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15/05/2019 | FRANCE | N°17/02492

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 15 mai 2019, 17/02492


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES














Code nac : 80C





19e chambre





ARRET N°





contradictoire





DU 15 MAI 2019





N° RG 17/02492 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RRH6





AFFAIRE :





E... L...








C/





SASU MVCI HOLIDAYS FRANCE














Décision déférée à la cour : Jugement rendu l

e 15 Décembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX


Section : Commerce


N° RG : 08/00784











Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Mandine BLONDIN





AARPI TEYTAUD-SALEH





le :


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE QUINZE MAI DEUX MILLE DI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 15 MAI 2019

N° RG 17/02492 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RRH6

AFFAIRE :

E... L...

C/

SASU MVCI HOLIDAYS FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX

Section : Commerce

N° RG : 08/00784

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Mandine BLONDIN

AARPI TEYTAUD-SALEH

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur E... L...

[...]

Représenté par Me Mandine BLONDIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 689 substituée par Me Thomas GODEY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0305

DEMANDEUR ayant saisi la cour d'appel de Versailles en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 2017 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu le 1er juillet 2015 par la cour d'appel de Versailles

****************

SASU MVCI HOLIDAYS FRANCE

[...]

Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J125 substitué par Me Valérie MENARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J002 et Me Dany LUU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J002

DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat à durée déterminée du 15 mai 2006 devenu à durée indéterminée, M. E... L... a été engagé en qualité de négociateur immobilier, statut employé, par la société MVCI Holidays France. Cette société faisant partie du groupe hôtelier Mariott International a pour objet la commercialisation et l'exploitation d'un complexe touristique en temps partagé.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération mensuelle brute de 3 136,79 euros calculée sur les six derniers mois.

Souhaitant cesser ses activités de marketing et vente directe en France, confrontées, selon elle, à des difficultés économiques et supprimer, dans le cadre d'un licenciement collectif pour motif économique les 64 emplois s'y rattachant, la société MVCI Holidays France a mené une procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise, entre novembre 2007 et février 2008, au sujet de cette réorganisation et a mis en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi en mars 2008.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 février 2008, la société MVCI Holidays France a proposé à M. L... trois offres de reclassement auxquelles il n'a pas répondu.

M. L... s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 mars 2008.

La société MVCI Holidays France employait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail et la convention collective nationale applicable à la relation de travail est celle de l'immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers, etc..., du 9 septembre 1988.

Contestant son licenciement, M. L... a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux, le 9 juin 2008, pour demander essentiellement des dommages et intérêts pour nullité du licenciement.

Par jugement du 15 décembre 2009, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- débouté M. L... de sa contestation du licenciement,

- condamné la société MVCI Holidays France à verser à M. L... les sommes suivantes :

- 211,94 euros à titre de rappel de la prime de 13ème mois,

- 21,19 euros au titre des congés payés afférents au rappel de la prime 13ème mois,

- 1 534,66 euros à titre de rappel de l'allocation de congé de reclassement,

- 1 130,78 euros à titre de rappel de l'indemnité exceptionnelle de départ,

- dit que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2008, date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation,

- condamné la société MVCI Holidays France à payer à M. L... la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- débouté M. L... du surplus de ses demandes,

- condamné la société MVCI Holidays France aux entiers dépens y compris les frais éventuels d'exécution par voie d'huissier de justice de la présente décision.

M. L... a régulièrement relevé appel du jugement le 25 février 2010.

Jugeant insuffisant le plan de sauvegarde de l'emploi en matière de reclassement, la cour d'appel de Paris a par arrêt du 12 janvier 2012 :

- confirmé le jugement déféré sauf en ce qu'il déboute M. L... de sa demande tendant à constater la nullité de son licenciement et de sa demande subséquente en paiement de dommages et intérêts,

- statuant à nouveau et y ajoutant, condamné la société MVCI Holidays France à payer à M. L... les sommes suivantes :

- 37 641,48 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice consécutif à la nullité de la procédure de licenciement,

- 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné la société MVCI Holidays France à rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage payées au salarié licencié à compter du jour de son licenciement et dans la limite de deux mois,

- condamné la société MVCI Holidays France aux dépens de l'appel.

Par arrêt du 27 novembre 2013 la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2012 pour ne pas avoir vérifié si, dans son ensemble, le plan qui comportait un ensemble de mesures précises et concrètes et contenait notamment une liste de tous les postes disponibles dans les entités du groupe, répondait aux exigences légales, remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles.

