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23/05/2019 | FRANCE | N°17/08753

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 23 mai 2019, 17/08753


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 64B



3e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 23 MAI 2019



N° RG 17/08753



N° Portalis DBV3-V-B7B-SAS7



AFFAIRE :



[C] [X]



C/



SA AXA FRANCE IARD

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Novembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 7

N° RG : 16/05032



Exp

éditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :

Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

Me Christophe DEBRAY



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 64B

3e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2019

N° RG 17/08753

N° Portalis DBV3-V-B7B-SAS7

AFFAIRE :

[C] [X]

C/

SA AXA FRANCE IARD

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Novembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 7

N° RG : 16/05032

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [C] [X]

née le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 1] (92)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20171262

Représentant : Me Roland POYNARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0837

APPELANTE

****************

1/ SA AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 057 430

[Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

2/ Association KEDGE BUSINESS SCHOOL

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

3/ Association WAX'IT

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 17867

Représentant : Me Julie VERDON de l'ASSOCIATION HASCOET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0577

INTIMEES

4/ MUTUELLE HUMANIS NATIONALE

[Adresse 4]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMEE - assignée à personne habilitée le 24 janvier 2018

5/ Société LMDE (MUTUELLE DES ETUDIANTS)

[Adresse 5]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMEE - assignée à personne habilitée le 24 janvier 2018

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2019, Madame Françoise BAZET, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT

-------

Mme [C] [X], née le [Date naissance 1] 1994, étudiante à l'école de commerce [Établissement 1] à [Localité 7] depuis le mois de septembre 2014, participait à un séjour aux sports d'hiver organisé par une association de l'école, l'association Wax'it, entre le 4 et le 10 janvier 2015 à [Localité 8] [Localité 9] (Hautes Alpes).

En fin de séjour, le 9 janvier 2015, après un "apéritif dînatoire" organisé par l'association, Mme [X] et d'autres étudiants se sont retrouvés dans un des appartements mis à leur disposition.

Vers une heure du matin, le 10 janvier 2015, Mme [X], qui se trouvait avec une amie sur le balcon de cet appartement, a voulu enjamber la rambarde pour accéder à l'escalier extérieur de la résidence, afin de rejoindre les autres étudiants dans la boîte de nuit de la station. Elle a perdu l'équilibre et a chuté de deux étages.

Les secours appelés sur place ont trouvé Mme [X] inconsciente et ont diagnostiqué un traumatisme crânien grave, avec hémorragie méningée post traumatique, pétéchies frontales et au niveau du tronc cérébral, un traumatisme thoracique avec contusion pulmonaire modérée, une lame de pneumothorax et une fracture d'une côte. Mme [X] a été évacuée vers l'hôpital de Gap, puis, par hélicoptère, vers un service de réanimation de [Localité 10]. Elle a été admise à l'hôpital [Établissement 2], à [Localité 11], le 2 février 2015, dans un service de neurochirurgie, puis à l'[Établissement 3] le 17 février 2015, où elle est restée hospitalisée jusqu'au 30 octobre 2015. Mme [X] a ensuite suivi un programme quotidien de soins en hôpital de jour, composé de séances d'orthophonie, d'ergothérapie, de kinésithérapie, de neuropsychologie et de psychologie clinique. Elle a quitté l'hôpital de jour au mois de septembre 2016 et poursuit sa rééducation en milieu libéral à raison de trois à quatre séances par semaine au centre Seine Convention à [Localité 11].

Mme [X] a porté plainte pour blessures involontaires auprès du procureur de la République de Gap, qui lui a adressé le 20 août 2015 un avis de classement fondé sur l'absence d'infraction pénale. Elle s'est constituée partie civile le 5 avril 2018 devant le doyen des juges d'instruction de Gap, pour violation de l'article L3321-9 du code de la santé publique, blessures involontaires et mise en danger de la vie d'autrui par violation délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence. Cette procédure est toujours en cours.

Mme [X] a tenté de reprendre ses études, mais a dû les abandonner.

