COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
TA
Code nac : 55B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 JUILLET 2019
N° RG 18/00476 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SDTP
AFFAIRE :
SNC UNITED PARCEL SERVICE FRANCE SNC
C/
Société TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED -TMKI - ancien.dénom. TOKIO MARINE EUROPE INSURANCE LIMITED prise en sa succursale en France [Adresse 1]
...
SA TOKIO MARINE EUROPE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 08 Novembre 2017 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° Chambre : 2
N° Section :
N° RG : 2015F00471
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Nicolas RANDRIAMARO
Me Christophe DEBRAY,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SNC UNITED PARCEL SERVICE FRANCE SNC
N° SIRET : 334 175 221
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Nicolas RANDRIAMARO de la SELARL RD ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 339 - N° du dossier VM15048 - Représentant : Me Sébastien LOOTGIETER de la SCP VILLENEAU ROHART SIMON ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0160
APPELANTE
****************
Société TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED -TMKI - ancien.dénom. TOKIO MARINE EUROPE INSURANCE LIMITED prise en sa succursale en France [Adresse 1]
[Adresse 3]
[Localité 2]
ROYAUME UNI
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 18054
Représentant : Me Nicolas FANGET de la SELARL VEBER ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON -
SAS REVIMA APU
N° SIRET : 440 45 5 9 888
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 18054
Représentant : Me Nicolas FANGET de la SELARL VEBER ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON -
INTIMEES
****************
SA TOKIO MARINE EUROPE, prise en sa succursale en France sis [Adresse 1], venant aux droits de la Sté TOKIO MARINE KLN INSURANCE LIMITED - TMKI anciennement dénommée TOKIO MARINE EUROPE INSURANCE LIMITED dont le siège social est [Adresse 3] (ROYAUME UNI)
[Adresse 5]
L.2763 LUXEMBOURG
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 18054
Représentant : Me Nicolas FANGET de la SELARL VEBER ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON -
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Mai 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Thérèse ANDRIEU, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
FAITS ET PROCEDURE
La société Revima Apu (ci-après Revima) est spécialisée dans la révision et l'entretien de matériels aéronautiques.
La société Tokio Marine Europe venant aux droits de la société Tokio Kiln Insurance Limited (TMKI) est l'assureur de la société Revima.
La société United Parcel Service France (ci-après UPS) est spécialisée dans le transport de marchandises.
Conformément à un contrat qu'elles avaient conclu le 15 mai 2013, la société Revima le 24 octobre 2013 a confié à la société UPS chez qui elle dispose d'un compte (n° WV4-148), le transport de marchandises s'agissant de matériels aéronautiques provenant d'aéronefs appartenant à Emirates Airline à destination de Daher Aerospace sous deux bordereaux d'expédition, la société Daher devant procéder à une inspection de conformité avant de les restituer à la société Revima.
Le 31 octobre 2013, les marchandises étaient réexpédiées sous un seul bordereau pour les retourner à la société Revima par l'intermédiaire de la société UPS.
Les colis lors du retour étaient transportés au centre de la société UPS [Adresse 6] pour être réexpédiés vers le 'hub' de la société UPS à [Localité 4].
Dans la nuit du 31 octobre 2013 au 1ernovembre 2013, des individus se sont introduits par effraction sur le site UPS [Adresse 6], ont tenté de commettre un vol par effraction des remorques chargées dans le site à l'aide d'une disqueuse déclenchant un incendie qui endommageait la marchandise et notamment celle de la société Revima.
Une expertise amiable était diligentée entre les parties, s'agissant de la société Revima, de ses assureurs et de la société UPS.
La société Tokio Marine Europe Insurance Limited réglait à la société Revima, son assurée, la somme de 162 011,89 €.
Suite à des mises en demeure demeurées infructueuses, la société Revima et son assureur par acte d'huissier du 30 avril 2015, ont fait assigner la société UPS devant le tribunal de commerce de Versailles aux fins de la voir condamner au principal à leur verser la somme de 162 011,89 € en réparation du préjudice subi.
