COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
VM
Code nac : 30E
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 MAI 2019
N° RG 18/00948 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SFIG
AFFAIRE :
SARL SECOIA
C/
SAS ERTECO FRANCE anciennement dénommée DIA FRANCE (DA signifiée le 05.04.2018 et 18.04.2018 et conclusions signifiées le 14.05.2018 selon PV de recherches infructueuses article 659 du CPC)
SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (assignée en intervention forcée le 02.05.2018)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 29 Janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 8
N° Section :
N° RG : 15/07409
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Mélina PEDROLETTI,
Me Martine DUPUIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT MAI DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL SECOIA
immatriculée au RCS d'EVRY sous le numéro 401 809 520,
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI,
Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 18000051 - Représentant : Me Christophe DENIZOT, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0119
APPELANTE
****************
SAS ERTECO FRANCE anciennement dénommée DIA FRANCE (DA signifiée le 05.04.2018 et 18.04.2018 et conclusions signifiées le 14.05.2018 selon PV de recherches infructueuses article 659 du CPC)
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - Représentant : Me Jean-philippe CONFINO de la SELAS CABINET CONFINO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0182 par Me TINGUELY
INTIMEE
****************
SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE (assignée en intervention forcée le 02.05.2018)
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - Représentant : Me Jean-philippe CONFINO de la SELAS CABINET CONFINO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0182 par Me TINGUELY
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte du 20 octobre 1989, la SCI [Localité 6] a donné à bail commercial à la société Erteco des locaux situés à [Adresse 7], à compter du 30 avril 1989. Après un premier renouvellement à compter du 1° mai 1998 jusqu'au 30 avril 2007, le bail s'est ensuite poursuivi par tacite reconduction.
Selon acte du 18 juin 2003, la SCI [Localité 6] a vendu les locaux à la société Eurosic, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Natixis.
Par acte du même jour, la société Eurosic a consenti un crédit-bail à la société Secoia. Au terme des conditions particulières de ce contrat, la société Eurosic a confié à la société Secoia mission de la représenter dans ses droits et obligations vis à vis du locataire.
Par actes d'huissier du 31 mars 2010, la société Erteco a fait signifier, tant à la société Secoia qu'à la société Eurosic, une demande de renouvellement du bail à compter du 1° avril 2010 moyennant paiement d'un loyer annuel de 55.000 euros.
La société Eurosic n'a pas donné suite à cette demande. Par acte du 4 juin 2010 la société Secoia a notifié à la société Erteco un refus de renouvellement avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction.
Par acte du 6 juillet 2012, la société Secoia a assigné la société Ed - venant aux droits de la société Erteco, mais aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Carrefour Proximité France (ci-après société Carrefour) - devant le tribunal de grande instance de Nanterre, aux fins de voir juger qu'elle était déchue de tout droit au renouvellement et au paiement d'une indemnité d'éviction (du fait de la prescription biennale), et de voir en conséquence ordonner son expulsion.
Par ordonnance du 20 juin 2013, le juge de la mise en état du tribunal de Nanterre a dit qu'il n'était pas compétent pour connaître d'une fin de non-recevoir tirée d'un éventuel défaut de qualité de bailleresse de la société Secoia, mais a prononcé la nullité de l'assignation du 6 juillet 2012 pour défaut de pouvoir de cette dernière (au motif que son mandat n'incluait pas le pouvoir d'introduire une action en justice).
La société Secoia a interjeté appel de cette ordonnance, sollicitant - aux termes de ses dernières conclusions - son infirmation en toutes ses dispositions sauf en ce que le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de son défaut de qualité à agir.
Par arrêt du 31 mars 2015, la cour d'appel de Versailles a infirmé l'ordonnance du 20 juin 2013, constatant la validité de l'assignation au motif que la société Natixis (venant aux droits de la société Eurosic) ' en ratifiant l'assignation du 6 juillet 2012 par un courrier de janvier 2013 - avait donné mandat à la société Secoia d'introduire l'action en justice. La cour ne s'est pas prononcée toutefois sur la question de la qualité à agir de la société Secoia qui ne lui était pas soumise.
Par jugement du 29 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Secoia,
- débouté la société Secoia de ses demandes,
- dit que le refus de renouvellement signifié le 4 juin 2010 est nul et de nul effet,
- dit que le bail dont la société Erteco (Carrefour) est titulaire s'est renouvelé au 1° avril 2010,
- condamné la société Secoia au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la société Secoia aux dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel interjeté le 12 février 2018 par la société Secoia.
