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15/05/2019 | FRANCE | N°17/00671

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 15 mai 2019, 17/00671


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 MAI 2019



N° RG 17/00671



AFFAIRE :



SAS DXC TECHNOLOGY anciennement dénommée CSC COMPUTER SCIENCES





C/

[G] [F]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Janvier 2017 par le conseil de prud'hommes - Formation de départage de Nanterre

N° Section : Encadrement

N° RG : F12/

03515



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



SCP COURTAIGNE AVOCATS



Me Laure THERRAIZE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 MAI 2019

N° RG 17/00671

AFFAIRE :

SAS DXC TECHNOLOGY anciennement dénommée CSC COMPUTER SCIENCES

C/

[G] [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Janvier 2017 par le conseil de prud'hommes - Formation de départage de Nanterre

N° Section : Encadrement

N° RG : F12/03515

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SCP COURTAIGNE AVOCATS

Me Laure THERRAIZE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS DXC TECHNOLOGY anciennement dénommée CSC COMPUTER SCIENCES

N° SIRET : 315 268 664

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentants : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - et Me Laurent GUARDELLI de la SCP COBLENCE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0053

APPELANTE

****************

Monsieur [G] [F]

né le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 8] (Allemagne)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentants : : Me Laure THERRAIZE, Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 524 et Me Giuseppina MARRAS de la SCP DELARUE - VARELA - MARRAS, Plaidant, avocat au barreau d'AMIENS -

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 février 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Corinne DELANNOY,

Par jugement du 30 janvier 2017, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement), en sa formation de départage, a :

- dit que la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail formulée par M. [G] [F], justifiée notamment par des faits de harcèlement moral, produira les effets d'un licenciement nul,

- condamné en conséquence la SAS CSC Computer Sciences à verser à M. [F] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2013 :

. 49 866 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 4 986 euros au titre des congés payés afférents,

. 34 185,91 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 207 000 euros à titre de rappel de rémunération variable,

. 20 700 euros au titre des congés payés incidents,

. 1 795 176 euros à titre de rappel de bonus,

. 15 034 euros à titre de rappel de congés payés,

. 179 574,99 euros à titre de rappel des indemnités journalières de sécurité sociale, en deniers ou quittances,

- condamné la SAS CSC Computer Sciences à verser à M. [F] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du jugement :

. 160 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- ordonné à la SAS CSC Computer Sciences la remise des documents sociaux conformes au jugement,

- ordonné à la SAS CSC Computer Sciences d'assurer la portabilité du numéro de portable personnel ([XXXXXXXX02]) de M. [F],

- ordonné à la SAS CSC Computer Sciences d'assurer la portabilité des garanties concernant M. [F] auprès de la mutuelle AGR la mondiale,

- ordonné à la SAS CSC Computer Sciences la remise des affaires personnelles de M. [F] se trouvant encore dans son bureau,

- condamné la SAS CSC Computer Sciences à verser à M. [F] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SAS CSC Computer Sciences aux dépens,

- rappelé que la condamnation de l'employeur au paiement des sommes visées par les articles R.1454-14 et 15 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l'article R.1454-28,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions des articles R.1454-14 et 15 du code du travail selon laquelle la condamnation de l'employeur au paiement des sommes visées est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l'article R.1454-28,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 16 622 euros.

Par déclaration adressée au greffe le 3 février 2017, la société CSC Computeur Sciences, devenue la société DXC Technology France, a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 18 décembre 2018.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 14 décembre 2018, la société DXC Technology France demande à la cour de :

- la recevoir en ses présentes conclusions et l'en dire bien fondée,

en conséquence,

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à rembourser les sommes perçues à la suite du jugement du conseil de prud'hommes du 30 janvier 2017,

à titre subsidiaire,

- limiter son rappel de salaire au titre de sa rémunération variable de l'exercice 2012 à 47 250 euros, ou à défaut à 81 542,72 euros,

- limiter sa demande de congés payés à 8 416,74 euros, correspondant à 26 jours de congés payés,

- limiter sa demande de rappel de primes de vacances à 1 362,24 euros, au titre des années 2015 et 2016,

- limiter son indemnisation au titre de la résiliation de son contrat de travail à 6 mois de salaire au titre de la nullité ou du défaut de caractère réel et sérieux de son licenciement,

- limiter son indemnité compensatrice de préavis à 29 616 euros,

- limiter son indemnité de licenciement à 23 857,33 euros,

- condamner M. [F] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 30 avril 2018, M. [F] demande à la cour de :

- déclarer la société DXC Technology France, anciennement dénommée CSC Computer Sciences, recevable en son appel mais mal fondée,

- le dire recevable et bien fondé en l'intégralité de ses demandes,

- dire que son ancienneté à la date à laquelle statuera la cour est de 8 années et 9 mois (8,75 années),

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a :

. dit que son salaire brut moyen de référence est de 16 622 euros,

. condamné la société DXC Technology France, anciennement dénommée CSC Computer Sciences, à lui verser les sommes suivantes :

. 207 000 euros, outre 20 700 euros à titre de congés payés afférents au titre de la rémunération variable annuelle d'octobre 2009 à mars 2012,

. 1 795 176 euros au titre du bonus nouveaux contrats (Arcelor Mittal, Aperam, Cocacola, AGC)

. ordonné le remboursement par l'employeur des sommes versées par la CPAM au titre de l'accident du travail (période du 17 avril 2014 au 6 juin 2016) soit la somme totale de 179 574,99 euros,

. constaté l'existence du harcèlement moral,

. prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur du fait de ses manquements, entraînant les effets d'un licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse,

. condamné l'employeur au paiement de diverses sommes à ce titre,

. sauf à en infirmer le quantum :

. 299 696 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse,

. 48 480,83 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement actualisée au moins de juin 2018,