Relevant que l'employeur n'avait pas saisi la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle de l'immobilier, la cour de renvoi a par arrêt du 1er juillet 2015 :

- infirmé partiellement le jugement,

- et statuant à nouveau, dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société MVCI Holidays France à payer à M. L... les sommes suivantes :

- 18 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 601,40 euros au titre de la prime du 13ème mois,

- 154,87 euros au titre de l'indemnité exceptionnelle de départ,

- 211,74 euros à titre de rémunération de congé de reclassement,

- débouté M. L... de sa demande de congés payés sur 13ème mois,

- confirmé pour le surplus le jugement,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné la société MVCI Holidays France à payer à M. L... la somme complémentaire de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- débouté la société MVCI Holidays France de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MVCI Holidays France aux entiers dépens.

Par arrêt du 8 mars 2017, la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision mais seulement en ce qu'elle condamne la société MVCI Holidays France à verser au salarié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le pourvoi des salariés reprochant à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande de nullité de leur licenciement étant quant à lui rejeté. La cassation est prononcée au motif que la cour de renvoi n'a pas recherché si la commission paritaire était investie d'une mission particulière en matière de reclassement externe.

M. L... a régulièrement saisi la cour d'appel de Versailles autrement composée, désignée comme nouvelle cour de renvoi, par une déclaration du 11 mai 2017.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 26 mars 2019, M. L... demande à la cour de :

- fixer sa rémunération à 3 136,79 euros,

- à titre principal, réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux le 15 décembre 2009, en ce qu'il rejette sa demande tendant à faire reconnaître la nullité du licenciement pour motif économique prononcé par la société MVCI Holidays France à son égard,

- dire et juger que le licenciement pour motif économique prononcé par la société MVCI Holidays France à son égard est nul en raison du caractère insuffisant du plan de sauvegarde de l'emploi,

- en conséquence, condamner la société MVCI Holidays France à lui payer a minima 12 mois de dommages et intérêts soit 37 641,48 euros bruts,

- à titre subsidiaire, réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux le 15 décembre 2009 en ce qu'il rejette sa demande tendant à faire reconnaître le licenciement pour motif économique prononcé par la société MVCI Holidays France comme étant sans cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que le licenciement pour motif économique prononcé par la société MVCI Holidays France à son égard est dépourvu de cause réelle et sérieuse :

- soit en raison de l'absence de difficultés économiques de la société,

- soit en raison de la carence de la société dans le respect de son obligation de reclassement,

- soit en raison de la carence de saisine par la société MVCI Holidays France de la Commission territoriale de l'emploi comme le requiert la convention collective de l'immobilier et l'ANI de 1969,

- en conséquence, condamner la société MVCI Holidays France à lui payer la somme de 75 282 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, à titre subsidiaire, 18 820,74 euros, correspondant à 6 mois de salaire,

- en tout état de cause, réformer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux le 15 décembre 2009, en ce qu'il ne lui octroie pas la totalité de la somme due par la société MVCI Holidays France au titre de rappel de la part variable de la gratification de 13ème mois,

- lui allouer à ce titre la somme de 1 601,40 euros ainsi que 160,14 euros au titre des congés payés afférents,

- réformer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux le 15 décembre 2009 en ce qu'il ne lui accorde pas la totalité de la somme due par la société MVCI Holidays France au titre de l'indemnité exceptionnelle de départ,

- lui octroyer à ce titre la somme de 154,87 euros,

- réformer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux le 15 décembre 2009 en ce qu'il ne lui octroie pas la totalité de la somme due par la société MVCI Holidays France au titre de rappel sur la rémunération versée à l'occasion du congé de reclassement,

- condamner la société MVCI Holidays France à lui verser 211,74 euros à ce titre,

- condamner la société aux dépens,

- condamner la société MVCI Holidays France à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 26 mars 2019, la société MVCI Holidays France demande à la cour de :

- à titre principal, prononcer l'irrecevabilité des conclusions et des demandes de M. L... excédant le périmètre du renvoi après cassation fixé par l'arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 2017 et passées en force de chose jugée :

- en conséquence, rejeter toutes ses demandes, fins et conclusions autres que celles portant sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, notamment quant à l'absence de saisine de la Commission Nationale Paritaire de l'Emploi du secteur de l'Immobilier,

