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14/05/2019 | FRANCE | N°18/02319

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 14 mai 2019, 18/02319


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



PD

Code nac : 50G



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 MAI 2019



N° RG 18/02319 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SJFY



AFFAIRE :



[L] [R]

...



C/

[V] [G]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 09 Mars 2018 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2016F00642



Expéditions exÃ

©cutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Stéphane CHOUTEAU





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affair...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

PD

Code nac : 50G

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 MAI 2019

N° RG 18/02319 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SJFY

AFFAIRE :

[L] [R]

...

C/

[V] [G]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 09 Mars 2018 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2016F00642

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Stéphane CHOUTEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [L] [R]

né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1859511 - Représentant : Me Tomas GURFEIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1959

SARL STJ HOLDING à associé unique, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1859511 - Représentant : Me Tomas GURFEIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1959

APPELANTS

****************

Monsieur [V] [G]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003799 - Représentant : Me [S] [T], Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2022

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Mars 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat Honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Patricia GERARD,

EXPOSÉ DU LITIGE

M.[R], en recherche d'acquisitions de sociétés, s'est rapproché de Monsieur [V] [G] en vue d'acquérir les sociétés dénommées [Personne physico-morale 1] (GP) et [Personne physico-morale 2] (GPM), société spécialisée dans la mécanique de précision médicale dentaire, Monsieur [V] [G] souhaitant céder ses entreprises pour cause de départ en retraite.

Malgré une lettre d'intention d'acquisition du 11 juillet 2014, signée entre les parties, suivie de plusieurs avenants, M. [G] a décidé, le 6 mai 2015, de rompre unilatéralement tout contact et pourparlers avec M. [R] et avec la société AIM CP, société holding créée pour la circonstance par M. [R].

Par acte du 9 septembre 2016, M. [R] et la société AIM CP ont assigné M. [V] [G] devant le tribunal de Commerce de Pontoise aux fins d'obtenir la condamnation de ce dernier à réparer le préjudice qu'ils ont estimé avoir subi. La société STJ Holding s'est substituée à la société AIM CP par voie d'intervention volontaire.

Par jugement du 9 mars 2018, le tribunal de commerce de Pontoise a :

- déclaré irrecevable l'intervention de la société STJ Holding ;

- déclaré irrecevable les demandes de la société AIM CP ;

- débouté les sociétés AIM CP et STJ Holding de toutes leurs demandes, fins et conclusions, en ce compris leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclaré M. [L] [R] mal fondé en ses demandes d'indemnisation des préjudices financiers personnels prétendument subis du fait de la décision prise par M. [V] [G] de mettre un terme aux pourparlers concernant le projet de cession des sociétés GP et GPM, et l'en a débouté ;

- débouté M. [V] [G] de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts ;

- condamné M. [L] [R] à payer à M. [V] [G] la somme de 3000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [L] [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [L] [R] aux dépens de l'instance.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 3 avril 2018 par M. [R] et la société STJ Holding

Vu les dernières conclusions communes notifiées le 30 novembre 2018 par lesquelles M. [R] et la STJ Holding demandent à la cour de :

- infirmer en toutes les ses dispositions le jugement du tribunal de Commerce de Pontoise en date du 9 mars de 1018 ;

et statuant à nouveau :

- déclarer M. [L] [R] et la société STJ Holding recevables et bien-fondés en leurs demandes ;

- condamner M. [V] [G] à verser à la société STJ Holding la somme de 78'641,46 € et à M. [R] la somme de 30'795,78 € constituant un total de 109'437,24 € au titre des frais engagés dans le cadre du projet d'acquisition des sociétés GP et GPM ;

- condamner M. [V] [G] à verser à M. [L] [R] la somme de 100'000 € en réparation de son préjudice ;

- débouter M. [V] [G] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [V] [G] à verser à la société STJ Holding et à M. [R] la somme de 10'000 € chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [V] [G] aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2018 au terme desquelles M. [V] [G] demande à la cour, au visa des articles 32, 66 et 329 du code de procédure civile, et de l'article 1382 ancien du code civil, de :