. 49 866 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 4 986 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

. 166 220 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct lié au harcèlement subi,

y ajoutant,

- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

. 760 euros à titre de rappel de frais (cotisation de la carte american express plus frais de parking),

. 90 529,08 euros à titre de rappel de congés payés et RTT, outre 1 822,44 euros au titre des jours d'ancienneté,

. 24 074,42 euros au titre du paiement primes vacances,

en tout état de cause,

- ordonner à la société CSC de lui permettre de bénéficier à la rupture de son contrat de travail de la portabilité de son numéro de téléphone portable personnel ([XXXXXXXX01]) dont il disposait avant son arrivée chez CSC,

- ordonner à la société CSC d'assurer la portabilité des garanties de la prévoyance et mutuelle AG2R la mondiale et AON, l'employeur devant instruire cette demande auprès de la prévoyance et mutuelle et lui transmettre les documents, dont les garanties du contrat prévoyance, tel que prévu par la loi et les garanties du contrat,

- ordonner la remise de ses effets personnels et encore présents dans l'entreprise,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes (attestation Pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte), le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard, le présent conseil se réservant la faculté de liquider ladite astreinte,

- intérêt au taux légal à compter de la saisine de la juridiction pour les sommes de nature salariale et à compter de la notification de l'arrêt de la cour pour les sommes de nature indemnitaire,

- condamner l'employeur aux entiers dépens, en ce compris les frais acquittés par lui à l'huissier de justice pour obtention du rapport technologia à hauteur de 2 278,40 euros, outre les frais liés à l'exécution de la décision qui sera rendue,

- article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros en cause d'appel en sus de la somme de 1 500 euros allouée en première instance.

LA COUR,

M. [G] [F] a été engagé par la société CSC Computeur Sciences, qui a pour activité principale le conseil, en qualité de partner, par contrat à durée indéterminée en date du 23 juillet 2009. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective SYNTEC.

Le salarié a fait l'objet de plusieurs arrêts maladie ponctuels en date des 21 février, 12 et 17 mai 2011, au motif d'une « dépression réactionnelle ».

Le 23 août 2011, le médecin du travail a déclaré M. [F] : « inapte temporaire » au motif d'une « situation de stress professionnelle organisationnelle très anxiogène ».

Le 24 août 2011, un certificat d'accident du travail a été établi au motif d'une « dépression réactionnelle professionnelle. Burn out » et le salarié a été en arrêt de travail jusqu'au 5 septembre 2011.

Le 21 octobre 2011, M. [F] a de nouveau été placé en arrêt maladie au motif d'un « harcèlement moral au travail ».

Par lettre du 6 janvier 2012, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 17 janvier 2012, entretien par la suite reporté et non suivi d'effets.

Par lettre du 13 février 2012, le salarié a dénoncé les faits de harcèlement moral dont il se prétendait victime auprès de l'inspection du travail.

Lors d'une réunion du CHSCT en date du 28 février 2012, les membres du CHSCT ont décidé de mener une enquête pour danger grave et imminent et de recourir à l'assistance du cabinet d'expertise Technologia. Le 10 septembre 2012, le rapport de ce cabinet a été présenté au CHSCT.

Par lettre du 21 octobre 2011, le salarié a saisi la CPAM des Hauts de Seine d'une demande tendant à ce que « sa maladie depuis le 23 août 2011 soit requalifiée en accident du travail ». A la suite du refus de la CPAM du 7 décembre 2012, par un jugement en date du 21 octobre 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale a rejeté la requête en annulation de la décision de rejet implicite rendue par la Commission de recours amiable présentée par M. [F], considérant l'absence de fait accidentel.

Le 11 avril 2014, M. [F] a sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, la dépression réactionnelle. Par une décision en date du 25 juin 2015, la CPAM l'a informé de la prise en charge de sa maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels rétroactivement à compter du 17 avril 2014. La société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande de contestation de l'opposabilité de cette décision à son encontre.

Le 24 décembre 2012, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre.

SUR CE,

A. sur l'incident de communication de pièces :

Ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, la plupart des pièces ont été traduites soit par M. [F], soit par la société DXC Technology France. La fidélité des traductions n'est en outre pas discutée. Les pièces qui n'ont pas été traduites sont rédigées dans un anglais simple. Leur contenu est compris des deux parties. Il l'est également de la cour. Il conviendra donc de rejeter la demande de la société DXC Technology France tendant à les voir écartées des débats.

B. Sur les primes et bonus :

M. [F] expose qu'en dépit des termes de son contrat, il n'a pas été rétribué de la partie variable de sa rémunération et que ses objectifs n'ont jamais été fixés ; qu'il en va de même de ses bonus, précisant à cet égard que les pièces contractuelles qu'il verse aux débats permettent d'établir qu'il était éligible tant à des primes annuelles qu'à des bonus, ces deux éléments de rémunération étant distincts.

Pour sa part, la société DXC Technology France considère que la rémunération et le « bonus » dont il est question dans l'avenant constituent la même rémunération, le bonus ne devant en aucun cas être versé en sus de la rémunération variable. Elle ajoute que les objectifs de M. [F] lui étaient connus et qu'il ne les a pas atteints de telle sorte qu'il ne peut prétendre à la prime afférente.

1) Sur le bonus :

L'article 1156 du code civil, dans sa rédaction en vigueur au jour où l'avenant du 25 septembre 2009 a été signé, dispose que le juge doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

En l'espèce, l'article 4 du contrat de travail du 23 juillet 2009, à effet au 5 octobre 2009 stipule :

« votre rémunération brute sera constituée par :

. une partie fixe brute de 115 000 euros versée en 12 mensualités de 9 594 euros,

. une partie variable brute annuelle de 81 000 euros versée à la fin de l'exercice fiscal en fonction de la réalisation des objectifs de l'année définis par la direction générale par voie d'avenant ; l'exigibilité et le paiement de cette partie variable sont subordonnés à la signature de l'avenant par les deux parties.

