COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88H
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 JUIN 2019
N° RG 17/03745
N° Portalis DBV3-V-B7B-RW2U
AFFAIRE :
UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES D'IDF
C/
SARL CODECOM
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 02 Mai 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 14-01934/N
Copies exécutoires délivrées à :
la AARPI AMBRE ASSOCIES
UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES D'IDF
Copies certifiées conformes délivrées à :
SARL CODECOM
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 13 juin 2019 puis prorogé au 20 juin 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES D'IDF
Division recours amiables et judiciaires
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par M. [R] [X] (Inspecteur contentieux) en vertu d'un pouvoir général
APPELANTE
****************
SARL CODECOM
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Marc-david SELETZKY de l'AARPI AMBRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0070
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Avril 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Caroline BON, Vice présidente placée chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Madame Caroline BON, Vice présidente placée,
Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,
La société Codecom SARL (ci-après, la Société) a pour objet social la location d'emplacements commerciaux.
À l'issue d'un contrôle opéré sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales d'Île-de-France (ci-après, l'Urssaf) lui a notifié le 12 mars 2013 une lettre d'observations concluant à un redressement et portant réintégration de la somme de 89 424 euros au titre des cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS afférent à la rémunération de M. [N] [B] en qualité d'agent commercial.
À la suite de la contestation de la Société le 15 avril 2013, l'Urssaf a maintenu l'ensemble de ses constatations dans sa correspondance datée du 3 juin 2013.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 novembre 2013, l'organisme de sécurité sociale a mis en demeure le cotisant de payer la somme de 103 695 euros, représentant 89 043 euros de cotisations et 14 652 euros de majorations de retard.
Le 19 décembre 2013, la Société a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf d'un recours contre cette décision.
Le 14 janvier 2014, l'Urssaf a fait signifier à la Société la contrainte émise le 6 janvier précédent pour un montant de 103 695 euros.
Par l'intermédiaire de son expert-comptable, la Société a sollicité auprès de l'Urssaf le 17 janvier 2014 l'annulation de la contrainte au motif que la commission de recours amiable était saisie d'une contestation.
La commission de recours amiable a rejeté le recours de la Société contre la mise en demeure dans sa séance du 30 juin 2014.
Le 15 septembre 2014, la Société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine.
Elle a déposé plainte contre M. [B] le 30 juillet 2015 pour abus de confiance à son encontre.
Par jugement en date du 2 mai 2017, le tribunal a :
- reçu le recours de la société ;
- infirmé la décision de la commission de recours amiable du 30 juin 2014 relative à l'assujettissement au régime général des rémunérations perçues par M. [N] [B] ;
- débouté l'Urssaf de ses demandes reconventionnelles.
Le 18 juillet 2017, l'Urssaf a interjeté appel de la décision et les parties ont été convoquées à l'audience de la cour du 22 octobre 2018.
L'Urssaf, reprenant oralement ses écritures, demande à la cour de :
- à titre principal,
- constater l'irrecevabilité de la contestation de la Société quant à la régularité du chef de redressement n°4, relatif à l'assujettissement au régime général des rémunérations perçues par M. [N] [B], en raison du caractère définitif de la contrainte signifiée le 14 janvier 2014 ;
- à titre subsidiaire, sur le fond,
- dire le redressement justifié ;
- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 30 juin 2014 ;
- infirmer la décision des premiers juges rendue le 2 mai 2017 ;
- condamner la Société au paiement des cotisations redressées ;
- en tout état de cause,
- condamner la Société à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience, la Société réitère à l'oral ses conclusions écrites aux termes desquelles elle sollicite de la cour qu'elle :
- confirme le jugement déféré en ce qu'il a reçu son recours, infirmé la décision de la commission de recours amiable du 30 juin 2014 relative à l'assujettissement au régime général des rémunérations perçues par M. [N] [B] et débouté l'Urssaf de ses demandes reconventionnelles ;
- subsidiairement, limite le redressement à la somme de 65 415 euros ;
- en tout état de cause, condamne l'Urssaf à lui verser 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
Sur la recevabilité du recours
L'Urssaf conclut à l'irrecevabilité de la contestation de la Société quant à la régularité des chefs de redressement objet de la contrainte signifiée le 14 janvier 2014 en raison du caractère définitif de celle-ci. Elle soutient que la contrainte n'ayant pas été frappée d'opposition, elle est définitive et la Société est irrecevable à contester le bien-fondé du contrôle qu'elle visait. L'appelante ajoute que le fait qu'elle a adressé à l'huissier compétent un courrier électronique pour suspendre les poursuites engagées au vu du recours introduit devant la commission de recours amiable n'est pas de nature à vicier la procédure engagée puisque la contrainte signifiée et dûment réceptionnée par la cotisante continue de produire ses effets en l'absence d'opposition dans le délai de quinze jours.