- déclarer irrecevable l'intervention de la société STJ Holding,

subsidiairement,

- déclarer ses demandes irrecevables faute d'intérêt à agir, plus subsidiairement encore la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples contraire,

- débouter M. [L] [R] de toutes ses demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires ;

- condamner M. [L] [R] au paiement d'une somme de 20'000 € en réparation du préjudice subi par M. [V] [G];

- condamner, in solidum, la société STJ Holding M. [L] [R] au paiement d'une somme de 20'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner, in solidum, la société STJ Holding et M. [L] [R], au paiement des dépens d'appel dont distraction au profit de Me Chouteau en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2019.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 -sur la recevabilité de l'intervention de la société STJ Holding

M. [G] fait valoir, au visa des articles 66 et 329 du code de procédure civile, que l'intervention volontaire de la société STJ Holding est irrecevable puisqu'en l'espèce elle aboutit à une substitution d'une partie par une autre, sans faire valoir de prétentions propres.

À titre subsidiaire, il soutient que les demandes de la société STJ Holding sont irrecevables car elle n'a ni qualité ni intérêt à agir, n'ayant pas été partie prenante aux échanges liés au projet d'acquisition.

M. [R] fait valoir, au visa des articles 1843 du code civil et L.210-6 du code de commerce qu'il a agi dans le cadre du projet d'acquisition, au nom et pour le compte de la société STJ Holding laquelle, une fois immatriculée, a repris les engagements qu'il avait souscrits

pour le compte de cette société en formation.

L'article 329 du code de procédure civile stipule que l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

Il résulte des dispositions de l'article 1843 du code civil, dans sa version alors applicable, que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation, avant son immatriculation, sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci.

Les dispositions du second paragraphe de l'article L.210 - 6 du code de commerce, stipulent que les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.

En l'espèce, la dernière lettre d'intention du 26 décembre 2014 précise que M. [R] s'engage pour son compte "ou pour le compte de toute société que je me substituerais dont je serai associé et dirigeant". La société STJ Holding a acquis la personnalité morale le 13 mars 2015, jour de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce du Havre. M. [R] produit un état du 27 février 2015 des engagements antérieurs accomplis et repris par la société (Annexe1 aux statuts de la société STJ Holding).

Cet état vise expressément des factures correspondant à des prestations de conseils (expert-comptable, avocat) relatives aux opérations d'acquisition des sociétés [Personne physico-morale 1] ("GP") et [Personne physico-morale 2] ( "GPM") de sorte qu'il convient de considérer que la société a STJ Holding a repris ces engagements à son compte, qu'elle en sollicite le remboursement dans le cadre du présent litige et qu'elle dispose ainsi d'un droit d'agir relativement à cette prétention.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point, la cour déclarant la société STJ Holding recevable dans son intervention volontaire.

2 - sur le caractère fautif de la rupture des pourparlers

M. [R] fait valoir, avec la société STJ Holding, qu'il a consacré un temps considérable à l'opération d'acquisition projetée et qu'il a exposé des frais importants de conseils pour l'accompagner dans ce but auquel il a été mis fin définitivement et de façon inattendue unilatéralement par M. [G] le 6 mai 2015, veille de la signature de l'acte d'acquisition.

M. [G] réplique que la durée des pourparlers n'était pas anormalement longue (du12 février au 6 mai 2015) , qu'il existait de nombreux points de divergence, notamment sur le prix et le financement ainsi que sur l'accompagnement, que M.[R] s'était comporté pendant cette période comme si les sociétés cibles lui appartenaient, conduisant à un échec des pourparlers.

La liberté de s'engager contractuellement induit celle de ne pas contracter, notamment en interrompant les négociations préalables à la conclusion d'un contrat. Les parties doivent négocier loyalement, ce dont il résulte que seules les circonstances de la rupture peuvent constituer une faute donnant lieu à réparation.

