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25/06/2019 | FRANCE | N°18/01863

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 25 juin 2019, 18/01863


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



DP

Code nac : 56C



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 JUIN 2019



N° RG 18/01863 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SIC7



AFFAIRE :



[J] [P]





C/

SA MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISKS

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 13 Février 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 5

N° Section : >
N° RG : 2013F01881



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

DP

Code nac : 56C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 JUIN 2019

N° RG 18/01863 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SIC7

AFFAIRE :

[J] [P]

C/

SA MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISKS

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 13 Février 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 5

N° Section :

N° RG : 2013F01881

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [J] [P]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20180298 - Représentant : Me Julien COMBIER de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de LYON

par Me DESMORTREUX

APPELANT

****************

SA MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISKS

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - Représentant : Me Philippe GLASER de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010

par Me KALFON

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la société COVEA RISKS

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - Représentant : Me Philippe GLASER de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010

par Me KALFON

SARL AFC PATRIMOINE

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - Représentant : Me Philippe GLASER de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J010

par Me KALFON

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Mai 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [P] a souhaité bénéficier d'une réduction d'impôt et, pour ce faire, s'est adressé à la société AFC Patrimoine ("AFC"), conseiller en gestion de patrimoine dans les domaines financiers et immobiliers.

La société AFC conseille ses clients afin d'optimiser fiscalement la gestion de leur patrimoine et propose des produits de défiscalisation.

La société Covea Risks aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles (ci-après les sociétés MMA), est l'assureur de responsabilité civile professionnelle de la société AFC.

Le 1er septembre 2008,M. [P] a signé un mandat confiant à la société AFC la recherche, pour son compte, et la présentation avant le 31 décembre 2008, d'un projet d'investissement à réaliser, dans le cadre des dispositions du code général des impôts relatives à l'aide fiscale à l'investissement dans les départements et territoires d'outre-mer (dispositif Girardin).

La société AFC a présenté à M.[P] une opération de défiscalisation conçue par la société DOM TOM Défiscalisation ("DTD"), consistant à acquérir, par l'intermédiaire de sociétés en participation ("SEP"), géré par la société DTD, des matériels photovoltaïques auprès de la société Lynx Industries. Ces matériels, financés à 40 % par les fonds des et pour le solde par un crédit fournisseur, sont loués à des entreprises situées dans les départements et territoires d'outre-mer pour une durée minimale de cinq ans et dans les conditions fixées par la loi "Girardin industrie".

Le 7 octobre 2008, M.[P] a signé un dossier de souscription pour l'opération DTD pour un montant de 70'000 €. Il a déclaré une réduction d'impôt correspondante de 105'840 € au titre de son imposition sur le revenu de l'année 2008.

Le 7 novembre 2011, l'administration fiscale lui a notifié une rectification fiscale d'un montant de 128'701 €, contestant la réalité des investissements, relevant la disproportion manifeste entre les fonds collectés et les investissements effectifs, ces derniers ne répondant pas à la condition de fonctionnement autonome.

Le 13 décembre 2012, M. [P] s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction dans le cadre de l'information judiciaire ouverte à l'encontre de M. [R], dirigeant des sociétés DTD et Lynx Industries, pour escroquerie, abus de biens sociaux, faux et usage de faux.

Le 5 mars 2013, M. [P] a mis en cause la responsabilité de la société AFC pour défaut de conseil, la mettant en demeure, vainement, de l'indemniser de son préjudice évalué à la somme de 156'721 €.

Par actes 11 avril 2013, M. [P] a assigné devant le tribunal de commerce de Nanterre la société AFC et son assureur afin d'obtenir réparation du préjudice subi correspondant à la perte de la réduction fiscale pour l'année 2008.

