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09/05/2019 | FRANCE | N°16/03242

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 09 mai 2019, 16/03242


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 146



CONTRADICTOIRE



DU 09 MAI 2019



N° RG 16/03242



N° Portalis : DBV3-V-B7A-QZUU







AFFAIRE :



SA FOV (anciennement dénommée Compagnie Internationale de Services 'CIS'



C/



[S] [T]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Fo

rmation de départage de NANTERRE

N° Section :

N° RG : 10/00885







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 10 Mai 2019 à :

- Me Stéphanie LÉVY

- Me Christine TAPIA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE NEUF MAI DEUX MIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 146

CONTRADICTOIRE

DU 09 MAI 2019

N° RG 16/03242

N° Portalis : DBV3-V-B7A-QZUU

AFFAIRE :

SA FOV (anciennement dénommée Compagnie Internationale de Services 'CIS'

C/

[S] [T]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Mai 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Section :

N° RG : 10/00885

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 10 Mai 2019 à :

- Me Stéphanie LÉVY

- Me Christine TAPIA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF MAI DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 21 mars 2019, puis prorogé au 25 avril 2019 et au 09 mai 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

La SA FOV

(anciennement dénommée Compagnie Internationale de Services 'CIS')

N° SIRET :

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Stéphanie LÉVY, avocate au barreau de PARIS, substituant Me Eric COHEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1958

APPELANTE

****************

Monsieur [S] [T]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1] (Portugal)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Comparant en personne, assisté de Me Christine TAPIA, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Rappel des faits constants

M. [S] [T], né le [Date naissance 1] 1948, a été engagé par la Société Industrielle et Financière des Allumettes (société SIFA) en qualité de technicien par contrat à durée indéterminée à compter du 15 octobre 1980. Il a d'abord été envoyé au Ghana puis à compter de février 1981, il a travaillé en Angola pour former les membres du personnel de la société angolaise IFA (Industria Fosfofeira Angolona). Aucun contrat de travail écrit n'a été rédigé à cette époque.

En 1985, la société Compagnie Internationale de Services (CIV), plus tard dénommée, la SA FOV, a racheté les sociétés SIFA et IFA.

Le 25 mars 1985, le contrat de travail de M. [T] a été transféré à la SA CIV avec reprise de son ancienneté. Un écrit a été formalisé et le salarié a cotisé à la caisse de retraite des expatriés.

Par lettre recommandée du 9 décembre 1994, M. [T] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique.

Le 28 février 1995, M. [T] et la société CIS ont conclu un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel la SA CIS a versé au salarié une indemnité d'un montant de 248 000 francs en contrepartie de sa renonciation à tout recours.

M. [T] a pris sa retraite le 1er mars 2009.

Le 8 mars 2010, il a saisi la section encadrement du conseil des prud'hommes de Nanterre en revendication du statut plus favorable au regard des droits à la retraite de travailleur détaché à la place de celui d'expatrié, après avoir reçu, au mois de juillet 2008 à ses 60 ans, un relevé de carrière édité par la CNAV aux termes duquel sa période d'expatriation en Angola, entre 1981 et 1994, n'était pas prise en compte au titre de ce régime.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 27 mai 2016, le conseil des prud'hommes de Nanterre en formation de départage a retenu le bénéfice du statut de travailleur détaché au profit de M. [T] et a condamné la SA FOV à payer au salarié la somme de 345 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de ses droits à retraite, outre une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T] avait formulé les demandes suivantes :

- constater qu'il bénéficie du statut de travailleur détaché,

- à titre subsidiaire, constater que la SA FOV avait pris l'engagement contractuel de l'inscrire à une caisse de retraite obligatoire équivalente à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale,

- à titre très subsidiaire, constater que la SA FOV a entretenu une confusion autour des termes « détaché » et « expatrié » et que ce faisant, elle a manqué à son obligation de l'informer de ses droits à retraite,

- condamner la SA FOV à lui verser la somme de 345 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la perte de ses droits à retraite, 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA FOV avait demandé au Conseil ce qui suit :

- dire M. [T] irrecevable à agir en raison d'une part de la transaction du 28 février 1995 et de la prescription d'autre part,

- dire qu'il avait le statut d'expatrié en Angola,

- à titre principal ,débouter M. [T] de l'ensemble de ses prétentions,

- à titre subsidiaire, dire que les pertes réelles de retraite de base s'élèveraient à 97 170,81 euros et à 112 106,24 euros pour la retraite complémentaire,

- débouter M. [T] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

La SA FOV a interjeté appel du jugement par déclaration n° 16/03242 du 1er juillet 2016.

