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03/07/2019 | FRANCE | N°16/04795

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 03 juillet 2019, 16/04795


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 JUILLET 2019



N° RG 16/04795



AFFAIRE :



[F], [A], [Y] [M]



C/



Me [N] [S] - Administrateur judiciaire de la SA ASTER



Me [J] [U]

Mandataire liquidateur de la SA ASTER



La SELARL C.[K] prise en la personne de Me [R] [K] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SA ASTER



AGS CGEA IDF

OUEST

SNCF MOBILITES



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Commerce

N° RG : 14/03843



Copies exécutoires et certifiée...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 JUILLET 2019

N° RG 16/04795

AFFAIRE :

[F], [A], [Y] [M]

C/

Me [N] [S] - Administrateur judiciaire de la SA ASTER

Me [J] [U]

Mandataire liquidateur de la SA ASTER

La SELARL C.[K] prise en la personne de Me [R] [K] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SA ASTER

AGS CGEA IDF OUEST

SNCF MOBILITES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

N° Section : Commerce

N° RG : 14/03843

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Marie-laure DUFRESNE-CASTETS

SCP HADENGUE & ASSOCIES

Me Isabelle GOESTER-PRUNIER

le : 03 Juillet 2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F], [A], [Y] [M]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentant : Me Marie-laure DUFRESNE-CASTETS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1485

APPELANT

****************

Me [W] [N] de la SELARL FHB agissant en qualité d'Administrateur judiciaire de la SA ASTER

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 , substitué par Me Aurélie DORANGES, avocat au barreau de VERSAILLES

Me [L] [U] de l'AARPI Me [U] [L] agissant en qualité de Mandataire liquidateur de la SA ASTER

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98, substitué par Me Aurélie DORANGES, avocat au barreau de VERSAILLES

La SELARL [R][K] prise en la personne de Me [R] [K] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SA ASTER

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98, substitué par Me Aurélie DORANGES, avocat au barreau de VERSAILLES

SNCF MOBILITES établissement public à caractère industriel et commercial

N° SIRET : 552 04 9 4 47

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 5]

Représentant : Me Isabelle GOESTER-PRUNIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1665

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98, substitué par Me Aurélie DORANGES, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMEES

***************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mai 2019, devant la cour composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Corinne DELANNOY

Par jugement du 16 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section commerce) :

- a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le défendeur,

- s'est déclaré compétent pour connaître de la procédure engagée par M. [M] à l'encontre de Me [S], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Aster, Me [J] et Me [K], ès qualités de co-mandataires liquidateurs de la société Aster, de l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest et de l'EPIC SNCF Mobilités,

- a mis hors de cause Me [S], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Aster,

- a dit que M. [M] a été licencié pour une cause réelle et sérieuse,

- l'a débouté de toutes ses demandes,

- a laissé à la charge du demandeur les éventuels dépens.

Par déclaration du 28 octobre 2016, M. [M] a interjeté appel devant la cour d'appel de Versailles.

Par ordonnance du 12 mars 2019, la clôture de la mise en état a été prononcée.

Par dernières conclusions adressées au greffe le 27 janvier 2017, M. [M] demande à la cour de :

- le recevoir en son appel,

en conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 16 septembre 2016 par le conseil de prud'hommes de Nanterre,

- condamner Me [S], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Aster, Me [J], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Aster et la SELARL C. [K], en sa qualité de co-mandataire de la société Aster, à lui verser la somme de :

. 90 052,20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. déclarer l'arrêt opposable à l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest,

- si Me [S], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Aster, Me [J], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Aster et la SELARL [R][K], en sa qualité de co-mandataire de la société Aster, étaient mis hors de cause, condamner la Société nationale des chemins de fer à lui verser la somme de :

. 90 052,20 euros à titre de dommages et intérêts dus en réparation du préjudice causé par son manquement à son obligation de garantie de reclassement (article 1134 et 1135 du code civil),

Par dernières conclusions adressées au greffe le 27 mars 2017, la société Aster, Me [K], ès qualités de liquidateur de la société Aster, Me [J], ès qualités de liquidateur de la société Aster et Me [S], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Aster demandent à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

. mis hors de cause Me [S], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Aster,

. débouter M. [M] de ses demandes, fin et conclusions,

y ajoutant,

- condamner M. [M] à payer à Me [K] et [J] es qualité de liquidateurs judiciaires de la société Aster la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- S'entendre la cour de céans se déclarer incompétent rationné materia au profit du Tribunal de Grande Instance de Nanterre,