Par jugement du 13 février 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- retenu la responsabilité professionnelle de la société AFC pour manquement à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde, et dit qu'elle a commis une faute à l'encontre de M. [P],

- condamné, solidairement, la société AFC et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covéa Risks, à payer à M. [P], la somme de 32'916 €, le déboutant du surplus de sa demande,

- condamné, solidairement, la société AFC et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covéa Risks, à payer à M. [P], la somme 4000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 16 mars 2018 par M. [P] à l'encontre de la société AFC et des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, en ce que le jugement a condamné solidairement la société AFC et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covéa Risks, à payer à M. [P], la somme de 32'916 €, le déboutant du surplus de sa demande,

Vu les dernières conclusions notifiées 15 juin 2018 par lesquelles M. [P] demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1134, 1135 et 1147 du Code Civil,

Vu les dispositions des articles L 341-3 et suivants du Code monétaire et financier,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il retient la qualité de conseil en investissements financiers de la société AFC Patrimoine à l'occasion de la commercialisation du produit Dom Tom DDéfiscalisation,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il constate les manquements de la société AFC Patrimoine à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il constate le préjudice subi en lien direct avec ces manquements,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il constate l'application de la garantie en responsabilité civile professionnelle souscrite par la société AFC Patrimoine auprès de son assureur, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la société Covéa Risks,

- réformer le jugement déféré s'agissant du quantum de préjudice alloué à Monsieur [P],

Statuant à nouveau

- condamner solidairement la société AFC Patrimoine ainsi que son assureur, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la société Covéa Risks, à indemniser l'entier préjudice subi par Monsieur [P] lequel s'élève à la somme de 156 721 € outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 5 mars 2013,

- condamner solidairement la société AFC Patrimoine ainsi que son assureur, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la société Covea Risks, au règlement de la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile

- condamner solidairement la société AFC Patrimoine ainsi que son assureur, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks, aux entiers dépens d'instance, dont distraction au profit de Maître Oriane Dontot, AARPI ' JRF AVOCATS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions communes notifiées le 10 avril 2019 par lesquelles les société AFC Patrimoine, MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles sollicitent de la cour :

Vu l'article 1231-1 du code civil

Vu l'article L.112-6 du code des assurances

- constater que la société AFC Patrimoine n'a commis aucune faute à l'égard de Monsieur [P];

- constater que les préjudices allégués par Monsieur [P] ne sont pas établis ;

En conséquence,

- infirmer le jugement du 13 février 2018 en ce qu'il a constaté l'existence d'un manquement de la société AFC Patrimoine ;

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société AFC Patrimoine et MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la société Covéa Risks.

En tout état de cause

- donner acte aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles que le contrat d'assurance responsabilité professionnelle souscrit par la société AFC Patrimoine auprès de Covéa Risks prévoit une franchise contractuelle s'élevant à la somme de 15.000 € qui devra être déduite de toute éventuelle condamnation prononcée à l'encontre des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ;

En conséquence,

- infirmer le Jugement du 13 février 2018 en ce qu'il a jugé que la franchise contractuelle ne s'applique pas ;

- condamner Monsieur [P] à payer à la société AFC Patrimoine et aux sociétés MMA et MMA IARD Assurances Mutuelles chacune la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [P] aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 avril 2019.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur le statut de conseil en investissement financier de la société AFC Patrimoine

La société AFC affirme être intervenue en qualité d'intermédiaire dans le cadre d'un contrat de courtage, et non en qualité de conseil en investissement financier (ci-après CIF) comme l'a jugé le tribunal, de sorte que l'on ne peut lui reprocher de manquements au titre de ce statut.

M. [P] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu à la société AFC la qualité de CIF.

Sur ce

En application de l'article L.541-1 I du code monétaire et financier, modifié par l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007 et l' ordonnance n°2007-1490 du 18 octobre 2007, applicable au présent litige, ' I. - Les conseillers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle les activités suivantes :

1° Le conseil en investissement mentionné au 5 de l'article L. 321-1 ;

2° Le conseil portant sur la réalisation d'opérations de banque mentionnées à l'article L. 311-1

3° Le conseil portant sur la fourniture de services d'investissement mentionnés à l'article L. 321-1

4° Le conseil portant sur la réalisation d'opérations sur biens divers définis à l'article L. 550-1".

