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13/06/2019 | FRANCE | N°17/05501

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 13 juin 2019, 17/05501


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H



5e Chambre











ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 JUIN 2019



N° RG 17/05501 - N° Portalis DBV3-V-B7B-R6S6



AFFAIRE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE



C/



[F] [R]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 septembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 16-0

0091





Copies exécutoires délivrées à :



Me Sophie BARBERO



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE



Copies certifiées conformes délivrées à :



[F] [R]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 JUIN 2019

N° RG 17/05501 - N° Portalis DBV3-V-B7B-R6S6

AFFAIRE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

C/

[F] [R]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 septembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 16-00091

Copies exécutoires délivrées à :

Me Sophie BARBERO

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[F] [R]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Contentieux Général et Technique

[Localité 2]

représentée par Mme [I] [Y] (Inspecteur contentieux) en vertu d'un pouvoir général

APPELANTE

****************

Monsieur [F] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Sophie BARBERO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0689

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2018/001358 du 03/02/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice président placée,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,

Le 7 février 2014, M. [F] [R] et Mme [T] [O], son épouse, ont sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (ci-après désignée 'la Caisse') leur admission à la couverture maladie universelle de base et complémentaire (ci-après respectivement désignées 'CMU' et 'CMUC').

Par courrier du 7 août 2014, la Caisse a notifié à M. [F] [R] son inscription à la CMU à compter du 1er février et jusqu'au 30 septembre 2014, date à laquelle sa situation serait réexaminée. Il lui était précisé que les frais médicaux et pharmaceutiques lui seraient remboursés à compter du 1er février 2014 et que, ses revenus étant inférieurs au plafond légal, il n'était redevable d'aucune cotisation.

Début 2015, la Caisse a informé M. [F] [R] qu'il bénéficiait de la CMU complémentaire jusqu'au 31 janvier 2015 pour lui-même et les membres de son foyer date à laquelle il devrait formuler une demande de renouvellement de ses droits.

Le 20 mars 2014, la Caisse a notifié la prise en charge à 100 % de l'affection de longue durée dont souffrait [T] [O], avec effet rétroactif au 2 mars, [T] [O] devant décéder des suites de cette affection le 30 mai suivant.

Puis, la Caisse a notifié à M. [F] [R] les décision suivantes :

- le 11 juin 2015, son refus d'octroyer au foyer la CMU de base au motif qu'à la suite de la visite d'un enquêteur à son domicile le 7 février 2014, il aurait été constaté que les critères de stabilité et de régularité de séjour en France n'étaient pas remplies ;

- le18 juin 2015, une pénalité financière d'un montant de 800 euros pour avoir fait de fausses déclarations afin de bénéficier de la CMU de base et complémentaire ;

- le 10 décembre 2015, un indu d'un montant de 18 610 euros dont elle lui réclamait remboursement.

M. [F] [R] a contesté chacune de ces décisions devant la commission de recours amiable de la Caisse (ci-après désignée 'la CRA').

Par requête du 28 juin 2016, M. [F] [R] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine de la décision, rendue le 26 mai 2016 par la CRA, confirmant la décision de la Caisse refusant de procéder à son affiliation au régime général ainsi qu'à celle de son épouse au motif qu'ils ne disposaient pas d'une résidence stable sur le territoire français au jour de la demande. Ce recours a été enregistré sous le numéro 16-01620/N.

Par requête enregistrée au secrétariat de ce même tribunal le 18 janvier 2016, M. [F] [R] a également contesté la décision de la Caisse du 10 décembre 2015 lui ayant appliqué une pénalité financière de 800 euros au motif qu'il aurait effectué une fausse déclaration de ressources dans le cadre de sa demande de couverture maladie universelle de base et complémentaire. Ce recours a été enregistré sous le numéro 16-00091/N.

Par une troisième requête du 28 juillet 2016, M. [F] [R] a contesté la décision de la CRA du 25 mai 2015 ayant confirmé la créance de la Caisse pour un montant de 18 620 euros au regard des prestations qui lui ont été indûment servies, ainsi qu'à son épouse, au titre de la couverture maladie universelle de base et complémentaire. Ce recours a été enregistré sous le numéro 16-01621/N.