Mme [X] a, par acte du 22 avril 2016, assigné le groupe Kedge Business School, l'association Wax'it, leur assureur, la société Axa France Iard (Axa), la LMDE (La Mutuelle des étudiants) et la Mutuelle Humanis Nationale devant le juge des référés de [Localité 12] aux fins de désignation d'un expert. Le docteur [Y] [U] a été désigné par ordonnance du 23 août 2016 et a déposé son rapport le 20 mars 2017, portant des conclusions médico-légales provisoires, l'état de la victime n'étant pas consolidé.

Parallèlement et par actes du même 22 avril 2016, Mme [X] a assigné en réparation le groupe Kedge Business School, l'association Wax'it, leur assureur Axa, la LMDE et la Mutuelle Humanis Nationale.

La [Adresse 6] (MDPH) de [Localité 11] a le 21 mars 2017 notifié à Mme [X] une décision lui reconnaissant un taux d'incapacité supérieur à 80 %, avec attribution d'une carte d'invalidité et d'une allocation adultes handicapés (AAH).

Par jugement du 21 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- débouté Mme [C] [X] de toute demande présentée contre le groupe Kedge Business School, l'association Wax'it et Axa,

- débouté la LMDE de sa demande présentée contre le groupe Kedge Business School, l'association Wax'it et Axa,

- condamné in solidum Mme [C] [X] et la LMDE aux dépens de l'instance avec recouvrement direct,

- condamné in solidum Mme [C] [X] et la LMDE à payer au groupe Kedge Business School, à l'association Wax'it et à Axa, ensemble, la somme de 2 000 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

Par acte du 15 décembre 2017, Mme [X] a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 20 mars 2019, de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- juger que l'organisation de festivités où l'alcool était servi à l'excès et en contravention avec les dispositions du code la santé publique, par l'association Wax'it ainsi que le défaut de surveillance des participants, fautes commises tant à l'intérieur de la résidence qu'à l'extérieur, sont à l'origine de l'accident dont elle a été la victime,

- déclarer l'association Wax'it responsable sur le fondement contractuel de l'accident,

- subsidiairement, déclarer celle-ci responsable sur le fondement de la responsabilité délictuelle par application de l'article 1382 du code civil,

- la condamner 'conjointement et solidairement' avec Axa à réparer les préjudices subis

- ordonner un partage de responsabilité en fixant la part lui incombant à 30 %,

- surseoir dans l'un ou l'autre cas à statuer sur les postes de préjudice, dans l'attente du dépôt du rapport définitif de l'expert,

- lui accorder une provision de 150 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices, et condamner 'conjointement et solidairement' l'association Wax'it et Axa à la payer,

- dire la décision à intervenir opposable à la LMDE et à la Mutuelle Humanis Nationale,

- condamner 'conjointement et solidairement' l'association Wax'it, Axa et les défendeurs à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 20 mars 2019, Axa et les associations Kedge Business School et Wax'it prient la cour de :

à titre liminaire,

- donner acte à Mme [C] [X] de son désistement d'action contre Kedge Business School,

- déclarer le désistement parfait,

- mettre hors de cause l'école Kedge Business School,

- confirmer que l'association Wax'it n'est tenue que d'une obligation de sécurité de moyens dans le cadre des activités qu'elle organise,

- juger que l'accident dont a été victime Mme [X] le 10 janvier 2015 n'est pas survenu au cours d'une activité organisée par l'association Wax'it,

à titre subsidiaire,

- juger que l'association Wax'it n'a commis aucune faute de nature délictuelle,

à titre plus subsidiaire, si par extraordinaire, il devait être considéré que l'association Wax'it a commis une faute,

- juger que la faute commise par Mme [X] est la cause exclusive de son dommage,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sur le rejet de toutes les demandes de Mme [X] contre elles,

plus subsidiairement encore,

- juger que Mme [X] a concouru à son propre dommage pour une part au moins égale à 60 %,

- juger que l'association Wax'it ne saurait être tenue au-delà d'une part égale à 40 %,

- rejeter la demande de provision de Mme [X],

en tout état de cause :

- condamner Mme [X] à verser à l'association Wax'it, et à Axa une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec recouvrement direct.