Aux termes de l'article L550-1 alinéa 1 du code monétaire et financier, modifié par la loi n°2003-706 du 1 août 2003 et applicable au présent litige: ' est soumise aux dispositions des articles L. 550-2, L. 550-3, L. 550-4, L. 550-5 et L. 573-8 :

1. Toute personne qui, directement ou indirectement, par voie de publicité ou de démarchage, propose à titre habituel à des tiers de souscrire des rentes viagères ou d'acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n'en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat offre une faculté de reprise ou d'échange et la revalorisation du capital investi ;

2. Toute personne qui recueille des fonds à cette fin ;

3. Toute personne chargée de la gestion desdits biens'.

Ainsi, aux termes de l'article L. 541-1 I 4° du code monétaire et financier, sont, notamment, considérés comme conseillers en investissements financiers les personnes exerçant, à titre de profession habituelle, le conseil portant sur la réalisation d'opérations conduisant à l'acquisition de parts sociales de société sans que l'investisseur en assure la gestion.

Des conventions passées entre M.[P] et la société DTD, partie prenante au montage de l'opération, (notamment le "Dossier de présentation DTD " du 7 octobre 2008, régularisé le 14 décembre suivant, et ses trois annexes : mandat de recherche, engagement de libération d'apport, convention d'exploitation en commun et son avenant numéro I) proposées à M. [P] par la société AFC en application du "Contrat de partenariat" du 23 septembre 2008, signé entre cette dernière et la société Axium Conseil, la cour constate que si en sa qualité d'associé des SEP, M. [P] était titulaire d'un droit à une fraction de l'actif à partager, celui-ci était subordonné à la constitution d'une masse indivise destinée à l'acquisition du matériel de production d'électricité avec pour objet le bénéfice d'une réduction d'impôt et déterminée d'après le réemploi de l'investissement de chaque associé sans pouvoir de gestion de ceux-ci.

Il se déduit des termes de ces conventions que l'opération poursuivait l'acquisition de droits sur des biens mobiliers au sens de l'article L. 550 I. 1° du code monétaire et financier de sorte que la société AFC a agi en qualité de conseiller en investissement financier (CIF).

La cour observe, enfin, que l'extrait K bis de la société AFC, immatriculée le 18 juillet 2006, soit peu de temps avant les investissements litigieux, mentionne comme activité : "Conseil en investissements financiers et immobiliers, conseil pour la gestion et les affaires, conseil en gestion du patrimoine, démarchage bancaire et financières [sic]".

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que la prestation offerte par la société AFC entrait dans le champ d'application du conseil en investissement financier et que cette dernière avait agi en cette qualité, de sorte que les dispositions du code monétaire et financier lui sont applicables.

2- Sur l'obligation d'information et de conseil de la société AFC

M. [P] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la société AFC avait manqué à son obligation de formation, de conseil et de mise en garde en sa qualité de CIF. Il soutient que la société AFC a manqué à cette obligation au regard des règlements de l'AMF, du code monétaire et financier et de la réglementation de la Chambre des Indépendants, en présentant un produit faussement sécurisé et trompeur.

Pour écarter tout manquement à ses obligations d'information et de conseil, la société AFC soutient, avec ses assureurs, qu'elle a agi en qualité de courtier et non de CIF. Elle s'est assurée de la fiabilité du produit "DTD" et de sa conformité à la réglementation qui lui est applicable. Elle ne peut être tenue responsable de l'échec des opérations de défiscalisation litigieuses, résultant des manquements de la société DTD, liés au comportement délictueux de l'un des acteurs de l'opération.

Sur ce,

Il résulte de l'article L. 533-12 du code monétaire et financier applicable à tous les prestataires de services d'investissement que : I. toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d'investissement à des clients présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles ; que : II. les prestataires de services d'investissement communiquent à leurs clients les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d'investissement et du type spécifique d'instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause.