Ces trois recours ont été évoqués à la même audience et, le tribunal, après avoir ordonné la jonction de ces procédures a, par jugement du 4 septembre 2017 :

- dit M. [F] [R] recevable en ses demandes et y a fait partiellement droit ;

- dit que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine du 11 juin 2015 est bien fondée mais seulement en ce qu'elle a refusé l'affiliation au régime général de M. [F] [R] au titre de la couverture maladie universelle de base et complémentaire ;

- annulé, en conséquence, la notification d'indu du 10 décembre 2015 en ce qui concerne les prestations qui ont été réglées au bénéfice de [T] [O], épouse [F] [R] ;

- condamné M. [F] [R] à régler à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 305,98 euros correspondant aux prestations qui ont été indûment réglées à son bénéfice au titre de la couverture maladie universelle de base et complémentaire ;

- condamné M. [F] [R] à régler à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 200 euros à titre de pénalité financière ;

- rejeté toute autre demande des parties ;

- et rappelé que la procédure devant le tribunal était exempte de dépens.

Le jugement a été notifié aux parties le 20 octobre 2017 et la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine en a relevé appel par déclaration au greffe du 16 novembre 2017.

A l'audience du 2 avril 2019, reprenant oralement ses écritures, la Caisse, représentée par Mme [I] [Y] munie d'un pouvoir, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- dire la décision de la Caisse du 11 juin 2015 bien fondée en ce qu'elle a refusé l'affiliation au régime général de M. et Mme [F] [R] au titre de la couverture maladie universelle de base et complémentaire ;

- dire bien-fondée la notification de l'indu du 10 décembre 2015 pour un montant de 18 620 euros ;

- condamner M. [F] [R] à régler à la Caisse la somme de 18 620 euros ; et

- condamner ce dernier à lui régler la somme de 800 euros à titre de pénalité financière.

Pour sa part, M. [F] [R], agissant en son nom personnel et en sa qualité d'ayant droit de son épouse décédée [T] [O], demande à la cour de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que [T] [O] bénéficiait de la CMU de base et complémentaire à compter du 7 février 2014 en vertu des dispositions des articles L. 161-15-1 et L. 380-1 du code de la sécurité sociale ;

- annulé la notification d'indu du 10 décembre 2015 de la CPAM des Hauts-de-Seine en ce qui concerne les prestations réglées au bénéfice de cette dernière ;

M. [F] [R] demande par contre à la cour d'infirmer la décision pour le surplus de ses dispositions, c'est-à-dire en ce qu'elle a :

- dit qu'il ne bénéficiait pas de la CMU de base et complémentaire à compter du 7 février 2014 en vertu des dispositions des articles L. 161-15-1 et L. 380-1 du code de la sécurité sociale ;

- et l'a condamné à rembourser à la CPAM des Hauts-de-Seine les sommes de :

. 305,98 euros à titre d'indu ;

. 200 euros à titre de pénalités financières.

En conséquence, M. [F] [R] sollicite de la cour qu'elle :

- juge qu'il pouvait bénéficier de la CMU de base et complémentaire à compter du 7 février 2014 en vertu des dispositions des articles L. 161-15-1 et L. 380-1 du code de la sécurité sociale ;

- constate que la Caisse ne justifie pas du bien fondé de sa créance aux termes de sa décision du 10 décembre 2015 et qu'elle l'en déboute ;

- juge nulle et de nul effet la pénalité financière notifiée par la Caisse le 10 décembre 2015 ;

- et qu'elle condamne cette dernière aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIVATION LA COUR

Sur l'affiliation

M. [F] [R] estime qu'il doit pouvoir, ainsi que son épouse, bénéficier de la couverture maladie universelle de base et complémentaire à compter du 7 février 2014 en raison des liens très étroits qu'ils entretiennent avec la France, où ils résident d'ailleurs de manière permanente depuis l'année 2012. Il conteste toute fausse déclaration quant à ses ressources, indiquant que l'enquêteur s'est mépris sur ses déclarations et demande donc que soit annulée la pénalité financière qui lui a été notifiée.

Il relève, en tout état de cause, que la Caisse ne justifie pas de manière suffisante du montant de sa créance et demande en conséquence à la juridiction d'en déduire sa nullité.

