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03/07/2019 | FRANCE | N°17/00701

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 03 juillet 2019, 17/00701


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80H



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 JUILLET 2019



N° RG 17/00701 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RJL7



AFFAIRE :



SA ENEDIS anciennement dénommée ELECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE (ERDF)







C/

[W] [E]











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Janvier 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d

e NANTERRE

Section : I

N° RG : F 13/03296



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



SCP COURTAIGNE AVOCATS



Me Karine MARTIN-STAUDOHAR







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TROIS ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80H

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 JUILLET 2019

N° RG 17/00701 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RJL7

AFFAIRE :

SA ENEDIS anciennement dénommée ELECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE (ERDF)

C/

[W] [E]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Janvier 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : I

N° RG : F 13/03296

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SCP COURTAIGNE AVOCATS

Me Karine MARTIN-STAUDOHAR

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA ENEDIS anciennement dénommée ELECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE (ERDF)

N° SIRET : 444 60 8 4 422

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - Représentant : Me Michel JOLLY, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué par Me Adeline GAUTHIER-PERRU, avocat au barreau de TOULOUSE

APPELANTE

****************

Monsieur [W] [E]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1] (ALGERIE)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Karine MARTIN-STAUDOHAR, Plaidant/Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 256, substituée par Lisa DIEGO RODRIGUEZ, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 261

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Juin 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Luc LEBLANC, président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat de travail à durée indéterminée, M. [W] [E] a été engagé à compter du 26 avril 1973 en qualité de monteur électricien branchement travaux réseaux, niveau 4-3, par la société Electricité de France-Gaz de France, aux droits de laquelle vient la société Enedis.

Il a ensuite occupé divers postes de travail et, dans le dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions de technicien pertes non techniques au service de répression des fraudes et était classé en GF 10 NR 150.

M. [E] a exercé un mandat de représentation au sein du CHSCT de 1985 à 2001 et a été membre du conseil syndical de 2000 à 2007.

M. [E] a été placé en arrêt maladie sans interruption du 13 octobre 2007 jusqu'à son départ en inactivité le 1er juin 2009.

La société Enedis employait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail et la convention collective nationale applicable à la relation de travail est celle des accords nationaux des industries électriques et gazières.

Se plaignant d'avoir été victime d'un harcèlement moral au cours de son travail, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, le 17 juillet 2009, pour demander essentiellement des dommages et intérêts pour harcèlement moral ainsi que pour manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et à celle d'assurer la protection de la santé physique et morale des salariés.

Par jugement du 11 janvier 2017, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- dit que M. [E] avait subi un harcèlement moral,

- condamné la société ERDF à payer à M. [E] les sommes suivantes :

- 27 500 euros au titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

- 27 500 euros au titre de la violation de l'obligation de sécurité,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [E] du surplus et de l'exécution provisoire,

- dit la capitalisation des intérêts à compter de l'introduction de l'instance,

- condamné la société ERDF aux dépens.

La société Enedis, anciennement dénommée Electricité Réseau Distribution France (ERDF), a régulièrement relevé appel du jugement le 7 février 2017.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 4 janvier 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, la société Enedis demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé des condamnations à son encontre,

- in limine litis, constater la péremption de l'instance, et par voie de conséquence son extinction avec toutes conséquences de droit,

- subsidiairement, dire et juger que l'obligation de sécurité de résultat et l'obligation de prévention de sécurité de résultat constituent une seule et même obligation,

- dire et juger qu'il n'est pas caractérisé de harcèlement moral ni de violation à son obligation de sécurité ou à son obligation de prévention au préjudice de M. [E],

- déclarer irrecevables et injustifiées les demandes de M. [E],

- l'en débouter,

- condamner M. [E] à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [E] aux dépens en disant qu'ils seront recouvrés, pour ceux d'appel, par Maître Isabelle Delorme-Muniglia de la SCP Courtaigne Avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 18 mai 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, M. [E] demande à la cour de :

- le dire recevable et bien-fondé en son appel, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris :

* en ce qu'il a dit et jugé qu'il avait subi du harcèlement moral,

* en ce qu'il a dit et jugé que la société Enedis avait violé son obligation de sécurité de résultat,

* en ce qu'il a dit et jugé que l'instance en cours n'était pas périmée,

* en ce qu'il a condamné la société Enedis à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement entrepris sur le surplus de ses demandes y ajoutant :

- dire que la société Enedis a violé les articles L.4121-1 et L.4122-1 et L.1152-1 du code du travail,

- condamner la société Enedis à payer 76 000 euros au titre de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral subi,

- condamner la société Enedis à verser la somme de 50 000 euros au titre de la violation de l'obligation de sécurité,

- condamner la société Enedis à verser la somme de 15 000 euros au titre de la violation de l'obligation de prévention,

- condamner la société Enedis à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel dont distraction faite au profit de Maître Martin-Staudohar,

- ordonner la capitalisation des intérêts à compter de l'introduction de l'instance au titre de l'article 1154 du code civil,

- condamner la société Enedis aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 mai 2018.