Pour apprécier le caractère fautif de la rupture de pourparlers, il convient de prendre notamment en considération la durée et l'état d'avancement des pourparlers, le caractère soudain de la rupture, l'existence ou non d'un motif légitime de rupture, le fait pour l'auteur de la rupture de voir susciter chez son partenaire la confiance dans la conclusion du contrat envisagé, en appréciant le cas échéant le degré d'expérience professionnelle respectif des parties concernées.

M.[R] a manifesté, le 11 juillet 2014, son intérêt à l'acquisition des sociétés [Personne physico-morale 1] et [Personne physico-morale 2], sous forme d'une lettre d'intention du même jour contresignée par M. [G]. Cette lettre d'intention contient les éléments habituellement visés en pareille matière : périmètre de l'acquisition, prix, conditions de paiement, modalités de financement, conditions suspensives, sort du bail commercial, principe d'une garantie d'actif et passif, principe d'un accompagnement du vendeur, calendrier prévisionnel de la cession, clause d'exclusivité. Cette lettre d'intention sera annulée et remplacée, en dernier lieu, par la lettre d'intention du 26 décembre 2014 finalisée en réalité au début de l'année 2015. La cour observe qu'un avenant du 10 avril 2015 à cette lettre d'intention rappelle que la période d'exclusivité applicable aux pourparlers a commencé à courir le 11 juillet 2014.

Il y a lieu de considérer ainsi que les parties ont commencé à négocier les conditions d'acquisition, dès le 11 juillet 2014.

Il est constant que la rupture des pourparlers est intervenue le 6 mai 2015 à l'initiative de M. [G].

La période de pourparlers a donc duré plus de neuf mois, et non un an et demi comme le soutient l'acquéreur ou moins de trois mois comme l'indique le vendeur. Cette période doit être considérée comme relativement longue au regard de la taille des entreprises objet de l'acquisition.

Afin d'apprécier le caractère abusif ou non de la rupture des pourparlers, il paraît nécessaire de rappeler l'évolution des négociations jusqu'à celle-ci.

La dernière lettre d'intention du 26 décembre 2014 prévoyait une date de cession au 30 avril 2015 sous réserve de la réalisation des conditions suspensives au plus tard le 15 avril. Cette lettre a été complétée d'une note manuscrite du 12 février 2015 signée des deux parties arrêtant un accord de principe sur des sujets périphériques à la cession envisagée (sort de la voiture ; décalage possible du complément de prix, modalités de la contrepartie financière au tutorat, montant de la trésorerie, émission de billets à ordre pour le remboursement du prêt personnel).

Il s'en déduit que chacune des parties s'étaient entendues à cette date sur l'essentiel des modalités de l'accord de la promesse de cession, soumise à conditions suspensives.

Le périmètre initial de l'acquisition ne comprenait que les deux sociétés [Personne physico-morale 1] et [Personne physico-morale 2]. Cependant, le vendeur a souhaité intégrer dans ce périmètre une société dénommée Portes SAS pour laquelle il a déposé une offre à la barre du tribunal le 24 mars 2015, qu'il a améliorée le 6 mai 2015 à la demande du tribunal et que ce dernier a , accepté cette offre par jugement du 10 juin 2015. Il résulte des pièces versées que cette société Porte SAS avait une activité proche de celle des deux sociétés cibles. L'acquéreur a été informé par le vendeur de cette éventualité dans le courant du mois de janvier 2015 pour autant il n'a pas été associé à l'offre de reprise qui mentionnait que M. [V] [G] était gérant des sociétés GP et GPM agissant au nom de la société Porte Prod, en formation.

L'évocation par le vendeur de cette possible modification du périmètre de l'acquisition initiale a nécessairement compliqué donc ralenti les négociations sinon soulevé une interrogation, M. [G] ayant présenté son souhait de céder pour cause de retraite, quand bien cette éventuelle intégration pouvait présenter un intérêt économique pour l'acquéreur. La cour relève, en outre que le 6 mai 2015, jour de l'amélioration de l'offre à la barre pour acquérir la société Porte SAS M. [G] a informé M. [R] de son refus de poursuivre la vente de ses deux sociétés à ce dernier.

