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06/06/2019 | FRANCE | N°18/041118

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05, 06 juin 2019, 18/041118


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 97A
5e Chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUIN 2019

No RG 18/04111 - No Portalis DBV3-V-B7C-SVZC

AFFAIRE :

E... I... ayant droit de Monsieur C... I...
...

C/

Public FOND D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

Décision déférée à la cour : Décision rendu(e) le 20 Juillet 2018 par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de
No RG :

Copies exécutoires délivrées à :

Me Carole-anne GREFF

la SELEURL HALKEN

Copies certifiées c

onformes délivrées à :

E... I... ayant droit de Monsieur C... I...,

J... I...

A... I... pris en la personne de son représentant légal

FOND D'INDEMNISATIO...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 97A
5e Chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUIN 2019

No RG 18/04111 - No Portalis DBV3-V-B7C-SVZC

AFFAIRE :

E... I... ayant droit de Monsieur C... I...
...

C/

Public FOND D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

Décision déférée à la cour : Décision rendu(e) le 20 Juillet 2018 par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de
No RG :

Copies exécutoires délivrées à :

Me Carole-anne GREFF

la SELEURL HALKEN

Copies certifiées conformes délivrées à :

E... I... ayant droit de Monsieur C... I...,

J... I...

A... I... pris en la personne de son représentant légal

FOND D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur E... I... ayant droit de Monsieur C... I...
Apt 134 - bât. E
[...]
comparant en personne, assisté de Me Carole-anne GREFF, avocat au barreau de VERSAILLES

Monsieur J... I...
[...]
[...]
représenté par Me Carole-anne GREFF, avocat au barreau de VERSAILLES

Monsieur A... I... pris en la personne de son représentant légal
[...]
[...]
représenté par Me Carole-anne GREFF, avocat au barreau de VERSAILLES

APPELANTS
****************
Public FOND D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
[...]
représentée par Me Emmanuel GALISTIN de la SELEURL HALKEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0659 substituée par Me Mélanie POETE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0659

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 28 Mars 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Madame Caroline BON, Vice présidente placée,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS

A la fin de l'année 2016, C... I..., qui avait travaillé du 10 mai 1975 au 31 décembre 2011 pour la société Continental France SNC en qualité de mécanicien, s'est fait diagnostiquer un mésothéliome, alors qu'il était âgé de 62 ans.

Selon décision du 27 juin 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise (ci-après, la ‘CPAM') a reconnu le caractère professionnel de sa pathologie au titre du tableau no30 des maladies professionnelles.

C... I... a saisi le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (ci-après, le ‘FIVA') d'une demande d'indemnisation de ses préjudices.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 novembre 2017, le FIVA lui a adressé l'offre d'indemnisation suivante :
- préjudice fonctionnel (taux IBF 100% à compter du 26 octobre 2016): réservé
- autres préjudices extra patrimoniaux: 114 200 euros
- préjudice moral: 67 700 euros
- préjudice physique: 23 000 euros
- préjudice d'agrément: 23 000 euros
- préjudice esthétique: 500 euros

C... I... a accepté l'offre selon quittance subrogatoire du 19 décembre 2017.

C... I... est décédé le [...] des suites de son mésothéliome.

Les ayants droits de C... I..., M. E... I..., son fils, agissant en son nom et en qualité de représentant légal de MM. J... et A... I..., (ci-après, les ‘consorts I...') a saisi le FIVA d'un demande d'indemnisation de leurs préjudices personnels et de remboursement des frais d'obsèques.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 juillet 2018, le FIVA leur a adressé l'offre d'indemnisation suivante :
- préjudice fonctionnel: néant
(la cour note ici qu'il s'agit, selon le FIVA, d'un poste de préjudice entièrement indemnisé par les indemnités servies par la CPAM)
- remboursement des frais funéraires : 5 000 euros

- préjudices personnels de M. E... I... (fils) : 8 700 euros;
- préjudices personnels de M. J... I... (petit-fils) : 3 300 euros;
- préjudices personnels de M. A... I... (petit-fils) : 3 300 euros;

Par déclaration au greffe de la cour de céans du 28 septembre 2018, les consorts I... ont contesté l'offre faite au titre de leurs préjudices personnels.