L'article 325-4 du règlement de l'AMF applicable aux CIF (le Réglement) prévoit l'obligation pour le conseiller en investissements financiers de soumettre à son client une lettre de mission établie selon un modèle élaboré par l'association à laquelle il appartient.

L'article 325-5 du Règlement dispose que toutes les informations, y compris à caractère promotionnel, adressées par un conseil en investissements financiers, présente un caractère exact, clair et non trompeur.

Il a été constaté précédemment que la société avait agi dans le cadre du statut de CIF et non de simple courtier de sorte que la société AFC est tenue de respecter les obligations imposées par ce statut.

La responsabilité de la société AFC n'est pas recherchée pour des manquements, avérés ou non, imputables au monteur de l'opération de défiscalisation ou à ses intermédiaires, ou encore au titre du mécanisme de la loi Girardin, mais au titre de son obligation d'information et de conseil liée à son statut de conseiller financier de sorte que ce moyen ne peut être accueilli.

La société AFC déclare s'être assurée du sérieux de l'opération du produit "DTD" en disposant de consultations d'avocats spécialistes, et ce en amont de la proposition du produit à M. [P].

A cet égard, elle expose avoir obtenu de la société DTD à plusieurs reprises, les consultations d'un conseil (Me. [Y]) spécialiste en droit fiscal, avocat du cabinet Acta Antilles, et qui a garanti, la validité et l'éligibilité du programme de défiscalisation de la société DTD : « l'ensemble des documents souscripteurs exploitant (....) sont en adéquation avec la réglementation Girardin industrielle et permettent une défiscalisation sécurisée"...." le risque est théorique car Lynx Industries, se substitue à l'exploitant" (consultation du 12 mars 2007).

Toutefois, la cour relève que la consultation établie le 12 mars 2007à la demande de la société DTD se limite à une analyse de conformité des documents souscripteurs et exploitants du produit "DTD", "actualisés, corrigés et validés" par ce conseil ce qui ne garantit pas une indépendance critique. Elle fait état d'un seul risque lié à la défaillance de l'exploitant considéré comme "quasiment nul" sans approfondir les conditions d'éligibilité à la déduction fiscale du point de vue de l'investisseur et les risques associés.

La société AFC pouvait relever ces éléments à la seule lecture.

Les intimées citent dans leurs écritures certains extraits de cette consultation, et notamment la phrase suivante : « après une analyse de l'existant, des textes de loi et de la jurisprudence, le montage dit « Girardin Industriel » tel que décrit, présente, à mon sens, une cohérence de légalité fiscale ('.). Le process, tel que présenté, et sous réserve du respect des règles juridiques, comptables et fiscales, remplit les conditions d'application de la défiscalisation dite « Girardin ».

Le seul fait que l'avocat consulté affirme que l'opération remplit les conditions d'application de la défiscalisation.... « sous réserve du respect des règles juridiques, comptables et fiscales » démontre que ce dernier n'a souhaité prendre aucun engagement quant à la validité de cette opération.

Ces consultations, en ce qu'elles sont rédigées à la demande même de la société qui réalise l'opération de défiscalisation, ne permettent pas de s'assurer de l'impartialité de leur rédacteur (avocat, et donc défenseur de son client), et donc du sérieux de l'opération. La société Dom Tom Défiscalisation avait en effet un intérêt évident à produire des consultations validant l'opération proposée, et ne les aurait pas produites si celles-ci avaient fait l'objet de réserves.

La société AFC ne peut dès lors soutenir avoir procédé à la vérification du sérieux de l'opération sur le fondement de cette consultation qui n'est qu'une description sommaire du processus, sans aucune vérification sur place, notamment de l'achat et de l'installation du matériel, de la solvabilité et de la fiabilité des exploitants des centrales.