Vu les dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2018 par lesquelles la société SECOIA demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 29 janvier 2018 dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé que la société Secoia avait qualité pour agir,
STATUANT à nouveau,
1°) A titre principal, juger que la société Carrefour ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement suite à l'acte du 4 juin 2010, faute d'avoir saisi le tribunal dans un délai de deux ans pour contester le refus de renouvellement du bail, elle est prescrite depuis le 4 juin 2012.
- juger valable et définitive la réponse à la demande de renouvellement de la société Secoia du 4 juin 2010.
2°) A titre subsidiaire, juger que la réponse à la demande de renouvellement de la société Secoia est parfaitement valable, celle-ci n'ayant pas besoin d'un mandat ou d'un accord de la société Natixis.
3°) A titre plus subsidiaire, juger que l'acte de refus de renouvellement de la société Secoia du 4 juin 2010 est valable, en ce qu'il a été ratifié rétroactivement par la société Natixis, la nullité de l'acte résultant du défaut de pouvoir étant couverte, peu important le délai de trois mois imparti par l'article L 145-10 du code de commerce.
- juger valable et définitive la réponse à la demande de renouvellement de la société Secoia du 4 juin 2010.
En conséquence,
- juger que la société Carrefour est sans droit ni titre depuis le 1°' avril 2010.
- ordonner l'expulsion de la société Carrefour ainsi que celle de tous occupants de son chef, des locaux situés à [Localité 6], avec si nécessaire l'intervention d'un huissier, des forces de l'ordre et d'un serrurier.
- ordonner la séquestration des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux, soit dans l'immeuble, soit dans un garde-meuble, au choix de la société Secoia aux frais, risques et périls de la société Carrefour, et ce en garantie des indemnités d'occupations et des réparations locatives qui pourraient être dues ;
- condamner la société Carrefour au paiement d'une somme de 928.2l6,80 euros correspondant au montant de l'indemnité d'occupation restant à sa charge due à compter de la date d'expiration du bail, soit du 1°' avril 2010 (somme à parfaire), outre les charges et taxes telles que stipulées audit bail et au paiement des intérêts au taux légal depuis chaque date d'exigibilité, avec capitalisation des intérêts.
- ordonner si nécessaire tel expert qu'il plaira à la cour, avec pour mission de donner son avis sur le montant de l'indemnité d'occupation de droit commun.
En toute hypothèse,
- débouter la société Carrefour de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Carrefour au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Carrefour aux entiers dépens dont distraction conformément à l'article 699 du code précité.
Vu les dernières conclusions notifiées le 5 février 2019 au terme desquelles la société Carrefour Proximité France (ci-après Carrefour), venant aux droits de la société Erteco, demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 29 janvier 2018 en ce qu'il a « rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité ou d'intérêt à agir de la société Secoia» ;
- confirmer ledit jugement en toutes ses autres dispositions ;
- Et, statuant de nouveau sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Carrefour:
- déclarer la société Secoia irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité, et la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire, et pour le cas où, par impossible, il serait fait droit à la demande d'expulsion de la société Secoia :
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Carrefour à compter du 1°avril 2010 à la somme annuelle de 67.397,60 euros ;
- débouter la société Secoia de ses demandes de fixation de l'indemnité d'occupation à 200.000 euros/an, de condamnation de la société Carrefour à lui payer un arriéré de 663.012 euros, et de désignation d'un expert ;
En tout état de cause :
- rejeter l'intégralité des demandes, fins et conclusions de la société Secoia ;
- condamner la société Secoia à payer à la société Carrefour la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Secoia aux entiers dépens, dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2019.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 ' Sur la demande principale de la société Secoia tendant à constater l'occupation sans droit ni titre de la société Carrefour, et à obtenir son expulsion
- Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité à agir de la société SECOIA
Il résulte de l'article 31 du code de procédure civile que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, la société Carrefour soutient que la société Secoia n'a pas qualité à agir à son encontre en validation d'un refus de renouvellement du bail et en expulsion, dès lors qu'elle n'a pas la qualité de bailleur, cette qualité appartenant exclusivement à la société Natixis, crédit bailleur. Elle ajoute que le courrier du 23 janvier 2013 par lequel la société Natixis ratifie l'assignation délivrée le 6 juillet 2012 constitue tout au plus un mandat délivré à la société Secoia pour agir (au nom de la société Natixis, bailleur), mais ne confère pas à celle-ci qualité pour agir en son nom personnel comme elle l'a fait. Elle fait ainsi valoir que l'assignation du 6 juillet 2012 en refus de renouvellement et expulsion ne pouvait être délivrée que par la société Natixis bailleur, éventuellement représentée par son mandataire, si l'on admet que la ratification du 23 janvier 2013 équivaut à un mandat pour agir en expulsion. Dès lors que l'action est introduite par la seule société Secoia, dépourvue de la qualité de bailleur, celle-ci est irrecevable.