Prétentions de la SA FOV, appelante

Par conclusions adressées par voie électronique le 21 janvier 2019 et reprises à l'audience, la SA FOV demande à la cour d'appel ce qui suit :

- infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- dire et juger que l'action de M. [T] est irrecevable,

- à titre subsidiaire, dire et juger que l'action de M. [T] est prescrite,

- en tout état de cause, dire et juger que M. [T] n'était pas détaché, mais expatrié en Angola, de sorte que l'employeur n'avait pas à cotiser au régime de base français,

- à titre très subsidiaire, sur le quantum réclamé, dire et juger que la durée de cotisation d'un salarié ne peut excéder 24 trimestres en vertu de l'article R. 761-1 du code de sécurité sociale,

- en tout état de cause, dire et juger que M. [T] avait besoin de 35 trimestres et non pas de 56 trimestres pour bénéficier d'une retraite à taux plein (160 trimestres),

- en tout état de cause, dire et juger que M. [T] aurait dû opérer son calcul de perte de retraite selon le mode de capitalisation viagère de sorte que son calcul devra être jugé erroné et le quantum réduit,

- dire et juger que M. [T] ne calcule pas son préjudice en fonction de son manque à gagner net, mais en faisant abstraction de la différence de salaire qui aurait résulté des cotisations, d'une part, et de l'imposition de ses pensions retraite supplémentaires, d'autre part.

L'appelante sollicite en outre une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de M. [T], intimé

Par conclusions reçues au greffe le 4 janvier 2019 et reprises à l'audience, M. [T] demande à la cour d'appel ce qui suit :

- vu le manquement à l'obligation d'information, confirmer le jugement,

- juger recevable son recours et très subsidiairement, constater la nullité de la transaction et en tirer les conséquences de droit,

- constater qu'il doit bénéficier du statut de détaché,

- subsidiairement, constater que la SA CIS avait pris l'engagement contractuel de l'inscrire à une caisse de retraite obligatoire équivalente à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale,

- très subsidiairement, constater que la société CIS a entretenu une confusion autour des termes « détaché » et « expatrié » et que ce faisant elle a manqué à son obligation de l'informer de ses droits à retraite,

- condamner la société CIS à lui verser la somme de 345 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de ses droits à retraite,

- condamner la société CIS à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Il sollicite en outre une somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité

La SA FOV, qui conteste la recevabilité de la demande de M. [T], oppose deux exceptions, l'une tenant à l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction signée entre les parties (I), l'autre tenant à la prescription de l'action engagée par M. [T] (II).

Sur l'exception de transaction

La SA FOV demande que l'action du salarié soit déclarée irrecevable. Elle soutient que, nonobstant l'objet de la transaction qui concernait la contestation du licenciement, la formulation générale de la renonciation du salarié à tout recours, le privait de toute action judiciaire, ce compris les demandes non liées à l'objet du litige dès lors que la transaction est rédigée en termes généraux. Elle fait valoir que c'est la formulation de l'acte que les juges doivent interpréter, de sorte que si celle-ci a une portée générale, elle produit les effets d'une extinction globale.

M. [T] s'oppose à cette demande. Il fait valoir que la transaction n'a autorité de la chose jugée entre les parties que dans les limites de la contestation à laquelle elle a mis fin ou qu'elle a empêchée. Il soutient que la transaction qu'il a signée avait pour seul objet de régler les conséquences pécuniaires de la rupture de son contrat de travail et d'éteindre définitivement les contestations afférentes.

