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11/06/2019 | FRANCE | N°17/08887

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 11 juin 2019, 17/08887


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



DP

Code nac : 36E



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 JUIN 2019



N° RG 17/08887 - N° Portalis DBV3-V-B7B-SA7K



AFFAIRE :



SA NEW YORK FINANCE & INNOVATION - NYFI





C/

SCA KLEBER OPERA ENTREPRISES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 29 Novembre 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° Section :


N° RG : 2016F1057



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Christophe DEBRAY,

Me Nadia CHEHAT,







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

DP

Code nac : 36E

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 JUIN 2019

N° RG 17/08887 - N° Portalis DBV3-V-B7B-SA7K

AFFAIRE :

SA NEW YORK FINANCE & INNOVATION - NYFI

C/

SCA KLEBER OPERA ENTREPRISES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 29 Novembre 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° Section :

N° RG : 2016F1057

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY,

Me Nadia CHEHAT,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA NEW YORK FINANCE & INNOVATION - NYFI

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 17862

Représentant : Me Edouard FABRE de la SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0010 -

APPELANTE

****************

SCA KLEBER OPERA ENTREPRISES

N° SIRET : 503 71 2 8 388

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Nadia CHEHAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 88 - N° du dossier 2018/546

Représentant : Me Fabrice EPSTEIN de l'AARPI SAUL ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0467 - par Me BOJ

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Avril 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Heller Joustra est un fabricant de maquettes et de jouets.

Elle a été fondée, en 1999, date de la fusion entre Joustra, fabricant de jouets créatifs depuis 1937, et Heller, spécialisée, depuis 1957, dans les maquettes d'avions, de bateaux et de voitures emblématiques.

Après avoir déposé le bilan en 2006, la société Heller Joustra a été reprise, à la barre du tribunal, en 2007, par M. [S] [W] et sa holding, la société Manop.

Ce dernier a, alors, décidé de filialiser les activités de plasturgie d'Heller Joustra au sein de la société CTI détenue à 100% par Heller Joustra.

Compte tenu de la saisonnalité de l'activité du jouet d'Heller Joustra et de son besoin important en fonds de roulement, M. [W] a souhaité faire appel, provisoirement, à des investisseurs, pour soutenir financièrement l'entreprise.

C'est ainsi que plusieurs Investisseurs ont investi dans la société Heller Joustra,

Le 5 décembre 2007, un pacte d'actionnaires (le "Pacte d'Actionnaires") a été conclu entre les associés fondateurs, d'une part, et les investisseurs, d'autre part, notamment la société New York Finance Innovation ("NYFI").

Entre 2007 et 2008, dans la perspective de son développement, la société Heller Joustraa a bénéficié de plusieurs augmentations de capital.

Le 31 décembre 2007, la société NYFI a souscrit à une augmentation de capital de Heller Joustraa à hauteur de 4,2 millions d'euros, outre des apports en compte courant de 2,5 millions d'euros, représentant une part en capital de 83,51%.

Dans le cadre de cet investissement et afin de le sécuriser, la société NYFI bénéficiait d'actions de préférence (dites de catégorie B) lui offrant, en cas de cession de la majorité du capital, la garantie de percevoir un prix de vente préférentiel par rapport aux actions ordinaires.

La société KOE est une société en commandite par actions, spécialisée dans la prise de participation au sein de sociétés, permettant, notamment à ses clients de défiscaliser une partie de leur impôt sur la fortune.

Aux termes d'un contrat d'investissement en date du 4 juin 2008, la société Kléber Opéra Entreprises (« KOE »), a apporté au capital de la société Heller Joustra la somme de 144.865,38 euros, soit 0,22% du capital de celle-ci, correspondant à des actions de préférence de catégorie B. La société KOE a adhéré au Pacte d'Actionnaires le 12 juin 2008.

Les actions de catégorie B ont été supprimées par une assemblée des actionnaires du 18 décembre 2012 et transformées en actions ordinaires de catégorie A, à raison de 1,5 action de catégorie A pour 1 action de catégorie B.

Le 24 juillet 2015, la société MAPED, située à [Localité 1] , qui fabrique et vend des accessoires pour l'école, le bureau et les loisirs créatifs, .a présenté une offre de reprise de l'intégralité des actions de la société d'Heller Joustra au prix de base fixe de 2 M€ payable à la signature du protocole de cession sur lequel devait s'adjoindre deux compléments de prix, sous réserve de l'atteinte d'objectifs de chiffre d'affaires, à savoir 250 000 euros à la clôture des comptes au 31 décembre 2015 et 250 000 euros à la clôture des comptes au 31 décembre 2016, outre le remboursement de l'ensemble des comptes courants d'associés cédants, et notamment celui de NYFI, tels qu'arrêtés au jour de la cession.

L'offre n'a pas abouti.

La société NYFI a estimé que la société KOE était à l'origine de cet échec, notamment pour ne pas avoir respecté son engagement de céder ses actions conformément à la clause de sortie totale prévue au Pacte d'Actionnaires en cas d'acquisition d'au moins 95% du capital.

Par ordonnance du 18 décembre 2015, la société Heller-Joustra, a obtenu du tribunal de commerce d'Alençon la désignation d'un mandataire ad hoc afin, notamment, d'assister la société dans toute démarche pour aboutir à la cession de l'intégralité des actions au profit de la société MAPED ou de tout autre investisseur.