La société Secoia soutient que le crédit-bailleur lui a transféré ses droits de bailleur initial, comme cela ressort de la déclaration préalable en page 8 du contrat de crédit bail, ajoutant que si une indemnité d'éviction était due, celle-ci serait à sa charge, ce qui démontre bien sa qualité de bailleur. Elle indique toutefois, de manière pour le moins contradictoire, que le crédit-bailleur lui a en outre confié un mandat lui donnant tout pouvoir de gérer le bail commercial. Elle soutient enfin que la ratification du 23 janvier 2013 couvre tant le défaut de pouvoir que le défaut de qualité à agir, ajoutant que l'acte de ratification produit rétroactivement ses effets entre le mandant, le mandataire et le tiers. Elle soutient qu'il est totalement indifférent de savoir si elle a agi en son nom personnel, ou bien au nom et pour le compte de son mandant, et qu'il est « inutile de polémiquer » sur ce point. Elle indique dès lors que les développements de la société Carrefour quant à la prétendue irrecevabilité de ses demandes doivent être purement et simplement écartés, notamment en ce que la cour se serait déjà prononcée sur la validité de l'assignation délivrée le 6 juillet 2012, cette décision du 30 mars 2015 ayant force de chose jugée.
*****************
- sur la qualité prétendue de bailleresse de la société Secoia
La déclaration préalable figurant aux conditions générales (page 8) du contrat de crédit bail selon laquelle « le preneur (aujourd'hui la société Carrefour) assumera les risques qui découlent de sa situation juridique, mais également toutes les obligations et toutes les conséquences juridiques ou fiscales, quelles qu'elles soient, qui incombent au propriétaire de l'immeuble », ne permet pas d'en déduire que le crédit bailleur a transféré à la société Erteco sa qualité de bailleresse.
Il ressort au contraire des conditions particulières ' qui prévalent sur les conditions générales, ainsi que cela est précisé en page 48 du contrat ' que la société Eurosic (aujourd'hui Natixis) a uniquement cédé à la société Secoia les créances résultant du bail (loyers) au fur et à mesure de leur exigibilité, lui accordant en outre un mandat de gestion du bail (notamment recouvrement des loyers, renouvellement du bail, transactions,....). Certains actes nécessitaient toutefois un mandat spécial du bailleur, et notamment les actes suivants : résiliation du bail, notifications de congés, fixation d'indemnités d'éviction, révisions de loyers.
Le simple fait que la société Secoia se soit vue confier un mandat de gestion du contrat de bail est totalement antinomique avec l'idée que cette dernière puisse bénéficier de la qualité de bailleresse. En effet, si tel avait été le cas, elle n'avait nullement besoin ni de ce mandat, ni de la cession de créances consentie par la société Eurosic/ Natixis.
Ces conditions particulières du contrat, qui prévalent sur les conditions générales rappelées plus avant (y compris sur la clause des conditions générales selon laquelle la société Secoia pourrait éventuellement se trouver débitrice d'une éventuelle indemnité d'éviction dans le seul cas d'une sous-location) démontrent ainsi de manière parfaitement claire que la société Eurosic/ Natixis avait seule la qualité de bailleresse, la société Secoia ne détenant pour sa part qu'un mandat de gestion locative, outre le fait qu'elle est cessionnaire de la créance de loyers.
- sur la qualité à agir de la société Secoia sur le fondement de son mandat de gestion locative et de la cession de créances dont elle est bénéficiaire
Les prétentions formulées par la société Secoia visent d'une part à l'expulsion de la société Carrefour au motif qu'elle occupe les lieux loués sans droit ni titre du fait du refus de renouvellement du bail, d'autre part au paiement d'indemnités d'occupation à compter de l'expiration du bail.
S'agissant de la demande d'expulsion, le bailleur a seul qualité pour agir à cette fin. S'il est certain que le bailleur peut donner mandat à un tiers d'agir en ses lieux et place, il n'en reste pas moins que l'action de ce mandataire ' lui-même dépourvu de toute qualité pour solliciter l'expulsion - ne peut être introduite qu'au nom de son mandant, et non pas en son nom personnel.