Sur ce,

L'article 2048 du code civil dispose : « Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ».

L'article 2049 du même code dispose : « Les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé ».

L'article 2 du protocole d'accord établi entre la SA FOV et M. [T] le 28 février 1995 stipule : « Article 2 ' Transaction

Moyennant ce règlement, Monsieur [T] déclare renoncer et, en tant que de besoin, se désister de toute instance ou action née ou à naître en relation directe ou indirecte avec le contrat de travail qui le liait avec la société CIS.

Le présent accord vaut transaction au sens de l'article 2044 et suivants du code civil, ayant le même effet qu'une décision de justice ayant autorité de la chose jugée ».

L'objet du présent litige porte sur la perte des droits à la retraite alléguée par le salarié. Cette question n'est pas évoquée de manière explicite dans la transaction mais peut être considérée comme visée par la formulation retenue dans le protocole d'accord, d'une action à naître en relation de façon indirecte avec le contrat de travail.

Pour autant, une telle formule de portée générale, ne peut avoir pour effet d'exclure la possibilité pour une partie de contester une question à laquelle la transaction n'a pas répondu.

Or, en l'espèce, la transaction avait pour objet de clore le litige relatif au licenciement du salarié. Les termes de cette transaction établissent que les parties n'ont pas eu l'intention de régler un différend relatif à l'ouverture des droits futurs du salarié à pension de retraite, non encore déterminé.

L'autorité de la chose jugée attachée à la transaction ne fait donc pas obstacle à ce que la contestation relative aux droits à la retraite soit déclarée recevable.

La demande de nullité de la transaction, subsidiaire, ne serait pas examinée, dans la mesure où la demande principale présentée à ce titre a été accueillie.

Sur l'exception de prescription

La SA FOV soutient que l'action de M. [T] est prescrite. Elle invoque la prescription quinquennale applicable à la demande couvrant la période 1981-1995, qui a été interrompue tardivement par la saisine du conseil des prud'hommes en 2010. Elle prétend que M. [T] avait connaissance de sa situation au regard de ses droits à la retraite dès l'origine dès lors qu'il recevait ses relevés de carrière et qu'il a travaillé à son compte en 1995, ce qui l'obligeait à faire des démarches d'affiliation à la caisse de retraite.

M. [T] considère que son action n'est pas prescrite. À l'appui de sa position, il prétend que depuis l'entrée en vigueur de la réforme du 17 juin 2008, il bénéficiait d'une période de trente ans pour contester les conditions d'exécution de son contrat de travail. Il soutient que c'est en septembre 2008, alors qu'il était âgé de 60 ans et qu'il a demandé un relevé de carrière, qu'il a appris que son employeur n'avait pas payé les cotisations au régime de base de la sécurité sociale, celui-ci ayant cotisé auprès de la caisse de retraite des expatriés. Il soutient enfin que même en partant du principe que le délai de prescription commence à courir en janvier 1981 lors de son embauche, son action ne serait prescrite qu'au 1er janvier 2011, trente ans après, la durée totale ne pouvant excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Sur ce,

Les cotisations de retraite étant assises sur les salaires, la prescription extinctive de l'action en paiement des salaires entraîne nécessairement la prescription de la demande en paiement des cotisations afférentes pour la même période.

Le délai de prescription de droit commun a été ramené de 30 ans à 5 ans, par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 modifiant les délais de prescription en matière civile et commerciale.

Les dispositions transitoires relatives à la réforme de la transaction prévoient que lorsqu'une instance n'a pas été introduite avant le 19 juin 2008, dans l'hypothèse où l'application de la loi nouvelle conduit à une réduction de la prescription, la loi nouvelle s'applique aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Dans la mesure où M. [T] n'a eu connaissance de l'étendue de ses droits qu'à compter de la liquidation de ses droits à la retraite, soit en l'espèce au mois de septembre 2008, le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à compter du mois de septembre 2008, au moment où M. [T] a atteint l'âge de 60 ans.