Ni la mutuelle Humanis Nationale ni la LMDE, régulièrement assignées à personnes habilitées, n'ont constitué avocat.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2019.

SUR QUOI, LA COUR

Le tribunal a retenu que l'association Wax'it était tenue, au titre de l'organisation du séjour, d'une obligation de moyen de sécurité, lui imposant de mettre en place tous les moyens à sa disposition pour éviter les accidents, mais qui doit cependant s'analyser au regard de la qualité des participants, soit des étudiants majeurs et responsables. Il a considéré que la preuve n'était pas rapportée que l'association ait servi des alcools forts lors de l'apéritif dînatoire organisé entre 18 et 21 heures le soir de l'accident, et que, par ailleurs, rien n'établissait que l'état de Mme [X] à l'issue de cet apéritif ait rendu nécessaire une surveillance particulière, en raison de son état alcoolique, alors qu'il était reconnu qu'après cet apéritif, les étudiants s'étaient retirés dans leurs chambres et avaient continué à boire, notamment des alcools forts. Considérant qu'il était ainsi démontré que l'accident était survenu hors de toute activité organisée par l'association, après une consommation d'alcool dans un cadre purement privé, le tribunal a estimé qu'aucune faute n'était démontrée contre l'association, et que les demandes formulées contre Axa n'avaient pas à être examinées.

Mme [X] expose que les vacances organisées par Wax'it étaient aussi festives que sportives, et qu'en particulier régnait dans ce séjour une ambiance d'alcoolisation générale à l'origine de nombreux accidents sur les pistes. L'accident a eu lieu alors qu'elle-même et une autre jeune femme, [G] [K], avaient, par jeu, été enfermées sur un balcon à l'extérieur, ce qui les a conduites à tenter d'atteindre un escalier extérieur tout proche. Elle fait valoir que le périmètre de l'obligation de surveillance et de sécurité de Wax'it ne saurait exclure les moments auxquels les étudiants se trouvaient dans leurs appartements, puisque l'association avait désigné des responsables de chambre, s'était dotée d'un encadrement de 30 personnes pour 140 étudiants, et manifestait ainsi qu'elle était pleinement consciente que la gestion d'un groupe de 140 jeunes adultes pendant des vacances d'une semaine constituait une situation à risque. Mme [X], n'avait pas l'habitude de s'alcooliser et en a subi les conséquences en se trouvant 'dans un sale état' plusieurs fois au cours du séjour, et notamment la veille de l'accident, ce qui aurait dû conduire l'association à une surveillance plus étroite, son obligation étant fonction non de l'âge du participant, mais de sa vulnérabilité. Par ailleurs, ces débordements ayant commencé dès le premier jour du séjour, l'association aurait dû relever son niveau de surveillance en ce qui concerne la consommation d'alcool.

Elle en déduit qu'en réalité l'association a promu, dans le cadre du séjour incriminé, une véritable culture de l'alcool, et a également commis des fautes d'abstention, soit en ne mettant pas fin à la dérive constituée par l'abus d'alcool, soit en s'abstenant de tout contrôle effectif. Elle ajoute que, l'encadrement ayant connaissance de la pratique des étudiants de se séquestrer mutuellement, ce qui, dans un contexte d'alcoolisation massive présentait un danger extrême, l'association a engagé sa responsabilité en n'y mettant pas fin. Elle considère comme acquis que l'association a organisé une distribution d'alcool fort à volonté en infraction avec les dispositions du code de la santé publique et en violation avec les engagements pris à l'égard de la mairie de la commune, ce qui constitue l'amorce de la chaîne de causalité ayant conduit à l'accident.

L'association et Axa exposent que Wax'it a acheté un forfait touristique comprenant le transport, le logement, un forfait de remontées mécaniques, et la location du matériel pour chaque participant, et s'est chargée également de l'organisation d'activités et d'animations telles que, notamment la mise en place d'un 'icebar' au pied de la résidence, et sur une plage horaire limitée. Elles précisent que les deux jeunes filles ont été enfermées dans l'appartement, et non sur le balcon.