A titre exceptionnel, nous vous garantissons le versement anticipé de 24 000 euros de cette partie variable brute annuelle. Cette somme sera versée en 6 mensualités de 4 000 euros à compter de votre date d'arrivée. »

L'avenant du 25 septembre 2009 prévoit : « (') suite à nos entretiens, en complément de votre contrat de travail, nous avons le plaisir de vous confirmer les éléments suivants. Vous bénéficiez d'un plan de bonus annuel, en plus de votre rémunération annuelle. Nous vous joignons à ce courrier un plan de bonus, exhibit A applicable à votre date d'entrée au sein de notre société. Votre (salaire de base de référence) correspond à la somme de votre salaire fixe et de votre salaire variable suivant votre contrat de travail. Vos objectifs annuels pour le plan de bonus seront définis par la direction générale par voie d'avenant qui devra être signé par les deux parties. » (pièce 6 du salarié).

Il ressort de la pièce 5 du salarié (traduite en pièce 46 de l'employeur ' cette pièce étant un courriel adressé par M. [O] à M. [F] le 29 juillet 2009) que les parties parlaient d'un « bonus » pour désigner ce qui dans le contrat du 23 juillet 2009 est qualifié de « partie variable brute de la rémunération ». Il est ainsi démontré que pour les parties, qui étaient encore en négociation sur la rémunération de M. [F], même après la signature de son contrat de travail qui ne devait entrer en vigueur que le 5 octobre 2009, la « partie variable de la rémunération » et le « bonus » constituent la même chose. Cette interprétation est renforcée par la pièce 48 de l'employeur (courriel interne du 28 juillet 2009 entre M. [O] et Mme [I] ' responsable du recrutement au sein de la société ') qui montre que, dans l'esprit de l'employeur, il convenait de réviser le plafonnement de la rémunération variable (prévu à 81 000 euros par an dans le contrat de travail) pour le porter au triple c'est-à-dire à 243 000 euros par an en cas d'atteinte à 100% des objectifs. En effet, de ce courriel interne il ressort que M. [O] proposait d'élever de 3 fois le plafond de rémunération : « My proposal is to cap at three times (') The bonus will be capped at a multiple of 3, that is 3 x euros 81K = euros 243 K ». Cette pièce montre en outre que l'employeur n'a pas entendu accorder à M. [F] un bonus en plus de ses primes.

Il faut déduire de ces éléments que, contrairement à la décision du premier juge, l'avenant du 25 septembre 2009 ne fait que préciser la prime convenue dans le contrat de travail du salarié incluant ses remarques antérieures et que ledit avenant se substitue à la partie du contrat de travail consacrée à la rémunération variable de M. [F].

M. [F] le sait au demeurant fort bien puisqu'il verse au dossier en pièce 130 un courriel qu'il a adressé à son supérieur hiérarchique ' M. [H] '. Par ce courriel du 6 septembre 2011, M. [F] évoque la question de sa rémunération variable en ces termes : « Avec notre DRH, nous avons aussi parlé du variable contractuel, il est légitime que celui-ci me soit versé dans sa totalité. Je t'ai transmis à ta demande un e-mail succinct le 17 août 2011 avec mes réalisations et contributions pour la région S&W. De plus, compte tenu du contrat que j'ai apporté avec ArcelorMittal, un déplafonnement tel que nous en avions parlé par le passé serait une juste reconnaissance de ma contribution. En effet, tu te souviendras que chez HCL technologies (l'ancien employeur de M. [F]), le montant du variable est déplafonné et est multiplié par 4 pour des affaires de ce volume ou pour des nouveaux logos (nouveaux clients). [R] [O] a confirmé par email avant mon entrée dans CSC que dans le cadre de mon contrat, il y a bien déplafonnement du variable ». Ainsi, M. [F] n'évoque-t-il en réalité qu'une seule rémunération variable déplafonnée et non un bonus qui serait distinct de sa rémunération variable et s'y ajouterait.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a estimé que le salarié avait droit à deux systèmes de rémunération variable.

En revanche, il est manifeste que ses deux demandes l'une au titre de la rémunération variable annuelle d'octobre 2009 à mars 2012 l'autre au titre du bonus nouveaux contrats n'en forme qu'une, au titre de l'ensemble de la rémunération variable, d'un montant global de 2 002 176 euros.

2) Sur la rémunération variable :

Les objectifs dont dépend la rémunération variable d'un salarié doivent avoir été portés à la connaissance de ce salarié en début d'exercice. À défaut, ils ne peuvent lui être opposés et les objectifs antérieurs ne peuvent donc être révisés.

Dès lors qu'il a été jugé que le bonus prévu par avenant constitue la partie variable de la rémunération de M. [F] telle que prévue par le contrat de travail, la rémunération du salarié était constituée de la manière suivante :

. une partie fixe brute de 115 000 euros versée en 12 mensualités de 9 594 euros,

. une partie variable brute annuelle de 81 000 euros.

L'exhibit A remis au salarié en même temps que l'avenant prévoit en son 2.6 que « si vous dépassez votre objectif de plus de 50%, vous serez en droit de recevoir la prime (bonus) supplémentaire au même taux que 2.4 ci-dessus plafonnée à 3 fois le salaire de base de référence ».

Suivant l'avenant du 25 septembre 2009, le salaire de base de référence « correspond à la somme de votre salaire fixe et de votre salaire variable suivant votre contrat de travail ».

Le salaire de base de référence doit donc être évalué à 196 000 euros (115 000 + 81 000).

Il résulte du point 1 précédent et de l'exhibit A que la partie variable de la rémunération de M. [F] a été plafonnée à 3 fois le salaire de référence soit 588 000 euros si les objectifs étaient dépassés de 50%.