MOTIFS :

Vu les conclusions des parties,

Sur la fin de non-recevoir tirée de la péremption d'instance :

Considérant qu'à titre liminaire, la société Enedis oppose la fin de non-recevoir tirée de la péremption de l'instance introduite devant le conseil de prud'hommes, aucune diligence n'ayant été accomplie par M. [E] dans le délai de deux ans suivant la notification de la décision de radiation de l'affaire rendue le 26 octobre 2011 ;

Considérant qu'aux termes de cette décision, le rétablissement de l'affaire était subordonné à l'accomplissement par les parties des diligences nécessaires à l'examen du litige à savoir la transmission et l'échange des pièces et des conclusions ;

Considérant que la société Enedis prétend n'avoir reçu les conclusions de M. [E] qu'à la date du 18 novembre 2013 soit plus de deux ans après la notification de la décision de radiation remontant au 9 novembre 2011 ;

Considérant cependant qu'il ressort des pièces de la procédure que M. [E] a demandé le rétablissement de l'instance dès le 25 octobre 2013 et les documents produits (lettre recommandée, preuve de dépôt et retour d'accusé réception) apportent la preuve que son conseil a bien adressé, à la même date, au confrère que la société ERDF avait alors désigné pour la représenter, les conclusions prises au soutien de ses intérêts ainsi que les pièces invoquées pour sa défense ;

Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la péremption d'instance ;

Sur l'existence d'un harcèlement moral :

Considérant qu'aux termes de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il appartient au salarié qui se plaint de subir des agissements répétés de harcèlement moral, de présenter des éléments de faits en laissant supposer l'existence et il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant qu'en l'espèce, M. [E] présente treize séries de faits laissant supposer, selon lui, l'existence d'un harcèlement moral :

- rumeurs sur ses compétences et sur son caractère,

- changement répété de service et déménagements à neuf reprises dont deux à son retour au travail après une absence, avec occupation de son bureau par une tierce personne,

- suppression de ses outils de travail sans aucune intervention de la société pour remédier à la situation,

- recherche systématique d'une faute professionnelle,

- observations écrites, chantage et pression psychologique,

- absence de travail durant une année en raison de sa situation de surnombre (fin 1996),

- dévalorisation de ses tâches, avec propositions de postes de chef de garage sans rapport avec ses compétences (1997), attribution de tâches ingrates en-deçà de ses qualifications,

- absence d'entretien annuel depuis le 8 juillet 1999 (2002),

- contraint de cesser de dispenser la formation 'huit de montagne', technique permettant de descendre un blessé électricisé d'un support, qu'il animait depuis 1988 (1998),

- sortie du comité de pilotage 'prévention et sécurité' auquel il était affecté depuis 1994, et ce sans explication (janvier 1999),

- réflexions désobligeantes de son supérieur hiérarchique : 'alors on revient travailler', 'vous allez voire ce qui va se passer !', 'mais qu'est ce que vous avez à faire '',

- report de ses demandes de formation,

- ralentissement de sa carrière du fait de l'exercice de son mandat représentatif ou syndical,

Considérant cependant que plusieurs des faits invoqués par le salarié ne sont pas matériellement établis ;

Considérant qu'ainsi pour les rumeurs sur ses compétences et sur son caractère, l'attestation produite à ce sujet se borne à relater une conversation surprise en 1995 à l'agence d'exploitation d'[Localité 2] où un contremaître aurait dit que 'Si [W] [E] avait eu le poste à la sécurité, on ne pourrait plus travailler' en expliquant que le salarié était extrêmement rigoureux en matière de sécurité ; que cette conversation ne porte aucunement atteinte à la réputation professionnelle du salarié ;

Considérant aussi qu'aucun élément de fait ne laisse supposer, comme le prétend M. [E], que la direction de l'entreprise ait systématiquement recherché à lui faire commettre une faute professionnelle ou ait exercé sur lui un chantage et une pression psychologique ;