Elles rappellent que la jurisprudence considère de manière constante que l'organisateur d'une soirée festive n'est tenu que d'une obligation de sécurité de moyen à l'égard du participant dès lors que celui-ci conserve une liberté d'action. Ainsi l'organisateur n'est tenu que d'une obligation de moyen chaque fois que la sécurité du participant dépend essentiellement de son comportement, et qu'il doit en conséquence prendre certaines précautions pour ne pas subir de dommage. Or en l'espèce la preuve d'une consommation excessive de Mme [X] lors de l'apéritif dinatoire n'est pas rapportée, non plus que celle de la mise à disposition d'alcools forts à ce moment. N'est ainsi pas démontrée la nécessité d'une surveillance particulière de Mme [X] avant l'accident. Par ailleurs la désignation de responsables de chambrée, qui avait pour objet non une surveillance, mais constituait un mode de communication, et une organisation logistique, n'a pas fait perdre leur qualité de lieu privatif aux chambres des participants, appartenant à une sphère privée dans laquelle l'association ne pouvait intervenir. Elles observent que, selon les témoignages, Mme [X] est remontée dans son appartement pour y dîner avec ses camarades, puis a rejoint un autre appartement pour y retrouver d'autres participants. Là, pendant plusieurs heures, ils ont bu de l'alcool, non fourni par l'association, tout en jouant aux cartes et en discutant, en dehors de toute activité organisée par l'association.

Elles considèrent en outre qu'il ne peut être sérieusement soutenu que l'offre d'alcool à Mme [X] à l' 'icebar' a contribué à son dommage, puisqu'elle l'a quitté 5 heures avant l'accident, a choisi, par la suite, de boire de l'alcool fort, puis a, par sa propre volonté, enjambé le garde-corps du balcon pour rejoindre un escalier de secours, alors que rien ne le lui imposait. Subsidiairement, elles relèvent que Mme [X] est la seule responsable de l'état d'alcoolisation avancé dans lequel elle se trouvait lors de l'accident (0, 84 g/ litre plusieurs heures après), et partant, de sa décision inconsidérée de franchir le garde corps d'un balcon pour atteindre un escalier, alors qu'elle avait la possibilité d'attendre calmement dans l'appartement que ses camarades lui en ouvrent la porte.

***

Mme [X], qui indique expressément renoncer à son action contre l'association Kedge Business School en page 4 de ses écritures, n'a cependant formulé dans leur dispositif aucun désistement express. Néanmoins elle n'a présenté aucune demande contre cette partie, qui sera donc accueillie en sa demande tendant à ce que le désistement de Mme [X] à son égard soit constaté.

La responsabilité de l'association Wax it doit s'apprécier dans un cadre contractuel, cette dernière ayant fourni à titre onéreux un séjour en pension complète à Mme [X], et l'accident étant survenu pendant ce séjour et dans les lieux mis à disposition des participants. Doit être démontré un manquement de l'association à ses obligations contractuelles, un dommage, et un lien de causalité entre le manquement et le dommage.

L'organisateur d'un séjour sportif est tenu, vis-à-vis des participants à ce séjour, d'une obligation de sécurité de moyen. Il est de principe que cette obligation trouve ses limites, ainsi que justement rappelé par les intimées, lorsque la sécurité du participant dépend essentiellement de son propre comportement. Il doit à cet égard être rappelé, ainsi que justement souligné par le tribunal, que le séjour s'adressait à de jeunes adultes majeurs, doués de surcroît de capacités de réflexion puisqu'engagés dans des études supérieures, et non à des mineurs, réputés être sous la surveillance de leurs parents, ou d'une personne habilitée. Mme [X], qui était âgée de 21 ans lors de l'accident, en a d'ailleurs conscience, puisqu'elle admet avoir une part de responsabilité dans la survenance de l'accident, qu'elle évaluait à 40 % en première instance et 30 % devant la présente cour. De fait, il doit être rappelé, liminairement, que la cause première de l'accident, est la tentative d'[C] [X], de quitter l'appartement en enjambant la rambarde du balcon pour gagner un escalier extérieur, décision aberrante au regard de la configuration des lieux et de l'absence de nécessité, mais pouvant s'expliquer par l'état alcoolique sous l'empire duquel elle se trouvait. Il doit être précisé que le principal témoin des faits, [G] [K], a finalement admis que toutes deux n'étaient pas enfermées sur le balcon, mais dans l'appartement, ce qui exclut qu'elles aient voulu se mettre à l'abri du froid.