Par jugement du tribunal de commerce d'Alençon du 5 février 2016, le redressement judiciaire de la société Heller Joustra a été prononcée, avec un état de cessation des paiements fixé au 30 novembre 2015. La société a par la suite été placée en liquidation judiciaire, à la suite de laquelle la société MAPED a fait une offre de reprise de ses actifs. Le plan de cession a été arrêté par le tribunal de commerce d'Alençon le 14 mars 2016.

La société NYFI a assigné la société KOE devant le Tribunal de commerce de Nanterre par acte du 19 mai 2016 aux fins de la voir condamner à lui verser la somme de 3.369.981,19 euros en réparation du préjudice financier subi.

Par jugement rendu le 29 novembre 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a débouté la société NYFI de l'intégralité de ses demandes, jugeant que celle-ci avait assigné sur le fondement délictuel alors qu'il s'agissait d'une relation contractuelle fondée sur l'exécution du Pacte d'Actionnaires liant les parties.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel total du jugement du tribunal de commerce du 29 novembre 2017, interjeté le 21 décembre 2017 par la société NYFI.

Vu les dernières conclusions N°3 notifiées par RPVA le 26 mars 2019 par lesquelles la société NYFI sollicite de la cour de :

Vu l'ancien article 1147 du code civil (article 1231-1 nouveau du code civil)

Vu l'ancien article 1382 du code civil (article 1240 nouveau du code civil)

A titre principal

- constater que la société Kleber Opéra Entreprises s'était engagée, en vertu de l'article 7 du Pacte d'Actionnaires, à céder ses actions Heller Joustra en cas d'agrément de 95% des actionnaires de cette dernière à une offre de cession portant sur l'intégralité de leurs parts ,

- constater que plus de 95% des actionnaires d'Heller Joustra ont donné leur accord à l'offre de reprise MAPED portant sur l'intégralité du capital d'Heller Joustra,

- constater que la société Kleber Opéra Entreprises a multiplié les man'uvres déloyales et dilatoires pour paralyser la mise en jeu de l'article 7 du Pacte d'Actionnaires et refuser de céder ses parts, en violation de l'article 7 du Pacte d'Actionnaires,

En conséquence,

- statuer sur le comportement déloyal et gravement fautif de la société Kleber Opéra Entreprises dans l'exécution du Pacte d'Actionnaires, engageant sa responsabilité contractuelle,

A titre subsidiaire, si la Cour considère que la responsabilité de la société Kleber Opéra Entreprises n'est pas engagée au titre de l'exécution du Pacte d'Actionnaires :

-constater que la société Kleber Opéra Entreprises a fait échec à la réalisation de l'offre MAPED de reprise de la société Heller Joustra, qui est aujourd'hui en liquidation judiciaire, et ce, à des fins personnelles, afin de nuire à la société NYFI et de la contraindre à lui verser des sommes indues pour prix de ses parts,

- statuer sur ce comportement fautif qui engage la responsabilité délictuelle de la société Kleber Opéra Entreprises,

En tout état de cause,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 29 novembre 2017 en ce qu'il a débouté la société New York Finance et Innovation de sa demande d'indemnisation du préjudice subi,

Et statuant à nouveau,

-condamner la société Kleber Opéra Entrepriseses à payer à la société New York Finance et Innovation la somme de 3.369.981,19 € en réparation du préjudice financier subi par cette dernière du fait de la société Kleber Opéra Entreprises qui a, fautivement et dans une intention de nuire, fait échec à la réalisation d'une offre d'achat des titres de la société Heller Joustra, aujourd'hui en liquidation judiciaire,

- débouter Kléber Opéra Entreprises de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Kleber Opéra Entreprises à payer la somme de 20.000 € à la société New York Finance et Innovation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, dont distraction au profit de Maître Christophe DEBRAY.

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 février 2019 au terme desquelles la société Kléber Opéra Entreprises demande à la cour de :

Sur l'appel principal de la société New York Finance Innovation

- dire et juger que Kléber Opéra Entreprises n'a pas engagé sa responsabilité contractuelle dans le cadre de l'exécution du pacte d'actionnaires Heller Joustra ;

- dire et juger que Kléber Opéra Entreprises n'a pas engagé non plus sa responsabilité délictuelle au préjudice de New-York Finance Innovation en faisant échec à la réalisation de l'offre d'acquisition des titres Heller Joustra par la société MAPED ;

En conséquence :

- confirmer partiellement le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nanterre le 29 novembre 2017, en ce qu'il a considéré New-York Finance Innovation mal fondée en ses demandes et l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts ;

- débouter New-York Finance Innovation de toutes ses demandes, fins et prétentions.

Sur l'appel incident de la société Kléber Opéra Entreprises

- dire et juger que New-York Finance Innovation a usé de man'uvres déloyales et trompeuses dans l'exécution du pacte d'actionnaires Heller Joustra au préjudice de Kléber Opéra Entreprises ;

- dire et juger que New-York Finance Innovation a violé le contrat d'investissement conclu avec Kléber Opéra Entreprises le 4 juin 2008 en tenant l'assemblée générale d'Heller Joustra du 18 décembre 2012 ;

- dire et juger que New-York Finance Innovation a engagé sa responsabilité contractuelle de ce fait ;

En conséquence :

- infirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 29 novembre 2017 en ce qu'il a débouté Kléber Opéra Entreprises de ses demandes de dommages et intérêts.