Considérant que les réflexions désobligeantes prêtées au responsable hiérarchique de M. [E] ne sont pas établies autrement que par les propres déclarations du salarié et sont expressément démenties, dans une attestation, par la personne censée les avoir tenues ; qu'il en va de même concernant le grief relatif à l'affectation intentionnelle de l'ex-compagne du salarié dans son propre service dès lors que rien n'indique que ses supérieurs ait eu connaissance d'une situation qui relève de la vie privée ;

Considérant que de même, le ralentissement de la carrière de M. [E] en lien avec ses activités syndicales et à l'exercice de mandats représentatifs n'est pas plus établi puisque l'intéressé est passé du GF NR 20 au GF 10 NR 150, ce qui est supérieur au classement moyen des salariés auxquels il peut être comparé qui est égal à GF 8,8 NR 145, selon l'étude de comparants, et qu'il existe dans l'entreprise un accord spécifique garantissant un bon déroulement de carrière aux agents exerçant des activités syndicales et représentatives dont l'exacte application n'a pas été contestée par le salarié ;

Considérant que sur les faits établis comme les changements de service ou de bureaux, il doit être tenu compte de la longue durée de service du salarié qui est resté 36 ans dans le [Localité 3] et a donc connu les déménagements successifs de l'entreprise dans l'agglomération d'[Localité 2] avec une distance d'1 à 3km au plus entre les sites ;

Considérant qu'il ne s'agit pas d'une mesure individuelle prise à l'encontre du salarié qui a seulement été contraint de changer parfois de bureau pour les nécessités du service ou d'organisation, l'occupation de son bureau durant ses absences prolongées ne présentant quant à elle rien d'anormale ;

Considérant que M. [E] se plaint aussi de l'absence d'entretien annuel depuis 1999 mais entre cette date et son départ en inactivité en 2009, sa carrière a continué à évoluer favorablement avec un reclassement en 2000, un avancement au choix en 2003 et une nouvelle progression dans sa classification en 2008 avec effet rétroactif au 1er janvier 2005 ; que l'appréciation des compétences et capacités professionnelles du salarié n'a donc pas souffert de l'absence d'entretien individuel pendant ces années durant lesquelles il a travaillé à mi-temps puis a été placé en arrêt maladie de manière continue à compter du 13 octobre 2007 jusqu'à son départ en juin 2009 ;

Considérant que s'agissant de la suppression de ses outils de travail, le salarié évoque la perte d'habilitation pour travailler sur le réseau, la perte de l'assermentation, la disparition de matériel, la suppression du véhicule de service et la méthode dite des références fictives mais chacun de ces faits est justifié par l'employeur par des raisons objectives par l'employeur ;

Considérant qu'en effet, la perte de l'habilitation électrique est la conséquence directe d'un contrôle de sécurité effectué le 31 janvier 2005 ayant relevé, selon l'attestation du consultant sécurité, que M. [E] ne respectait pas les 'fondamentaux des règles de consignation des ouvrages et ne maîtrisait pas les risques électriques', l'absence de reconduction de son assermentation est quant à elle liée à l'évolution de ses attributions vers des tâches d'organisation de pilotage et de suivi, la disparition de matériel n'est pas imputable à l'employeur mais à l'équipe d'entretien et le responsable régional des marchés d'affaires indique avoir donné, en mars 2005, des instructions pour que le matériel en question soit restitué au salarié ;

Considérant que de même, l'instauration d'un pool de véhicules de service à la place des véhicules confiés à chaque membre du service comme la décision de changer les méthodes de travail au sujet des références fictives relèvent du pouvoir de direction de la société Enedis qui n'a pas pris à cette occasion une mesure individuelle à l'encontre du salarié ;

Considérant que l'absence de travail dénoncée par le salarié au cours de l'année 1996 résulte quant à elle d'une réorganisation du service technique d'Enedis ayant entraîné un sureffectif temporaire et il ressort de l'attestation du chef de service alors en fonction que 'M. [E] n'était pas le seul agent du service en situation de surnombre' ; qu'au demeurant, le salarié n'était pas pour autant sans occupation et le responsable précise qu'il lui a été trouvé 'des missions dans l'attente d'une affectation définitive lui convenant' ;

