COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78G
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 AVRIL 2019
N° RG 17/05317 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RV7G
AFFAIRE :
SARL DG DECORATION GENERALE LES BAINS D'ALEXANDRE
C/
[P] [B]
[F] [B]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juin 2017 par le Juge de l'exécution de PONTOISE
N° RG : 17/02336
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Isabelle PORTET, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Clémentine TELLIER MAZUREK, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL DG DECORATION GENERALE LES BAINS D'ALEXANDRE, immatriculée au RCS de PONTOISE, sous le numéro 410 483 457, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social,
N° SIRET : 410 483 457
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Isabelle PORTET, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 484
Représentant : Me Sylvie NOACHOVITCH, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1833
APPELANTE
****************
Monsieur [P] [B]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 2] (92150)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Clémentine TELLIER MAZUREK, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 579
Représentant : Me Justine ROSSET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1232
Madame [F] [B]
née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 4] ( CALIFORNIE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Clémentine TELLIER MAZUREK, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 579
Représentant : Me Justine ROSSET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1232
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mars 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nicolette GUILLAUME, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [P] [B] et Mme [F] [B] ont confié la réalisation de travaux de rénovation de leur appartement à la société à responsabilité limitée DG Décoration Générale et ont constaté des malfaçons ainsi que la diffusion de photographies de leur appartement sur Internet, sans leur accord.
Par ordonnance du 23 juin 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a notamment, ordonné une expertise et enjoint à la SARL DG Décoration Générale de retirer ou faire retirer toutes photographies reproduisant l'appartement de M. et Mme [B], sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par infraction constatée.
Par acte d'huissier en date du 4 avril 2017, M. et Mme [B] ont fait assigner la SARL DG Décoration Générale devant le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Pontoise afin de voir prononcer la liquidation de l'astreinte à hauteur de 743 700 euros (67 infractions x 222 jours x 50 euros) pour la période du 5 octobre 2016 au 15 mai 2017.
Par jugement rendu le 12 juin 2017, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Pontoise a :
- rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la SARL DG Décoration Générale ;
- condamné la SARL DG Décoration Générale à payer à M. et Mme [B] la somme de 50 000 euros représentant la liquidation pour la période du 5 octobre 2016 au 11 mai 2017 de l'astreinte fixée par l'ordonnance rendue le 23 juin 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris ;
- débouté la SARL Décoration Générale de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- débouté la SARL DG Décoration Générale de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la SARL DG Décoration Générale à payer à M. et Mme [B] la somme de 800 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné la SARL DG Décoration Générale aux dépens.
Le 11 juillet 2017, la SARL DG Décoration Générale a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions transmises le 11 janvier 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SARL DG Décoration Générale, appelante, demande à la cour de :
à titre principal
- recevoir son appel et le dire bien-fondé ;
- infirmer le jugement du 12 juin 2017 ;
- débouter M. et Mme [B] de l'ensemble de leurs demandes ;
- constater l'existence d'une cause étrangère ayant empêché la bonne exécution de l'ordonnance du tribunal de grande instance de Pontoise, lequel a prononcé l'astreinte et l'absence de tout préjudice du défaut d'exécution ;
- supprimer l'astreinte sur le fondement de l'article L.131-4 du Code des procédures civiles d'exécution ;
- rejeter toute demande d'astreinte formée par M. et Mme [B] à son encontre ;
à titre subsidiaire,
- dire que le montant de l'astreinte sollicité par M. et Mme [B] est disproportionné dans son quantum, en considération des circonstances de l'espèce et de l'absence de préjudice subi ;
- réduire le montant de l'astreinte à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder la somme de 10 000 euros.
Dans leurs conclusions transmises le 3 décembre 2018 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [B], intimés, demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du 12 juin 2017 ;
- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de la SARL DG Décoration Générale ;
- condamner la SARL DG Décoration Générale à leur payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
*****
La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 février 2019.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 13 mars 2019 et le délibéré au 18 avril suivant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La SARL DG décoration générale dont le gérant est M. [Z] allègue l'existence d'une cause étrangère pour justifier le retard observé entre l'ordonnance de référé du 23 juin 2016 et le 7 mai 2017, date du constat d'huissier qui permet d'établir, sur les sites concernés, la disparition des photographies litigieuses identifiées les 21 octobre 2016, 5 novembre 2016 et 7 mars 2017.
L'appelante soutient que l'astreinte doit dès lors être supprimée sur le fondement de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution.
