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04/06/2019 | FRANCE | N°18/05950

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 04 juin 2019, 18/05950


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



VM

Code nac : 00A



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 4 JUIN 2019



N° RG 18/05950 - N° Portalis DBV3-V-B7C-STSJ



AFFAIRE :



[X] [T]





C/

SA RECAMIER









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mars 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2012F01073



Expéditions exécu

toires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT



Me Pascal KOERFER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

VM

Code nac : 00A

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 4 JUIN 2019

N° RG 18/05950 - N° Portalis DBV3-V-B7C-STSJ

AFFAIRE :

[X] [T]

C/

SA RECAMIER

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mars 2015 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2012F01073

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT

Me Pascal KOERFER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUIN DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 4 juillet 2018 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de versailles le 28 mars 2017

Monsieur [X] [T]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

assisté de Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20180748, et Me Alain PIREDDU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1014

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SA RECAMIER

N° SIRET : B41 630

[Adresse 3]

[Localité 1]

LUXEMBOURG

assistée de Me Pascal KOERFER de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.31 - N° du dossier 18168281 et de Me Jean-Paul MANIN, Plaidant, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me LASKAR

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Avril 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSÉ DU LITIGE

Nommé le 10 mars 2004 administrateur de la société anonyme de droit luxembourgeois Recamier, M. [T] a démissionné de son mandat le 1er janvier 2007 avant que l'assemblée générale des actionnaires ne décide, le 3 juillet 2008, de dénoncer par la voie judiciaire ses détournements d'actifs relevés par le commissaire aux comptes de la société pour la somme de 215 217,08 euros. Sur appel du jugement du tribunal d'arrondissement de Luxembourg qui a condamné M. [T] à payer à la société Recamier la somme de 197 120,71 euros, la cour d'appel du Luxembourg a, par arrêt du 11 janvier 2012, infirmé cette décision pour avoir fondé la condamnation sur la responsabilité délictuelle au lieu de la responsabilité contractuelle.

Le 24 février 2012, la société Recamier a assigné M. [T] devant le tribunal de commerce de Nanterre pour le voir condamner, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil luxembourgeois, 59 de la loi luxembourgeoise sur les sociétés du 10 août 1915, modifiée, à lui payer la somme de 215.217,08 euros assortie d'un intérêt au taux de 5,75 % à compter de la mise en demeure du 30 septembre 2008 en application du règlement grand-ducal du 13 septembre 2007.

Par jugement du 17 mars 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- débouté M. [T] de sa demande de nullité de l'assignation,

- débouté M. [T] de ses demandes d'irrecevabilité fondées sur l'autorité de la chose jugée et sur la prescription,

- condamné M. [T] à payer à la société Recamier la somme de 196.820,71 euros à titre principal, avec intérêts au taux de 5,75% à compter du 30 septembre 2008,

- débouté M. [T] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

- condamné M. [T] à payer à la société Recamier la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le déboutant du surplus,

- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie à hauteur de la somme de 100.000 euros, déboutant du surplus,

- condamné M. [T] aux dépens.

Par arrêt du 28 mars 2017, la cour d'appel de Versailles a :

- rejeté la demande d'expertise,

- confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

- y ajoutant,

- condamné M. [T] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

Par arrêt du 4 juillet 2018, la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 28 mars 2017, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu la déclaration de saisine de cette cour par M. [T] le 21 août 2018.

Vu les dernières conclusions notifiées le 19 février 2019 par lesquelles M. [T] demande à la cour de :

- infirmer le Jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

- déclarer la société Recamier irrecevable en ses demandes,

Subsidiairement,

Vu les dispositions de l'article 157 de la loi du 10 août 1915 en vigueur au Luxembourg,

- déclarer la demande de la société Recamier prescrite, et irrecevable,

Encore plus subsidiairement sur le fond,

- constater que les prélèvements faits par Monsieur [T] ou les sociétés qu'il dirige et contrôle sont allégués pour un montant de 197.720,71 €,

