COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51A
1re chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 JUIN 2019
N° RG 17/06739 - N°
Portalis
DBV3-V-B7B-R2FO
AFFAIRE :
[O] [L]
...
C/
[N] [C] épouse [L]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juillet 2017 par le Tribunal
d'Instance de GONESSE
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 1116001031
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 25/06/19
à :
Me Patricia MINAULT
Me Oriane DONTOT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [O] [L]
né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 1] - TURQUIE
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Monsieur [D] [L]
né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 3] - TURQUIE
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 2]
Monsieur [E] [L]
né le [Date naissance 3] 1977 à [Localité 3] - TURQUIE
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
APPELANTS ayant pour Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - Représentant : Me David BARIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1810
****************
Madame [N] [C] épouse [L]
née le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 4] (ARMENIE)
de nationalité Armenienne
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20180061 - Représentant : Me Yves DUPUIS, Plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 103
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mars 2019, Madame Isabelle BROGLY, présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Isabelle BROGLY, Président,
Madame Dominique DUPERRIER, Président,
Madame Lucile GRASSET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT
EXPOSE DU LITIGE
M. [O] [L], M. [D] [L] et M. [E] [L] sont propriétaires d'un bien immobilier sis [Adresse 4].
Par acte d'huissier de justice en date du 21 octobre 2016, MM [L] ont fait assigner Mme [N] [C] épouse de M. [E] [L] à comparaître devant le tribunal d'instance de Gonesse aux fins de voir constater la résiliation du bail et à titre subsidiaire son prononcé et d'obtenir sous le bénéfice de l'exécution provisoire:
- son expulsion des lieux loués avec si besoin le concours de la force publique sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
- le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers,
- sa condamnation au paiement de la somme de 18 036,64 euros au titre des loyers et charges impayés avec intérêts au taux légal,
- la fixation d'une indemnité mensuelle d'occupation jusqu'à libération des lieux loués, d'un montant égal de 2000 euros,
- sa condamnation au paiement de 10% de la somme due à titre de clause pénale soit 1823,78 euros au 1er septembre 2016,
- sa condamnation au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par jugement contradictoire en date du 28 juillet 2017, le tribunal d'instance de Gonesse a :
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Mme [C] épouse [L];
- débouté MM [L] de leur demande d'acquisition de la clause résolutoire,
- débouté MM [L] de leur demande de prononcé de la résiliation du bail,
- débouté MM [L] de leur demande d'expulsion,
- débouté MM [L] de leur demande en paiement à l'encontre de Mme [C] épouse [L],
- condamné Mme [C] épouse [L] au paiement à Messieurs [L] de la somme de 300 euros (trois cents euros) par mois à titre d'indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux loués,
- débouté MM [L] de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [C] épouse [L] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé à la charge de chacune des parties ses propres dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration en date du 12 septembre 2017, MM [L] ont relevé appel du jugement.
Aux termes de leurs conclusions transmises le 06 février 2019, MM [L] demandent à la cour de :
- les recevoir en leurs demandes,
- réformer le jugement rendu en première instance le 28 juillet 2017,
statuant à nouveau,
- constater acquise au profit de l'indivision la clause résolutoire visée dans le commandement du 1er juillet 2016, par application de l'article 24 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, subsidiairement,
- constater que la locataire a commis un manquement grave à ses obligations en ne payant aucun loyer, et prononcer la résiliation pure et simple, à ses torts, du bail,
en conséquence,
- prononcer l'expulsion de Mme [C] épouse [L] des lieux qu'elle occupe situés [Adresse 3]) ainsi que celle de tous occupants de son chef, en la forme ordinaire et avec l'assistance du commissaire de police et de la force publique si besoin est,
- ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux en tel garde- meubles qu'il plaira à la Cour de désigner, aux frais, risques et périls de Mme [C] épouse [L],
- condamner Mme [C] épouse [L] au paiement de l'arriéré locatif dû, soit la somme de 18.036,64 euros, augmentée des intérêts de droit à compter des présentes,
- condamner Mme [C] épouse [L] au paiement d'une somme de 2.000 euros mensuelle hors charges à compter du 1er septembre 2016, d'acquisition de la clause résolutoire jusqu'à parfaite libération des lieux, à titre d'indemnité d'occupation,
- condamner Mme [C] épouse [L] au titre de la clause pénale correspondant à 10 % de la totalité des sommes dues, soit 1823,78 euros au 1er septembre 2016,
à titre subsidiaire :
si la juridiction de céans considère que la preuve de l'existence d'un bail n'était pas rapportée par les co-indivisaires,
- condamner Mme [C] épouse [L] au paiement d'une indemnité d'occupation de 2.000 euros par mois hors charges à compter du 1er juin 2015, date de départ de l'occupation onéreuse retenue par la juridiction de céans dans son arrêt du 28 janvier 2016,
- condamner Mme [C] épouse [L] à verser à l'indivision la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens., dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL Patricia Minault agissant par Maître Patricia Minault, Avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions transmises le 18 février 2019, Mme [C] épouse [L] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 28 juillet 2017 en ce qu'il a débouté les consorts [L] de leur demande d'acquisition de clause résolutoire, de résiliation, d'expulsion et de demande en paiement,
- le réformer concernant l'existence d'un commodat,
subsidiairement :
- condamner solidairement M. [E] [L] avec Mme [L] au paiement de la créance locative et de l'indemnité d'occupation;
- accorder à Mme [C] épouse [L] les plus larges délais légaux, d'une durée de 36 mois afin de s'acquitter de la créance qui sera fixée;
- condamner les consorts [L] à payer à Mme [C] épouse [L] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile;
- les condamner aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le12 mars 2019.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour renvoie à leurs écritures.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'appel des consorts [L].