La société AFC affirme avoir respecté son obligation d'information en fournissant une documentation claire, sans caractère trompeur, et qu'elle a respecté son obligation de conseil, le montage étant conforme aux objectifs de M. [P], faisant valoir qu'elle n'est pas tenue à une obligation de résultat.

Toutefois, la preuve que la société AFC a dressé et fait signer la lettre de mission à M. [P] dans les conditions prescrites à l'article 325-4 du Réglement, n'est pas établie. Il en va de même du rapport écrit prévu par l'article 325-7 1° et 2° du Règlement. Il apparaît ainsi que la société AFC, commissionnée sur le volume des investissements par un des opérateurs de la défiscalisation, a limité son intervention à la remise d'une documentation préétablie par cet opérateur (la société Lynx Finances), sans y apporter sa propre contribution de conseil, notamment, une analyse des avantages et des risques en fonction des objectifs de M. [P].

En outre, le dossier de présentation remis à M. [P] n'appelait pas précisément l'attention sur les risques éventuels de l'opération liés à l'appréciation a posteriori de la déductibilité des investissements par l'administration fiscale, conduisant à une éventuelle remise en cause de l'opération, mais au contraire mentionnait que ".....l'objectif de DTD, avec les produits financiers industriels qu'elle monte en SEP est le risque zéro pour les qui désirent bénéficier des avantages fiscaux apportés par la Loi Paul-Girardin Industrielle....".

Ainsi, il se déduit de ce qui précède que l'information due par la société AFC à M. [P] n'était pas claire et était trompeuse sur la condition essentielle au bénéfice de l'avantage fiscal et qu'à défaut de recherche professionnelle de renseignement sur les conditions d'éligibilité du produit d'investissement, elle ne permettait pas à M. [P] d'apprécier les risques que la proposition comportait sur son objectif personnel en matière d'investissements, en contravention avec les articles 325-5 et 325-7 1° et 2° du Règlement.

La décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'ils ont retenu le manquement de la société AFC à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde à l'égard de M. [P] engageant sa responsabilité de sorte qu'elle est tenue de réparer le préjudice éventuellement subi par ce dernier.

3 - Sur le préjudice réparable

M. [P] fait valoir l'existence d'un lien de causalité entre la faute de la société AFC et le préjudice qu'il a subi constitué de la réduction d'impôt escomptée, à laquelle s'ajoute les intérêts et pénalités de retard. Il complète ce préjudice des frais exposés pour faire valoir ses droits ainsi qu'un préjudice moral lié au tracas de la procédure.

Pour s'opposer à la demande de réparation, la société AFC fait valoir que le paiement de l'impôt ne constitue pas un préjudice indemnisable, que M. [P], constitué partie civile dans l'instance ayant donné lieu au jugement du 24 février 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Paris, confirmé par la cour d'appel le 7 mai 2018, notamment sur le principe et le montant des dommages et intérêts accordés, ne saurait être indemnisé deux fois, que le préjudice ne constitue qu'une perte de chance à le supposer établi, que ni le préjudice ni les frais réclamés ne sont justifiés qu'en l'absence de faute de la société AFC, les demandes à l'encontre des sociétés MMA doivent être rejetées, que, le cas échéant, la franchise de 15'000 euros est opposable à M. [P] contrairement à ce qu'a jugé le tribunal.

Sur ce,L'article 1147 ancien du code civil stipule que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise soit sa part.

La réparation du préjudice suppose qu'un lien de causalité soit établi entre la faute et le dommage.

* sur le lien de causalité et le principe de la réparation du préjudice

Il a été démontré que la société AFC avait manqué à son obligation de conseil. Ainsi que le fait observer M. [P], une information et un conseil pertinents de la société AFC l'auraient conduit à ne pas souscrire à ces investissements, ce qui suffit à caractériser le lien de causalité entre les manquements et le préjudice.