En réplique, la Caisse oppose les dispositions de l'article R. 380-1 du code de la sécurité sociale qui subordonne le bénéfice de la couverture maladie universelle de base et complémentaire à une condition de régularité et de stabilité du séjour du bénéficiaire sur le territoire français. Elle estime que le tribunal a fait une appréciation erronée de la situation de M. [F] [R] et de son épouse puisque le premier n'était pas présent sur le territoire français au moment de la demande et que son épouse n'y était arrivée que le 13 janvier 2014 pour se faire hospitaliser. Dès lors, ni l'un ni l'autre ne bénéficiait d'une présence effective au cours des trois mois précédant la demande. La Caisse estime que l'examen des passeports de M. [F] [R] et de son épouse ainsi que les éléments recueillis lors de l'enquête administrative font la démonstration d'une absence de régularité et de stabilité du séjour du couple. Elle souligne à cet effet qu'aucun élément probant n'est produit aux débats par M. [F] [R] pour démontrer le contraire.

Enfin, la Caisse relève que les ressources dont le couple disposait effectivement au moment de la demande d'affiliation ne correspondent pas aux revenus déclarés. Elles ne leur permettaient en réalité pas de bénéficier du dispositif de la CMU.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale, alors applicable à l'espèce,

Toute personne résidant en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer de façon stable et régulière relève du régime général lorsqu'elle n'a droit à aucun autre titre aux prestations en nature d'un régime d'assurance maladie et maternité.

Un décret en Conseil d'Etat précise la condition de résidence mentionnée au présent article. (souligné par la cour)

L'article R. 380-1 du même code, pris en application des dispositions précitées, énonce pour sa part

I. -Pour être affiliées ou rattachées en qualité d'ayants droit au régime général, les personnes visées à l'article L. 380-1 doivent justifier qu'elles résident en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer de manière ininterrompue depuis plus de trois mois. (...)

II.-Les personnes de nationalité étrangère doivent en outre justifier qu'elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour des étrangers en France à la date de leur affiliation.

III.-Pour bénéficier du service des prestations en nature des assurances maladie et maternité, les personnes mentionnées à l'article L. 380-1 doivent résider en France conformément aux dispositions de l'article R. 115-6. (souligné par la cour)

Enfin, l'article R. 115-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n°2007-354 du 14 mars 2007, devenu l'article R. 111-2 du même code, définit la résidence de la manière suivante :

Pour bénéficier du service des prestations en application du troisième alinéa de l'article L. 111-1 et des articles L. 380-1, L. 512-1, L. 815-1, L. 815-24 et L. 861-1, ainsi que du maintien du droit aux prestations prévu par l'article L. 161-8, sont considérées comme résidant en France les personnes qui ont sur le territoire métropolitain ou dans un département d'outre-mer leur foyer ou le lieu de leur séjour principal. Cette disposition n'est pas applicable aux ayants droit mineurs pour le service des prestations en nature des assurances maladie et maternité.

Le foyer s'entend du lieu où les personnes habitent normalement, c'est-à-dire du lieu de leur résidence habituelle, à condition que cette résidence sur le territoire métropolitain ou dans un département d'outre-mer ait un caractère permanent.

La condition de séjour principal est satisfaite lorsque les bénéficiaires sont personnellement et effectivement présents à titre principal sur le territoire métropolitain ou dans un département d'outre-mer. Sous réserve de l'application des dispositions de l'article R. 115-7, sont réputées avoir en France le lieu de leur séjour principal les personnes qui y séjournent pendant plus de six mois au cours de l'année civile de versement des prestations.

La résidence en France peut être prouvée par tout moyen. Un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale fixe la liste des données ou des pièces relatives à la condition de résidence. (souligné par la cour)

Il importe de rappeler que les conditions de stabilité et de régularité prévues par la législation sont cumulatives.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [F] [R] a présenté à l'enquêteur de la Caisse un titre de séjour temporaire valide du 27 août 2014 au 26 août 2015 ainsi que deux passeports :

- le premier, malgache, portant le n°A10X24942, valable du 18 décembre 2012 au 18 décembre 2017 ;

- le second, diplomatique, portant le n°070702885, valable du 20 août 2012 au 20 août 2015.