- dire et juger que la Commission Nationale Paritaire de l'Emploi du secteur de l'Immobilier ne s'est pas vu confier de mission particulière en matière d'aide au reclassement et plus généralement que le licenciement de M. L... est justifié par une cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, débouter M. L... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions relatives à une prétendue absence de cause réelle et sérieuse de licenciement,

- dire et juger que les rappels de salaire prononcés par la cour d'appel de Versailles le 1er juillet 2015 sont passés en force de chose jugée,

- à titre subsidiaire, si la cour d'appel devait déclarer les prétentions subsidiaires recevables, confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Meaux en ce qu'il reconnaît l'absence de nullité du plan de sauvegarde de l'emploi, de la procédure de licenciement et du licenciement même de M. L...,

- en conséquence, débouter M. L... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Meaux en ce qu'il ordonne les régularisations salariales calculées par elle et débouter M. L... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

- en tout état de cause et à titre reconventionnel, ordonner le remboursement des sommes versées en exécution des arrêts de la cour d'appel de Paris du 12 janvier 2012 et de la cour d'appel de Versailles du 1er juillet 2015 au moyen d'une compensation judiciaire entre les sommes dues par les parties, au besoin en désignant un expert agréé près la cour d'appel ;

- condamner M. L... à lui verser 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Vu la lettre de licenciement,

Vu les conclusions des parties,

Sur la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée attachée aux dispositions de l'arrêt du 1er juillet 2015 n'ayant pas fait l'objet d'une cassation :

Considérant qu'à titre liminaire, la société MVCI Holidays France oppose la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée à la contestation du salarié sur le fondement de la nullité prétendue de son licenciement en raison de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi en matière de reclassement ;

Considérant qu'en l'espèce, dans son arrêt du 8 mars 2007, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi incident des salariés qui reprochaient à l'arrêt du 1er juillet 2015 de les avoir déboutés de leur demande de nullité de leur licenciement en raison du caractère insuffisant du plan de sauvegarde de l'emploi ;

Considérant que la cassation prononcée est expressément limitée à la question de la cause réelle et sérieuse de licenciement et n'atteint pas les dispositions de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande de nullité de son licenciement ;

Considérant que c'est donc à juste titre que la société MVCI Holidays France s'oppose à la réitération des demandes de nullité pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et ces prétentions visant à revenir sur une question maintenant définitivement tranchée seront déclarées irrecevables ;

Considérant que de même, la cassation partielle prononcée le 8 mars 2007 ne remet pas en cause la chose jugée par l'arrêt du 1er juillet 2015 relativement aux rappels de salaire dont la première cour d'appel de renvoi était saisie ; qu'en effet, les deux moyens du pourvoi formé par l'employeur au sujet de ces rappels de salaire ont été écartés comme n'étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Considérant qu'il en résulte là aussi que les dispositions de l'arrêt du 1er juillet 2015 se prononçant sur le montant de la prime du treizième mois, l'indemnité exceptionnelle de départ ou la rémunération du congé de reclassement ont acquis force de chose jugée et ne peuvent plus faire l'objet d'une discussion ;

Considérant que les demandes réitérées du salarié au titre de sa rémunération se heurtent donc à la fin de non-recevoir justement soulevée par son employeur ;

Sur la contestation du bien-fondé du licenciement :

Considérant qu'à l'appui de sa contestation, le salarié soutient qu'il n'existait pas de difficultés économiques, que son reclassement n'a pas été sérieusement recherché et que la société MVCI Holidays France ne pouvait pas se soustraire à l'obligation conventionnelle de saisir la commission territoriale de l'emploi pour tenter un reclassement externe ;

1- Sur l'existence de difficultés économiques :

Considérant que la lettre de licenciement fait état de difficultés financières caractérisées par des pertes importantes et récurrentes depuis 2002, une marge de développement structurellement négative au cours des trois derniers exercices rendant le point mort impossible à atteindre, la mévente de 48% du site, une baisse des ventes de 10 % au cours des deux dernières années et l'arrêt des phases V et VI du programme de construction ;

Considérant que cette lettre précise que cette situation a contraint la société MVCI Holidays France à arrêter ses activités de vente et de marketing avec les équipes basées en France afin de réduire le niveau de ses pertes, cette réorganisation ayant pour conséquence la suppression du poste occupé par le salarié ;