Les objectifs devaient être fixés en début d'exercice, c'est-à-dire au 1er avril pour un versement en fin d'exercice fiscal le 31 mars de l'année suivante. En outre, se référant à l'Exhibit A versé aux débats, les objectifs du salarié appelés « Target » ne sont dus qu'autant que le salarié est en position de « Lead ». Il faut donc en déduire que les Exhibit A versés aux débats ne peuvent être complets que si le salarié est par avance avisé de ceux d'entre les dossiers pour lesquels il est clairement identifié comme « Lead ».

Pour justifier qu'elle a donné à M. [F] des objectifs, la société DXC Technology France expose :

. que pour l'exercice 2009/2010 le plan de prime sur les ventes de l'exercice était prévu par l'avenant du 25 septembre 2009 renvoyant à son manager le soin d'établir les objectifs ; que ledit manager ' M. [O] ', a fixé les objectifs de M. [F] par courriel comme en témoigne sa pièce 47,

. que pour l'exercice 2010/2011, il convient de se référer à la pièce adverse 6 qui en son point 2.7 conditionne l'obtention de la rémunération variable à hauteur des montants suivants : 5,1 millions de dollars (au titre de la valeur totale du contrat) et 1,5 millions de dollars (au titre du revenus de l'année),

. que pour l'exercice 2011/2012 les objectifs du salarié ont été fixés à 15 millions de dollars (pour la valeur totale du contrat) ainsi qu'il ressort des pièces 31bis, 50 et 52 de la société,

. que pour l'exercice 2012/2013, M. [F] a été en arrêt pour maladie en janvier 2012 et qu'ainsi il ne peut revendiquer le paiement d'une rémunération variable et que le conseil de prud'hommes a à juste titre considéré que la rémunération variable portant sur l'exercice clos le 31 mars 2013 ne pouvait pas être due puisque le salarié avait été en arrêt pour maladie depuis janvier 2012,

. que pour l'exercice 2013/2014, M. [F] a renoncé à sa demande et qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner cet exercice.

M. [F] sollicitant la confirmation du jugement, ses demandes ne portent que sur le paiement des primes de 2009/2010 (FY10), 2010/2011 (FY11) et 2011/2012 (FY12).

Il convient dès lors d'examiner tour à tour les justificatifs apportés par l'employeur pour chacun de ces exercices, étant précisé qu'il lui appartient de démontrer qu'il a bien fixé des objectifs à son salarié et que ces objectifs ont été fixés en début d'exercice soit au 1er avril de chaque année pour l'année fiscale à venir.

L'exercice 2009/2010 : La pièce 47 de la société DXC Technology France est un courriel de M. [O] en date du 22 juillet 2009. Il n'a été adressé ni directement ni en copie à M. [F]. Il ne peut donc valoir objectif.

L'exercice 2010/2011 : La pièce 6 de M. [F], sur laquelle la société DXC Technology France se fonde pour soutenir que ses objectifs ont été fixés pour l'exercice 2010/2011 contient plusieurs feuillets en même temps que l'avenant du 25 septembre 2009. Si en principe, les objectifs du salarié sont fixés unilatéralement par l'employeur, il demeure que suivant le contrat de travail et l'avenant du 25 septembre 2009, les « objectifs de l'année » sont « définis par la direction générale par voie d'avenant ; l'exigibilité et le paiement de cette partie variable sont subordonnés à la signature de l'avenant par les deux parties. ». Or, la partie de la pièce 6 du salarié (le deuxième feuillet en l'occurrence) qui évoque effectivement des chiffres cibles (Exhibit A : 5,1 millions de dollars (au titre de la valeur totale du contrat) et 1,5 millions de dollars (au titre du revenus de l'année)) n'est pas signé. Il comporte, en pied de page, l'indication d'une date et d'une heure (« 21/12/2012 15:44 ») qui ne peuvent à l'évidence correspondre à la définition d'objectifs qui sont supposés donnés pour l'exercice 2010/2011. Enfin, comme il a été dit plus haut l'Exhibit A ne peut valablement constituer un objectif que si, et seulement si, il définit par avance les dossiers pour lesquels le salarié est qualifié de « Lead ». Si au contraire l'employeur peut à loisir décider à tout moment que le salarié est ou non « Lead » sur tel ou tel projet, alors l'Exhibit A ne peut valoir objectif. Or, la pièce 6 ne précise pas par avance sur quels projets M. [F] a la qualité de « Lead ».

L'exercice 2011/2012 : Dans ses conclusions, la société DXC Technology France vise sa pièce 31bis comme indiqué plus haut. Le bordereau ne porte cependant pas trace d'une pièce 31bis. Il s'agit en réalité de la pièce 31 de l'employeur qui est un courriel du 3 octobre 2011 adressé par « Vish Buldawoo » à Madame [V] [T] (copie à M. [O]) dans lequel il est question du « plan de primes sur ventes pour Anand (c'est-à-dire M. [F]) » et comportant en pièce jointe un « accord de rémunération incitative à la vente ' année fiscale 2012 » devant manifestement être adressé à M. [F]. La pièce 50 de la société est une traduction en français de la pièce 31. Quant à la pièce 52, il s'agit d'un courriel du 14 octobre 2011 de Mme [T] à M. [F] lui fixant effectivement ses objectifs pour l'exercice FY12. Force est cependant de constater qu'il n'est pas établi que le courriel du 3 octobre 2011 a été porté à la connaissance de M. [F] puisqu'il ne figure pas au rang des destinataires du courriel. La pièce jointe n'est au demeurant pas signée. Concernant le courriel du 14 octobre 2011, il convient d'observer qu'il ne fixe les objectifs du salarié que 6 mois et demi après que l'exercice a commencé et qu'il n'a pas été fixé par voie d'avenant signé par les deux parties, alors que le contrat de travail de même que l'avenant relatif au bonus prévoyaient la signature d'un avenant par les deux parties.