Elle fait valoir que l'épouse de M. [Z] qui gérait entièrement la partie administrative, publicité et Internet de son entreprise, est décédée le [Date décès 1] 2017 et que M. [Z] a d'abord été très absent pour rester au chevet de son épouse puis s'est trouvé dans un état de dépression qui ne lui a pas permis de s'apercevoir, alors qu'il avait accepté sa condamnation sous astreinte et avait même mandaté dès le 16 septembre 2016, M. [I] [E], son prestataire informatique, pour les supprimer, de la persistance de la présence des photographies litigieuses sur Internet. Elle ajoute que les époux [B] ne l'en ont pas avertie avant de lui délivrer l'assignation en liquidation de l'astreinte.
Subsidiairement, elle demande que les montants liquidés soient ramenés à de plus justes proportions compte tenu des difficultés évoquées.
M. et Mme [B] font valoir que le décès de l'épouse de l'appelant ne peut constituer la cause étrangère visée par l'article L. 131-4, alinéa 2, du Code des procédures civiles d'exécution, l'injonction du juge des référés ayant été faite à la SARL DG représentée par son gérant, lequel était personnellement tenu d'exécuter ou de faire exécuter l'obligation par un tiers compétent. Ils ajoutent que l'appelante ne produit aucun élément permettant d'établir avec certitude le rôle joué par Mme [Z] dans la société.
Ils précisent qu'ils n'ont eu de cesse de demander à la SARL DG de supprimer les photographies (pièces n°6 et 8) avant même de procéder à son assignation en justice pour voir ordonner le prononcé d'une astreinte et que, par conséquent, la société appelante était dûment informée et aurait dû retirer les photographies litigieuses sans attendre.
Il est constant que, par une ordonnance rendue le 23 juin 2016 le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a notamment, enjoint à la SARL DG Décoration Générale de retirer ou faire retirer toutes photographies reproduisant l'appartement de M. et Mme [B], dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par infraction constatée. Cette ordonnance a été signifiée à la SARL DG et à M. [Z] les 16 et 19 septembre 2016 et l'astreinte a commencé à courir le 5 octobre suivant.
Effectivement, M. et Mme [B] qui n'ont vu disparaître les photographies litigieuses des sites Internet que le 7 mai 2017 sont fondés à réclamer la liquidation de l'astreinte, qui est indépendante des dommages-intérêts et qui a pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations qu'une décision juridictionnelle lui a imposées et d'assurer le respect du droit à cette exécution.
Il est exact qu'aux termes de l'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte peut être supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution provient en tout ou partie d'une cause étrangère.
La cause étrangère, prévue comme cause de suppression d'une astreinte, peut constituer une circonstance justifiant le rejet de la demande de liquidation qu'il appartient à la cour d'apprécier en fonction des éléments du dossier. L'appelante doit rapporter la preuve des circonstances pouvant caractériser la cause étrangère.
La notion de cause étrangère, au sens de l'article L. 131-4, alinéa 3, est plus large que celle de force majeure et s'étend à tous les cas dans lesquels le débiteur s'est trouvé dans l'impossibilité, pour une raison quelconque, de se conformer à l'injonction du juge.
Il est constant que Mme [Z], épouse de M. [Z], gérant de la société condamnée sous astreinte, est décédée le [Date décès 1] 2017.
La période de liquidation est comprise entre le 5 octobre 2016 et le 11 mai 2017. Elle se situe donc avant et après le décès de l'épouse du gérant de la société.
Cependant, la société à qui s'adresse la condamnation sous astreinte ne se confond pas avec la personne de son gérant et la cause étrangère invoquée, quelle qu'en soit l'ampleur, qui concerne la vie privée de ce dernier, ne peut suffire à justifier les manquements de la première.
Dès lors, l'astreinte doit être liquidée.
Aux termes de l'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
La liquidation de l'astreinte, c'est-à-dire l'évaluation du montant dû par le débiteur récalcitrant ne consiste pas à simplement procéder à un calcul mathématique en multipliant son taux par le nombre d'infractions constatées ou de jours sans exécution mais à apprécier les circonstances qui ont entouré l'inexécution, notamment la bonne ou la mauvaise volonté du débiteur.
Enfin, une exécution tardive ne permet pas d'échapper à la liquidation de l'astreinte.
Dans ces conditions, il convient de tenir compte des efforts qui ont été faits et des difficultés rencontrées par la SARL DG pour exécuter ses obligations.