à titre infiniment subsidiaire,

- débouter M. [M] de ses demandes, fins et conclusions

- condamner M. [M] aux entiers dépens

- déclarer le jugement à intervenir opposable à L'AGS - CGEA IDFO

Par dernières conclusions adressées au greffe le 24 mars 2017, l'EPIC SNCF mobilités demande à la cour de :

- prononcer la jonction des procédures portant les numéros : 16/04795 - 16/04797 - 16/04798 - 16/04799 - 16/04800 - 16/04801 - 16/04802 - 16/04806 - 16/04809 - 16/04811 - 16/04830 à 16/04834 - 16/04836 à 16/04841 - 16/04848 à 16/04853 16/04855 à 16/04861 - 16/04865 - 16/04867 - 16/04904 - 16/04987,

- vu les articles 96 alinéa 2 et 97 du code de procédure civile, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la compétence du conseil de prud'hommes de Nanterre pour statuer sur les demandes présentées, à titre subsidiaire, contre « la SNCF »,

- dire qu'en l'absence de tout contrat de travail liant les appelants à l'EPIC SNCF Mobilités, ces demandes relèvent de la seule compétence du tribunal de grande instance de Bobigny,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que :

. l'EPIC SNCF Mobilités n'a pas contrevenu aux articles 1134, 1135 et 1382 du code civil, (dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016),

. les engagements contenus dans l'accord du 11 avril 2000 et son avenant du 15 mai 2003, ainsi que l'engagement unilatéral exprimé le 12 juillet 2005 ont cessé de produire effet en avril 2009,

. débouter en conséquence l'appelant de l'ensemble de ses demandes en tant qu'elles sont dirigées contre SNCF Mobilités,

en tout état de cause,

- débouter M. [M], à défaut d'éléments de preuve suffisants permettant de dire qu'il aurait été salarié de la société Aster et/ou d'une société au groupe Sernam le 1er mai 2000,

- débouter également M. [M], à défaut de production de son éventuelle lettre de licenciement,

- laisser à la charge de l'appelant, les dépens de l'instance.

Par dernières conclusions adressées au greffe le 27 mars 2017, l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest demande à la cour de :

- débouter M. [M] de ses demandes, fin et conclusions,

subsidiairement,

- ramener à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- la mettre hors de cause s'agissant des frais irrépétibles de la procédure,

- dire que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code du commerce,

plus subsidiairement,

- réduire dans de plus justes proportions le quantum des demandes,

- fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,

- dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6, L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail,

en tout état de cause :

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

SUR CE LA COUR,

En 1970, a été créé au sein de la SNCF, un service interne de transport de colis et bagages, de messagerie, d'affrètement et de logistique dénommé SERNAM.

Courant 1993, le Sernam a été organisé en deux pôles, l'un demeurant un service de la SNCF (Sernam Domaine), l'autre constitué en société anonyme, filiale à 100 % de la SNCF (Sernam Transport SA) à laquelle Sernam Domaine sous-traitait ses prestations de desserte à courte distance et de transport de lignes de goupages entre agence.

Le 1er février 2000, l'intégralité de l'activité de Sernam a été fililalisée pour constituer une société disposant d'une personnalité juridique distincte, la SCS Sernam qui, le 21 décembre 2001, a été transformée en société anonyme (Sernam SA), laquelle avait plusieurs filiales dont la société Sernam Transport Route.

En raison de sa qualité de filiale d'un groupe nationalisé (la SNCF) recevant périodiquement de la SNCF des fonds permettant de la recapitaliser, la Commission européenne a considéré une partie de ces fonds comme constitutives d'aides d'État prohibées, ce qui a conduit la SNCF à privatiser la Sernam SA.

Ainsi, le 1er janvier 2006, la société Sernam Transport Route a quitté le groupe Sernam pour devenir Aster Réseau Transport, ci-après « la société Aster ».

Par jugement du 25 septembre 2006, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une période d'observation de six mois au profit de la société Aster.

Par ordonnance du 12 février 2007, le juge commissaire a autorisé le licenciement de 104 salariés.

Par jugement du 25 mars 2008, le tribunal de commerce de Pontoise a arrêté un plan de redressement avec continuation.

En mars 2008, la société Sernam Express a racheté la société Aster.

En mai 2011, la société Sernam Express a fait apport de la marque Sernam à sa filiale opérationnelle la société Sernam Services.

Le 30 juin 2011, la société Sernam Express a été dissoute et la société Financière Sernam, associée unique, a absorbé son patrimoine par transmission universelle de patrimoine.

A partir de ces opérations, le groupe Sernam a été composé de la société Financière Sernam, de la sociétés Sernam Services et de la société Aster.

Par jugement du 31 janvier 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert deux procédures de redressement judiciaire au bénéfice de la société Financière Sernam et de la société Sernam Services.