En outre, il doit être observé qu'ainsi que l'a relevé avec pertinence le premier juge, par sa pièce 82, M. [F] établit que par courriel du 31 mars 2011, Mme [T], directrice des ressources humaines de la société, lui écrivait : « suite à tes questions, dans tous les cas ton variable est dû au minimum à 100% sur FY10, FY11 et FY12. Seul le déplafonnement au dessus du montant contractuel du variable est à discrétion de l'organisation, je n'ai pas de doute sur ce déplafonnement en ce qui te concerne spécialement suite au deal majeur ArcelorMittal que tu as apporté à CSC ». Il faut en déduire qu'à supposer qu'un objectif ait été assigné à M. [F] au titre de l'exercice 2011/2012 (année fiscale de la signature du contrat ArcelorMittal courant juillet 2011), il a été réalisé. Il importe peu que Mme [T] ait été licenciée pour faute grave le 9 octobre 2013, puisqu'il n'est pas établi que le courriel du 31 mars 2011 est à l'origine de ce licenciement.

3) En synthèse sur les primes et bonus :

Aucun objectif n'a donc été valablement fixé par avenant à M. [F] par l'employeur durant toute l'étendue de la relation contractuelle en ce qui concerne la rémunération variable prévue par le contrat de travail modifiée par l'avenant de septembre 2009.

Il donc inutile de vérifier si les objectifs ont ou non été remplis par M. [F].

Il n'y a donc d'autre choix que d'allouer à M. [F] le plafond de ses primes soit 588 000 euros par an pour les exercices de 2009/2010, 2010/2011 et 2011/2012, soit la somme totale de 1 764 000 euros (588 000 x 3) dont il convient de déduire cependant la somme de 36 000 euros que M. [F] reconnaît avoir perçue en 2009 ce qui représente une somme restant due à M. [F] de 1 728 000 euros.

Le jugement sera infirmé et, statuant à nouveau, il conviendra de condamner la société DXC Technology France à payer à M. [F] au titre de l'ensemble de sa rémunération variable la somme de 1 728 000 euros à titre de rappel de primes outre celle de 172 800 euros au titre des congés payés afférents.

M. [F] sera débouté de sa demande de rappel de bonus.

C. Sur les congés payés et RTT :

M. [F] fait grief à la société CSC de s'être abstenue de lui rémunérer 198,72 jours de congés payés et RTT.

Pour sa part, la société DXC Technology France estime que ne sont dus à M. [F] que 26 jours de congés payés ; qu'il n'est pas éligible au bénéfice de RTT, lesdites RTT n'étant par définition dues qu'autant que sa durée de travail dépasse 35 heures par semaine, qui n'ont pas été effectuées par le salarié puisqu'il est en arrêt maladie depuis le mois de janvier 2012.

Dans sa version applicable au présent litige, l'article L. 3141-3 du code du travail dispose que le salarié qui justifie avoir travaillé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum de dix jours de travail effectif a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.

L'article L. 3141-4 dispose pour sa part que sont assimilées à un mois de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes équivalentes à quatre semaines ou vingt-quatre jours de travail.

L'article L. 3141-5 précise que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :

1° Les périodes de congé payé ;

2° Les périodes de congé maternité, paternité et d'adoption ;

3° Les contreparties obligatoires en repos prévues par l'article L. 3121-11 du présent code et l'article L. 713-9 du code rural et de la pêche maritime ;

4° Les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3122-2 ;

5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;

6° Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque.

L'article L. 3141-6 dispose enfin que l'absence du salarié ne peut avoir pour effet d'entraîner une réduction de ses droits à congé plus que proportionnelle à la durée de cette absence.

De l'ensemble des textes reproduits ci-avant il s'évince que l'acquisition des congés payés résulte de l'accomplissement, par le salarié, de périodes de travail effectif, certaines périodes y étant assimilées.

M. [F] est en arrêt pour maladie depuis le mois de janvier 2012 (le 10 janvier 2012). Sa maladie a été reconnue comme étant d'origine professionnelle. Par l'effet de l'article L. 3141-5 5° (comme l'article 27 de la convention collective syntec), l'année qui a suivi est considérée comme du temps de travail effectif. Il en résulte que ses congés payés sont dus jusqu'au mois de janvier 2013.

M. [F] a commencé son travail au 1er octobre 2009. Il a donc cumulé entre les mois d'octobre 2009 et de janvier 2013, soit pendant 28 mois consécutifs, un total de 70 jours de congés payés (28 x 2,5 jours).

En pièce 10, M. [F] verse au dossier ses bulletins de paie. Ils ne couvrent cependant que la période comprise entre le 31 janvier 2011 et le 31 décembre 2011. Sur le bulletin de paie de décembre 2011, il apparaît un solde de congés payés de 39,12 jours (15,12 + 24).

A ces congés payés dus au titre de l'année 2011 s'ajoutent ceux dus au titre des mois de janvier 2012 à janvier 2013, soit un an de congés payés soit encore 30 jours.

En synthèse au titre des congés payés, sont dus à M. [F] :

. 39,12 jours au titre de l'année 2011,

. 30 jours au titre de l'année 2012.

. soit au total 69,12 jours.