Et statuant à nouveau :

- condamner New-York Finance Innovation à payer à la société Kléber Opéra Entreprises la somme de 1 euro au titre de son préjudice découlant des man'uvres déloyales et trompeuses dans l'exécution du pacte d'actionnaires ;

- condamner New-York Finance Innovation à payer à la société Kléber Opéra Entreprises la somme de 144.865,38 euros au titre de son préjudice découlant de la violation du contrat d'investissement du 4 juin 2008.

En tout état de cause :

- condamner New-York Finance Innovation à payer à la société Kléber Opéra Entreprises la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner New-York Finance Innovation aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Nadia Chehat, avocate à la Cour de Versailles, dans les conditions de l'article 699 dudit Code.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 avril 2019.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à «donner acte », « constater », « dire et juger », dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité de la société Kléber Opéra Entreprise

La société NYFI conteste la décision du tribunal en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société KOE. Elle soutient que la société KOE a engagé sa responsabilité de sorte qu'elle doit être condamnée à réparer le préjudice conséquence de sa faute. Elle fait valoir que la société KOE n'a pas respecté les dispositions du Pacte d'Actionnaire engageant sa responsabilité contractuelle en refusant de céder ses titres contrairement aux dispositions prévues par l'article 7 du Pacte d'Actionnaire dont les conditions d'exercice étaient réunies et en multipliant les manoeuvres dilatoires et déloyales pour paralyser la mise en oeuvre de cet article

La société NYFI reproche également à la société KOE d'avoir bloqué le processus de cession, en approchant directement la société MAPED, afin d'obtenir une meilleure valorisation de sa participation lors du rachat. A défaut de cession valorisée de ses actions, la société KOE aurait menacé de faire valoir ses droits préférentiels, alors qu'elle n'en disposait plus, à l'encontre du nouvel acquéreur ce qui aurait conduit la société MAPED à subordonner son acquisition à la condition préalable de détenir 100% du capital.

Subsidiairement, la société NYFI fait valoir que la société KOE a adopté un comportement déloyal, engageant sa responsabilité délictuelle.

La société KOE conteste que sa responsabilité soit engagée. Elle fait valoir que l'offre de la société MAPED n'était pas ferme et que l'agrément de 95% n'avait pas été obtenu. Elle soutient qu'elle bénéficiait d'un droit de préemption dont elle pouvait faire usage. Elle relève que la société NYFI n'a pas actionné le droit de cession forcée dont elle disposait. Elle expose que depuis l'origine l'offre portait sur l'intégralité des actions. Elle reproche le manque de transparence de la société NYFI. Elle fait valoir qu'elle est étrangère à l'échec de l'opération de rachat lequel est uniquement du au fort endettement de l'entreprise. Elle conteste le montant du préjudice réclamé par la société NYFI.

Sur la responsabilité contractuelle

L'article 1134 du code civil, dans son ancienne version, prévoit, notamment, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1147 du code civil dans sa version ancienne dispose que le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement de dommages intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Un pacte d'actionnaires se définit comme une convention réunissant les principaux actionnaires d'une société, régissant leurs rapports et visant à créer à leur profit un certain nombre de prérogatives ne résultant pas de l'application de la législation sur les sociétés.

En l'espèce, le Pacte d'Actionnaires auquel a adhéré la société KOE, repose sur certains principes directeurs exprimés en préambule, dont notamment le caractère temporaire de la participation des investisseurs et le souhait des fondateurs de leur offrir une faculté de sortie à court ou moyen terme aux meilleures conditions possibles. Il s'y ajoute la volonté de ces derniers de les faire participer au développement général de l'activité de la société et de leur donner préférence par rapport à tout nouvel investisseur susceptible d'apporter un concours financier ultérieur.

Le Pacte d'Actionnaires a pour objet (article 3) de définir les droits et obligations des parties et les termes et conditions qu'elles acceptent de respecter pendant la durée du pacte en vue de la poursuite de leurs objectifs communs à travers la société.

L'article 7 "ENGAGEMENT DE SORTIE TOTALE" du Pacte d'Actionnaires auquel sont parties les sociétés NYFI et KOE, prévoit que :"Dans l'hypothèse où une offre d'acquisition portant sur l'intégralité des actions composant le capital de la Société recueillerait l'agrément d'au moins 95% (quatre-vingt-quinze pour cent) en capital des parties, chaque partie s'engage à titre irrévocable et définitif à vendre la totalité des valeurs mobilières qu'elle détient dans le capital social de la Société, et ce, aux mêmes conditions que les autres actionnaires. (') ».

Sur l'offre de rachat

Par lettre du 24 juillet 2015, la société MAPED a offert de racheter l'intégralité du capital de la société Heller Joustra.

Cette offre prévoyait un prix de 2 millions d'euros au titre de l'intégralité des actions ainsi que le remboursement de l'ensemble des comptes courants. L'offre prévoyait également un complément de prix sous réserve d'atteindre un certain chiffre d'affaires au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 et de l'exercice clos le 31 décembre 2016.

Cette offre restait « suspendue,...., à la mise en 'uvre préalable ou concomitante de l' "engagement de sortie totale" stipulée sous l'article 7 du pacte d'actionnaires en date du 05 décembre 2007, ratifié par d'autres associés depuis lors...." et "sous le préalable .... de la transmission au 1er septembre 2015 d'une situation comptable de la société SA HELLER-JOUSTRA et CTI arrêté au 30 juin 2015.". La lettre se poursuivait ainsi :" Si cette proposition vous agrée ainsi que les autres actionnaires, un protocole de cession assortie des conditions et garanties d'usage pourra être établi prochainement à l'initiative de nos Conseils respectifs, en vue d'une signature au plus tard le 31 octobre 2015".