Par jugement du 3 février 2012, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de liquidation judiciaire sans période d'observation au bénéfice de la société Aster, autorisant la poursuite de l'activité jusqu'au 3 mai 2012, désignant Me [S] en qualité d'administrateur judiciaire et a nommé Me [J] en qualité de mandataire judiciaire.

Le mandataire liquidateur de la société Aster a prononcé le licenciement des salariés.

A l'occasion de la filialisation par la SNCF de l'intégralité de l'activité Sernam, le 11 avril 2000, un protocole d'accord a été conclu entre la SNCF et les organisations syndicales, portant sur 'les conditions sociales du changement de statut juridique du Sernam' et instituant des garanties au profit de diverses catégories de salariés :

- pour les salariés titulaires d'un contrat de travail avec la SNCF et transférés dans la nouvelle société Sernam : garantie de réintégrer la SNCF dans un délai de trois ans ; au-delà du délai de trois ans vu ci-avant, et pendant les trois ans qui suivaient, la SNCF devait faire une offre de reclassement dans ses établissements ou ses services ou encore dans le groupe SNCF aux salariés soumis à la réglementation PS25 avant leur transfert dans la nouvelle société Sernam, qui seraient concernés par des mesures de réorganisation et de suppression d'emplois ;

- pour les salariés titulaires de contrats de travail conclus avec la société Sernam Transports ou ses filiales : possibilité de réintégrer la SNCF pour les agents du cadre permanent dans les mêmes conditions que ci-avant. Pour les autres salariés de Sernam Transport ou de ses filiales : garantie exceptionnelle de reclassement à la SNCF ou dans une entreprise du groupe SNCF au cas où ils seraient concernés par des mesures de suppression d'emplois, sauf en cas de licenciement prononcé pour des raisons disciplinaires ou pour inaptitude physique. Cette garantie était valable trois ans après le transfert des personnels dans la nouvelle société Sernam.

Le protocole d'accord du 11 avril 2000 est entré en vigueur le 1er mai 2000.

Par avenant du 15 mai 2003, les garanties ont été prorogées jusqu'au 11 avril 2006, pour tous les salariés de la Sernam atteints par une mesure de restructuration et dont l'emploi pouvait être menacé.

Le 12 juillet 2005, la direction de la SNCF, lors d'une réunion du comité central d'entreprise, s'est engagée unilatéralement à proroger jusqu'au 30 avril 2009 les possibilités de reclassement au sein du groupe SNCF, selon les catégories des salariés.

Par requête du 25 avril 2013, M. [M], salarié de la société Aster, a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester son licenciement.

SUR CE,

Sur la demande de jonction :

L'article 367 du code de procédure civile prévoit que le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs.

En l'espèce, il n'est pas de l'intérêt d'une bonne justice de juger ensemble les affaires inscrites sous les numéros de RG suivants : 16/04795 - 16/04797 - 16/04798 - 16/04799 - 16/04800 - 16/04801 - 16/04802 - 16/04806 - 16/04809 - 16/04811 - 16/04830 à 16/04834 - 16/04836 à 16/04841 - 16/04848 à 16/04853 16/04855 à 16/04861 - 16/04865 - 16/04867 - 16/04904 - 16/04987.

La demande de jonction sera donc rejetée.

Sur la mise hors de cause de Me [S] :

A juste titre, Me [S], ès qualités d'administrateur de la société Aster, demande sa mise hors de cause, sa mission ayant nécessairement pris fin le jour de la cessation de la poursuite d'activité d'Aster autorisée par le tribunal de commerce de Nanterre le 3 mai 2012.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis Me [S] hors de cause.

Sur l'irrecevabilité des demandes formulées :

Me [K] et Me [J], ès qualités de mandataires liquidateurs de la société Aster, soutiennent qu'en cas de liquidation, les créances ne peuvent qu'être fixées au passif de la société Aster. Ainsi, ajoutent-ils, les demandes de condamnations formulées son irrecevables.

L'AGS CGEA Ile-de-France Ouest, s'associant à Me [K] et Me [J], explique que la présente action ne peut conduire à leur condamnation directe mais uniquement à la fixation d'une créance salariale au passif de la société Aster. L'AGS CGEA Ile-de-France Ouest ajoute à titre subsidiaire que le législateur a posé un principe de plafonnement de la garantie, déterminée en fonction de l'ancienneté du salarié au regard de la date du jugement d'ouverture de la procédure collective.