En ce qui concerne les RTT : les jours de réduction du temps de travail ne se conçoivent que dans l'objectif de permettre de réaliser en tout ou partie une réduction du temps de travail en deçà de 39 heures. En effet, en cas de réduction du temps de travail à 35 heures, le salarié qui continuait à travailler 39 heures capitalisait 4 heures par semaine soit 16 heures sur 4 semaines, ce qui conduisait à lui accorder deux jours de repos de 8 heures chacun ou 4 demi-journées de 4 heures. Or en l'espèce, M. [F] ne peut par définition avoir cumulé aucun jour de réduction du temps de travail pendant toute la période allant du mois de janvier 2012 au mois de janvier 2013 puisqu'il a été placé en arrêt de travail pour maladie. En revanche, son bulletin de paie du mois de décembre 2011 montre un solde de RTT de 4,81 jours (3 + 1,81).

La société DXC Technology France a payé à M. [F] la somme de 20 500,25 euros pour 45 jours de reliquat de congés payés outre 2 277,81 euros bruts pour 5 jours de RTT (soit une moyenne journalière de 455,561 euros).

M. [F] établit ses calculs sur une base journalière de 455,561 euros. Les parties sont donc en accord sur le montant journalier servant de référence au calcul du reliquat de congés payés et de RTT.

En synthèse de ce qui précède, il reste dû à M. [F] un reliquat de congés payés et de RTT de 23,93 jours (69,12 + 4,81 ' 50) à 455,561 euros par jour soit au total une somme de 10 901,57 euros.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc infirmé et, statuant à nouveau, la société DXC Technology France sera condamnée à payer à M. [F] la somme de 10 901,57 euros à titre de rappel de congés payés et de RTT.

D. Sur les primes de vacances :

M. [F] expose que les primes de vacances sont payées en juillet de chaque année en fonction de la somme perçue au titre du salaire incluant les primes, à concurrence de 1,040% ; qu'étant éligible à un rappel de primes, sa prime de vacances s'en trouve augmentée ; qu'au surplus, compte tenu de sa maladie professionnelle indemnisée par les indemnités journalières de sécurité sociale complété par AON AG2R (maintien de salaire à 100%) ouvrant les mêmes droits que pour tout salarié en activité, il est éligible aux primes de vacances des années 2014, 2015 et 2016 (jusqu'au 3 juin seulement et donc sur 5 mois) sur la base de son salaire fixe (9 872 euros bruts par mois).

La société DXC Technology France objecte que pour les années 2010 à 2012, aucun variable n'étant dû, M. [F] ne saurait réévaluer ses primes de vacances. Elle ajoute que pour les années 2014 à 2016, la convention collective indique que cette prime de vacances est applicable prorata temporis et que M. [F] étant absent depuis janvier 2012, il ne peut prétendre à la prime de vacances au titre de ces années. En tout état de cause, la société DXC Technology France expose que le salarié n'a formé sa demande de rappel de prime de vacances qu'en cause d'appel et pour la première fois par conclusions d'intimée réceptionnées par la société le 27 avril 2018 ; que compte tenu du délai de prescription de 3 ans pour agir, il ne peut remonter que jusqu'au 27 avril 2015.

Sur la prescription, la saisine de la juridiction prud'homale emporte interruption de la prescription pour l'ensemble des actions nées du même contrat de travail. La société DXC Technology France ne peut donc, au seul motif que M. [F] n'a formé pour la première fois sa demande de rappel de primes que le 27 avril 2018, être accueillie en sa fin de non-recevoir, dès lors que la saisine du conseil de prud'hommes le 24 décembre 2012 par le salarié emportait interruption de l'ensemble des actions nées de son contrat de travail, ce qui englobe celles de ses demandes qui ont été formées postérieurement à cette saisine.

Il a été jugé que M. [F] était éligible au bénéfice d'un rappel de primes. Il n'est pas discuté que la prime de vacances est assise sur les salaires perçus, lesdits salaires incluant les primes. Il en résulte que M. [F] est fondé à demander un rappel de primes de vacances correspondant à 1,040% du rappel qui lui a été accordé soit 17 971,20 euros (1 728 000 x 1,04%).

En ce qui concerne les primes de vacances au titre des années 2013 à 2016 (jusqu'au 3 juin 2016 ainsi qu'il est demandé (soit sur 3 ans et 5 mois)), l'article 31 de la convention collective applicable n'impose aucune condition de présence puisqu'elle s'applique à « l'ensemble des salariés » sans restriction. Toutefois, pendant les arrêts de travail de M. [F] son contrat de travail a nécessairement été suspendu. Il en résulte qu'il n'est pas, pour cette période, éligible au bénéfice des prime de vacances.

Ainsi, ajoutant au jugement, la société DXC Technology France sera condamnée à payer à M. [F] la somme de 17 971,20 euros à titre de rappel de primes de vacances.

E. Sur les indemnités journalières de sécurité sociale :

M. [F] expose que les organismes sociaux lui ont demandé le remboursement des indemnités journalières qu'il a perçues. Or, il explique que l'employeur a perçu directement par subrogation ces montants et qu'il ne les lui a toujours pas reversés.

Pour sa part, la société DXC Technology France indique avoir régularisé la situation. Elle explique qu'en novembre 2016, elle a appris que M. [F] ne pouvait pas cumuler sa rente maladie professionnelle avec la pension d'invalidité, la CRAMIF demandant alors au salarié le remboursement de la rente d'invalidité ; qu'elle a aussitôt procédé à la régularisation de la situation de M. [F] en lui versant les indemnités journalières de sécurité sociale au titre de sa maladie professionnelle (soit 165 268,31 euros de laquelle il a été déduit le montant net dû par M. [F] de 2 905,33 euros)

En pièce 142, M. [F] verse aux débats l'attestation de paiement des indemnités journalières pour accident du travail qu'il a perçues entre le 1er janvier 2012 et le 7 juin 2016 de la CPAM. Le montant total desdites indemnités a représenté 179 574,99 euros. La lecture de la pièce 142 montre néanmoins que sur cette somme, seule celle de 177 132,55 euros a été payée entre les mains de l'employeur par l'effet de la subrogation. Déduction faite de la CSG et de la RDS, cette somme brute de 177 132,55 euros représente un montant net de 165 268,31 euros.