La cour constate que l'offre porte sur une chose et un prix déterminés. Cette offre est subordonnée à son acceptation par l'ensemble des actionnaires, sans laquelle la vente ne serait pas formée, puis à la communication matérielle d'une situation comptable, sans réserve sur son contenu, et enfin à la mise en 'uvre matérielle de l'acquisition par la signature d'un protocole contenant les conditions et garanties d'usage.

Ces éléments ne sont pas susceptibles de remettre en cause l'offre proprement dite.

Il importe peu, contrairement à ce que soutient la société KOE, que cette offre ne réponde pas, à ce stade, au formalisme de notification à la société Heller-Joustra de tout projet de transfert d'actions par l'un de ses actionnaires, prévu par l'article 5.2 du Pacte d'Actionnaires (identité du cessionnaire, modalités de paiement, « tout document attestant du caractère sérieux, ferme et irrévocable et des conditions de financement de l'opération envisagée.... ») ou que des discussions se soient instaurées postérieurement à l'offre sur les modalités de l'acquisition qui ont pu conduire à sa modification.

Cette offre est donc ferme.

En conséquence, l'offre de la société MAPED du 24 juillet 2015 doit être considérée comme une offre portant sur l'intégralité des actions au sens de l'article 7 du Pacte d'Actionnaires.

Sur le seuil de 95%

En application des dispositions de l'article 7 du Pacte d'Actionnaires, chacun des actionnaires de la société Heller-Joustra s'est engagé à céder la totalité de sa participation en cas d'offre portant sur l'intégralité du capital mais à certaines conditions dont la première est celle de s'assurer de l'agrément des actionnaires représentant 95% en capital et des droits de vote, en cas de notification à ces derniers de cette offre dans les formes prévues aux paragraphes 5.1 à 5.3 du Pacte d'Actionnaires.

Il appartient à la société NYFI de rapporter la preuve de l'existence de cet agrément contestée par la société KOE.

La notification de cette offre d'acquisition à la société KOE a été effectuée par la société Heller-Joustra, par lettre avec accusé de réception le 8 septembre 2015. Elle y rappelle, au visa de l'article 7 du Pacte d'Actionnaires, que l'offre a reçu l'agrément des actionnaires, représentant 96,38 % du capital et des droits de vote (selon la géographie du capital inséré sous forme de tableau). Elle précise que ces actionnaires ont notifié le projet de cession de leurs actions à la société Heller-Joustra aux conditions de l'offre, ce qui ouvre à la société KOE son droit de préemption de 30 jours prévu par l'article 5 du pacte d'actionnaires.

L'article 5.1 du pacte d'actionnaires prévoit que tout projet de transfert d'actions par un actionnaire doit être notifié à la société dans un délai d'au moins 60 jours avant la réalisation du transfert envisagé. Le projet de transfert des actionnaires représentant 96,38 % du capital et des droits de vote n'échappe pas à cette règle de sorte que ceux-ci devaient notifier leur projet de transfert à la société Heller-Joustra ainsi que le rappelle la lettre du 8 septembre 2015, cette notification consacrant, par ailleurs, leur agrément à ce projet d'acquisition totale. Or, ces notifications ne sont pas versées aux débats.

Pour justifier néanmoins de cet agrément, la société NYFI produit le pouvoir qu'elle a obtenu de chacun de ces actionnaires, représentant 96,38 % du capital et des droits de vote, afin de rechercher un acquéreur potentiel à leurs actions, puis négocier et finaliser la cession de leurs actions. Ce pouvoir prévoit que la négociation de leurs actions doit respecter certaines conditions de fixation du prix de celles-ci (décote de 10 % ou 20 % en l'absence de garantie proposée par l'actionnaire cédant, valorisation identique à celle obtenue par NYFI), le prix de l'action n'étant ni fixé, ni déterminable dans le corps du pouvoir.

Il convient de considérer ces pouvoirs (11 pouvoirs datés pour la plupart du mois de mars 2015, les derniers étant émis le 10 juillet 2015) donnés avant l'offre de la société MAPED du 24 juillet 2015, comme un agrément général et irrévocable des intéressés à la vente de leurs actions.

Toutefois, ils ne peuvent valoir agrément particulier à l'offre de cession de l'intégralité des actions proposée par la société MAPED. En effet, cette offre n'est pas visée au pouvoir donné antérieurement. L'agrément visé à l'article 7 qui prévoit un "engagement irrévocable et définitif" de vendre, doit porter sur une offre identifiable afin que les actionnaires puissent, le cas échéant, exercer utilement leur droit de préemption. En effet, l'article 7 n'a pas exclu l'exercice du droit de préemption prévu par l'article 5.4 du Pacte d'Actionnaires.

En conséquence, la société NYFI succombe à rapporter la preuve qu'à la date de notification du 8 septembre 2015, les actionnaires de la société Heller-Joustra représentant 96,38 % du capital et des droits de vote, avaient donné leur agrément à l'offre d'achat de l'intégralité des actions présentée par la société MAPED le 24 juillet 2015.

Dès lors, la société NYFI ne peut reprocher à la société KOE un manquement contractuel au Pacte d'Actionnaires, pour ne pas avoir respecté les dispositions de l'article 7 de celui-ci, en refusant de céder ses titres alors que la preuve de l'agrément des actionnaires représentant au moins 95 % du capital et des droits de vote, condition préalable à la mise en oeuvre de l'article 7, n'est pas rapportée.