La SARL DG grâce à l'attestation de l'intéressé (pièce 11) apporte la preuve d'avoir dès le 16 septembre 2016, fait appel à M. [E] pour faire supprimer les photographies litigieuses du site Internet "les bains d'Alexandre". Il n'est pas démontré qu'à cette date, le gérant, M. [Z] avait connaissance d'autres sites concernés, étant rappelé que le juge des référés avait simplement ordonné de "retirer ou de faire retirer toutes photos reproduisant l'appartement de M. et Mme [B] de tout site internet ou tout support de communication." La société appelante verse aux débats le contrat conclu entre ce prestataire informatique et la SARL DG Décoration Générale qui démontre la qualité dudit prestataire. La SARL DG par l'intermédiaire de son gérant a donc fait des démarches pour répondre à l'injonction qui lui était faite. Ces démarches se sont néanmoins révélées inefficaces puisqu'il est établi par les constats d'huissier que les époux [B] ont pris la peine de faire dresser les 21 octobre, 5 novembre 2016 et 7 mars 2017, que les photographies litigieuses étaient toujours présentes sur Internet.
Il est acquis qu'il ne peut être fait grief aux époux [B] de ne pas avoir mis en demeure la SARL DG de cesser cette diffusion, ce qui aurait permis à son gérant de s'en rendre compte, alors que ce dernier devait lui même s'assurer de l'efficacité des mesures prises.
Pour justifier son comportement et ses difficultés, l'appelante produit cependant une attestation rédigée par le médecin de l'épouse de M. [Z], déclarant que "l'état de santé de son épouse a nécessité la présence impérative et constante de son époux auprès d'elle, du mois de juin 2016 au mois de janvier 2017 ".
À hauteur d'appel, la société parvient également à établir que sur cette période litigieuse, son organisation a été fortement perturbée par l'absence de Mme [Z] et celle, consécutive de M. [Z].
Ainsi, Mme [F], expert comptable, produit à titre de renseignement un document intitulé "attestation" par lequel elle certifie que son interlocuteur principal dans le cadre de sa mission d'assistance de la SARL DG, a été Mme [Z] jusqu'en septembre 2016 et que cette dernière s'occupait de la gestion administrative de la société (comptabilité, relances clients, préparation des règlements fournisseurs, suivi des contrats des sous-traitants, gestion de la banque, préparation paies...).
Mme [Q] [I] qui travaille au sein de la SARL DG en qualité d'architecte d'intérieur en contrat de professionnalisation, atteste du fait que "M. [Z] a été particulièrement absent de sa société entre septembre 2016 et février 2017 du fait de la maladie de son épouse" qui était "dévouée à la partie administrative de la société" et que "les mois suivant le décès, pour sortir de la depression dont il souffrait, M. [Z] s'est occupé de sa clientèle et des chantiers en cours, laissant de côté la partie admninistrative". M. [C], également employé de la société, a rédigé une attestation dans le même sens.
Dans ces conditions l'absence de diligences suffisantes de la SARL DG qui n'a pas mis fin à la publication des photographies litigieuses sur Internet avant le 11 mai 2017, même si son gérant a fait appel en ce sens à un professionnel dès septembre 2016, n'est pas due qu'à l'inertie de la société, mais bien aussi à des difficultés résultant des problèmes personnels rencontrées par son gérant qui ont profondément désorganisé l'entreprise sur la période litigieuse et qui sont attestées notamment par le certificat de décès de son épouse qui s'occupait de la partie administrative ; le certificat médical de son médecin traitant et les autres attestations produites prouvent en effet que M. [Z] est d'abord resté auprès de son épouse puis a connu une période de dépression après le décès de celle-ci, autant de circonstances qui justifient en grande partie son comportement, qui constituent des difficultés dont il doit être tenu compte pour liquider le montant de l'astreinte et qui permettent de ramener le montant de la condamnation à 10 000 euros. Le jugement sera donc réformé en ce sens.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris, sauf en celle de ses dispositions ayant condamné la SARL DG Décoration Générale à payer à M. et Mme [B] la somme de 50 000 euros représentant la liquidation pour la période du 5 octobre 2016 au 11 mai 2017 de l'astreinte fixée par l'ordonnance rendue le 23 juin 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris,
Statuant à nouveau sur ce chef,
Condamne la SARL DG Décoration Générale à payer à M. et Mme [B] la somme de 10 000 euros représentant la liquidation pour la période du 5 octobre 2016 au 11 mai 2017 de l'astreinte fixée par l'ordonnance rendue le 23 juin 2016 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris,
Et y ajoutant,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette la demande formée par les époux [B],
Rejette toute autre demande,
Condamne a SARL DG Décoration Générale aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Mme COLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,