Au soutien de leur appel, [O], [D] et [E] [L] font valoir que :
- un bail d'habitation a été conclu le 1er décembre 2007 entre l'indivision [L] et M. [E] [L] portant sur un local à usage d'habitation sis [Adresse 5] devenu [Adresse 6], conclu pour une durée d'un an prenant effet à compter du pour se terminer le 31 novembre 2008,
- ce bail a été soumis aux dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, de sorte que la durée du bail est en réalité de 3 ans (en application des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989, article 10), soit du 1er décembre 2007 au 1er décembre 2010,
- ce bail a été renouvelé par tacite reconduction du 1er décembre 2010 au 1er décembre 2013, puis du 1er décembre 2013 au 1er décembre 2016,
- Mme [C] n'a pas signé le bail d'habitation du 1er décembre 2007 dans la mesure où elle n'était pas au domicile conjugal à cette époque, ayant tendance récurrente à abandonner le domicile conjugal,
- M. [E] [L] a toujours versé la somme de 1.200 euros par mois sur le compte de l'indivision [L],
- il est donc indéniable que l'occupation n'est pas à titre gratuit mais la contrepartie d'un loyer,
- il n'a jamais été convenu d'une occupation à titre gratuit des lieux,
- le juge de première instance a statué ultra petita, les parties n'ayant jamais eu l'intention de conclure un prêt à usage à titre gratuit,
- l'existence d'un bail d'habitation est caractérisé de sorte que la demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers est justifiée.
Mme [C] épouse [L] réplique que :
- dans toutes les pièces de la procédure devant le juge aux affaires familiales, qu'il s'agisse de conclusions ou des décisions, il n'a jamais été fait état que le domicile conjugal soit un bien loué aux époux,
- il a toujours été question d'une attribution gratuite ou onéreuse du domicile conjugal, bien propre de M. [E] [L], il a été même précisé que M. [E] [L] réglait les crédits se rapportant à l'acquisition de ce domicile, sans même qu'il soit fait état de la communauté existante,
- en outre, le bail n'a jamais été produit aux débats ni même évoqué tant devant le juge conciliateur que devant la Cour, statuant sur les mesures provisoires,
- le bail du 1er décembre 2007 n'a pas plus été porté à la connaissance de Mme [C] qui, au surplus ne l'a pas signé, il est subitement apparu dans la procédure à l'occasion de la délivrance des pièces devant l'instance du tribunal d'instance de Gonesse,
- la preuve formelle de l'existence de ce bail n'a pas été rapportée devant le premier juge, ni versé aux débats dans le cadre de la procédure de divorce dans laquelle la question du domicile conjugal et son occupation a pourtant été prépondérante,
- M. [E] [L] a toujours prétendu être propriétaire de ce bien et réglait avec les ressources de la communauté les deux crédits en cours,
- dès lors, il parait évident que ce bail a été créé de toutes pièces par l'indivision pour tenter de faire supporter à l'épouse le coût d'un loyer prohibitif et surtout son expulsion par le biais de l'application d'une clause résolutoire,
- devant la cour, il n'est pas davantage produit le moindre justificatif pouvant démontrer le règlement desdits loyers par le locataire, ni l'encaissement des loyers et leur déclaration fiscale,
- seuls quelques relevés de compte incomplets et ne justifiant rien; ont été produits en cours de délibéré,
- le bail litigieux doit lui être déclaré inopposable comme n'ayant jamais existé, sollicitant en outre sa nullité sur le fondement de l'article 1137 du code civil, dès lors que ce bail lui a été purement et simplement dissimulé et que s'il elle en avait eu connaissance, elle n'aurait pu, dès le prononcé de l'arrêt du 28 janvier 2016, se maintenir au domicile conjugal sans risquer de se voir opposer sa qualité d'épouse du locataire et les droits des co-indivisaires.