Par jugement du 8 novembre 2017, le tribunal de commerce de Versailles a:
- Dit irrecevables les demandes de la société Revima Apu pour défaut d'intérêt à agir,
- Dit recevables les demandes de la société TMKI contre la société UPS France,
- Condamné la société UPS France à payer à la société TMKI la somme de 94 651,74€, majorée de l'intérêt calculé au taux légal à compter du 19 mai 2014,
- Dit que les intérêts échus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêt au même taux, la première capitalisation des intérêts intervenant le 10 juin 2015, et les capitalisations successives le 10 juin de chaque année jusqu'à parfait paiement,
- Condamné la société UPS France à payer à la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 22 janvier 2018, la société UPS France a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 12 avril 2019, la société UPS a demandé à la cour de :
Vu l'article 31 du code de procédure civile,
Vu l'article L. 133-1 du code de commerce,
A titre principal :
- Recevoir la société UPS en son appel, l'y déclarer bien fondée ;
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles du 8 novembre 2017 ;
- Rejuger à nouveau ;
- Constater que la société Revima n'est pas propriétaire des marchandises détruites dans l'incendie ;
- Dire et juger irrecevable l'action des sociétés TMKI, TME et Revima contre la société UPS pour défaut d'intérêt à agir ;
- Dire et juger que la société UPS est exonérée de toute responsabilité à l'égard des demandeurs compte tenu du cas de force majeure à l'origine du sinistre ;
- En conséquence, débouter les sociétés TMKI, TME et Revima de l'ensemble de leurs demandes.
Subsidiairement,
- Dire et juger que les conditions générales de la société UPS interdisent l'expédition d'envoi dont la valeur est supérieure à 50.000,00 USD ;
- Dire et juger que ces conditions générales s'imposent à la société Revima;
- En conséquence, débouter les sociétés TMKI, TME et Revima de l'ensemble de leurs demandes.
Plus subsidiairement,
- Dire et juger que la société UPS n'a commis aucune faute inexcusable la privant du bénéficie des limitations de responsabilité ;
- Dire et juger que les sociétés Revima et TMKI et TME ne démontrent pas le lien de causalité entre les prétendues fautes et le dommage ;
- En conséquence, débouter les sociétés TMKI, TME et Revima de l'ensemble de leurs demandes ;
En conséquence,
- Dire et juger que la société UPS est en droit de se prévaloir des limitations de responsabilité prévues par ses conditions générales ;
- Dire et juger que l'indemnisation à laquelle pourrait être condamnée la société UPS ne saurait dépasser la somme de 199,92 DTS ;
- Rejeter l'appel incident formulé par les sociétés TMKI, TME et Revima dans leurs conclusions signifiées le 17 juillet 2018 ;
- A titre subsidiaire dire et juger que la société UPS est en droit d'invoquer à son profit les limitations de responsabilité prévues par l'article 21 du Contrat type "général" et ne saurait être condamnée à payer une somme supérieure à 750,00 euros.
En tout état de cause
- Dire et juger que la société Revima ne rapporte pas la preuve du montant du préjudice subi en versant aux débats une facture d'achat postérieure à la réalisation du sinistre ;
- Condamner les sociétés TMKI, Tokio Marine Europe et Revima solidairement ou l'une à défaut de l'autre à payer à la société UPS la somme de 15.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Les condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 10 avril 2019, les sociétés Tokio Marine Europe, venant aux droits de TMKI, et Revima, ont demandé à la cour de :
- Donner acte à la société TME de son intervention en lieu et place de la société TMKI suite à la cession de son portefeuille clients pour ses activités Europe ;
- Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident limité des sociétés Tokio Marine et Revima
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
dit recevable les demandes de la société Tokio Marine ;
condamné la société UPS à payer à la société Tokio Marine la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société UPS aux dépens de première instance ;
- Le réformer pour le surplus ;
Statuant à nouveau :
- Condamner la société UPS à payer à la société TME venant au droit de la société TMKI la somme de 162 011,89 €, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 mai 2014 ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts ;
- Condamner la société UPS à payer à la société TME venant au droit de la société TMKI la somme de 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société UPS aux entiers dépens d'appel en admettant la distraction au bénéfice de maître Christophe Debray, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 avril 2019.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité à agir de la société Revima et de la société Tokio Marine Europe
Les sociétés intimées font valoir que la société Revima n'est pas propriétaire de la marchandise endommagée qui appartient à la société Emirates Airlines, qu'elle ne justifie pas de ses obligations à l'égard de la société Emirates Airlines par la production d'un contrat.