- constater que M.[T] ou les sociétés qu'il dirige et contrôle ont remis aux sociétés filiales de la société Recamier les sommes de 98.566,92 €,

- constater que M. [T] ou les sociétés qu'il dirige et contrôle ont remis à la société Recamier la somme de 27.701,97 €,

- constater que M.[T] ou les sociétés qu'il dirige et contrôle ont remis à M. [F] [W] ou aux personnes qu'il a désignées les sommes de 155.850 euros,

- constater que les prélèvements faits par M. [T] ou les sociétés qu'il dirige et contrôle l'ont été en remboursement des sommes remises par M.[T] et les sociétés qu'il dirige ou contrôle aux filiales de la société Recamier, à la société Recamier, à M.[F] [W] en remboursement de son compte courant

- dire qu'aucune faute ne peut être reprochée à M.[T] ,

- débouter la société Recamier de toutes ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause,

- dire que l'action de la société Recamier a un caractère abusif, et que cette démarche est exclusive de toute bonne foi,

- la condamner à payer à M. [T] la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts,

- la condamner à payer à M. [T] la somme de 15.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- la condamner aux dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- la condamner à payer à M. [T] à titre de restitution des sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal de commerce de Nanterre :

* la somme de 100.000 € outre les intérêts légaux sur cette somme à compter du 10 novembre 2016,

* la somme de 300 € outre les intérêts légaux sur cette somme à compter du 1 er mai 2018,

* la somme de 300 € outre les intérêts légaux sur cette somme à compter du 2 juin 2018

Subsidiairement,

Avant dire droit, désigner tel expert qu'il plaira à la Cour, avec pour mission :

- d'analyser les opérations énumérées dans la pièce 53 de l'appelant contenant les annotations manuscrites de M.[W],

- de vérifier auprès des établissements bancaires la réalité des opérations énumérées dans cette pièce,

- d'obtenir de tous tiers concernés la communication de tous documents en relation avec la cause des paiements,

- d'effectuer toutes vérifications utiles dans les documents comptables, financiers et commerciaux de la société Recamier, de la société Delta Courtage International, de la société Amadeus Consulting Participation,

- de procéder à toutes investigations au siège de la société Recamier afin de connaître, au cours de la période concernée par les paiements litigieux, le nom des actionnaires, la part de capital détenue par chacun d'eux,

- de fournir à la Juridiction tous éléments techniques, comptables et de fait permettant de faire les comptes entre la société Recamier et M. [T].

Vu les dernières conclusions notifiées le 11 mars 2019 au terme desquelles la société Recamier demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 17 mars 2015 en toutes ses dispositions;

- En tout état de cause,

- débouter M.[X] [T] de ses demandes d'irrecevabilité fondées sur l'autorité de la chose jugée et sur la prescription;

- condamner M. [T] à payer à la société Recamier la somme de 200.820,71 € à titre principal, avec intérêts au taux de 5,75 % à compter du 30 septembre 2008 ;

- condamner M. [T] à payer à la société Recamier la somme de 1.996,37 € en remboursement des frais relatifs à ses fautes de gestion ;

- débouter Monsieur [X] [T] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [T] à payer à la société Recamier la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile ;

- condamner M. [T] aux dépens qui pourront être recouvrés directement en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mars 2019.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur la recevabilité des demandes de la société Recamier

M. [T] soulève l'irrecevabilité des demandes formées par la société Recamier à son encontre, au motif d'une part de l'autorité de chose déjà jugée par les juridictions luxembourgeoises, d'autre part de la prescription de l'action.

- sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée aux décisions luxembourgeoises.

Il résulte de l'article 33 du règlement de l'Union Européenne du 22 décembre 2000 ( Bruxelles I) concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

Dans son arrêt du 11 janvier 2012, la cour d'appel de Luxembourg a dit « non fondée » la demande indemnitaire formée par la société Recamier à l'encontre de son ancien administrateur M. [T] - en réparation du préjudice subi du fait d'un détournement d'actif - au motif que cette demande était fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle alors qu'elle aurait dû l'être sur la responsabilité contractuelle.