Selon conclusions communiquées le 25 octobre 2018, les consorts I... sollicitent de la cour qu'elle :
- constate l'offre indemnitaire des préjudices personnels des proches faite par le FIVA en faveur du fils et des petits enfants de C... I... ;
- constate, au vu des éléments produits par M. E... I..., que l'offre indemnitaire ne répond par au préjudice moral effectivement subi par lui, ni à l'accompagnement de fin de vie du défunt ;
- constate, au vu des éléments produits par M. E... I... pour ses enfants mineurs, J... et A..., que l'offre indemnitaire ne répond par au préjudice moral effectivement subi par eux ;
Et statuant à nouveau :
- condamne le FIVA à verser à M. E... I... la somme de 20 000 euros à titre de préjudice moral ;
- condamne le FIVA à verser à M. E... I... la somme de 15 000 euros à titre de préjudice d'accompagnement de fin de vie ;
- condamne le FIVA à verser à M. J... I..., petit enfant du défunt, la somme de 10 000 euros à titre de préjudice moral ;
- condamne le FIVA à verser à M. A... I..., petit enfant du défunt, la somme de 10 000 euros à titre de préjudice moral ;
- confirme les autres dispositions de l'offre indemnitaire ;
- condamne le FIVA à verser à M. E... I... la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile, outre exécution provisoire de l'arrêt à intervenir avec capitalisation des sommes à intervenir au taux légal, outre entiers dépens, sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile, au titre de la présente procédure.

Selon conclusions communiquées le 15 mars 2019, le FIVA sollicite de la cour qu'elle :
- confirme la proposition d'indemnisation faite par le FIVA le 20 juillet 2018 au titre du préjudice personnel subi par les ayants-droit de M. C... I... soit :
- préjudice moral et d'accompagnement de E... I..., fils : 8 700 euros
- préjudice moral de J... I..., petit fils : 3 300 euros
- préjudice moral de A... I..., petit fils : 3 300 euros
En tout état de cause,
- ordonne que les sommes versées par le FIVA à titre de provision amiable soient déduites des sommes dues en exécution de la décision à intervenir ;
- déboute les requérants de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

A titre préliminaire, la cour note que dès lors que la contestation ne porte que sur un point particulier de l'offre formulée par le FIVA, en l'espèce l'indemnisation du préjudice moral et d'accompagnement, il n'y a pas lieu de statuer sur les autres postes d'indemnisation, qui sont définitivement acquis aux consorts I....

La cour fait par ailleurs observer qu'en cours de procédure, M. J... I... est devenu majeur (il est né le [...] ) et que c'est donc directement à lui que les sommes complémentaires éventuellement allouées doivent être versées.

A l'appui de leurs demandes, les consorts I... font valoir, en particulier, que, malgré l'éloignement géographique pendant de nombreuses années (ils vivaient en Guadeloupe, où M. I... était affecté en qualité de gendarme), une relation affective forte existait entre eux et C... I....
M. E... I... précise qu'il est revenu en métropole durant l'été 2017 et que sa famille est allée vivre chez son père.
Les consorts I... étaient présents le jour du décès.
Dans la nuit, vers 3 heures du matin, C... I... a été pris d'un malaise alors qu'il se trouvait aux toilettes et est tombé. Alerté par sa mère, M. E... I... est allé lui porter secours, il était fait appel au ‘15', qui recommandait que, dans l'attente de l'intervention du service d'urgence, un massage cardiaque soit pratiqué.
M. E... I..., bien que formé à ce geste, se trouvait gêné pour le pratiquer sur son père très affaibli.
L'arrivée rapide des secours ne devait pas permette de maintenir en vie C... I....
Par ailleurs, la compagne de M. E... I... précise qu'ils avaient décidé d'avancer la date de leur mariage d'une année au début de 2018, dans l'espoir que C... I... puisse être présent.
D'autres attestations indiquent que M. E... I... se rendait au domicile de son père régulièrement, lors de ses repos hebdomadaires, outre pendant les vacances, de la fin octobre 2017 ou du 23 au 30 décembre 2017.
La défense des consorts I... considère ainsi qu'il convient de distinguer le préjudice moral subi par M. E... I..., du préjudice d'accompagnement dont ils ont souffert tous les trois.

Le FIVA soutient notamment, pour sa part, que la jurisprudence a reconnu qu'il n'était pas possible de distinguer le préjudice moral et le préjudice d'accompagnement du malade en fin de vie, ne serait-ce que pour maintenir une égalité de traitement entre les demandeurs sur l'ensemble du territoire.
Le FIVA relève que M. I... résidait à plus de 100 kilomètres de chez ses parents et que, s'il a pu se rendre régulièrement chez eux, cela ne suffit pas à établir "que Monsieur I... partageait habituellement avec son père une communauté de vie affective et effective justifiant l'indemnisation du préjudice spécifique d'accompagnement de fin de vie", tel que la Cour de cassation le définit (celui qui "a pour objet d'indemniser les troubles et perturbations dans les conditions d'existence d'un proche qui partageait habituellement une communauté de vie affective et effective avec la victime").
Le FIVA ajoute qu'il n'est pas justifié que l'un des consorts I... ait subi un choc psychologique d'une particulière intensité.
Enfin, le FIVA rappelle que les consorts I..., qui vivaient en Guadeloupe, ne sont revenus en métropole que sept mois avant le décès de C... I....