L'article L. 622-21 du code de commerce dispose que « I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.-Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus. »

En l'espèce, il n'est pas discuté que la société Aster a fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

Par application des dispositions susvisées, la demande tendant à la « condamnation » des mandataires liquidateurs ès qualités, est irrecevable et doit s'analyser comme une demande de fixation au passif.

Sur la demande principale de M. [M] dirigée contre la société Aster :

Sur la compétence de la cour :

La société Aster fait valoir que les demandes de M. [M] dirigées contre la SNCF sont fondées sur les dispositions des articles 1134, 1135 et 1382 du code civil pour en déduire que l'appelant aurait dû saisir le tribunal de grande instance de Nanterre.

Il ne peut qu'être constaté que ce moyen concerne les demandes formées à titre subsidiaire à l'encontre de l'EPIC SNCF Mobilité et non à titre principal à son encontre. L'appelant étant salarié de la société Aster, la compétence du conseil de prud'hommes pour traiter ses demandes principales n'est pas contestable au regard de l'article L. 1411-1 du code du travail qui dispose « le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti. »

De là suit que le conseil de prud'hommes de Nanterre avait bien compétence pour connaître de la demande de M. [M] contre la société Aster. L'exception d'incompétence soulevée par la société Aster sera donc rejetée.

Sur le fond :

M. [M] soutient que le protocole d'accord du 11 avril 2000, dans son article 2-I, avait pour objet d'instituer une garantie d'emploi au bénéfice des salariés de la société Sernam et de la société Sernam Transport Route. Il ajoute que cette garantie de reclassement a été prolongée jusqu'au 11 avril 2006 par plusieurs avenants et que la direction de la SNCF a pris l'engagement de proroger les garanties instituées jusqu'en avril 2009.

M. [M] précise qu'étant lié à la date du 1er mai 2000 par un contrat à durée indéterminée à l'une des entités de Sernam Transport, la société Aster entrant dans le champ d'application de l'accord du 11 avril 2000, il devait bénéficier de la garantie de reclassement. Il s'appuie sur la notion d'équité contractuelle prévue à l'article 1135 ancien du code civil qui, selon lui, le rend éligible au bénéfice d'un accord qui, dans les circonstances de l'espèce, doit continuer à s'appliquer, sauf à défier la morale en ce que dès 2006 tout le monde savait que les salariés de la société Aster pouvaient être concernés par des mesures de suppression d'emploi.

Surtout, M. [M] affirme que la SNCF s'est engagée à respecter cette garantie d'emploi attachée au changement de statut juridique du Sernam jusqu'au 11 avril 2013 et que la société Aster aurait dû mettre en 'uvre tous les moyens à sa disposition pour contraindre la SNCF à appliquer la garantie de reclassement, ce qui a privé son licenciement d'une cause réelle et sérieuse.

Me [K] et Me [J], ès qualités de mandataires liquidateurs de la société Aster, soutiennent que le protocole d'accord du 11 avril 2000 ayant fait l'objet de plusieurs avenants, n'était valable que jusqu'en avril 2009. Or, précisent-ils, la société Aster n'avait aucune obligation particulière de faire respecter un accord arrivé à terme depuis plus de trois ans avant la liquidation judiciaire.

Suivant l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans des entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

La question à résoudre est celle de savoir si M. [M] pouvait toujours prétendre à une garantie de reclassement lors de son licenciement.

Il n'est pas discuté qu'il a été licencié après le 30 avril 2009.

Il ressort des pièces 16 à 19 de M. [M] que la SNCF s'est engagée, en 2009, à réintégrer en son sein les agents du cadre permanent de la SNCF ainsi que les salariés ex-PS25 de la SNCF en poste à la Sernam. En effet, une convention-cadre prévoyant cette réintégration, datée du 20 mai 2009, a été conclue entre la SNCF et la SERNAM Xpress et stipulait : « sans qu'aucune prolongation ne soit envisageable, les effets de ces dispositions se poursuivront jusqu'au 11 avril 2013 au profit des agents du cadre permanent mis à disposition et des « ex-PS25 ». » (cf. pièce 19).

M. [M] n'établit ni qu'il était cadre permanent de la SNCF ni qu'il était à la disposition de la Sernam, devenue Aster, en qualité d'ex-PS25.

Il en résulte qu'il n'était pas éligible à la prolongation de garantie jusqu'au 11 avril 2013, l'engagement de garantie ayant cessé à son égard le 30 avril 2009.

Pour estimer que les obligations nées de l'accord du 11 avril 2000 se poursuivaient au-delà du 30 avril 2009, M. [M] se fonde sur l'équité et invoque l'article 1135 du code civil qui, dans sa version applicable au présent litige, dispose que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.