Or, le conseil des prud'hommes a été saisi en mars 2010, soit moins de deux ans après le point de départ du délai de sorte qu'aucune prescription n'est encourue.

La demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action de M. [T] sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'assurance-retraite

M. [T] prétend que la SA FOV aurait dû cotiser au régime de base de la sécurité sociale et non à la caisse des expatriés comme elle l'a fait. Il s'ensuit pour lui une perte de droits à retraite correspondant aux cotisations non versées de 1981 à 1994.

Pour fonder sa demande, il revendique le statut de salarié détaché (I), subsidiairement, il prétend que son employeur s'était contractuellement engagé à cotiser au régime de base de la sécurité sociale (II) et très subsidiairement, il soutient que la SA FOV a entretenu la confusion et a ainsi manqué à son obligation de conseil et d'information (III).

Concernant le statut de salarié détaché

La SA FOV soutient que M. [T] avait le statut d'expatrié et non le statut de salarié détaché. Elle prétend que le détachement d'un salarié requiert des conditions, notamment des missions de courte durée, que ne remplissait pas M. [T]. Elle souligne que celui-ci avait signé un contrat avec la filiale IFA, qu'il était rémunéré avec un salaire local, qu'il est resté dix ans en Angola et qu'il a cotisé à la caisse de retraite des expatriés de 1980 à 1994.

M. [T] revendique le statut de salarié détaché. Il souligne que la définition du détachement retenue par le droit de la sécurité sociale ne peut être utilisée en droit du travail. Il fait valoir que cette notion recouvre le plus souvent les situations où le salarié part travailler à l'étranger pour une certaine durée sans que le contrat de travail d'origine ne soit rompu avec maintien d'un lien de subordination. Il rappelle qu'il a été engagé par la société CIS en qualité de technicien supérieur pour être « détaché » dans les sociétés africaines du groupe, sa première affectation étant la société IFA en Angola.

Sur ce,

Un salarié envoyé travailler à l'étranger par un employeur établi en France ne peut être maintenu au régime général de la protection sociale française que dans le cadre d'un détachement qui suppose des missions de courte durée.

À défaut de remplir les conditions du détachement, le salarié d'une entreprise française qui exécute son contrat de travail à l'étranger relève de la caisse de retraite des expatriés.

M. [T], qui revendique le statut de travailleur détaché, doit rapporter la preuve de ce qu'il relevait de ce statut.

Or, il ne produit aucun élément en ce sens. Il ne donne aucune explication sur la législation en vigueur à l'époque de la conclusion de son contrat de travail à ce sujet, qui permettrait de vérifier si les conditions strictes du détachement étaient remplies.

La très longue durée de la mission de M. [T] est de nature à exclure, quoi qu'il en soit, le bénéfice du détachement.

Ce moyen doit être écarté.

Concernant l'engagement contractuel

La SA FOV conteste avoir pris l'engagement d'affilier M. [T] au régime de base. Elle souligne que le contrat de travail prévoyait sans ambiguïté une affiliation à la caisse de retraite des expatriés.

M. [T], quant à lui, s'appuie sur le texte du contrat de travail et notamment la formule « ARRCO (') caisse de retraite obligatoire équivalente à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale » pour soutenir que la clause mal écrite doit s'interpréter en faveur du salarié, qu'il doit donc bénéficier du régime général de la sécurité sociale parce que l'employeur s'y est contractuellement engagé.

Sur ce,

Le contrat de travail prévoyait une affiliation à la caisse de retraite des expatriés en ces termes :

« 12. CAISSE DE RETRAITE

Vous serez inscrit par les soins de la CIS chez la :

CAISSE DE RETRAITE DES EXPATRIES

[Adresse 3]

[Adresse 3].

Aux régimes suivants :

a/ ARRCO - section 1 ' non cadres :

caisse de retraite obligatoire équivalente à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale

b/ REGIME PARTICULIER ou ARRCO ' section 2 ' non cadres

caisse de retraite complémentaire à la section 1 »

Aux termes de cette clause, la SA CIV s'est clairement engagée à inscrire M. [T] à la caisse de retraite des expatriés.