Elles considèrent donc que le fait que la société Revima puisse apparaître comme le donneur d'ordre à l'égard de la société UPS ne la rend pas recevable à agir à l'égard du transporteur dans la mesure où elle ne démontre pas avoir subi un préjudice, étant dépourvue d'un intérêt à agir.
Elles font valoir par-ailleurs que la police d'assurance souscrite auprès de la société Tokio Marine par la société Revima est non pas une assurance de responsabilité civile mais une assurance dommage, qu'elle a pour vocation de garantir le propriétaire de la marchandise ou de celui qui supporte le risque de perte ou d'une avarie, que la société Revima n'est pas propriétaire des marchandises, que l'achat de matériel neuf pour la société Emirates Airline constitue un geste commercial pour éviter que celle-ci n'engage une action en responsabilité à son égard.
Elles en concluent que le sinistre n'étant pas couvert, aucune indemnité d'assurance n'aurait du être versée par la société Tokio Marine faute d'intérêt assurable, que dès lors celle-ci n'est pas fondée à demander le remboursement des sommes versées.
Enfin, elles estiment que la société Tokio Marine n'est pas valablement subrogée dans les droits de la société Revima ni ne peut bénéficier d'une subrogation conventionnelle.
En réplique, les sociétés Revima et Tokio Marine Europe venant aux droits de la société Marine Kiln Insurance Limited (TMKI) rappellent que le droit d'agir contre le transporteur appartient aux parties au contrat de transport, que la société Revima en qualité d'expéditeur et de destinataire est recevable à agir à l'égard de la société UPS. Elles indiquent que son intérêt à agir ne peut davantage être contesté dans la mesure où elle avait à l'égard de la société Emirates Airlines l'obligation de restituer le matériel qui lui avait été confié.
Par-ailleurs, elles font valoir que la société Tokio Marine est subrogée dans les droits de la société Revima , précisant que la police d'assurances de la société Revima est une police faculté destinée à couvrir l'ensemble des marchandises entrant dans le commerce de l'assuré, que dès lors, la société dispose d'une subrogation légale mais également conventionnelle, que la qualité à agir de la société Tokio Marine est incontestable.
Sur ce
L'article 31 du code de procédure civile dispose que 'l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt à agir légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
* sur la recevabilité à agir de la société Revima
La société Revima dans les bordereaux d'expédition des 24 octobre 2014 et 31 octobre 2014 est indiquée comme expéditeur puis comme destinataire pour des marchandises d'un poids total de 24 kilogrammes.
En sa qualité d'expéditeur et de destinataire, la société Revima a qualité à agir à l'égard du transporteur UPS et ce indépendamment du propriétaire.
Suivant la quittance subrogative du 14 avril 2014, la société Revima a reçu de la société Tokio Marine Europe Insurance la somme de 162011,89 € à titre de règlement du sinistre.
Ayant été remplie de ses droits par la société Tokio Marine, la société Revima bien qu'ayant qualité à agir n'y a plus intérêt. Dès lors, elle sera déclarée irrecevable en ses demandes.
Le jugement est confirmé.
*Sur l'intérêt à agir de la société Tokio Marine
La société UPS conteste la recevabilité à agir de la société Tokio Marine.