Est essentiellement reproché à l'association d'avoir promu une culture de l'alcoolisation, et mis à la disposition des participants, de manière générale et plus particulièrement le soir de l'accident lors de l'apéritif dînatoire, des alcools forts ressortant des 4ème et 5ème catégories déterminées par le code de la santé publique. Lui est en second lieu reproché un défaut de surveillance, de manière générale, alors que l'encadrement nombreux qu'elle avait prévu le lui permettait, et en particulier le soir des faits, en ce qui concerne [C] [X], dont il avait pu être constaté les jours précédents, qu'elle s'alcoolisait à l'excès.

L'examen des pièces produites ne permet pas de retenir une valorisation de la consommation d'alcool par l'association, l'outrance de certaines mentions sur le caractère 'enflammé' d'un cocktail offert, ou sur la nécessité de 'brûler' son foie devant être replacée dans le contexte d'un langage estudiantin par nature excessif et ne devant pas être compris au pied de la lettre. Une grande partie des pièces concerne par ailleurs des manifestations postérieures à l'accident. En outre, à supposer ce grief fondé, son caractère général exclurait tout lien de causalité avec l'accident du 10 janvier 2015. Le seul fait de disposer, dans les réfrigérateurs des appartements, un pack de bière lors de l'arrivée des participants, ne peut être considéré en lui-même comme une incitation à une consommation excessive.

En ce qui concerne les boissons disponibles à l'icebar, le tribunal a justement souligné les contradictions entre d'une part les témoignages de certains participants, tous camarades d'[C] [X], selon lesquels étaient proposés à l'icebar du genepy, de la chartreuse et du whisky, et, d'autre part, les déclarations des organisateurs et les échanges avec la municipalité, selon lesquels seuls étaient proposés de la bière et du vin chaud. Les quantités étaient d'ailleurs déterminées, ce qui explique qu'aient été distribués des tickets, théoriquement demandés pour l'obtention de boissons alcoolisées. En l'état, s'il apparaît vraisemblable que certaines boissons plus alcoolisées aient été servies, pour 'arranger' un coca ou un jus de fruit, et ce en infraction avec les prescriptions des articles L3322-9 et L3334-2 du code de la santé publique dans leur rédaction alors applicable, les éléments produits ne permettent pas de retenir avec la certitude requise que tel ait été le cas, même en prenant en considération les nouveaux témoignages fournis devant la cour, et notamment celui de [T] [A].

En tout état de cause, à supposer établi ce point pour les besoins du raisonnement, tous les témoignages convergent sur le fait qu'[C] [X] a quitté l'icebar vers 20 heures pour aller dîner dans son propre appartement. Personne n'a apporté d'éléments sur ce qu'elle avait consommé, ni sur un état alcoolique apparent. Le fait qu'elle se soit alcoolisée de manière excessive les jours précédents au cours de sorties en boîte de nuit ne peut faire préjuger qu'elle aurait consommé, notamment, des alcools forts lors de l'apéritif dînatoire le soir de l'accident. Or ce dernier est survenu entre 4 et 5 heures après le départ d'[C] [X] de l'icebar, et alors qu'il est certain qu'elle s'était alcoolisée de manière importante après le dîner, avec les amis qu'elle a rejoints dans leur appartement, selon les témoignages, notamment d'[G] [K], [V] [F], [K] [S] et [U] [B]. Elle présentait, environ 3 heures après l'accident (réquisition de mesure de l'alcoolémie à 4 h 30) un taux important (0, 84 g/ l). Le fait de dîner après cet apéritif dînatoire, lequel comportait également de la nourriture, a nécessairement aidé à l'élimination de l'alcool éventuellement ingéré à cette occasion, en sorte que ce taux d'alcoolémie apparaît essentiellement imputable aux verres pris après le dîner.