Il ne peut être davantage reproché à la société KOE.d'avoir tenté d'obtenir des informations, prétendument à titre dilatoire, en vue d'un éventuel exercice du droit de préemption dans le cadre de l'application de l'article 7, puisque la condition de l'agrément, préalable à la mise en oeuvre de cet article, n'était pas remplie.

Sur le blocage de l'acquisition par la société KOE

La participation de la société KOE représentait 4452 actions soit 0,22% du capital de la société Heller-Joustra. Elle était donc très minoritaire.

Le droit de préemption ouvert par la lettre du 8 septembre, reçue le 10 par la société KOE, expirait le 10 octobre 2015, en vue d'une signature des accords de cession au 30 octobre 2015.

La société KOE ne conteste pas avoir manifesté l'intention de préempter justifiant ainsi ses demandes d'informations sur l'offre d'acquisition.

Ainsi, le 23 septembre 2015, Mme [O] appelait l'attention de M.[K] (représentant la société KOE) en réponse à ses demandes d'informations comptables, sur le fait que l'avenir et la pérennité de la société et de ses 45 emplois étaient en jeu. Ainsi, retarder la transaction mettait "la pérennité de la société en grand péril". Elle lui communiquait notamment le mémorandum destiné à tout investisseur, faisant valoir que si la société KOE souhaitait préempter, il lui faudrait financer la somme de 14 millions d'euros avant le 31 décembre 2015.

La cour constate que ce n'est que le 5 octobre 2015 que la société KOE (M. [K]) répond à la lettre du 8 septembre 2015 lui notifiant l'offre d'acquisition. Cette lettre ne fournit aucune indication sur les conditions financières de préemption envisagées par la société KOE. (M. [K] sollicite seulement copie du protocole d'acquisition par la société MAPED afin de pouvoir se déterminer dans le cadre d'une préemption éventuelle).

Cette lettre, en revanche, fait état d'une "irrégularité de l'assemblée d'actionnaires tenue en 2012" supprimant les actions préférentielles de catégorie B, la lettre précisant "vous savez que l'absence de régularisation aboutirait à des assignations et dépôt de plaintes."

La société KOE y révèle ainsi son intention de "monnayer" sa sortie en des termes laissant penser qu'à défaut, l'offre d'acquisition peut être perturbée par des actions judiciaires ( « par ailleurs, comme nous en avons discuté, une régularisation préalable à la mise en 'uvre de notre sortie, si nous ne préemption pas, est nécessaire...."...." en effet, non seulement le protocole de 2008 nous donne droit à une part préférentielle du prix de cession que vous passez sous silence mais le désordre juridique entraîné par vos projets de violation fait peser une incertitude entre plusieurs options.... cela sans parler des éventuelles amendes pour le volet pénal qui viendrait potentiellement compliquer la situation.").

M. [E], directeur administratif et financier la société MAPED, dont il n'est pas établi qu'il a parti lié avec la société NYFI, affirme (attestation du 10 novembre 2016) avoir eu plusieurs échanges téléphoniques dont le dernier le 13 octobre 2015 avec M. [K] (société KOE) à l'initiative de ce dernier (les relevés téléphoniques tentant de démontrer le contraire ne sont pas probants) portant sur le différend opposant l'actionnaire majoritaire à la société KOE. Il précise en particulier que la société KOE envisageait de se retourner contre la société Heller-Joustra "sauf à trouver un accord avec Monsieur [X] [représentant de la société NYFI] sur la valeur de cession de leurs actions à NYFI, préalablement au rachat par MAPED".

Il conclut en indiquant que ces échanges avaient conforté la société MAPED de procéder à l'acquisition de la société Heller-Joustra "à la condition de détenir 100 % du capital".S'il est vrai que l'offre initiale du 24 juillet 2015 visait l'acquisition de l'intégralité des actions, comme le souligne la société KOE, l'offre de rachat révisée du 25 septembre suivant n'envisageait plus que la cession immédiate de 96,39 % du capital, puis 3 % en novembre 2015 laissant en suspens notamment la cession de la participation de la société KOE et d'autres minoritaires représentant en tout 0,61%.

L'intervention de la société KOE auprès de la société MAPED est également confirmée par un courriel de M. [E] du 14 octobre 2015 destiné à la société Joustra-Heller qui relate que la société KOE a fait état de son différend avec la société NYFI de sorte que la société MAPED menace de ne plus poursuivre son projet d'acquisition si elle n'a pas une parfaite connaissance de ce litige, la société MAPED insistant sur l'acquisition intégrale du capital. Il s'en déduit que l'intervention directe de la société KOE auprès de la société MAPED a durci la position de l'acquéreur qui avait, pour faciliter la cession, envisagé dans un premier temps l'acquisition de 96,38 % du capital puis le solde plus tard, exigeant désormais la cession immédiate de l'intégralité des actions.

Dans un courriel du 16 novembre 2015 adressé au représentant légal de la société Heller-Joustra (Mme [O]), le commissaire au redressement productif (M. [A]) expose s'être longuement entretenu avec M. [K] (société KOE) à propos des enjeux liés à la reprise de la société par la société MAPED et l'attachement de l'État à l'activité de l'entreprise. Il relève que M.[K] est dans l'attente d'une proposition de la part de l'actionnaire majoritaire (M. [X] représentant la société NYFI). Il s'interroge sur la qualité des rapports entre ces deux actionnaires ainsi que sur la bonne volonté de M. [K].