Les échanges des mois de mars et début avril 2015 révèlent une certaine crispation entre les parties, celles-ci tentant naturellement de pousser leurs avantages dans la perspective de la signature. L'acquéreur manifestant une certaine impatience et le vendeur une forme de réticence.

Par courriel du 8 avril 2015, l'acquéreur adresse au conseil du vendeur (M. [N] [M]) les conditions de son offre qualifiée de "définitive"assortie de certaines conditions. Il manifeste son accord sur divers points (mise à disposition du véhicule, remboursement de frais, complément de prix, traitement du dossier de reprise de la société Porte.).

Le 9 avril 2015, M. [M] lui répond par un courriel ayant pour objet: « dernière proposition", avec copie au représentant du fonds d'investissement participant au financement de l'acquisition : « Messieurs, je pense que nous allons pouvoir accepter votre proposition.... Toutefois : sur la trésorerie, je pense que nous sommes d'accord ; sur la clause de non-concurrence, nous pouvons la signer telle quelle, après en avoir parlé à M° [T] [avocat du vendeur] et à PG.[ [V] [G]]. Nous n'exclurons pas Porte qui n'est pas concurrente de [G] et qui est de toute façon une éventualité, pas une certitude. ; Il faudra retarder la signature du protocole sans doute la fin de la semaine prochaine ; et la cession définitive ne pourra se faire que dans les tout premiers jours de mai, pas au 30 avril, si cela vous convient nous pouvons avancer. ».

Les parties ont, à la demande du vendeur, reporté la date de cession au plus tard au 15 mai 2015 (amendement du 10 avril 2015 à la lettre d'intention).

Le 15 avril 2015, M. [M] confirme que les documents nécessaires à la cession seront élaborés entre les avocats respectifs des parties et que l'objectif est de signer ce document le 28 avril pour un « closing » vers le 15 mai. Il n'est pas contesté que Maître [S] [T], également conseil du vendeur, a participé avec les conseils de l'acquéreur à l'élaboration du projet de promesse de cession et de la garantie d'actif et passif.

Le 30 avril 2015, M. [M] adresse le compte rendu de la réunion du 29 avril 2015 qui avait réuni l'acquéreur le vendeur et leur conseil financier respectif, hors la présence des avocats. Il y est indiqué que l'essentiel des discussions avait porté sur des aspects opérationnels notamment sur le projet commun de M. [G] et de M. [R], après la reprise et que les points de divergence qui subsistaient avaient été résolus avec le détail de la solution retenue pour ces points. Il résultait de ce compte rendu établi par le conseil du vendeur que seul restait en suspens les modalités de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

Un courriel du même jour de M. [M] cette fois adressé aux avocats du vendeur (Me [A] [L] [T] et Me [S] [T]) précisait que l'acquéreur était dans l'attente de la communication de la convention de tutorat et de la ventilation du prix entre les deux sociétés ainsi que la rémunération du tutorat. Ce courriel rappelait que la signature de la promesse de cession avait été fixée au jeudi 7 mai avec une clôture ("closing") le 21 mai au plus tard. Il y était précisé que la vérification de la trésorerie par l'expert-comptable de l'acquéreur était prévue le 6 mai (cet audit portant sur la valorisation des stocks et la trésorerie avant signature a été effectivement conduit à cette date).

Un protocole d'investissement a été passé le 4 mai 2015 entre la société Investeam (investisseur) et la société STJ Holding fixant les modalités permettant le financement de l'acquisition.

Le 5 mai, (9h 02) M. [M] a fait savoir qu'il y avait plusieurs points à finaliser sur la promesse de vente. Le même jour (11h53), il écrit : « pour pouvoir signer éventuellement jeudi, il faudrait que nous ayons résolu les derniers points concernant le protocole et que Maître [A] [T] et Maître [O] [ conseil de l'acquéreur] soient en mesure de finaliser la GAP et le tutorat d'ici là...".