Il en résulte que, même à supposer établie l'offre d'alcools forts lors de l'apéritif dînatoire du soir du 9 mai 2015, fautive au regard des textes susrappelés et des engagements pris par l'association à l'égard de la municipalité, le lien de causalité de cette faute, elle-même hypothétique, avec l'accident ne serait pas démontré.

En ce qui concerne le défaut de surveillance reproché à l'association, il est en effet avéré que le 'staff' d'encadrement comptait 30 étudiants pour 141 participants, répartis dans les différents appartements, lesquels accueillaient en général 6 occupants. Il résulte néanmoins des pièces que ce 'staff' était chargé de l'animation et de certaines tâches matérielles (distribution des forfaits de ski, collecte des paniers repas, organisation des activités). Le seul fait que les participants aient été accompagnés dans la boîte de nuit de la station par des membres du 'staff' ne suffit pas à démontrer que l'association se considérait tenue d'une surveillance constante des participants.

Surtout, s'agissant de jeunes adultes majeurs, nécessairement jaloux de leur autonomie, un quelconque contrôle ou tentative de dissuasion des achats d'alcool et de la consommation dans les chambres, opéré par le membre du 'staff' désigné, n'entrait manifestement pas dans ses attributions, selon la commune intention des parties à la lecture des pièces produites décrivant les activités offertes (pièce 44 de Mme [X]). En effet le 'respo de chambre' est décrit comme un chef d'équipe dans les activités ludiques organisées, et également celui par qui passent toutes les communications des organisateurs. Il n'est ainsi investi d'aucune autorité particulière à l'égard des participants, et sa situation est comparable, en ce qui concerne les chambres, à celle d'un employé d'hôtellerie, chargé de veiller au bien-être des clients, mais en aucun cas de contrôler leurs actes dans leur chambre, sauf nuisance aux tiers ou aux lieux.

Eût-il d'ailleurs été investi d'un pouvoir d'instruction à l'égard des participants, ces derniers, majeurs, étant en droit de se procurer tous les alcools souhaités, et d'en faire, sous réserve d'éventuels troubles à la tranquillité du voisinage, l'usage qui leur en semblait approprié dans le lieu privé que constituait leur chambre, on voit mal quelle aurait été l'efficacité de consignes sur ce point, surtout de la part d'un de leur pair, sauf à prévoir des dispositions contractuelles spécifiques qui n'ont manifestement pas été envisagées, et qui auraient d'ailleurs semblé incongrues pour un séjour organisé par et pour des étudiants.

Par ailleurs, Axa et l'association rappellent à juste titre que les chambres constituaient des espaces privés, échappant par nature au contrôle des organisateurs du séjour, sauf événement particulier (fuite d'eau, dégradations, tapage etc...).

Enfin, rien ne démontrant qu'[C] [X] était déjà alcoolisée de manière excessive en sortant de l'apéritif dînatoire, le grief fait à l'association de ne pas l'avoir particulièrement surveillée à ce moment là n'est pas pertinent.

Aucun manquement de l'association à ses obligations contractuelles au titre du séjour acheté par Mme [X] n'est donc établi de ce point de vue.

A supposer que l'on puisse envisager une responsabilité quasi-délictuelle en présence d'un contrat de fourniture d'un séjour sportif, les mêmes motifs conduisent à exclure toute faute de l'association en lien de causalité avec le dommage subi par Mme [X].

Le jugement sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions.

Mme [X], qui succombe en son recours, en supportera les dépens, avec recouvrement direct, et contribuera aux frais de procédure exposés devant la cour par l'association Wax'it et Axa unies d'intérêts à hauteur de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate le désistement de Mme [C] [X] de son appel contre l'association Kedge Business School, et le dessaisissement de la cour de ce chef,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [C] [X] aux dépens d'appel, avec recouvrement direct,

La condamne en outre à payer à l'association Wax'it et la société Axa France Iard unies d'intérêts, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette le surplus des demandes.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 17/08753
Date de la décision : 23/05/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°17/08753 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-23;17.08753 ?
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