L'article L 172-29 du code de commerce dispose que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance acquiert, à concurrence de son paiement, tous les droits de l'assuré nés des dommages qui ont donné lieu à garantie.
Il est établi comme il a été vu précédemment que la société Revima a signé une quittance subrogative au bénéfice de la société Tokio Marine en date du 14 avril 2014 par laquelle elle reconnaît avoir reçu au total la somme de 162011,89 €.
Il ressort de la police d'assurance avec effet au 28 octobre 2008 portant sur les dommages aux marchandises transportées conclue entre la société Tokio Marine et la société Revima dans ses conditions particulières que 'l'assurance porte sur les marchandises et / ou produits et / ou équipements faisant partie du / et ou relatif au commerce de l'assuré et consistant notamment en pièces aéronautiques, shipset complets et pièces détachées lorsqu'ils sont en cours de transport sous emballage et protection d'usage '.
L'article 1.3 des conditions générales concernant l'étendue de la garantie prévoit :
'qu'à l'intérieur de la zone géographique définie aux conditions particulières, la garantie s'applique au transport des marchandises dans lequel l'assuré a un intérêt assurable :
-les marchandises lui appartenant,
-les marchandises qui lui sont confiées et dont le transport s'effectue à ses risques,
-les marchandises qu'il s'est engagé aux termes de ces contrats de vente à assurer tant pour son compte que pour le compte d'autrui.
Au regard de ces conditions, la société UPS ne peut prétendre que la société Tokio Marine n'aurait pu couvrir le sinistre au motif que les marchandises n'étaient pas la propriété de la société Revima alors que la police d'assurance porte aussi sur les marchandises qui lui sont confiées et dont le transport s'effectue aux risques de l'assuré ce qui est le cas en l'espèce.
La société Tokio Marine ayant donc indemnisé son assuré dans le cadre de la police d'assurance suivant les termes de celle-ci, elle est recevable à agir en sa qualité de subrogé dans les droits de la société Revima son assuré en application des dispositions de l'article L 172-29 du code de commerce, une quittance subrogative datant du 14 avril 2014 ayant été signée entre la société Revima et la société Tokio Marine.
La société Tokio Marine fait valoir que les sommes réclamées ne pourraient l'être qu'à hauteur des sommes qui ont été versées après la date de la quittance soit à hauteur de 72011,89 € mais cette question concerne le quantum de l'indemnisation.
Le jugement est confirmé.
Sur la responsabilité du transporteur
L'article L 133-1 du code de commerce dispose que 'le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure. Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure'.
Le voiturier est tenu d'une obligation de résultat., la preuve du dommage suffisant à établir sa responsabilité.
Toutefois, il peut échapper à cette responsabilité s'il prouve que le fait dommageable provient d'une cause étrangère qui ne lui est pas imputable, ce qui suppose d'une part la preuve de la réalité des faits matériels allégués, notamment l'existence d'une force majeure, d'autre part la preuve que le dommage est bien imputable à cette cause étrangère, et non pas à une faute qu'il aurait commise.
Pour s'exonérer de sa responsabilité, la société UPS fait état de ce que l'incendie déclenché par l'utilisation par des individus d'une disqueuse à l'origine de l'incendie caractérise un cas de force majeure.
En réplique, la société Tokio Marine qui conclut à la confirmation du jugement considère que la société UPS ne rapporte pas la preuve de ce que l'incendie qui serait constitutif de force majeure selon elle, est la cause certaine et exclusive du dommage puisqu'en jetant les marchandises, elle a elle-même rendu impossible la vérification de leur état post-incendie et a commis ainsi une faute inexcusable.
Elle soutient donc que l'incendie n'est pas la cause exclusive du dommage car postérieurement au sinistre et avant toute expertise, la société UPS a volontairement détruit la marchandise sans l'accord de la société Revima.