Force est ici de constater que l'assignation introductive d'instance a été délivrée par la société Secoia en son nom propre, sans indication aucune du fait qu'elle agissait comme mandataire ou représentante du bailleur. Dès lors qu'elle n'avait pas personnellement la qualité de bailleresse, la société Secoia était dépourvue de toute qualité à agir pour solliciter la validation du refus de renouvellement du bail et l'expulsion de la société Carrefour.
Il convient dès lors de la déclarer irrecevable en son action aux fins de constatation de l'occupation sans droit ni titre et d'expulsion. Le jugement sera infirmé de ce chef.
S'agissant de la demande en paiement d'indemnités d'occupation à compter de l'expiration du bail, la cour constate que, par l'effet de la cession de créances contenue dans le contrat de crédit bail, la société Secoia a acquis la pleine propriété des « créances résultant du bail en cours au fur et à mesure de leur exigibilité ». Outre le fait que l'expiration du bail est contestée par la société Carrefour, il apparaît que les indemnités d'occupation ' nécessairement postérieures au bail en cours - n'ont fait l'objet d'aucune cession de créances, de sorte que la société Secoia ne peut agir en recouvrement en son nom propre. Une éventuelle action sur le fondement de son mandat ne serait recevable qu'à condition qu'elle en fasse état en indiquant qu'elle agit au nom du bailleur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Agissant en son nom personnel, elle est dépourvue de toute qualité à agir.
Il convient dès lors de déclarer la société Secoia également irrecevable en son action en paiement des indemnités d'occupation. Le jugement sera infirmé de ce chef.
2 - Sur les demandes reconventionnelles formées par la société Carrefour
La société Carrefour sollicite la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il a accueilli favorablement ses demandes reconventionnelles en prononçant la nullité du refus de renouvellement signifié par la société Secoia, décidant en conséquence que le bail s'était renouvelé au 1° avril 2010.
- sur la recevabilité de la demande en nullité formée par la société Carrefour
Il résulte de l'article L.145-60 du code de commerce que toutes les actions exercées en vertu d'un bail commercial se prescrivent par deux ans.
En l'espèce, la société Secoia soutient que l'action exercée par la société Carrefour en nullité du refus de renouvellement est prescrite dès lors qu'elle a été exercée plus de deux années après la signification de ce refus, le 4 juin 2010. Elle ajoute que la société Carrefour ne peut se prévaloir du fait qu'elle agirait par voie d'exception, comme telle imprescriptible, dès lors que l'acte contesté a déjà produit une partie de ses effets, l'exécution volontaire de l'acte contesté entraînant sa confirmation.
Le moyen tiré de la nullité du refus de renouvellement n'a pas été exercé par la société Carrefour à titre principal, mais comme moyen de défense pour faire échec à la demande d'expulsion du bailleur fondée sur ce refus de renouvellement. Cette exception de nullité constitue dès lors un moyen de défense au fond qui est imprescriptible.
En outre, le fait que la société Carrefour se soit maintenue dans les lieux constitue bien une contestation du refus de renouvellement, et non pas une acceptation de ce refus. Le seul fait que les avis d'échéance émis par la société Secoia mentionnent le terme « indemnité d'occupation » ne caractérise pas en outre une manifestation de volonté de la société Carrefour d'accepter le refus de renouvellement.
La demande formée par la société Carrefour est donc recevable.
- sur le bien fondé de la demande tendant à la nullité du refus de renouvellement
Il résulte de l'article L. 145-10 du code de commerce que dans les trois mois de la signification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, dans les mêmes formes (acte extra-judiciaire) faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.
En l'espèce, la société Carrefour soutient que le refus de renouvellement notifié par la société Secoia le 4 juin 2010 est nul, dès lors que celle-ci n'avait pas la qualité de bailleur et qu'elle était dès lors dépourvue de tout pouvoir pour refuser le renouvellement du bail. Elle ajoute que la ratification, par le bailleur, de l'acte de refus est sans effet dès lors, d'une part que la société Secoia a agi en son nom propre et non pas au nom du bailleur, d'autre part que cette ratification est intervenue de manière tardive en janvier 2013, au-delà du délai de 3 mois prévu à l'article L. 145-10 précité, à une date où la nullité encourue ne pouvait plus être couverte. Elle sollicite dès lors la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de ce refus de renouvellement compte tenu de la tardiveté de la ratification.
La société Secoia soutient, à titre principal, qu'elle disposait bien d'un mandat général incluant la possibilité de refuser le renouvellement du bail de sorte que l'acte délivré le 4 juin 2010 n'encourt aucune nullité. Elle fait valoir à titre subsidiaire qu'en tout état de cause la ratification opérée en janvier 2013 valide le refus de renouvellement de juin 2010.