Ce même jour Me [T], avocate, conseil du vendeur, adresse à ses homologues, conseils de l'acquéreur, une lettre de 7 pages commentant en détail le projet de promesse de cession envoyé par ces derniers le 30 avril précédent, avec pour phrase introductive : « En vue de la signature de la promesse de cession, je vous transmets ci-après mes observations sur votre dernier projet du 30 avril écoulé....". Lesdites observations s'appliquent aux projets de promesse de cession ainsi qu'aux projets de garantie d'actif et passif.

La cour constate que les "observations" portent sur des points essentiels (demande de réécriture de la clause de complément de prix dans son intégralité car "peu compréhensible" ; introduction de la notion de charge constante dans le calcul du résultat d'exploitation donnant droit au complément de prix avec proposition de réécriture de la clause sur ce point; remise en cause de la contrepartie financière de l'accompagnement ; discussion sur la nécessité d'une contrepartie financière à la clause de non-concurrence ; refus d'une sanction financière attachée au non versement du prêt par le vendeur à l'acquéreur).

Par courriel du même jour (6 mai 2015,10h26), le conseil de l'acquéreur répond qu' acheteur et vendeurs sont parvenus à un accord définitif hors la présence des avocats et qu'il a été convenu que le projet de promesse de cession ne devait plus évoluer, qu'à défaut son client comprendrait que M. [G] se retire unilatéralement du projet de cession. Cette réponse conduira à l'envoi d'un courriel par Me [T], conseil du vendeur, contestant que le projet du 30 avril reflète leur accord et en tout état de cause ne permet pas la protection des intérêts de son client.

Ainsi, il se déduit de ces échanges entre les parties, que la réunion du mercredi 29 avril 2015 entre les parties hors la présence de leurs avocats respectifs, a consacré le principe d'un accord sur la cession envisagée au point que les participants n'ont évoqué essentiellement que les aspects opérationnels d'après reprise. L'acquéreur a pu ainsi être convaincu à cette date et après de longs mois de négociation, troublée par la modification éventuelle du périmètre, que la cession s'effectuerait avec une date de signature de la promesse de cession, fixée d'un commun accord entre les parties, le jeudi 7 mai 2015.

Entretenu dans cet espoir, l'acquéreur finalisera l'accord de financement de son acquisition (le 4 lundi mai 2015) et organisera, en accord avec le vendeur, le mercredi 6 mai veille de la signature des actes, la vérification de la trésorerie des sociétés cible par son expert comptable, dernière étape permettant d'arrêter le prix selon les modalités déjà convenues.

Dans ce contexte, la remise en cause substantielle, le mardi 5 mai 2015 avant veille de la signature, des projets de promesse de cession et de garantie de passif par le conseil du vendeur (Me [A] [T]) ne pouvait être comprise par l'acquéreur que comme une remise en cause indirecte de l'opération de cession par le vendeur. Ce d'autant plus qu'il n'est pas contesté que les projets ainsi critiqués par l'un des avocats du vendeur (Me [A] [T]) avaient été élaborés de concert, le jeudi 30 avril précédent, entre les avocats de l'acquéreur et Me [S] [T], également conseil du vendeur, à la suite de la réunion du 29 avril entre vendeur et acheteur.

La bonne foi et la loyauté du vendeur sont en cause dans la mesure où il a opéré ainsi alors qu'il ne pouvait ignorer à l'issue de la réunion du 29 avril que l'acquéreur pouvait être légitimement convaincu de la faisabilité de la cession. Il convient de relever également la précipitation avec laquelle, le vendeur, sans attendre une éventuelle réponse argumentée de l'acquéreur que méritaient les commentaires critiques des projets, informera l'acquéreur dès le lendemain, mercredi 6 mai 2015, veille de la signature de la promesse de cession, qu'il n'entendait plus poursuivre l'opération alors que ce même jour, l'expert-comptable diligentait, en sa présence, ses opérations de contrôle de trésorerie sur place.

La cour observe, par ailleurs, que le vendeur, n'a produit aucune explication permettant éventuellement de justifier son retrait soudain après de longs mois de négociations dont la durée lui est en grande partie imputable.