Il résulte d'un échange entre l'actionnaire majoritaire et le candidat cessionnaire (courriel du 30 septembre 2015) qu'il a été envisagé de partager le surcoût du rachat des participations minoritaires, ce à quoi l'acquéreur s'est opposé en maintenant le principe d'une "pénalité" imposée aux cédants pour faire face à la réclamation de la société KOE estimée entre 300 et 350'000 €.

Un document dénommé "Attestation", établi par Mme [O] (présidente de la société Heller-Joustra) le 28 novembre 2016, dont il n'est pas établi qu'à cette date elle avait parti lié avec la société NYFI, confirme que la société MAPED qui avait prorogé la date de signature des actes de cession au 30 novembre 2015 avait accepté une nouvelle prorogation au 31 décembre 2015. Mme [O] précise avoir demandé à M. [A] d'organiser le 23 décembre 2015 une réunion de médiation au Ministère de l'Economie et des Finances (M. [D]) avec M. [K] lequel s'y est rendu. Mme [O] précise que M. [K] n'a ni formulé ses attentes financières ni accepté de donner mandat pour céder les actions de la société KOE. La présence de M. [K] à cette réunion et les propos qu'il a tenus ne sont pas contestés.

Le 15 décembre 2015, la société Heller-Joustra, faisant état de la difficulté rencontrée avec la société KOE en précisant qu'il s'agit du seul actionnaire qui n'avait pas donné son accord à la cession envisgée, a obtenu du tribunal de commerce d'Alençon la désignation par voie d'ordonnance d'un mandataire ad hoc afin d'assister la société dans toute démarche pour aboutir à la cession de l'intégralité des actions.

Il résulte des documents échangés que la société KOE a manifesté l'intention de préempter mais n'a jamais répondu précisément à la société Joustra-Heller sur les conditions financières et les garanties qu'elle proposait pour y parvenir de sorte qu'il convient de s'interroger sur sa volonté réelle d'exercer ce droit de préemption.

En revanche, il est établi qu'à l'occasion de l'offre de rachat par la société MAPED de l'intégralité des actions de la société Heller-Joustra, la société KOE a tenté d'obtenir la réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi consécutivement à la suppression des actions privilégiées de catégorie B décidée en assemblée générale extraordinaire et spéciale le 18 décembre 2012.

La société KOE, dans l'unique but d'obtenir cet avantage financier personnel, a adopté un comportement d'obstruction systématique à la cession envisagée, en refusant d'y donner son accord, conduisant en définitive à son échec.

La société KOE se défend de cette obstruction objectant que la société Heller-Joustra avait manqué de transparence dans la négociation, disposait, en tout état de cause, de la faculté de mettre en oeuvre la cession forcée, l'offre de la société MAPED ayant toujours porté sur l'intégralité des actions.

Il ressort des courriels versés au débat que la société Heller-Joustra a toujours répondu précisément aux interrogations de la société KOE notamment sur les conditions du projet d'offre de sorte qu'il ne peut lui être reproché un manque de transparence. (courriels de la société KOE des 18 et 30 septembre 2015 et la réponse du 23 septembre de Mme [O] et du 1er octobre 2015 de la société NYFI).

La société KOE ne peut soutenir sérieusement, pour s'exonérer de sa responsabilité, que la société Heller-Joustra disposait de la faculté de lui imposer la cession forcée de ses actions au visa de l'article 7 du Pacte d'Actionnaires alors qu'elle fait valoir, à raison, que les conditions de sa mise en oeuvre n'étaient pas réunies outre qu'une action judiciaire ne s'inscrivait pas dans le temps de la cession envisagée, ce qu'elle ne pouvait ignorer, compte tenu de la nécessité de recapitaliser rapidement la société Heller-Joustra.

La cour a constaté, précédemment, que la société MAPED avait assoupli les conditions de son acquisition en envisageant d'acquérir immédiatement les seules actions pour lesquelles un accord des actionnaires avait été obtenu et ultérieurement les autres. Toutefois, il est établi que l'acquéreur a reconsidéré sa position en exigeant la cession, intégrale et immédiate, des actions après l'intervention directe de la société KOE auprès de lui à propos du différend qui l'opposait à la société NYFI sur la suppression des actions de catégorie B.

La société KOE soutient que la seule cause du retrait de la société MAPED était l' endettement élevé de la société Heller-Joustra. L'endettement de l'entreprise était certes élevé mais force est de constater que la société MAPED, au fait de cet endettement, a maintenu son offre jusqu'au 31 décembre 2015 et que ne pouvant être assurée de recueillir l'accord du dernier actionnaire, elle a préféré renoncer à son projet.

Il convient ainsi de relever que la société KOE, dernier actionnaire à n'avoir pas donné son accord sur l'offre (courriel du 24 novembre 2015 de Mme [O]) alors qu'il ne représentait que 0,22% du capital, n'a pas respecté les dispositions de l'article 3 "objet" du Pacte d'Actionnaire prévoyant la poursuite d'un objectif commun. En effet, la société KOE a subordonné son accord à une augmentation de la valeur de ses actions au détriment de l'ensemble des autres actionnaires, quand bien même elle pouvait être convaincue d'avoir subi un préjudice du fait de la tenue irrégulière de l'assemblée du 18 décembre 2012, mérite sur lequel il sera statué ultérieurement.