Il est de principe constant qu'aucun préjudice ne peut découler du paiement auquel le contribuable était légalement tenu et que le paiement de l'impôt mis à sa charge à la suite d'un redressement fiscal ne constitue pas un dommage indemnisable. Il en va différemment lorsqu'il est établi que, dûment informé par son conseil, le client contribuable n'aurait pas été exposé au paiement de l'impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre, que tel est le cas en l'espèce.

La demande de M. [P] a, en effet, pour objet la réduction de l'impôt correspondant aux investissements dont il a été privé en raison des manquements de la société AFC, et non le montant de l'impôt calculé sur la base de ses revenus soumis à l'impôt, de sorte que le préjudice revendiqué à ce titre par M. [P] est indemnisable.

La reconnaissance de la responsabilité de la société AFC ainsi que sa garantie par ses assureurs est indépendante de celle, personnelle, du monteur de l'instrument de défiscalisation, (M.[R]) de sorte qu'aucun obstacle de droit ne s'oppose pour M. [P] à voir les deux condamnés, à charge pour lui de dénoncer loyalement à chacune des parties les sommes qu'il a pu recevoir d'elles, tout litige sur ce point relevant de la compétence du juge de l'exécution.

Enfin, il se déduit des manquements à l'information et au conseil retenus dans les motifs adoptés ci-dessus que, dès l'origine du contrat, M. [P] ne pouvait espérer aucune exécution de celui-ci, ce dont il résulte qu'en application du principe de la réparation intégrale, sollicité en réalité par M. [P] plutôt que la réparation d'une perte de chance, celui-ci est bien fondé à réclamer la contre-partie des sommes redressées par l'administration fiscale, à condition d'en justifier.

* sur le quantum du préjudice et la garantie des assureurs

M. [P] réclame un préjudice correspondant aux sommes suivantes :

- 105'840 € correspondant au montant de la réduction d'impôt ;

- 12'277 € au titre des intérêts de retard ;

- 10 584 € au titre d'une majoration de 10 % ;

- 1 800 € à titre de frais et honoraires de défense par un avocat fiscaliste ;

- 100 € au titre de la cotisation à l'ADIGIP ;

- 26'120 € en réparation du préjudice moral, soit 20 % des sommes précédentes.

M. [P] ne caractérise pas le préjudice moral qu'il allègue, et ne produit aucun élément à l'appui de sa demande en réparation de ce préjudice, de sorte que celle-ci sera rejetée. Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.

Par ailleurs, les frais réclamés ne sont pas distincts de ceux que M. [P] a pu exposer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sorte qu'ils doivent être rejetés. Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Il a été démontré que la responsabilité civile professionnelle de la société AFC était engagée, de sorte que les sociétés MMA ne peuvent échapper à leur garantie.

Il convient donc de condamner solidairement la société AFC et ses assureurs au paiement de la somme de 105 840 euros au titre de la réduction d'impôt 2008, dont l'administration fiscale a demandé le paiement avec les intérêts de retard de 12 277 euros, la majoration de 10% s'élevant à 10 584 euros, soit la somme totale de 128 701 euros dont M.[P] justifie le paiement.

Il résulte de l'article L. 112-6 du code des assurances que l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire. Il convient donc de faire application de la franchise à hauteur de 15.000 euros, de sorte que la condamnation des assureurs est prononcée dans la limite de la franchise. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué à M.[P] la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens en première instance.

La société AFC et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles seront condamnées aux dépens d'appel in solidum.

La société AFC et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles seront condamnées in solidum à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 13 février 2018 par le tribunal de commerce de Nanterre du 13 février 2018 en ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé le préjudice de M. [P] à la somme de 32 916 euros,

Et statuant à nouveau,

Condamne solidairement la société AFC Patrimoine et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, ces dernières dans la limite de la franchise de 15.000 euros, à payer à M. [P] la somme 128 701euros avec application du taux légal à compter de la mise en demeure notifiée le 8 mars 2013,

Rejette toutes autres demandes,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société AFC et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à M. [P] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société AFC et les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 18/01863
Date de la décision : 25/06/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°18/01863 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-25;18.01863 ?
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