Considérant que s'agissant de la dévalorisation des tâches confiées au salarié, celui-ci se plaint qu'il lui ait été proposé en 1997 un poste de chef de garage sans rapport avec ses qualifications et que des tâches ingrates lui aient été imposées mais l'employeur justifie, par la grille de classification des métiers, du fait que le poste proposé correspondait au même niveau de maîtrise que celui acquis par M. [E] et produit diverses attestations sur le fait que les activités confiées au salarié étaient antérieurement réalisées par un agent appartenant à la même catégorie professionnelle ;

Considérant qu'au surplus, le salarié a pu décliner la proposition d'emploi sans subir aucune conséquence de son refus et en réalité, cette offre n'était pas étrangère à la formation d'expertise en amiante suivie par l'intéressé, une telle compétence étant recherchée dans le domaine de la mécanique automobile ;

Considérant que le retrait de la formation 'huit de montagne' et le départ du comité de pilotage 'prévention et sécurité' tiennent au fait que M. [E] ne s'occupait de la sécurité depuis son affectation en 1998 au service des Pertes non techniques/Répression des fraudes ; que la formation 'CIF de navigateur' a quant à elle été acceptée par l'employeur, contrairement à ce que soutient le salarié ;

Considérant qu'enfin, il convient de relever, comme le souligne à juste titre la société Enedis, que la plupart de ces faits sont très anciens, remontant parfois aux années 1990, et n'ont à l'époque jamais justifié le déclenchement d'enquêtes par le CHSCT ou la médecine du travail après que le salarié l'ait informé des mêmes faits ;

Considérant que s'agissant des problèmes médicaux invoqués par M. [E], les documents remis à ce sujet ne permettent pas de retenir un lien entre la dégradation de son état de santé et son travail ; que les certificats produits ne font que retranscrire les déclarations du salarié et le rapport d'expertise du docteur [L], auquel fait référence le conseil de prud'hommes, le précise en énonçant qu' 'il nous a exposé une situation professionnelle pouvant être assimilée, sous réserve de vérification, à un harcèlement' ; qu'en réalité, aucune constatation n'a été faite sur place et le médecin du travail a déclaré le salarié apte à son emploi, sans aucune restriction, à l'issue de la visite annuelle du 1er février 2007 ;

Considérant qu'ainsi, appréciés dans leur ensemble, les faits présentés par le salarié à l'appui de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral ne laissent pas supposer son existence et les changements intervenus dans la situation du salarié, au cours de ses 36 ans de carrière, sont de toute façon tous justifiés par des éléments objectifs étrangers à un tel harcèlement ;

Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que le salarié avait été victime d'agissements répétés de harcèlement moral de la part de son employeur ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a accordé à M. [E] une indemnité à ce titre et le salarié sera au contraire débouté de cette prétention ;

Sur les manquements à l'obligation de sécurité et à l'obligation de prévention de la santé des travailleurs :

Considérant d'abord que l'employeur relève à juste titre qu'il s'agit en réalité de la même obligation incombant à l'employeur en application de l'article L. 4121-1 du code du travail ;

Considérant ensuite que pour établir la réalité des manquements reprochés, M. [E] reprend les mêmes faits que ceux invoqués à l'appui de sa demande de reconnaissance du harcèlement moral ;

Considérant qu'à défaut d'établir l'existence de manquements distincts de ceux dénoncés au titre du harcèlement invoqué à tort par le salarié, ses prétentions ne pouvaient être accueillies ;

Considérant qu'il n'est pas non plus démontré que la dégradation de son état de santé soit liée, comme il le prétend, à une souffrance au travail ;

Considérant que c'est donc également à tort que le conseil de prud'hommes y a fait droit en estimant que la société ERDF n'avait pas mis en place les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de M. [E] alors que rien ne justifiait une telle appréciation ;

Considérant que le jugement sera donc infirmé et M. [E] sera débouté tant de sa demande au titre de l'obligation de sécurité que de celle au titre de la prévention de sa santé ;

Considérant que M. [E], qui succombe en cause d'appel, sera condamné à verser à la société Enedis la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa propre demande à ce titre ; que la condamnation prononcée de ce chef par les premiers juges sera infirmée ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

- Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la péremption ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Déboute M. [W] [E] de toutes ses prétentions y compris celle présentée au titre du manquement de l'employeur à l'obligation de préserver son état de santé ;

- Condamne M. [W] [E] à payer à la société Enedis, anciennement dénommée Electricité Réseau Distribution France (ERDF) la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa propre demande à ce titre ;

- Le condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés pour ceux le concernant par Me Isabelle Delorme-Muniglia de la SCP Courtaigne Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00701
Date de la décision : 03/07/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°17/00701 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-03;17.00701 ?
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