Elle a ainsi privé les autres actionnaires de la possibilité de céder leurs actions et pour certains de se voir rembourser leur compte-courant.

La société KOE a été avertie à plusieurs reprises des possibles conséquences de ses atermoiements sur la pérennité de l'entreprise et donc de l'emploi (lettres du 7 octobre 2015 de la société Heller-Joustra, courriel de M. [A] du 24 novembre 2015, courriel du même jour de Mme [O], lettre du 4 décembre 2015 de l'actionnaire majoritaire).

La société KOE, persévérant dans son attitude d'obstruction, a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle et doit être condamnée à réparer le préjudice qu'elle a pu causer.

Le jugement est infirmé.

Sur le préjudice

La société NYFI réclame la somme de 3.369.981,19 euros en réparation du préjudice financier subi.

Cette somme se décompose ainsi :

- 835.100 euros au titre de l'intégralité des actions d'Heller Joustra ;

- 2.534.881,19 euros au titre du remboursement du compte-courant d'associé.

Sur le prix des actions

La société NYFI a été privée de la possibilité de vendre ses titres du fait du comportement de la société KOE et revendique un montant fondé sur la dernière proposition d'offre du 25 septembre 2015.

La société KOE fait valoir que le prix de l'action n'était pas fixé, qu'il existait encore des points de désaccord même après l'offre révisée du 25 septembre 2015 et qu'il convient de tenir compte du redressement judiciaire intervenu au début de l'année 2016 démontrant l'endettement très important de la société Heller-Joustra conduisant à une valeur à zéro de l'action.

L'offre révisée du 25 septembre 2015 proposait un prix "plancher", non modifiable même en cas de mise en jeu de la garantie de passif, de 1 million d'euros pour 100% des actions ,soit 2.002.154 actions ce qui conduit à retenir une valeur de l'action de 0,49 euro.

L'actionnaire majoritaire et le repreneur ont échangé sur l'offre révisée du 25 septembre (courriel du 30 septembre 2015) comme le souligne la société KOE. Si des désaccords subsistent sur des points financiers et comptables, l'acquéreur maintient néanmoins son prix "plancher", "compte tenu des ajustements possibles des résultats 2015" (le vendeur ayant formulé une contreproposition à 1,5 million d'euros). Par ailleurs, les deux parties confirment, dans cet échange, leur accord pour un règlement de 1 million d'euros à la date de signature prévue au mois de novembre 2015, le solde étant réglé après détermination du prix définitif en avril 2016.

La société KOE ne peut se prévaloir du redressement judiciaire intervenu en janvier 2016 alors qu'elle a, par son comportement retardé puis empêché la recapitalisation de la société Helle-Joustra, conduisant à ce redressement judiciaire.

La cour retiendra la valeur de 0,49 euro par action conduisant à la somme de 820 481,97 euros correspondant à un nombre d'actions détenues par la société NYFI de 1.674 453 actions selon les éléments portés à sa connaissance (lettre du 8 septembre 2015 de notification de l'offre).

Sur le compte courant d'associé

L'offre initiale et celle révisée proposaient de procéder au remboursement des comptes courants d'associés ( offre du 24 juillet 2015, offre du 25 septembre 2015).

La société NYFI réclame le remboursement de son compte courant à hauteur de 2.534.881,19 euros.

La société KOE s'y oppose au motif que la convention de compte courant prévoyait un remboursement au 30 juin 2015 et que la société NYFI n'en a pas demandé le remboursement à cette date. Elle fait valoir que l'offre de cession prévoyait que les cédants pouvaient consentir tout abandon de créances avant la date d'effet de la cession. Elle soutient enfin que la société MAPED aurait renoncé à son offre du seul fait de l'endettement trop important de la société Heller- Joustra (dont les comptes courants).

La cour a déjà constaté que la société MAPED n'avait pas renoncé à son offre du fait de l'endettement de la société Heller-Joustra.

L'acquéreur n 'a pas subordonné son offre révisée à un abandon de créances même s'il en a envisagé l'hypothèse.

L'échange précédemment évoqué entre le candidat acquéreur et l'actionnaire majoritaire postérieur à l'offre révisée ne permet pas de constater que la société MAPED aurait renoncé à proposer le remboursement des comptes courants. Cet échange confirme, au contraire, l'accord des parties sur un remboursement intégral au nominal de celui-ci au mois de novembre 2015.

Les conventions de compte courant produites aux débats ne prévoient pas que faute d'avoir réclamé le remboursement de l'avance en compte courant à la date d'exigibilité, la société NYFI perdrait tout droit à remboursement.

La société NYFI justifie du montant réclamé de 2 534 881,19 euros, par une attestation d'un expert-comptable du 8 décembre 2016 ainsi que par la production de sa déclaration de créances du 8 mars 2016 (avec pièces jointes) dans le cadre de l'ouverture du redressement judiciaire de la société Heller-Joustra.

La société KOE conteste le principe de cette réclamation mais non le quantum.

La cour retiendra la somme de 2 534 881,19 euros au titre du compte courant dont elle n'a pu obtenir le remboursement du fait des agissements de la société KOE.

*

Ceci exposé, il convient de tenir compte de l'aléa que présente une opération de rachat tant que les actes de cession ne sont pas finalisés. La cour, pour en tenir compte, appliquera un taux de 75% aux montants précédemment retenus (820 481,97 euros et 2 534 881,19 euros) conduisant à une évaluation du préjudice de 2 516 522,37 euros.

