COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 60A
3e chambre
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 20 JUIN 2019
N° RG 18/00718
N° Portalis DBV3-V-B7C-SEPO
AFFAIRE :
[Y] [K]
C/
SA AXA FRANCE IARD
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 15/12684
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mélina PEDROLETTI
Me Jérôme CHARPENTIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [Y] [K]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 8] (88)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 23921
Représentant : Me Olivier MERLIN de la SCP SYNERGIE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau d'EPINAL
APPELANTE
****************
1/ SA AXA FRANCE IARD
N° SIRET : 722 057 460
[Adresse 4]
[Localité 7]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Jérôme CHARPENTIER, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1216 - N° du dossier 15066
INTIMEE
2/ CPAM DES VOSGES
[Adresse 2]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
INTIMEE - ASSIGNATION le 14 mars 2018 - REMISE A UN TIERS PRESENT AU DOMICILE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Mai 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller, et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
FAITS ET PROCÉDURE
Le 26 mars 2010, Mme [Y] [K] a été victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule assuré auprès de la société Axa France Iard (Axa), qui ne conteste pas le droit à indemnisation.
Par ordonnance du 5 juin 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Epinal a désigné en qualité d'expert le docteur [W].
L'expert a procédé à sa mission et a déposé son rapport le 24 avril 2014.
Les 21 et 22 septembre 2015, Mme [Y] [K], son mari, M. [J] [K], et ses enfants, [D], [L] et [H] [K] ainsi que [U] [K] ont assigné la société Axa et la CPAM des Vosges en réparation de leurs préjudices devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
Par jugement du 14 septembre 2017, la juridiction a :
dit que le droit à indemnisation de Mme [K] est entier,
condamné la société Axa à payer à Mme [Y] [K] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :
dépenses de santé restées à charge 192,50 euros
dépenses de santé futures 671,49 euros
frais divers 598,14 euros
tierce personne avant consolidation 6 264,00 euros
déficit fonctionnel temporaire 6 225,00 euros
souffrance endurées 10 940,00 euros
préjudice esthétique temporaire 500,00 euros
déficit fonctionnel permanent 33 000,00 euros
préjudice esthétique permanent 2 000,00 euros
préjudice d'agrément 5 000,00 euros
condamné la société Axa à payer, provisions non déduites, à :
M. [J] [K], les sommes de 1 500 euros pour son préjudice d'affection et de 1000 euros pour les troubles dans les conditions d'existence,
à Mme [D] [K] et M. [U] [K], la somme de 300 euros chacun au titre du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence,
à Mmes [L] et [H] [K], la somme de 700 euros chacune au titre du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence,
débouté Mme [K] de sa demande tendant au doublement des intérêts et de versement de 15 % des indemnités au Fonds de garantie,
déclaré le jugement commun à la CPAM des Vosges,
condamné la société Axa aux dépens, comprenant les frais d'expertise,
condamné la société Axa à payer à Mme [Y] [K] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,
rejeté le surplus des demandes.
Par acte du 1er février 2018, Mme [Y] [K] a interjeté appel et, aux termes de conclusions du 1er octobre 2018, demande à la cour de :
réformer le jugement de première instance quant à l'indemnisation du préjudice d'agrément spécifique et de l'aide humaine temporaire et permanente,
statuer comme suit sur ces postes de prejudices :
préjudice d'agrément spécifique :
juger qu'elle supporte un préjudice d'agrément spécifique constitué par l'impossible pratique du dressage, élevage de chiens de concours en raison de la nature et du siège de ses séquelles provoquées par l'accident de la circulation,
juger qu'avant l'accident elle consacrait un budget annuel moyen de 1 453.47 euros pour jouir de cet agrément spécifique et qu'ainsi, ladite somme représentait, au minimum, la valeur qu'elle accordait audit agrément spécifique,
juger que la réparation de ce préjudice doit se faire au plus près de la situation de la victime afin de respecter le principe de la réparation dite in concreto et qu'ainsi, ladite valeur doit être prise en compte pour la détermination du montant de la réparation.
Aide humaine :
Temporaire : juger qu'il résulte du rapport d'expertise qu'elle ne pouvait plus effectuer certaines actions et certains gestes qui sont notamment : faire le ménage, la cuisine, le jardinage, la gestion de l'alimentation en bois du système de chauffage (fendre le bois et porter le panier de bois), les courses et la conduite automobile pendant une période de 459 jours ;
qu'en conséquence et au titre de ses gestes et actions, elle a eu besoin d'une aide humaine ;
Permanente : juger qu'il résulte du rapport d'expertise qu'elle ne peut plus effectuer certaines actions et certains gestes qui sont notamment : tenir en laisse ses chiens, couper son bois, transporter des charges lourdes ou encore effectuer divers travaux ménagers (récurage des sols, nettoyage des fenêtres des plafonds du haut des murs notamment) ;
qu'en conséquence et au titre de ses gestes et actions, son état nécessite un besoin en aide humaine à titre permanent ;
condamner en conséquence la société Axa à lui verser les sommes qui suivent :
préjudice d'agrément 53 224,20 euros
aide humaine temporaire 24 030,00 euros
aide humaine permanente 193 246,41 euros
frais judiciaires 15 942,80 euros
condamner la société Axa aux dépens avec recouvrement direct.