La formulation « caisse de retraite obligatoire équivalente à l'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale » est dépourvue de toute équivoque. Elle ne contient pas l'engagement d'une inscription au régime général mais à un régime prévoyant des garanties équivalentes. Elle donnait des garanties au salarié sur le niveau de sa protection.

Il n'existe pas, aux termes du contrat de travail liant les parties, d'engagement pris par l'employeur de faire bénéficier de façon dérogatoire M. [T] d'une affiliation au régime général de sécurité sociale.

Ce moyen doit être également écarté.

Concernant l'obligation de conseil et d'information

La SA FOV conteste avoir entretenu la confusion sur son statut et lui aurait donné des informations fausses qui l'aurait gravement induit en erreur. Elle souligne que le salarié ne l'a jamais interrogé avant cette instance. Elle soutient qu'il était parfaitement informé qu'il relevait du statut d'expatrié et que l'emploi du terme « détaché » dans différents documents contractuels n'avait pas les conséquences juridiques qu'il invoque.

M. [T] soutient quant à lui que la SA Fov a entretenu la confusion et a ainsi manqué à son obligation de conseil et d'information. Il fait valoir que la société a utilisé à de nombreuses reprises le mot « détaché » à son sujet et pendant plusieurs années. Il soutient qu'il croyait de bonne foi que son employeur cotisait au régime général de la sécurité sociale et que sa période d'activité à l'étranger serait validée sans difficulté.

Sur ce,

Plusieurs pièces font référence à un détachement. Par exemple, dans le contrat de travail, le terme détaché est utilisé pour faire référence à l'affectation du salarié auprès de la société IFA : « Vous êtes recruté par notre société pour être détaché dans les sociétés africaines de notre Groupe, c'est-à-dire que vous serez éventuellement amené à changer d'affectation (...) ». On comprend que le terme détaché n'est pas employé avec la portée juridique qu'invoque le salarié mais signifie « affecté ». L'étude d'autres documents montre que les termes « détaché » et « affecté » sont utilisés indifféremment pour indiquer le lieu d'affectation géographique et non pour exprimer le bénéfice d'un statut particulier. Dans la transaction, il est fait expressément référence au « poste d'expatrié » de M. [T], le terme « détaché » n'étant encore utilisé que pour faire référence à son affectation auprès d'IFA. En revanche, lorsque le poste de M. [T] ou son statut au regard de la protection sociale sont évoqués, seul le terme « expatrié » est utilisé.

En toute hypothèse, il apparaît que M. [T] savait parfaitement qu'il relevait du statut d'expatrié dès lors notamment qu'il a revendiqué l'extension de la protection sociale des expatriés en 1988 pour son épouse puis en 1993 pour sa concubine et qu'il recevait ses relevés de carrière de la caisse de retraite des expatriés.

Il n'est pas démontré que la SA FOV a entretenu la confusion entre les deux statuts, M. [T] relevant depuis l'origine du statut d'expatrié, ni qu'elle a manqué à son obligation de conseil et d'information.

Ce moyen doit aussi être écarté.

Le salarié doit en conséquence être débouté de l'ensemble de ses demandes relatives à l'absence de cotisations au régime général de sécurité sociale entre 1981 et 1994, celle présentée au titre du préjudice matériel par infirmation et celle présentée au titre du préjudice moral par confirmation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Compte tenu de la teneur de la décision, chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle aura engagés et pour des considérations tirées de l'équité, les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME partiellement le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Nanterre le 27 mai 2016, en ce qu'il a condamné la SA FOV à payer à M. [S] [T] une somme de 345 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de ses droits à retraite et une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE M. [S] [T] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de ses droits à retraite ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes présentées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE chacune des parties à supporter la charge des dépens qu'elle aura engagés ;

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, légitimement empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,P /Le PRÉSIDENT empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/03242
Date de la décision : 09/05/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/03242 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-09;16.03242 ?
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