La Société répond que l'Urssaf ne peut fonder son argumentation sur une contrainte prescrite depuis le 14 janvier 2017, faute d'avoir été exécutée dans le délai de trois ans de sa date de signification. Elle fait valoir que la contrainte n'est pas restée sans effet puisque la Société en a sollicité l'annulation après sa signification mais qu'en s'abstenant de répondre à cette demande, l'Urssaf a agi de mauvaise foi et l'a privée d'un droit de recours effectif.
Sur ce,
L'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale dispose que
La contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, dans les délais et selon des conditions fixées par décret, tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.
Aux termes de l'article R. 133-3 alinéa 1er du même code,
Si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l'article L. 244-9.
En l'espèce, la contrainte a été signifiée à la Société le 14 janvier 2014 par acte d'huissier de justice et la remise a été régulièrement faite à personne morale.
Ainsi, ladite contrainte a bien été signifiée plus d'un mois après la délivrance de la mise en demeure restée sans effet.
En outre, la Société était dûment informée par cette contrainte des voies et délais de recours qui lui étaient ouverts devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale.
Mais, la Société, qui disposait alors d'un recours par la voie de l'opposition à contrainte, ne l'a pas formée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai de quinze jours.
L'envoi par la Société d'un courrier à l'Urssaf sollicitant l'annulation de la contrainte ne peut pas être analysé comme l'exercice d'une voie de recours. En ne répondant pas directement à cette demande, l'organisme n'a aucunement agi de mauvaise foi puisqu'aucune obligation ne lui imposait de le faire, étant précisé qu'il a d'ailleurs pris en compte la réclamation de la Société en demandant l'arrêt des poursuites auprès de l'huissier mandaté. L'Urssaf n'est aucunement responsable des conséquences erronées que l'intimée a déduit de ce silence. En outre, la Société pouvait tout à fait former opposition à la contrainte même si elle avait déjà envoyé un courrier de contestation à l'Urssaf, l'un n'étant pas exclusif de l'autre.
L'éventuelle prescription triennale de l'action en exécution de la contrainte, en application des dispositions de l'article L. 244-9 du code de la sécurité sociale, est sans incidence sur la recevabilité du recours intenté par la Société qui doit s'apprécier à la date de son exercice.
A défaut d'opposition dans le délai à la contrainte qui lui a été décernée, le recours de la Société contre la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement est irrecevable puisque la contrainte étant devenue définitive.
En conséquence, la cour déclare que le recours de la Société est devenu sans objet, valide la contrainte litigieuse et déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La Société succombant, il convient de la condamner aux dépens d'appel, de la débouter de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à l'Urssaf la somme de 2 000 euros en application des mêmes dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine du 2 mai 2017 (n°14-01934/N),
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare sans objet le recours de la société Codecom SARL contre la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement ;
Valide la contrainte émise le 6 janvier 2014 par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales d'Île-de-France, et signifiée le 14 janvier 2014, à l'encontre de la société Codecom SARL pour un montant de 103 695 euros, représentant 89 043 euros de cotisations et 14 652 euros de majorations de retard ;
Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;
Condamne la société Codecom SARL aux dépens d'appel ;
Déboute la société Codecom SARL de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Codecom SARL à payer à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales d'Île-de-France la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Carine Tasmadjian, Conseiller, en raison de l'empêchement de Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le CONSEILLER,