La cour de cassation observe que pour écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée, la cour d'appel a retenu que M. [T] invoquait le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle « lequel exclut (selon lui) entre les mêmes parties, les demandes subsidiaires fondées sur un autre ordre de responsabilité que celui invoqué au soutien de la demande principale ». La cour de cassation casse cet arrêt, au motif que : « en statuant ainsi alors que M. [T] faisait valoir que la société Recamier aurait dû invoquer devant la juridiction luxembourgeoise les régimes de responsabilité contractuelle et délictuelle, l'un à titre principal, et l'autre à titre subsidiaire, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ».

Ce qui est ainsi reproché à l'arrêt du 28 mars 2017 est de ne pas avoir correctement interprété les prétentions de M. [T] qui ne soutenait pas que la demande subsidiaire était exclue par le principe du non-cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles, mais soutenait que la société Recamier aurait dû invoquer devant les juridictions luxembourgeoises ' en application du principe de concentration des moyens - ces régimes, l'un à titre principal, l'autre à titre subsidiaire.

Devant la présente cour de renvoi, M. [T] reprend son argumentation initiale et fait valoir qu'une nouvelle action diligentée sur un nouveau fondement juridique est irrecevable dès lors qu'une précédente action pour la même cause, mais diligentée sur un autre fondement, a été définitivement rejetée. Il fait valoir que la société Recamier aurait dû, dès l'origine, agir sur les deux fondements, l'un à titre principal, et l'autre à titre subsidiaire, et que faute d'avoir agi de la sorte, elle est désormais irrecevable ' en application du principe de concentration des moyens ' à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

M. [T] ajoute qu'il importe peu que le droit luxembourgeois méconnaisse le principe de la concentration des moyens, dès lors que l'exception de chose jugée doit être appréciée au regard des lois de procédure de l'Etat dans lequel l'instance est poursuivie.

La société Recamier soutient pour sa part que la présente procédure est soumise au droit luxembourgeois. Elle soutient que le droit luxembourgeois ne connaît pas le principe français de la concentration des moyens, de sorte que rien ne s'oppose à ce qu'elle agisse en responsabilité contractuelle après avoir été déboutée d'une première procédure fondée sur une responsabilité délictuelle.

*********

La question posée par le présent litige est celle de la loi en application de laquelle l'autorité de chose jugée doit être appréciée, à savoir la loi française ou la loi luxembourgeoise, seule la première connaissant le principe de « concentration des moyens ».

Dans la mesure où l'exception de chose jugée sur la base d'une décision étrangère restreint l'activité juridictionnelle de l'Etat où elle est invoquée, elle est soumise à la loi du for. Il convient dès lors de faire application de la loi française.

Il résulte de l'article 1351 du code civil français, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, qu'elle soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Il incombe en outre au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci.

Force est ici de constater que la société Recamier s'est abstenue, devant les premiers juges, d'agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Il n'est pas contesté que les parties, leurs qualités et la chose demandée sont identiques dans la procédure ayant abouti à l'arrêt de la cour de Luxembourg et dans la présente instance. La demande indemnitaire est en outre fondée sur la même cause, à savoir les détournements d'actif reprochés à M. [T].

La société Recamier ne peut dès lors être admise à invoquer un fondement juridique différent qu'elle s'est abstenue de soulever en temps utile, de sorte que la demande se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation.

Il convient dès lors de déclarer la société Recamier irrecevable en sa demande, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 7 mars 2015 étant infirmé en toutes ses dispositions.

2 - Sur la demande reconventionnelle formée par M. [T]

M. [T] forme une demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts,à hauteur de 150.000 euros au motif que la société Recamier est « à l'évidence animée d'une intention de nuire », dès lors que les griefs formés à son encontre ' d'une particulière gravité puisqu'il est accusé d'abus de confiance - sont injustifiés. Il reproche en outre à la société Recamier d'avoir inscrit des hypothèques judiciaires sur le bien immobilier dont il est propriétaire, ce qui l'a obligé ' du fait de la vente de ce bien ' à séquestrer les sommes correspondant à ces inscriptions.