Considérant qu'après avoir rappelé que les difficultés économiques s'apprécient au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, l'intéressé estime que les documents produits par l'employeur ne permettent pas de vérifier la réalité et l'ampleur des difficultés alléguées et lui reproche de ne pas donner d'informations suffisantes sur la situation du secteur d'activité en dehors de France ;

Considérant cependant que la société MVCI Holidays France verse aux débats son compte de résultats pour les années 2005 à 2007 qui affichait des pertes passant de 18 347 554 € à 22 479 104 € entre les deux périodes malgré une subvention de la société mère de 50 millions d'euros ainsi que des tableaux montrant un déséquilibre durable entre les coûts et les revenus en raison de la mévente de ses programmes immobiliers attestée par un très faible taux de conversion (9,7 %) par rapport aux autres sites (14,8 % et 13,9%), un pourcentage d'invendus représentant près de la moitié du parc et des baisses de ventes de plus de 10 % au cours des deux dernières années ayant précédé le licenciement dont elle justifie par la fourniture de documents de gestion ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le salarié, l'employeur a donné des informations sur l'ensemble du secteur d'activité des résidences à temps partagé au sein du groupe Mariott International et celles-ci révèlent l'existence de pertes cumulées dans la région Europe et Moyen-Orient entre 2004 et 2007 avec un résultat négatif d'environ 7,73 millions de dollars ; que sont notamment produits les documents comptables intitulés Europe P&L de la division MVCI qui font état de pertes à hauteur de 16 000 000 de dollars pour toute la région Europe - Moyen-Orient ;

Considérant que la situation du secteur d'activité des résidences à temps partagé en dehors de France ne permettait donc pas de compenser la situation rencontrée sur le territoire national et le groupe Mariott International justifie, en produisant le compte de résultats de la marque MVCI dans le monde durant la période concomitante à la réorganisation, avoir connu des pertes records de près de 680 millions de dollars US dans cette branche d'activité et avoir arrêté ce genre de programmes en Europe ;

Considérant qu'enfin, l'attitude de l'employeur avant et au cours de la procédure de licenciement échappe aux critiques articulées par le salarié ; qu'il n'est justifié ni de l'existence d'une stratégie de transfert d'activité prévue de longue date ni des obstacles opposés par la société à l'examen de ses comptes et encore moins du fait qu'en faisant venir ponctuellement en France des équipes de Dubaï ou d'Espagne, la société MVCI Holidays France aurait poursuivi ses activités de ventes et marketing faussement supprimées ;

Considérant que sont donc établis la réalité et le sérieux du motif économique énoncé dans la lettre de licenciement ;

Que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il constate l'existence d'une cause économique de licenciement ;

2- Sur l'exécution par l'employeur de son obligation de reclassement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ;

Considérant que la société MVCI Holidays France doit donc justifier de sa recherche de reclassement dans les sociétés du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent une permutation du personnel ;

Considérant qu'en l'espèce, l'employeur démontre avoir mis en oeuvre les mesures de reclassement prévues par le plan de sauvegarde, telles que le Point Information Mobilité, la diffusion auprès des salariés concernés de la liste précise et détaillée de tous les postes disponibles au sein des diverses sociétés du groupe et l'accompagnement à la mobilité par des aides financières et administratives mais dit s'être heurté aux réticences de certains salariés ;

Considérant qu'il justifie aussi avoir proposé personnellement à M. L... trois postes de reclassement correspondant à sa qualification professionnelle de négociateur immobilier ;

Considérant que le salarié soutient que ces propositions de postes de qualification équivalente ne constituent pas une recherche suffisante de reclassement au regard de la taille et de l'activité du groupe Mariott qui dispose de moyens très importants pour remplir comme il se doit son obligation ;

Considérant qu'il critique notamment le fait que tous les postes de reclassement se trouvaient à l'étranger mais la société MVCI Holidays France indique, en produisant de nombreuses pièces à l'appui de sa démonstration, qu'elle n'avait qu'un seul établissement en France et qu'au sein du groupe Mariott, les autres postes de travail situés sur le territoire national relèvent du domaine de l'hôtellerie, dont l'activité, et l'organisation ne permettent pas la permutation du personnel ;

Considérant ensuite que le salarié prétend à tort que les propositions faites ne comportaient pas toutes les précisions utiles pour lui permettre d'y répondre en connaissance de cause alors que les offres indiquaient la nature et la qualification du poste, sa localisation exacte, le montant de la rémunération et des principaux avantages ainsi que la durée du travail promis ; qu'il disposait en outre du temps nécessaire pour recueillir des informations complémentaires sur les postes à pourvoir s'il avait été réellement intéressé ;