En réplique, la société UPS fait valoir que l'incendie constitue un cas de force majeure qui l'exonère de sa responsabilité. Elle estime que la société UPS ne peut lui reprocher d'avoir détruit les marchandises dans la mesure où elle en a été informée et lui a fait retour d'un formulaire de réclamation dès le 18 novembre 2013 et indique que la marchandise a été totalement détruite dans l'incendie, qu'elle ne pouvait dès lors être restituée même endommagée, qu'elle n'a fait que procéder à une évacuation des déchets, que cette évacuation postérieurement à l'incendie ne saurait constituer une faute ayant eu un rôle causal dans la survenance du sinistre.
*****
La question d'une éventuelle faute commise par la société UPS, et de son caractère inexcusable, ne pourra être examinée qu'après avoir apprécié l'existence d'un éventuel cas de force majeure. En effet, si la force majeure était retenue, elle serait exclusive de toute recherche de responsabilité.
En effet, la société Tokio Marine ne peut invoquer le comportement de la société UPS après la survenance de l'incendie et une faute éventuelle de sa part qui serait inexcusable dans la mesure où la destruction des marchandises, qui ne pouvait être évitée selon la société UPS s'agissant de déchets qu'il convenait d'évacuer, n'est intervenue que postérieurement à l'incendie et ne peut dès lors avoir concouru à la réalisation du dommage.
* l'existence d'un cas de force majeure
La force majeure doit revêtir les caractères d'imprévisibilité, d'irrésistibilité et d'extériorité.
Elle se définit comme un événement échappant au contrôle du débiteur qui ne pouvait être raisonnablement prévu et dont les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées et qui empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.
En l'espèce, l'extériorité de l'événement, à savoir le fait que le vol a été commis par des tiers n'est pas discuté.
En outre, la société UPS admet que la tentative de vol ne constitue pas en elle-même un cas de force majeure, mais soutient que c'est l'incendie provoqué par l'emploi d'une disqueuse qui caractérise une cause d'exonération de sa responsabilité du fait de son imprévisibilité et son irrésistibilité.
Il appartient à la société UPS de démontrer que l'incendie survenu dans les locaux de la société UPS dans la nuit du 31 octobre au 1ernovembre 2013 revêt les caractères de la force majeure dans la mesure où cet événement ne pouvait raisonnablement être prévu au moment de la conclusion du contrat et dont les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées.
Il ressort du rapport d'expertise établi par M.[Z] à la demande de la société Tokio Marine en présence de la société UPS le 21 mars 2014 sur le site de [Localité 5] dans lequel était entreposée la marchandise dans la nuit du 31 octobre 2013 au 1ernovembre 2013 que :
-les colis de la société Revima dans une remorque n° 2415 avaient été laissés en extérieur de l'entrepôt dans des containers,
-le périmètre du bâtiment UPS n'était surveillé ni par des caméras, ni par un système anti-intrusion,
-le portail était fermé par une chaîne bridée par un cadenas.
Il résulte du rapport d'expertise contradictoire du 11 août 2014 établi par le cabinet Levesque que :
- le site est clos par un grillage d'une hauteur approximative de deux mètres, qu'il existe des portails coulissants fermés par des chaînes et des cadenas,
-il n'existe pas de système de gardiennage ou de vidéo-surveillance externe,
- les entrées sont équipées d'un système d'alarme relié à une société de télésurveillance qui procède à une intervention de levée de doute en cas de déclenchement puis contacte directement la police si nécessaire,
- les box positionnés en débord sont placés sur des béquilles ou attelés au tracteur en fonction de l'organisation logistique et positionnés portes contre quais équipés de 'bumper', que ces derniers permettent un débord de structure caoutchoutée rigide empêchant tout accès entre les portes et le quai, sécurisant ainsi de manière définitive une éventuelle ouverture des portes,
-lorsque ces derniers sont placés sur béquilles, un antivol est apposé sur la sellette empêchant alors tout attelage en vue d'un vol direct des box.