La société Recamier rappelle qu'elle a obtenu « gain de cause » dans les deux premières instances qui ont reconnu l'existence de son préjudice à hauteur de la somme de 196.820 euros, ajoutant que l'exercice d'une action en justice n'est pas fautif et qu'aucune intention de nuire n'est démontrée. Elle conclut dès lors au rejet de la demande formée à son encontre.

Les rapports du commissaire aux comptes de la société Récamier, pour les années 2003 à 2006, font apparaître un certain nombre de versements non justifiés effectués par cette société au profit, soit de M. [T], soit de sociétés qu'il dirige (notamment Amadeus Consulting).

M. [T] fait valoir que la société Recamier, société holding, mère de plusieurs filiales, est détenue à 100% par un dénommé [F] [W] avec lequel il a des liens familiaux. Il soutient que les versements effectués par la société Recamier, soit à son profit, soit au profit de sociétés qu'il dirige correspondent en fait à des remboursements d'avances que lui-même ou ses sociétés ont faites à M. [W] sur ses instructions. Il admet que ces procédés sont "peu orthodoxes au plan comptable", mais soutient que cela était parfaitement neutre pour la société Recamier qui n'a subi aucun préjudice, dès lors que les sommes prélevées - correspondant à des remboursements de sommes avancées pour M. [W] ou les sociétés qu'il dirige - étaient destinées au financement de ses filiales ou correspondaient à des prélèvements sur le compte courant créditeur de M. [W].

La société Recamier conteste cette argumentation et fait observer que les documents produits par M. [T] sont dépourvus de toute force probante, en ce qu'ils émanent de lui-même, ajoutant que le tableau attribué à M. [W] n'est pas écrit de sa main ainsi qu'il en atteste.

Le tableau n°2 établi par M. [T] fait apparaître un certain nombre de versements effectués par lui-même ou par les sociétés qu'il dirige au profit de la famille [W]. Il n'est pas démontré toutefois que ces versements auraient une contrepartie dans la comptabilité de la société Recamier et que celle-ci soit redevable envers M. [T] des sommes ainsi versées à la famille [W]. Il apparaît en outre un certain nombre de prélèvements en espèces, tantôt sur le compte de la société Recamier, tantôt sur des comptes non identifiés dont on ignore le réel bénéficiaire. Le tableau n°3 intitulé "opérations contrôlées par M. [W]" est en outre dépourvu de toute force probante, dès lors que ce dernier déclare qu'il n'a jamais annoté ce tableau et que l'écriture n'est pas la sienne.

Au regard de ces éléments, il apparaît à tout le moins que les prélèvements en espèces effectués par M. [T] sur le compte de la société Recamier au bénéfice de personnes qu'il est impossible d'identifier, dès lors que M. [W] conteste en être le bénéficiaire constituent bien des détournements d'actif de la société Recamier, de sorte que les allégations de celle-ci ne peuvent être qualifiées d'injustifiées.

La preuve d'une faute imputable à la société Recamier - en ce qu'elle aurait émis des accusations injustifiées - n'étant pas rapportée, la demande indemnitaire formée par M. [T] sera rejetée, étant au surplus observé que l'inscription d'hypothèques sur le bien de ce dernier a été réalisée sur le fondement de titres exécutoires, de sorte que là encore aucune faute ne peut être imputée à la société Recamier.

La seule infirmation du jugement est suffisante pour permettre le remboursement des sommes versées pour son exécution, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes en restitution.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement dont appel sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société Recamier sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [T] les frais irrépétibles qu'il a dû engager pour faire valoir son droit.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 4 juillet 2018,

Infirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 17 mars 2015,

Déclare la société Recamier irrecevable en ses demandes,

Déboute M. [T] de sa demande reconventionnelle,

Condamne la société Recamier aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile,

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 18/05950
Date de la décision : 04/06/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°18/05950 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-04;18.05950 ?
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