'examen de ces griefs suffit à caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs.

Le jugement qui a débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes sera confirmé en ce sens.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [N] supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.

Il sera en outre condamné à payer à la société Missenard, sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [F] [N] de sa demande de rappel de salaire et de congés payés afférents au titre des jours de RTT non pris entre 2009 et 2013 ;

CONDAMNE M. [F] [N] à payer à la société Missenard-Quint B la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

DÉBOUTE M. [F] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [F] [N] aux dépens ;

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, légitimement empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,P /Le PRÉSIDENT empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03461
Date de la décision : 11/07/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°17/03461 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-11;17.03461 ?
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