Par dernières écritures du 2 juillet 2018, la société Axa demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et de condamner Mme [K] au versement de la somme de 1 050 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La CPAM des Vosges, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2019.
SUR QUOI, LA COUR
Il sera préalablement rappelé qu'aux termes du rapport d'expertise judiciaire, Mme [K] a été blessée au poignet gauche et qu'elle est droitière. Consolidée le 23 septembre 2011, elle subit une incapacité permanente de 16,5 %.
Sur le préjudice d'agrément
Le tribunal a relevé que Mme [K] justifiait être membre d'une association qui a pour objet le dressage et l'élevage de chiens de concours.
Mme [E], présidente du club canin auquel Mme [K] était adhérente depuis 2004, a établi une attestation le 12 juin 2014 dans laquelle elle indique que Mme [K] n'a pas pu participer aux entraînements et à quatre saisons de compétition dans les deux disciplines obéissance et agility, et précise qu'elle ne peut plus pratiquer la discipline de l'obéissance car le chien doit être tenu à gauche de son maître. Il se déduit donc de ce témoignage que Mme [K] pourrait continuer à pratiquer l'agility, discipline dans laquelle le chien n'est pas tenu.
Seuls les concours d'obéissance lui sont désormais interdits puisque la règle impose de tenir le chien en laisse à sa gauche et qu'elle n'a plus la même dextérité avec sa main gauche.
Le raisonnement de Mme [K] qui consiste à mesurer le préjudice d'agrément à l'aune des deniers que l'on investissait dans le loisir dont on se trouve privé est totalement inadapté à la réparation de ce préjudice extra-patrimonial.
En effet, il s'agit de réparer l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, ou la gêne désormais subie dans ce cadre, et cette indemnisation n'a strictement rien à voir avec le coût éventuel que représentait cette activité, sauf à allouer une somme dérisoire à un passionné de course à pieds, sport qui ne nécessite que peu d'investissements financiers, tandis qu'un pratiquant de polo sera indemnisé beaucoup plus généreusement, alors que l'un comme l'autre subissent la même souffrance morale de ne plus pouvoir s'adonner à leur loisir. Cette privation est indemnisée, ainsi que l'indique Axa, en fonction de la régularité et de l'ancienneté de la pratique et non en fonction de son coût.
Sachant que Mme [K] n'avait adhéré au club canin qu'en 2004, soit 6 ans avant l'accident et qu'elle n'est privée que de la participation à des concours de dressage, le jugement sera approuvé de lui avoir alloué une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément.
Sur la tierce personne
Au titre de l'aide due avant consolidation, Mme [K] sollicite une somme de 23 030 euros en indiquant qu'elle n'a pas été en mesure d'exécuter les tâches suivantes pendant 459 jours :
courses ménagères 'caractérisées par le port des packs d'eau, de lait, de jus de fruits, des cabas de course, de la bouteille de gaz, des sacs de légumes : 2h par semaine,
pratique de la cuisine pour une famille de 4 personnes composée de 2 adultes et 2 grands enfants : 2h par semaine,
pratique du ménage 'constitué par le nettoyage de l'intérieur de la maison, la pratique du repassage et surtout du pliage des draps' : 2h par jour la conduite automobile : 1h par semaine,
la découpe du bois de chauffage : 15 mn par jour sur 9 mois.
Le tribunal a rappelé que l'expert n'avait pas retenu de besoin en aide humaine pour la période antérieure à la consolidation, mais qu'il avait toutefois relevé que Mme [K] avait dû bénéficier de l'aide de sa fille pendant quelques semaines pour effectuer ménage et cuisine, en sorte que les premiers juges ont, sur la base de l'offre faite par Axa, alloué une indemnisation sur la base d'une heure par jour au coût de 18 euros.
Cette indemnisation, à hauteur de 6 264 euros, sera confirmée comme correspondant à l'assistance dont a eu effectivement besoin l'intéressée.
S'agissant de l'aide après consolidation, Mme [K] qui sollicitait 337 619 euros en première instance, réclame désormais une somme de 193 246,41 euros.
Elle évalue cette aide comme suit :
récurage des sols : 30 mn par jour
nettoyage des fenêtres : 24 heures par an
nettoyage des plafonds et du haut des murs : 12 heures par an
étirage et pliage des draps : 2 h par mois
fendage du bois de chauffage : 15 mn par jour
port des courses lourdes : 30 mn par semaine
soit au total 329 h 30 mn par an.
La cour adopte de ce chef les motifs pertinents du tribunal qui a indiqué que malgré ses doléances, et le dire formulé à ce sujet, l'expert avait estimé et confirmé que l'état définitif de Mme [K] ne justifiait pas d'aide humaine de façon pérenne, ni même occasionnelle, et qu'en l'absence d'élément médical autre que ce rapport d'expertise, démontrant la nécessité d'une telle aide, sa demande de ce chef devait être rejetée.
Les frais judiciaires
Mme [K] sollicite la somme de 15 942,80 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Elle verse la facture des honoraires de son avocat plaidant et du postulant, qui inclut 3 000 euros au titre des frais exposés en appel.
La cour confirmera le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [K] la somme de 4 000 euros.
Les dépens et frais irrépétibles en appel
Succombant, Mme [K] supportera les dépens d'appel.
Elle versera à Axa la somme de 1050 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant :
Condamne Mme [K] aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne Mme [K] à payer à la société Axa France Iard la somme de 1 050 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,