Au terme du mandat inclus dans le contrat de crédit bail (page 53), le crédit-bailleur a donné à la société Secoia une mission de le représenter dans ses droits et obligations vis à vis du locataire. Il est ensuite précisé que le bailleur: "confère tous pouvoirs au preneur à l'effet notamment de : gérer le bail commercial dont il a été question ci-dessus, poursuivre le paiement des loyers, effectuer les révisions tant des loyers que des dépôts de garantie, (suit une liste de 11 missions diverses) (...) aux effets ci-dessus passer et signer tous actes, élire domicile et généralement faire le nécessaire (....). Il est expressément convenu que toutes demandes de résiliation du bail, notifications de congés, fixation d'indemnités d'éviction, révisions de loyers devront faire l'objet d'un mandat spécial à conférer par le bailleur (...)."
Les termes de ce mandat font ainsi clairement apparaître que la société Secoia dispose d'un mandat général de représentation du bailleur, comportant une liste non exhaustive (dès lors qu'il est mentionné "notamment de") de diverses tâches à accomplir, certaines de ces tâches - limitativement énumérées - nécessitant toutefois un mandat spécial du bailleur.
Force est ici de constater que le "refus de renouvellement de bail", même avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction n'est pas inclus dans les actes qui nécessitent un mandat spécial du bailleur. Contrairement à ce qu'a pu estimer la présente juridiction - dans une formation distincte, et sans qu'il y ait autorité de chose jugée dès lors que la cour n'avait pas tranché ce point dans le dispositif de l'arrêt - il n'est pas pertinent de dire que "l'offre de paiement" d'une indemnité d'éviction s'analyse en une" fixation" de cette même indemnité. En effet, la simple offre de paiement est formulée sans aucune indication chiffrée, de sorte qu'elle est bien distincte de la fixation de cette indemnité. En outre, les actes impliquant un mandat spécial du bailleur sont limitativement énumérés dans la clause litigieuse, et il n'est pas possible d'en faire une interprétation extensive, d'autant qu'il s'agit d'exceptions au mandat général.
Il apparaît dès lors que la société Secoia disposait bien d'un mandat général incluant la possibilité de refuser le renouvellement du bail.
Le fait que la société Secoia ait fait délivrer l'acte de refus de renouvellement, non pas en sa qualité de mandataire du bailleur, mais en son nom propre, caractérise dès lors un simple vice de forme.
En application de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité. En l'espèce, la société Carrefour n'invoque ni ne prouve le grief que lui cause le fait que la société Secoia ait omis de mentionner dans son acte qu'elle agissait, non pas en sa qualité, mais en sa qualité de mandataire de la bailleresse.
Faute pour la société Carrefour de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de l'acte du 4 juin 2010 contenant refus de renouvellement. Cette demande sera donc rejetée. Le jugement sera infirmé de ce chef.
La cour ne peut toutefois faire droit à la demande tendant à déclarer l'acte du 4 juin 2010 valable, dès lors que le vice de forme, résultant du défaut de mention de la qualité de mandataire de la société Secoia n'a jamais été régularisé. Cette demande sera également rejetée.
- sur la demande de la société Carrefour tendant à dire que le bail dont elle est titulaire s'est renouvelé au 1° avril 2010
La société Carrefour sollicite la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il a dit que le bail s'était renouvelé au 1° avril 2010.
Force est toutefois de constater que cette demande tendant à voir constater le renouvellement du bail est formulée à l'encontre de la seule société Secoia - agissant en son nom personnel - qui n'a pas la qualité de bailleur, de sorte que cette dernière est a priori dépourvue de toute qualité pour défendre sur la prétention d'un renouvellement du bail.
En tout état de cause, il vient d'être constaté que l'acte de refus de renouvellement du bail n'était pas nul, de sorte que la demande tendant à dire que le bail s'est renouvelé ne peut aboutir.
Il convient dès lors de rejeter la demande tendant à constater le renouvellement du bail. le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Secoia qui succombe pour l'essentiel dans la présente instance sera condamnée aux dépens d'appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Carrefour les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 29 janvier 2018 en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déclare la société Secoia irrecevable en ses demandes tendant au constat d'une occupation sans droit ni titre, au prononcé d'une expulsion et au paiement d'indemnités d'occupation,
Rejette les demandes tendant à voir constater, d'une part la nullité ou la validité du refus de renouvellement du 4 juin 2010, d'autre part le renouvellement du bail,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société Secoia aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,