En conséquence, la société KOE sera condamnée à verser à la société NYFI la somme totale de 2 516 522,37 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande incidente de la société KOE en dommages et intérêts à l'encontre de la société NFYI

- Sur les manoeuvres déloyales et trompeuses de la société NYFI

La société KOE réitère sa demande dont elle a été écartée de voir condamner NFYI à lui payer la somme de 1 euro au titre de son préjudice découlant des man'uvres déloyales et trompeuses dans l'exécution du Pacte d'Actionnaires. Elle soutient que la société NYFI ne lui aurait pas fourni les documents d'informations nécessaires dans le cadre de l'exercice de son droit de préemption. Elle fait valoir, en outre, qu'elle a été victime de discrédit par la société NYFI qui lui reproche d'être la seule responsable du blocage de la cession de titres.

Il résulte des développements précédents que la société KOE a obtenu de la société Heller-Joustra les éléments comptables et financiers qu'elle sollicitait, qu'elle n'explique pas en quoi la société NYFI qui est actionnaire, comme elle, avait pris l'engagement contractuel de lui donner ces informations alors qu'elle avait refusé de lui donner mandat pour céder ses actions, qu'il est apparu que la société KOE n'avait pas de véritable intention d'exercer son droit de préemption.

La cour a constaté par ailleurs que la société KOE était à l'origine de l'échec

de l'opération de rachat.

La cour confirmera le jugement en ce qu'il a écarté cette demande.

- Sur la violation par la société NYFI du contrat d'investissement et l'irrégularité de l'assemblée générale du 18 décembre 2012

La société KOE sollicite de nouveau la condamnation de la société NYFI à des dommages et intérêts, pour avoir été évincée de son droit à détenir des actions préférentielles de catégorie B. Elle fait valoir que le contrat d'investissement prévoyait de lui attribuer des actions de catégorie B dont elle a été privée par décision d'une assemblée d'actionnaires de la société Heller-Joustra du 18 décembre 2012 tenue irrégulièrement.

Les actions de catégorie B permettait, notamment, (art.13. 2, I-A)-b) des statuts de la société Heller-Joustra) de bénéficier de la répartition du boni de liquidation, après remboursement du montant nominal des actions, à hauteur de l'intégralité du montant investi actualisé au taux de 12 % par an dans la limite du double de leur investissement.

Il est constant qu'en application du contrat d'investissement la société KOE avait vocation à détenir et a obtenu des actions privilégiées de catégorie B. Il est aussi établi que l'ensemble des actions de catégorie B ont été converties en action ordinaire de catégorie A par décision de l'assemblée des actionnaires du 18 décembre 2012.

La société KOE considère cette décision comme irrégulière pour n'y avoir pas été convoquée Elle évalue son préjudice à la somme de 144 865,38 euros.

Il résulte des statuts de la société Heller-Joustra (article 24) que les assemblées d'actionnaires sont convoquées par le conseil d'administration représenté par son président, en l'espèce Mme [O], et non par l'actionnaire majoritaire, la société NYFI.

Les documents versés aux débats établissent que la société KOE a été régulièrement convoquée le 30 novembre 2012 à l'assemblée générale extraordinaire et à l'assemblée spéciale du 18 décembre 2012 ayant pour ordre du jour, notamment, la suppression des avantages accordés aux actions de préférence de catégorie B.(Lettre de convocation du 30 novembre 2012, preuve de dépôt d'un objet recommandé du 30 novembre 2012 à l'adresse de la société KOE au [Adresse 3] avec mention HEJ- AGE 18/12/2012 et avec mention HEJ- AGS de même date).

Il ressort des documents versés aux débats que la société KEO avait changé d'adresse ([Adresse 4]). Une nouvelle convocation, tant à l'assemblée extraordinaire qu'à l'assemblée spéciale, lui a été envoyée à la nouvelle adresse le 7 décembre 2012 (convocation avec demande d'accusé réception du 7 décembre 2012 reçue par la société KEO).

Il appartient à tout actionnaire de communiquer tout changement d'adresse .La société KOE ne rapporte pas la preuve d'avoir effectué cette diligence avant la convocation de l'assemblée litigieuse. En outre, la société KOE reconnaît avoir été informée de la tenue de cette assemblée (son courriel du 17 décembre 2012 adressé à l'ensemble des actionnaires).

En conséquence, la cour tiendra pour régulière la convocation de la société KOE à l'assemblée générale extraordinaire et à l'assemblée spéciale des actionnaires du 18 décembre 2012 et confirmera la décision des premiers juges en ce qu'ils ont débouté la société KOE de sa demande de dommages et intérêts pour violation du contrat d'investissement du mois de juin 2008.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera infirmé.

La société KEO qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable d'allouer une indemnité de procédure de 7 000 euros à la société NYFI.

La société KEO qui succombe, sera, en revanche, déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme, le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 29 novembre 2017 sauf en ce qu'il a débouté la société Kléber Opéra Entreprises de ses demandes de condamnation de la société New-York Finance et Innovation à titre de dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau,

Condamne la société Kléber Opéra Entreprises à verser à la société New-York Finance et Innovation la somme de 2 516 522,37 euros à titre de dommages et intérêts,

Et y ajoutant,

Condamne la société Kléber Opéra Entreprises à payer à la société New-York Finance et Innovation la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Kléber Opéra Entreprises aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 17/08887
Date de la décision : 11/06/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°17/08887 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-11;17.08887 ?
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