Elle ajoute encore que :
- l'acte de vente a bien été régularisé formellement le 10 novembre 2007 en sa présence, elle l'a signé, s'étant mariée avec M. [E] [L] le 22 septembre 2007,
- les époux n'étant pas divorcés, le remboursement du prêt immobilier est intervenu en tout état de cause pendant la durée du mariage, elle maintient que la question de l'occupation de ce bien qui représente le domicile conjugal doit être et sera posée dans le cadre des opérations de liquidation partage du régime matrimonial.
En application des dispositions des articles 442 et 445 du code de procédure civile, la cour a demandé aux conseils de chacune des parties de bien vouloir formuler leurs observations et ce, avant le 15 juin 2019, sur le moyen tiré du fait que le divorce de M. [E] [L] et de Mme [C] épouse [L] n'étant toujours pas prononcé, les mesures provisoires concernant l'attribution du domicile conjugal et les modalités de l'occupation prises par le juge aux affaires familiales par ordonnance rendue le 15 décembre 2014, confirmée par arrêt rendu le 28 janvier 2016, sauf notamment en ce qui concerne la jouissance à titre gratuit du domicile conjugal par Mme [L], ne peuvent être remises en cause dans le cadre de la présente procédure, peu important qu'un bail ait été signé ou non entre l'indivision [L] composée de MM [O], [D] et [E] [L] d'une part et M. [E] [L] d'autre part.
Par observations présentées par RPVA le 6 juin 2019, les consorts [L] font valoir que le bien étant en indivision, l'expulsion n'est pas incompatible avec l'éventuel décompte devant être réalisé entre époux.
Mme [L], aux termes de ses observations, maintient que le bail est invoqué par M. [E] [L] pour la première fois dans le cadre de la présente procédure.
Sur ce,
Il est constant que le divorce des époux [L] n'a pas encore été prononcé.
Il ressort de l'ensemble des pièces versées aux débats et notamment de l'ordonnance de non-conciliation rendue le 15 décembre 2014 par le juge aux affaires familiales et de l'arrêt d'appel rendu le 28 janvier 2016 par la cour d'appel de Versailles, que l'existence d'un bail a été invoquée pour la première fois devant le tribunal d'instance.
Ainsi que l'a relevé le tribunal d'instance, le bail produit pour la première fois au cours de cette procédure, émane de MM [O] et [D] [L] et non de l'indivision dans sa totalité, M. [E] [L] n'y étant pas partie en qualité de bailleur, alors même qu'il prétend être propriétaire indivis à concurrence de 10%.
En tout état de cause, à supposer même qu'un bail ait été réellement signé à la date qui y est indiquée et non uniquement pour les besoins de la cause, il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour, statuant sur appel d'un jugement rendu par le tribunal d'instance, de remettre en cause les mesures provisoires prises par cour d'appel le 28 janvier 2016 dans la cadre de la procédure de divorce, aussi bien celle ayant attribué le domicile conjugal à Mme [C] épouse [L], que celle ayant décidé de la jouissance du bien à titre onéreux, étant observé à cet égard que le sort des indemnités d'occupation dues par Mme [L] doit être réglé dans le cadre de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté [O], [D] et [E] [L] de l'ensemble de leurs demandes.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Succombant en leur recours, MM [O], [D] et [E] [L] seront condamnés aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge de MM [O], [D] et [E] au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel par Mme [C] épouse [L] peut être équitablement fixée à 3 000 euros.
MM [O], [D] et [E] [L], partie perdante, doivent être condamnés aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS.
La cour,
Statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 28 juillet 2017 par le tribunal d'instance de Gonesse en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne MM [O], [D] et [E] [L] à verser à Mme [C] épouse [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne MM [O], [D] et [E] [L] aux dépens d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle BROGLY, Président et par Mme SPECHT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,