Le constat était fait malgré le délai écoulé depuis l'événement, de la persistance de traces nettes de l'incendie informant sur son intensité et notamment sur les bardages de l'entrepôt et divers montants ainsi qu'au sol caractérisées par des amas calcinés agrégés ou des trous , signe de la dureté du déblaiement des déchets, que des signes de combustion intense persistaient à l'intérieur de l'entrepôt.
L'expert relevait que le lieu de stationnement et la procédure de sécurisation des box conforme à la procédure interne UPS ne permettait aucune vue extérieure directe des marchandises ou accès à ces dernières.
Il est établi par-ailleurs que la société UPS ne pouvait transporter les marchandises la veille d'un jour férié à partir de 22 heures jusqu'au lendemain 22 heures.
Il n'est pas contesté que la cause de l'incendie est due à une tentative de vol par effraction commis par des individus qui auraient pénétré dans les lieux après avoir sectionné le cadenas d'un portail coulissant et qui auraient mis le feu déclenchant un incendie suite à l'utilisation d'une disqueuse.
Il ressort des constatations rapportées par les experts :
- que le site n'était pas suffisamment sécurisé dans la mesure où le portail n'était fermé que par un cadenas,
-que le grillage est d'une hauteur accessible de deux mètres , grillage qui est dépourvu de sécurité en hauteur pour éviter de le franchir,
-que si les entrées sont équipées d'un système d'alarme relié à une société de télésurveillance qui procède à une intervention de levée de doute en cas de déclenchement puis qui peut alerter la police, aucune ronde n'était prévue, aucun système de vidéo-surveillance et de non -intrusion n'était mis en place,
-que la société UPS reconnaît elle-même que son système d'alarme 'a été déjoué par les voleurs' ce qui démontre son absence de fiabilité,
-qu'enfin, les camions de transports s'ils sont bloqués à l'arrière, positionnés portes contre quais et équipés de 'bumper', sont exposés à la vue de tous et donc peuvent être facilement repérés de l'extérieur et ce même si les marchandises ne sont pas vues directement.
Il ressort de ce qui précède que la société UPS qui reconnaît elle même que la tentative de vol est un événement prévisible n' a pas pris toutes les mesures suffisantes pour éviter la survenance de l'événement, relatives à la sécurité du site aux fins d'éviter l'intrusion de tiers aux intentions délictueuses.
Le fait que les auteurs de la tentative de vol aient utilisé une disqueuse pour parvenir à leurs fins laquelle par ses étincelles aurait provoqué l' incendie, l'enquête de gendarmerie n'étant pas versée aux débats pour étayer cette hypothèse, n'est que la conséquence de la tentative de vol, que la société UPS n'a pas mis en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour l'éviter, que dès lors la tentative de vol par effraction suivie de l'incendie ne revêt pas les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité requis, que l'existence d'un cas de force majeure n'est pas rapportée.
La société UPS n'est dès lors pas exonérée de sa responsabilité et doit en conséquence répondre du dommage causé dans le cadre de son obligation de résultat.
Elle doit donc réparer le préjudice subi par la société Tokio Marine.
Le jugement est confirmé.
Sur l'indemnisation du préjudice
Sur la faute inexcusable de la société UPS
L'article L 133-8 du code de commerce dispose que seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite.
La société Tokio Marine reproche à la société UPS d'avoir détruit les matériels alors qu'elle aurait pu en récupérer une partie ce qui constitue selon elle une faute inexcusable (qu'elle a aussi invoquée à tort comme cause ayant concouru à la survenance du dommage comme il a été vu précédemment) constituée' par le fait de ne pas avoir représenté la marchandise à son destinataire' s'agissant selon elle d'une faute 'consciente' caractérisant la faute inexcusable exclusive de toute limitation d'indemnités. Elle demande en conséquence de voir son préjudice réparé intégralement.
La société UPS conteste avoir détruit le matériel alors qu'elle n'aurait pas du le faire selon la société Tokio Marine. Elle rappelle que les matériels étaient calcinés et qu'elle s'est limitée à évacuer les déchets en ayant informé rapidement la société Revima laquelle dès le 7 novembre 2013 décidait de passer commande de pièces neuves.