Sur ce

A titre préliminaire, la cour rappelle que la loi pose le principe de l'indemnisation intégrale des préjudices subis par les victimes de l'amiante. Il convient cependant de garder à l'esprit que le FIVA, instauré dans le but d'apporter une indemnisation aux personnes victimes de pathologies reconnues comme liées à l'amiante ou, en cas de décès en relation avec ces pathologies, à leurs proches, n'est pas une assurance mais repose sur une forme de solidarité nationale, ce qui rend d'autant plus nécessaire une approche raisonnable et harmonisée de l'indemnisation des préjudices.

La cour souhaite souligner, en outre, que rien dans ce qui suit ne saurait être interprété comme l'ignorance des, ou l'indifférence aux, souffrances que les consorts I... ont pu endurer. La cour entend apprécier au mieux les préjudices subis par chacun d'eux, dans le souci d'un équilibre avec les autres dossiers de même nature dont elle a à connaître.

En l'espèce, la cour ne peut pas suivre le raisonnement de la défense des consorts I....
Cette défense cite elle-même la ‘nomenclature Dintilhac', selon laquelle le préjudice d'accompagnement traduit "les troubles dans les conditions d'existence d'un proche qui partageait habituellement une communauté de vie affective avec la personne décédée à la suite du dommage".

Mais, ainsi que le FIVA l'a justement rappelé, la communauté de vie affective doit être effective.

En l'espèce, la cour convient que l'éloignement n'implique pas nécessairement que des liens affectifs existent ni qu'ils puissent être forts entre un père/grand-père et ses enfants/petits-enfants.
Mais encore faut-il que ces liens puissent être caractérisés et leur force particulière, le cas échéant, établie.

Si rien ne permet de remettre en cause l'existence d'un lien d'affection entre C... I... et les consorts I..., rien ne permet en revanche de le considérer comme particulier.

La cour souligne que, M. E... I... et ses enfants sont revenus en métropole pour aller vivre chez C... I..., ce n'est que pendant le temps du mois de juillet 2017, en attente de leur installation dans leur propre résidence.
Dès lors, s'ils ont pu constater l'état de santé fragilisé de C... I..., incontestablement, ils n'ont pas eu à subir la douleur morale de le voir quotidiennement affronter la maladie.

Les attestations produites ne traduisent pas un engagement spécifique de l'un ou l'autre des consorts I.... Comme la cour a déjà pu l'écrire, il faut considérer que le choix d'accompagner une personne en fin de vie n'a rien, en soi, d'exceptionnel, quand bien même cette personne est malade, et il est fréquent qu'une personne en fin de vie exprime une anxiété difficile à supporter pour les proches. En outre, il n'est pas rare qu'un enfant, ou un petit-enfant, fasse l'effort de passer un temps certain au domicile ou au chevet d'un parent mourant, ce qui est un choix personnel, dont la circonstance qu'il est honorable ne peut constituer une cause d'indemnisation distincte.

Cependant, il faut distinguer la situation de personnes qui, comme les consorts I..., ont entretenu une relation affective avec le défunt, de celles qui ont, en outre, assisté à la mort.

Or, en l'espèce, non seulement M. E... I... était présent mais il a dû pratiquer les gestes de premier secours sur son propre père. La circonstance qu'il ait été formé à ces gestes ne saurait atténuer la souffrance qui peut être éprouver de devoir intervenir sur son propre père.

La cour note également que, bien que la date du mariage de M. E... I... avec Mme Y... D. ait semble-t-il (ce n'est pas contesté) été avancée, C... I... n'a pu y assister.

Dès lors, il apparaît juste à la cour de considérer que le préjudice moral et d'accompagnement subi par M. E... I... sera plus précisément indemnisé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

En revanche, aucune précision n'est apportée quant à l'existence d'une relation plus particulièrement proche entre M. J... I... ou M. A... I... et leur grand-père, le fait d'aller à la pêche ou de faire du bricolage ensemble ne pouvant être considéré comme spécifique. Au demeurant, l'attestation de Mme veuve K... I... concernant ses petits-enfants est formulée en termes très généraux et aucun autre document (comme des photographies, par exemple) n'est produit.

Dans ces conditions, la cour confirmera les montants proposés par le FIVA en ce qui les concerne.

Il n'y a pas lieu à ordonner l'exécution provisoire, le présent arrêt étant seulement susceptible d'un pourvoi en cassation.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le FIVA sera condamné aux dépens.

Le FIVA sera en outre condamné à payer aux consorts I... une indemnité d'un montant de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme l'offre faite par le FIVA aux consorts en ce qui concerne M. J... I... et M. A... I... ;

L'infirme pour ce qui concerne M. E... I... ;

Fixe le montant de l'indemnisation due au titre du préjudice moral et d'accompagnement de M. E... I... à la somme de 10 000 euros ;

Condamne, en tant que besoin, le FIVA à payer cette somme en quittance ou en deniers ;

Rappelle que les éventuels dépens de la présente instance sont à la charge du FIVA ;

Condamne le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à payer aux consorts I..., unis d'intérêt, une indemnité d'un montant de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 18/041118
Date de la décision : 06/06/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2019-06-06;18.041118 ?
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