En pièce 55 M. [F] justifie avoir réglé à M. [F] la somme de 162 362,98 euros par virement en décembre 2016.

Il reste donc dû à M. [F] la somme de 2 905,33 euros (soit 165 268,31 ' 162 362,98).

Infirmant le jugement, la société DXC Technology France sera donc condamnée à payer à M. [F] la somme de 2 905,33 euros à titre de remboursement des indemnités journalières de sécurité sociale.

F. Sur les frais professionnels :

M. [F] expose qu'il est recevable à solliciter le remboursement de sa cotisation annuelle de carte de paiement American Exress (140 euros pour l'année 2011, 140 euros pour l'année 2012, 140 euros pour l'année 2013, 165 euros pour l'année 2014, 165 euros pour l'année 2015) outre 10 euros de parking soit au total 760 euros.

En réplique, la société DXC Technology France soutient que tous les frais professionnels de M. [F] ont été remboursés et que les frais dont il demande réparation ne sont pas justifiés.

C'est à juste titre que le premier juge, par des motifs pertinents que la cour adopte, a retenu que M. [F] ne pouvait percevoir des sommes au titre de frais professionnels pour une période durant laquelle il était en arrêt pour maladie soit pour les années 2013, 2014 et 2015, et que M. [F] ne prouvait pas qu'il lui avait été demandé de souscrire une carte American express ou qu'il a eu à engager des frais de parking.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande.

G. Sur le harcèlement moral :

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Sur le terrain de la preuve, il ressort de l'article L. 1154-1 que lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1 le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que les agissements qui lui sont reprochés et qui sont établis ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il revient donc au salarié d'établir la matérialité de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris en leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Dans la négative, le fait de harcèlement ne peut être reconnu. Dans l'affirmative, il revient à l'employeur de prouver que ces éléments ne constituent pas un harcèlement.

En l'espèce, M. [F] adresse plusieurs reproches à son employeur que celui-ci conteste :

. l'absence de définition précise de ses missions et fonctions,

. la pression que lui a fait subir son employeur du fait :

. de la privation de sa rémunération globale,

. de l'avoir empêché de connaître ses missions,

. de lui refuser délibérément de lui donner les moyens d'accomplir ses fonctions,

. de l'écarter à la dernière minute d'un projet auquel il a pourtant été déterminant dans la réussite,

. de ne lui manifester aucune considération ni respect dans la réussite et la conduite d'un projet qualifié de « mega deal »,

. de lui refuser une évaluation annuelle alors que tous les autres salariés y avaient droit,

. de dénigrer constamment la qualité et la pertinence de son travail ainsi que son utilité,

. de remettre en question sans raison chacune de ses propositions et la pertinence de ses décisions,

. de l'appeler à toutes heures du jour et de la nuit pour l'accabler,

. de lui refuser toute responsabilité et tâches en corrélation avec son contrat de travail.

En ce qui concerne l'absence de définition précise de ses missions et fonctions, force est de constater que rien, dans les documents contractuels produits, ne vient définir avec précision les missions confiées à M. [F]. Le seul document qui fasse référence aux missions de M. [F] consiste en un courriel du 14 octobre 2011 (courriel de Mme [T] ' pièce 52 de l'employeur). Ce courriel apparaît tardif s'agissant d'un salarié embauché en octobre 2009.

En ce qui concerne ce que le salarié regroupe sous ce qu'il considère comme constituant des pressions, il apparaît que M. [F] a été privé de sa rémunération globale, faute pour l'employeur d'avoir défini ses objectifs, ce qui est du reste le corollaire du défaut de précision des missions qui étaient confiées au salarié.

Concernant le grief tendant au fait que l'employeur n'a manifesté à M. [F] « aucune considération ni respect dans la réussite et la conduite d'un projet qualifié de mega deal », le salarié fait implicitement référence au contrat conclu entre sa société et ArcelorMittal. La société DXC Technology France expose que M. [F] n'était qu'en « support » et qu'il ne peut, seul, revendiquer la paternité de ce contrat pour lequel il n'était pas « lead ». Elle indique que la responsable du marché était Mme [D] et que M. [F] n'a pas été l'acteur majeur de la conclusion de ce contrat. Toutefois, rien ne permet en l'état d'établir qu'effectivement, Mme [D] était bien responsable des négociations avec ArcelorMittal. M. [F] démontre quant à lui son implication dans les discussions avec cette société, en témoignent les courriels qu'il verse aux débats. Il a donc nécessairement concouru à la signature de ce contrat. A ceci, il convient d'ajouter que la distinction entre les statuts de « lead » ou de « support », qui conditionnait l'octroi ou non de la prime litigieuse, supposait que la société précise clairement, dans le cadre de la définition des objectifs du salarié, s'il était, pour les négociations avec ArcelorMittal, « lead » ou « support ». Or, les précisions quant au statut ' « lead » ou « support » ' du salarié relativement au client ArcelorMittal n'ont été faites que le 14 octobre 2011 (pièce 52 de l'employeur), c'est-à-dire à un moment où le contrat avait déjà été signé puisqu'il a été signé au mois de juillet 2011. Ainsi, le salarié apporte-t-il la démonstration d'un flou entretenu dans les missions de M. [F], particulièrement en ce qui concernait ArcelorMittal.

Il n'est enfin pas contesté que M. [F] n'a jamais eu d'évaluation annuelle.

Les autres griefs ne sont pas démontrés.

Les griefs retenus ne font pas présumer l'existence d'un harcèlement moral de telle sorte qu'infirmant la décision du premier juge, il conviendra, statuant à nouveau, de débouter M. [F] de ce chef de demande.