Comme il a déjà été vu plus avant, la faute ainsi reprochée à la société UPS - à savoir la destruction des matériels après la tentative de vol par incendie - est postérieure au fait dommageable lui-même, constitué de ce vol. De ce seul fait, l'éventuelle faute de la société UPS ne peut être caractérisée d'inexcusable au sens de l'article L. 133-8 du code de commerce précité dès lors que postérieure au dommage, elle ne pouvait impliquer la conscience de la probabilité de celui-ci.
Pas davantage, le fait pour la société UPS d'avoir détruit les marchandises en partie calcinées après l'incendie ne caractérise une faute inexcusable au sens de l'article L 133-8 du code de commerce , ne s'agissant pas d'une faute délibérée, la preuve de son acceptation téméraire sans raison valable n'étant pas rapportée.
Sur l'application des conditions générales au contrat de transport
La société UPS fait valoir tout d'abord que ses conditions générales annexées au contrat signé entre les parties le 15 mai 2013 sont opposables à la société Revima et donc à la société Tokio Marine , qu'elles sont imprimées intégralement au verso du bordereau d'expédition que la société Revima a rempli, daté et signé, que ces conditions générales interdisent l'expédition d'envoi dont la valeur est supérieure à 50000 USD.
Elle relève que la société Revima a émis deux bordereaux d'expédition sous deux numéros à l'aller , la valeur de chacun des colis étant de 47325,85 € soit la valeur maximum des marchandises qui pouvaient être confiées à la société UPS pour échapper aux conditions générales.
Elle en conclut qu'elle ne peut être tenue responsable des dommages survenus en cours de transport aux marchandises dont la valeur globale était supérieure à 50000 USD.
La société Tokio Marine prétend que les conditions générales de la société UPS ne lui sont pas opposables dans la mesure où celle-ci ne rapporte pas la preuve qu'elles ont été communiquées, de leur contenu certifié , de leur acceptation par la société Revima et encore moins de leur signature.
******
Il ressort des bordereaux d'expédition que la société Revima a bien signé avoir été informée et avoir pris connaissance des conditions générales de la société UPS. Dès lors, ces conditions générales lui sont opposables.
Comme l'indique la société UPS , les conditions générales prévoient à la clause 3-5 que si l'envoi n'est pas conforme aux restrictions indiquées au paragraphe 3-1 à savoir la valeur maximale du colis limité à 50000 USD, UPS ne sera responsable d'aucune perte que l'expéditeur pourrait subir en lien avec le transport quelqu'en soit la cause.
Il résulte des éléments du dossier que pour le retour des marchandises un seul bordereau a été établi regroupant la totalité des marchandises initialement envoyées en deux colis dont la valeur déclarée par la société Revima est de (44325,85 € x2) soit la somme globale de 94651,70 €.
Dès lors, la valeur déclarée du colis réexpédié est supérieure à 50000 USD (soit 44325 €).
En conséquence, la société UPS n'est pas tenue à indemniser le préjudice subi par la société Tokio Marine.
Le jugement est donc infirmé sur ce point
Sur les autres demandes
Le jugement est infirmé en ce qui concerne les dépens et l'indemnité allouée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Tokio Marine est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à verser une indemnité de 4000 € à la société UPS pour les frais exposés et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement rendu le 8 novembre 2017 par le tribunal de commerce de Versailles en ce qu'il a dit recevables les demandes formées par la société Tokio Marine Europe contre UPS France, et en ce qu'il a dit irrecevables les demandes formées par la société Revima Apu,
Infirme le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau :
Déboute la société Tokio Marine Europe de ses demandes,
Condamne la société Tokio Marine Europe aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société Tokio Marine Europe à verser à la société United Parcel Service France SNC la somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Madame Patricia GERARD, Faisant Fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Faisant Fonction de greffier, Le président,