Les visas apposés sur ces deux titres démontrent sans aucun doute possible qu'il était absent du territoire français lorsqu'il a fait sa demande de CMU universelle de base et complémentaire, le 7 février 2014, n'y étant entré que le 12 mai suivant. Il ne peut donc, de bonne foi, soutenir dans ses écritures (page 3) qu'il se trouvait au chevet de son épouse malade (la maladie de celle-ci n'étant bien évidemment pas contestée). En conséquence, M. [F] [R] ne pouvait pas remplir la condition de présence effective sur le territoire français au cours des trois mois, de date à date, précédant sa demande, soit du 7 novembre 2013 au 6 février 2014.

En outre, il ne peut être contesté, au regard de ces mêmes visas, qu'il n'a séjourné en France que pour les périodes suivantes :

- du 21 décembre 2012 au 26 janvier 2013,

- du 31 mars au 14 avril 2013,

- du 12 mai au 19 septembre 2013, étant précisé que durant cette période, il s'est rendu en Afrique du Sud du 6 août au 4 septembre,

- et du 12 au 25 mai 2014,

ce qui représente seulement 86 jours de présence en France entre le 11 mai 2013 et le 10 mai 2014.

Au surplus, comme il l'a lui-même indiqué lors de l'enquête administrative, M. [F] [R] a été candidat à l'élection présidentielle malgache de 2013, qui s'est achevée par un vote le 20 décembre 2013.

S'il n'est pas contesté que M. [F] [R] est co-indivisaire, avec sa fille, d'un bien immobilier en France, cela ne permet pas, à défaut d'autres éléments, d'établir une résidence effective et ininterrompue de plus de trois mois au sens de l'article R. 380-1 du code de la sécurité sociale, d'autant plus qu'il dispose, à Madagascar, de deux maisons à usage d'habitation.

En ce qui concerne son épouse défunte, [T] [O], aux droits de laquelle il vient en qualité d'ayant droit, il convient de rappeler qu'elle été affiliée à la CMU de base à compter du 1er'février 2014 jusqu'à la date de son décès survenu le 30 mai 2014.

Lors des demandes, elle disposait d'un titre de séjour temporaire n°LNMKORDLZ, valide du 17 juillet 2013 au 18 juillet 2014 à titre de visiteur et d'un passeport malgache n°A10V63201 valide du 25 juillet 2011 au 25 juillet 2016 (d'ailleurs différent de celui présenté lors de la demande de CMU de base au 7 février 2014). Ces documents établissement qu'elle a séjourné sur le territoire français :

- du 12 décembre 2012 au 13 septembre 2013,

- du 29 octobre 2013 au 19 décembre 2013,

- du 13 janvier 2014 jusqu'à son décès le 30 mai 2014.

Hormis une attestation de l'entreprise EDF indiquant que le couple a souscrit un abonnement depuis 2008, aucune pièce n'est produite pour justifier d'une présence régulière en France : il n'est ainsi versée aucune facture relative à des dépenses courantes ou récurrentes.

En conséquence, si, comme l'a relevé le premier juge, [T] [O] justifie avoir séjourné sur le territoire national pendant plus de six mois au cours de l'année civile 2013, elle ne justifie pas pour autant d'une présence ininterrompue de trois mois au moins au moment de sa demande, soit entre le 7 novembre 2013 et le 6 février 2014. Elle n'a pas davantage justifié d'un séjour plus de six mois au cours de l'année civile de versement des prestations en 2014.

Par ailleurs, indépendamment de la question de la résidence en France, il y a lieu de constater que le couple disposait de ressources dépassant le plafond au dessus duquel il pouvait prétendre à la CMU de base et complémentaire.

En effet, il convient de rappeler que l'enquête administrative a établi que le couple percevait de leur fille la somme de 2 700 euros par mois et qu'il recevait également, plus ponctuellement, une aide de leur fils M. J. R.. Le couple était en outre propriétaire indivis d'un appartement à [Localité 3], acheté en 2006, pour lequel il n'existait plus d'emprunt à compter du 7 mars 2014, et propriétaire de deux maisons à usage d'habitation à Madagascar. Le couple [F] [R] percevait donc, au moment des demandes de CMU, une somme minimale de 2700 euros par mois.