Toutefois, l'équité ne permet pas au juge de porter atteinte à l'intangibilité des conventions et il résulte des termes mêmes de l'accord du 11 avril 2000 que, dès l'origine, il a organisé une garantie de réintégration et de reclassement limitée dans le temps.

Le terme de l'engagement de la SNCF fixé en dernier lieu au 30 avril 2009 pour certaines catégories de salariés ne peut, sans dénaturer l'accord des parties être prorogé fut-ce pour des raisons tirées de l'équité, le juge n'ayant pas le pouvoir de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les cocontractants.

Il en résulte que la société Aster ne pouvait, lors du licenciement de M. [M] envisager son reclassement en sollicitant la SNCF, sur la base d'un accord qui était arrivé à échéance et qui ne trouvait donc plus à s'appliquer.

Le grief tiré de la méconnaissance, par l'employeur, de son obligation de reclassement ne peut donc prospérer.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [M] de ce chef de demande. Il convient donc d'examiner la demande subsidiaire que M. [M] forme à l'encontre de la SNCF.

Sur la demande subsidiaire de M. [M] dirigée contre la SNCF :

Sur la compétence de la cour :

M. [M] met en cause la SNCF sur le fondement de l'article 331 du code de procédure civile, en tant que tiers à la procédure.

L'EPIC SNCF Mobilités soutient que M. [M] n'a jamais été lié à la SNCF par un contrat de travail, aucun lien étroit n'ayant subsisté entre la SNCF et la société Aster. C'est donc, selon l'EPIC SNCF Mobilités, le tribunal de grande instance de Bobigny qui est compétent, son siège social étant situé en Seine Saint-Denis.

L'EPIC SNCF Mobilités expose ainsi ne pas être visé comme employeur par l'action du salarié, mais comme un tiers dont l'engagement était de rechercher un reclassement. Or, précise l'EPIC SNCF Mobilités, la juridiction sociale n'a pas à connaître de cette action, excluant l'application de l'article 331 du code de procédure civile sur lequel se fonde M. [M].

Comme il a été rappelé plus haut, l'article L. 1411-1 du code du travail dispose que « le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti. »

L'article 331 du code de procédure civile prévoit qu'un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal. Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement. Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense.

Cet article est inséré dans le chapitre du code de procédure civile consacré à l'intervention forcée. Il ne trouve pas application au cas d'espèce s'agissant de demandes introduites simultanément contre deux défendeurs (la société Aster et l'EPIC SNCF Mobilité) dans l'instance principale.

M. [M] forme sa demande à l'encontre de la SNCF à l'occasion de son contrat de travail avec la société Aster mais dans le cadre de l'engagement pris par la SNCF le 11 avril 2000 pour accompagner le changement du statut juridique du Sernam. Cette circonstance constitue un lien suffisant entre l'exécution du contrat de travail du salarié et la SNCF pour donner compétence au conseil de prud'hommes de Nanterre.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence.

Sur le fond :

M. [M] forme sa demande de dommages et intérêts contre la SNCF en se fondant sur les articles 1134 et 1135 du code civil aux motifs que la SNCF a manqué à son obligation de garantie de reclassement.

Ainsi qu'il a été jugé plus haut, M. [M] n'est pas concerné par l'engagement de la SNCF pris le 20 mai 2009, cet engagement ne concernant que les anciens salariés de la SNCF (soit les agents du cadre permanent mis à disposition soit les « ex-PS-25 » c'est-à-dire les agents contractuels de la SNCF ne relevant pas du statut) au rang desquels ne figure pas M. [M] qui n'était pas un ancien salarié de la SNCF. Dès lors, le seul accord qui puisse être appliqué à M. [M], entré au service de la société Aster avant le 1er mai 2000, est celui du 11 avril 2000 expirant le 30 avril 2009.

L'article 1135 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, dispose que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.

Il a été jugé ci-avant que l'équité ne permet pas au juge de porter atteinte à l'intangibilité des conventions. L'accord du 11 avril 2000, invoqué par M. [M] s'appliquait jusqu'au 30 avril 2009 sans pouvoir trouver application postérieurement. Il n'est pas contesté que M. [M] a été licencié postérieurement au 30 avril 2009. Il ne peut donc prétendre à l'application d'un accord qui a expiré.

Il en résulte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande indemnitaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [M], qui succombe, supportera les dépens de la présente procédure d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles qu'elle a exposé pour sa défense.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Rejette la demande de jonction,

Rejette les exceptions d'incompétence,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Dit n'y avoir lieu de condamner M. [M] au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [M] aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et Madame Corinne Delannoy, greffière.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/04795
Date de la décision : 03/07/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-03;16.04795 ?
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