Considérant qu'il reproche également à son employeur de ne pas lui avoir adressé d'offres de reclassement d'un niveau inférieur mais la société MVCI Holidays France fait observer qu'en application du plan de sauvegarde élaboré après consultation du comité d'entreprise, il était prévu qu'elle adresse aux salariés concernés les postes disponibles de même catégorie ou correspondant à un emploi équivalent et que ce n'était qu'à défaut de possibilités de reclassement dans ces deux catégories qu'elle s'engageait alors à rechercher des emplois inférieurs avec l'accord exprès du salarié, ce dont il s'est abstenu ;

Considérant qu'enfin, le fait que l'employeur a, dans certains cas, proposé simultanément le même emploi à plusieurs salariés menacés de licenciement ne présente pas de caractère déloyal comme le prétend à tort le salarié ;

Considérant que, dans ces conditions, les premiers juges ont retenu à juste titre que la société MVCI Holidays France avait effectué une recherche sérieuse de reclassement avant de prononcer le licenciement de l'intéressé ;

3- Sur l'absence de saisine de la commission nationale paritaire de l'emploi :

Considérant que l'article 31 de la convention collective nationale de l'immobilier se réfère expressément aux dispositions de la loi et des accords nationaux interprofessionnels sur les licenciements collectifs pour cause économique pour tout ce qui concerne notamment la saisine de la commission nationale paritaire de l'emploi ;

Considérant que le salarié reproche à la société MVCI Holidays France de ne pas avoir saisi la commission paritaire de l'emploi avant de prononcer son licenciement et considère que cette omission rend la rupture de son contrat de travail sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant cependant qu'il n'existe pas d'obligation de saisir la commission paritaire de l'emploi, mise en place à l'intention des entreprises relevant d'une même convention collective, lorsque cette commission n'est investie d'aucune mission en matière de reclassement externe ;

Considérant qu'en l'espèce, en dehors de la référence à l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969, la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle de l'immobilier (CEFI) ne s'est vu attribuer aucune mission particulière en matière de reclassement externe, son intervention étant limitée, selon l'accord du 27 novembre 1996 définissant ses attributions, au financement et à l'évaluation de la formation, au recensement des métiers et à la communication ;

Considérant que la société MVCI Holidays France n'avait donc pas l'obligation de saisir la CEFI avant de prononcer le licenciement même si elle n'était pas parvenue à reclasser le salarié sur les postes proposés ;

Considérant qu'au vu de toutes ces considérations, le jugement sera confirmé en ce qu'il retient le bien-fondé du licenciement pour motif économique et déboute en conséquence le salarié de ses prétentions indemnitaires ;

Sur la compensation judiciaire :

Considérant que les arrêts de cassation des 27 novembre 2013 et 8 mars 2017 comme le présent arrêt constituent des titres suffisants pour permettre à la partie gagnante de recouvrer les sommes versées en exécution des décisions annulées sans qu'il soit nécessaire d'en ordonner le remboursement ;

Considérant qu'en exécution des différentes décisions judiciaires successivement intervenues à l'occasion du même litige, les parties se trouvent aujourd'hui réciproquement créancières de sommes d'argent certaines, liquides et exigibles ;

Considérant qu'il y a donc lieu de constater la compensation entre les dettes réciproques des parties réduisant le montant des sommes que le salarié doit rembourser après la première cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris de ce qui lui est dû en exécution des dispositions non atteintes par la cassation de l'arrêt rendu par la première cour de renvoi ;

Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;

- Déclare irrecevable la demande du salarié tendant à faire reconnaître la nullité de son licenciement en raison du caractère insuffisant du plan de sauvegarde de l'emploi et à obtenir la réparation du préjudice résultant de cette nullité ;

- Déclare irrecevable l'ensemble de ses prétentions en matière de rémunération ;

- Confirme le jugement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Constate la compensation des créances réciproques des parties résultant des décisions successivement intervenues dans le même litige, les condamnations pécuniaires non atteintes par la cassation prononcées contre l'employeur par l'arrêt de la première cour de renvoi s'imputant sur les sommes qui doivent lui être restituées par le salarié après la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris ;

- Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. E... L... aux dépens qui seront recouvrés pour ceux le concernant par Maître François Teytaud, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 17/02492
Date de la décision : 15/05/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-15;17.02492 ?
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