Il résulte de ce qui précède que le refus d'affiliation à la CMU universelle opposé par la Caisse à M. [F] [R] et à son épouse, [T] [O], aujourd'hui décédée, est bien fondé.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.

Sur l'indu

L'article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'en cas de versement indu d'une prestation à l'assuré, cet indu peut être récupéré par la Caisse par retenue sur les prestations à venir ou par versements, y compris lorsqu'il a été fait dans le cadre de la dispense d'avance des frais.

La Caisse justifie avoir indûment servi à M. [F] [R] des prestations au titre de la CMU pour un montant total de 305,98 euros. Elle justifie par ailleurs avoir pris en charge les soins et prestations au bénéfice de [T] [O] pour un montant de 18 304,02 euros.

Il convient donc de dire que M. [F] [R], en son nom et en qualité d'ayant droit de [T] [O], devra rembourser à la Caisse la somme totale de 18 620 euros.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.

Sur la pénalité financière

La Caisse fait grief au tribunal d'avoir réduit le montant de la pénalité financière en deçà du minimum prévu par le texte qui l'institue.

Sur ce,

L. 162-1-14 dans sa rédaction applicable à l'époque des faits,

I. - Peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, de la caisse mentionnée à l'article L. 215-1 ou L. 215-3 ou de l'organisme local chargé de verser les prestations au titre des assurances obligatoires contre les accidents de travail et les maladies professionnelles des professions agricoles :

1° Les bénéficiaires des régimes obligatoires des assurances maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, de la protection complémentaire en matière de santé mentionnée à l'article L. 861-1, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé mentionnée à l'article L. 863-1 ou de l'aide médicale de l'Etat mentionnée au premier alinéa de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles ;

II. - La pénalité mentionnée au I est due pour :

1° Toute inobservation des règles du présent code, du code de la santé publique, du code rural et de la pêche maritime ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie. Il en va de même lorsque l'inobservation de ces règles a pour effet de faire obstacle aux contrôles ou à la bonne gestion de l'organisme ;

(..)

3° Les agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir par toute fausse déclaration, man'uvre ou inobservation des règles du présent code la protection complémentaire en matière de santé ou le bénéfice du droit à la déduction mentionnés à l'article L. 863-2 ; (')

(souligné par la cour)

L'article R. 147-11 du même code dispose

Sont qualifiés de fraude, pour l'application de l'article L. 162-1-14, les faits commis dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d'une prestation injustifiée au préjudice d'un organisme d'assurance maladie, d'une caisse chargée de la prévention et de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ou, s'agissant de la protection complémentaire en matière de santé, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé ou de l'aide médicale de l'Etat, d'un organisme mentionné à l'article L. 861-4 ou de l'Etat, y compris dans l'un des cas prévus aux sections précédentes, lorsque aura été constatée l'une des circonstances suivantes :

1° L'établissement ou l'usage de faux, la notion de faux appliquée au présent chapitre étant caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat, déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention de l'avantage ou de la prestation en cause ; (...)

(souligné par la cour)

Il ressort de l'analyse de l'ensemble des documents remis par les parties que, le 7 février 2014, M. [F] [R] a volontairement omis de déclarer l'ensemble des ressources dont bénéficiait son foyer dans le but de bénéficier de la CMU de base et complémentaire.

Ainsi, dans la demande initiale, il a indiqué que le couple ne disposait d'aucun revenu, s'abstenant de mentionner l'aide financière que lui procurait ses enfants. Au cours de l'entretien qui s'est tenu le 16 décembre 2014 avec l'enquêteur, il déclarait que sa fille lui versait 500 euros par mois avant de reconnaître, le 7 janvier 2015, lors d'un nouvel entretien avec le même agent, qu'il percevait d'elle une somme de 2 700 euros par mois.

M. [F] [R] ne peut soutenir, de bonne foi, que l'enquêteur aurait mal interprété ses propos alors que le montant de l'aide reçu résulte de ses propres déclarations sur l'honneur qu'il a lui-même renseignées et remises à l'enquêteur et qu'il correspond à ce qui apparaît sur ses relevés de comptes. Comme souligné par le premier juge, il ne peut pas davantage soutenir s'être lui-même trompé puisque l'examen de ses relevés de comptes a bien confirmé la réalité d'un montant d'aide mensuelle de 2 700 euros.