De ce qui précède, il se déduit que M. [G] n'a pas fait preuve de loyauté, ni de bonne foi dans la négociation des accords d'acquisition. Le vendeur est donc tenu de réparer le préjudice éventuellement subi par l'acquéreur à condition qu'il soit directement consécutif à la faute commise.

Le jugement est infirmé à ce titre.

3- Sur la réparation du préjudice

Les appelants sollicitent le remboursement des frais de conseil et la prise en compte du temps passé.

M. [G] conteste le quantum des préjudices réclamés faisant valoir que rien n'obligeait M. [R] à engager ces frais.

M.[R] sollicite le remboursement des frais qu'il a directement et personnellement exposés à hauteur de 30'795,78 € dans le cadre de l'acquisition projetée. Il sollicite également une somme de 100'000 € correspondant selon lui à la rémunération qu'il aurait perçue durant les 12 mois qu'ont duré les pourparlers (12x 8333,33 euros).

Les frais de conseils (avocat, expert-comptable) directement exposés par M. [R] à titre de conseil dans le cadre de l'acquisition envisagée sont justifiés à hauteur de 30 795,78 euros

par les pièces produites aux débats d'agissant des notes d'honoraires du cabinet d'avocats de M. [R] et la note d'honoraires du cabinet d'expertise comptable ECE.

M. [R] ne rapporte pas la preuve d'avoir consacré la totalité de son temps à l'opération d'acquisition pendant la durée des pourparlers (plus de 9 mois), le dossier permettant d'établir le contraire. La cour accordera 9 000 euros au titre du temps qu'il y a consacré.

La société STJ Holding sollicite le remboursement des frais de conseils (avocat, expert-comptable, audit) qu'elle a directement supportés ou repris, et évalués par ses soins à la somme de 78 641,46 euros.

Ces frais sont justifiés à hauteur de 56 040,30 euros TTC, par production des notes d'honoraires de Me Gurfein (26 septembre,6 octobre,15 décembre 2014), la note d'honoraires du cabinet d'expertise comptable ECE.ainsi que la note d'honoraires du 17 février 2015 émise par le cabinet d'expertise comptable ACG, ayant réalisé l'audit des sociétés GP et GPM. La facture de la société Financière de Norway de 22 800 euros du 19 février 2015 ne détaillant pas les prestations rendues pour ce montant sera écartée.

M.[G] ayant commis une faute ayant porté préjudice à M. [R] et à la société STJ Holding sera condamné en conséquence à verser (i) à M. [R] la somme de 39 795.78 euros à titre de dommages et intérêts, et (ii) à la société STJ Holding la somme de 56 040,30 euros TTC.

4 -sur la demande de réparation du préjudice allégué par l'intimé

M. [G] sollicite une indemnisation de 20 000 euros au titre du temps perdu consacré vainement à la cession.

Les appelants contestent cette demande faisant valoir, en particulier, que M. [G] a consacré, pendant les pourparlers, une partie de son temps à négocier la reprise de la société Porte SAS.

Au regard de la solution retenue par la cour au terme du développement précédent, la demande de M. [G] sera rejetée.

5 - Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [G] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

M. [G] sera condamné à verser à M. [R] et à la société STJ Holding la somme de 2 000 euros à chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise du 9 mars 2018,

Et statuant à nouveau,

Dit que M. [V] [G] a commis une faute en manquant à son obligation de bonne foi et de loyauté à l'égard de M. [L] [R] et de la société STJ Holding, dans le cadre des pourparlers ayant pour objet une opération d'acquisition des sociétés [Personne physico-morale 1] et [Personne physico-morale 2] ;

Condamne M. [G] à verser à M. [L] [R] la somme de 39 795.78 euros à titre de remboursement de frais ;

Condamne M. [G] à verser à la société STJ Holding la somme de 56 040,30 euros TTC à titre de remboursement de frais ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [G] aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne M. [G] à verser la somme 2 000 euros à M. [L] [R] et la même somme à la société STJ Holding sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02319
Date de la décision : 14/05/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°18/02319 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-14;18.02319 ?
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