H. Sur la demande de résiliation du contrat de travail :

L'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Lorsque le salarié demande la résiliation du contrat de travail, il doit apporter la démonstration de manquements de l'employeur à l'exécution de ses obligations contractuelles et que ces manquement présentent une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Si les manquements sont établis et présentent un degré de gravité suffisant, la résiliation est alors prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou ' si la résiliation est fondée sur des faits de harcèlement moral ' d'un licenciement nul par l'effet de l'article L. 1152-3 du code du travail. La résiliation produit effet au jour où le juge la prononce si à cette date, le salarié est toujours au service de son employeur (et en cas d'arrêt confirmatif, à la date du jugement de première instance). Si en revanche le salarié a été licencié à la date du prononcé de la résiliation, alors c'est à la date d'envoi de la notification du licenciement qu'est fixée la prise d'effet de la résiliation judiciaire.

Si les manquements invoqués par le salarié ne sont pas établis ou ne présentent pas un caractère de gravité suffisant, alors le juge doit débouter le salarié de sa demande.

En l'espèce, il a été jugé que M. [F] n'avait pas été rétribué des primes auxquelles il pouvait prétendre. Ce fait, à lui seul et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs que M. [F] formule à l'encontre de son employeur, constituent un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite de la relation de travail, d'autant que M. [F] avait sollicité le paiement de la part variable de sa rémunération depuis au moins le 17 août 2011, date à laquelle il a indiqué à son supérieur hiérarchique « Je m'aperçois que je n'ai pas encore reçu de versement de bonus » (pièce 83 du salarié).

Il conviendra en conséquence d'infirmer sur ce point le jugement de première instance en ce qu'il a dit que la rupture, justifiée par un harcèlement moral dont l'existence n'a pas été retenue par la cour, produisait les effets d'un licenciement nul. Statuant à nouveau, il conviendra de dire que la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dès lors que l'exécution du contrat de travail s'est poursuivie au delà du jugement du 30 janvier 2017 la date d'effet de la résiliation judiciaire est fixée à la date de l'arrêt confirmatif.

I. Sur les conséquences financières de la rupture :

Conformément à la demande de M. [F], il convient de fixer son salaire brut mensuel moyen à la somme de 16 622 euros par mois.

Sur ces bases, M. [F] peut prétendre à :

. une indemnité compensatrice de préavis correspondant à 3 mois de salaire soit 49 866 euros, outre 4 986 euros au titre des congés payés afférents,

. une indemnité conventionnelle de licenciement arrêtée à la date du présent arrêt soit 53 578,24 euros.

Par ailleurs, M. [F] peut prétendre, sur le fondement de l'article L. 1235-3 issu de l'ordonnance du 22 septembre 2017 à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l'ancienneté de M. [F] d'environ 10 ans, de son niveau de rémunération, compte tenu également de son âge ' M. [F] étant né en 1963 ', compte tenu encore des problèmes médicaux qui l'affectent toujours, le préjudice qui résulte, pour lui, de la perte de son emploi, sera intégralement réparé par l'octroi d'une indemnité d'un montant de 140 000 euros.

Il en résulte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société DXC Technology France à payer à M. [F] une indemnité compensatrice de préavis de 49 866 euros outre la somme de 4 986 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera donc infirmé sur l'indemnité conventionnelle de licenciement et sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, la société DXC Technology France sera condamnée à payer à M. [F] :

. 53 578, 24 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 140 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

J. Sur les demandes accessoires :

Il conviendra d'ordonner à la société DXC Technology France la remise des documents sociaux conformes au jugement (attestation pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte), sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a ordonné à la société DXC Technology France d'assurer la portabilité du numéro de portable personnel ([XXXXXXXX02]) de M. [F], ce chef de demande n'appelant pas de la part de l'employeur d'observation. Il en va de même s'agissant de la portabilité des garanties de M. [F] auprès de la mutuelle AGR la mondiale et des effets personnels de M. [F] qui sont demeurés au sein de l'entreprise.

Les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la réception, par l'employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes (soit le 2 janvier 2013) pour les sommes de nature salariale et à compter du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire.

K. Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, la société DXC Technology France sera condamnée aux dépens, lesdits dépens ne comprenant pas les frais d'huissier que M. [F] a exposés pour l'obtention du rapport de Technologia.

Il conviendra de condamner la société DXC Technology France à payer à M. [F] une indemnité de 1 500 euros euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe, la cour :

Rejette la demande de la SAS DXC Technology France anciennement dénommée CSC Computer Sciences tendant à écarter certaines pièces des débats,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [F] de sa demande au titre de harcèlement moral,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet au 15 mai 2019,

Dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS DXC Technology France à payer à M. [G] [F] :

. 1 728 000 euros à titre de rappel de primes de rémunération variable outre celle de 172 800 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2013,

. 10 901,57 euros à titre de rappel de congés payés et de RTT, avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2013,

. 2 905,33 euros à titre de remboursement des indemnités journalières de sécurité sociale, avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2013,

. 53 578,24 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. 140 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute M. [F] de sa demande de rappel de bonus,

Ordonne à la SAS DXC Technology France la remise à M. [F] des documents sociaux conformes au jugement (attestation pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte),

Rejette la demande d'astreinte,

Confirme le jugement sur le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la SAS DXC Technology France à payer à M. [F] la somme de17 971,20 euros à titre de rappel de primes de vacances, avec intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2013,

Condamne la SAS DXC Technology France à payer à M. [F] une indemnité de 1 500 euros euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS DXC Technology France aux dépens, lesdits dépens ne comprenant pas les frais d'huissier que M. [F] a exposés pour l'obtention du rapport de Technologia,

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Mme Clotilde Maugendre, présidente et Mme Corinne Delannoy, greffière.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 17/00671
Date de la décision : 15/05/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°17/00671 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-15;17.00671 ?
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