En tout état de cause il ne verse à l'audience aucune attestation de ses enfants pour démentir la régularité de l'aide qu'ils apportaient à leurs parents, pas plus qu'il ne justifie que les sommes étaient destinées, au moins pour partie, à l'entretien de la maison indivise.

Il en résulte que M. [F] [R] est bien l'auteur de fausses déclarations et il y a lieu de maintenir le principe de la pénalité financière.

S'agissant du montant de la pénalité, la cour doit rappeler les dispositions de l'article L. 162-1-14 §VII et VII bis du code de la sécurité sociale qui dispose

En cas de fraude établie dans des cas définis par voie réglementaire :

1° Le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, des caisses mentionnées aux articles L. 215-1 ou L. 215-3 ou de l'organisme local chargé de verser les prestations au titre des assurances obligatoires contre les accidents de travail et les maladies professionnelles des professions agricoles peut prononcer une pénalité sans solliciter l'avis de la commission mentionnée au V ;

2° Les plafonds prévus au premier alinéa du III sont portés respectivement à 200 % et quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Dans le cas particulier de fraude commise en bande organisée, le plafond est porté à 300 % des sommes indûment présentées au remboursement ;

3° La pénalité prononcée ne peut être inférieure au dixième du plafond mensuel de la sécurité sociale s'agissant des personnes mentionnées au 1° du I, à la moitié du plafond s'agissant des personnes physiques mentionnées au 3° du même I et au montant de ce plafond pour les personnes mentionnées au 2° du même I et les personnes morales mentionnées au 3° du même I ;

4° Le délai mentionné au dernier alinéa du III est majoré par voie réglementaire.

VII bis. - Les pénalités prononcées en application du présent article sont notifiées après avis conforme du directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ou de son représentant désigné à cet effet. Son avis est réputé conforme dans un délai précisé par voie réglementaire.

Les sommes prises en compte pour déterminer l'assiette de calcul des pénalités financières sont celles qui ont été indûment présentées au remboursement ou indûment pris en charge. En l'espèce, la pénalité minimale encourue au 1er janvier 2014, au regard des dispositions ci-dessus rappelées, est de 312,90 euros et la pénalité maximale de 12 516 euros.

S'il appartient aux juridictions du contentieux de la sécurité sociale d'apprécier l'adéquation du montant de la sanction prononcée à l'importance de l'infraction commise, il n'en demeure pas moins qu'en cas de fraude, le montant de la pénalité ne peut être inférieur au dixième du plafond mensuel de la sécurité sociale soit, en l'espèce, à la somme de 312,90 euros.

En l'occurrence, les sommes indûment versées au couple [F] [R] se sont élevées à 18 620 euros. En raison de la nature du litige, il convient de confirmer le montant de la pénalité appliqué par la Caisse soit la somme de 800 euros.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce sens.

Sur les dépens

M. [F] [R] sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement rendu le 4 septembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine, sauf en ce qu'il a dit la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine du 11 juin 2015 bien fondée s'agissant du refus d'affiliation au régime général de M. [F] [R] au titre de la couverture maladie universelle de base et complémentaire et en ce qu'il a dit bien fondé la notification d'indu de la Caisse du 10 décembre 2015 pour un montant de 305,98 euros correspondant aux prestations indûment réglées à son bénéfice au titre de la couverture maladie universelle de base et complémentaire ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Décide que [T] [O] ne remplissait pas les conditions pour être affiliée au régime général de la couverture maladie universelle de base et complémentaire ;

Dit bien fondée la notification de l'indu 10 décembre 2015 adressée par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine à M. [F] [R] pour un montant de 18 620 euros ;

Condamne M. [F] [R] en son nom personnel et en qualité d'ayant droit de son épouse [T] [O] à régler à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 18 620 euros ;

Condamne M. [F] [R], en son nom personnel et en qualité d'ayant droit, à régler à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 800 euros à titre de pénalité financière ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;

Condamne M. [F] [R] aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Carine Tasmadjian, Conseiller en raison de l'empêchement de Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 17/05501
Date de la décision : 13/06/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°17/05501 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-13;17.05501 ?
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