COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50A
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 AVRIL 2019
N° RG 18/00809
N° Portalis DBV3-V-B7C-SE4C
AFFAIRE :
[B], [Y], [X] [C]
...
C/
[U], [M], [V] [F]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Novembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE
N° Chambre : 2
N° RG : 16/00841
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
Me Fanny COUTURIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
1/ Monsieur [B], [Y], [X] [C]
né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
2/ Madame [T], [P], [X] [C] épouse [S]
née le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1859087
Représentant : Me Caroline VARLET-ANGOVE de la SCP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & Associés - DROUOT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06
APPELANTS
****************
1/ Monsieur [U], [M], [V] [F]
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
2/ Madame [I], [O] [U] épouse [F]
née le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Fanny COUTURIER, Postulant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 191 - N° du dossier 617
Représentant : Me Yves SEXER de la SELEURL CABINET YVES SEXER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0203
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Février 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,
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FAITS ET PROCEDURE
Le 18 février 2004, un bail rural écrit a été conclu entre M. et Mme [T], les bailleurs, et M. et Mme [F], les preneurs, portant sur différentes parcelles situées à [Localité 4] en France, [Localité 5] et [Localité 6].
Par acte du 2 juillet 2015, M. et Mme [T] ont consenti une promesse unilatérale de vente des terrains incluant les terrains loués à M. et Mme [F], au bénéfice de M. [B] [C] et Mme [T] [C], et ce sous la condition suspensive qu'aucun droit de préemption ne soit exercé sur les terrains concernés.
Le 2 octobre 2015, M. et Mme [T] ont signifié à M. et Mme [F] leur intention de vendre. Par courrier avec accusé réception du 15 octobre 2015, ceux-ci ont exercé leur droit de préemption et l'acte de vente des terrains a été conclu le 22 décembre 2015.
Par acte d'huissier du 22 décembre 2015, les consorts [C] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Pontoise M. et Mme [F] aux fins notamment de l'annulation de la décision de préemption et de la vente subséquente.
Par jugement du 06 novembre 2017, le tribunal :
- a déclaré irrecevables les consorts [C] en leur action,
- les a condamnés aux entiers dépens,
- les a condamnés in solidum à verser à M. et Mme [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties des autres demandes.
Par acte du 06 février 2018, les consorts [C] ont interjeté appel et par dernières écritures du 30 janvier 2019 demandent à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement,
- les juger recevables en leurs demandes,
- juger que M. et Mme [F] sont déchus de leur droit de préemption à l'occasion de la vente des parcelles litigieuses par M. et Mme [T],
- annuler en conséquence la décision de préemption de M. et Mme [F] du 15 octobre 2015 portant sur les parcelles susvisées,
- annuler la vente subséquente conclue entre M. et Mme [F] et M. et Mme [T],
- condamner in solidum M. et Mme [F] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec recouvrement direct.
Par dernières écritures du 06 février 2019, M. et Mme [F] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,
- débouter les consorts [C] de l'ensemble de leurs demandes,
- les condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel ainsi qu'aux entiers dépens afférents à la procédure d'appel
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 07 février 2019.
SUR QUOI, LA COUR
Le tribunal a rappelé que l'acte conclu entre les preneurs et les bailleurs le 2 juillet 2015 était une promesse unilatérale de vente et que le bénéficiaire d'une telle promesse qui n'a pas levé l'option et dont la promesse est ainsi devenue caduque, ne peut être qualifié d'acquéreur évincé, de sorte qu'il n'a pas qualité à agir en nullité de l'exercice du droit de préemption et de la vente.
Le tribunal a observé que si les consorts [C] avaient contracté un prêt en vue de financer l'achat des parcelles, ceci ne pouvait constituer en soi une levée d'option, ces derniers restant libres d'acheter ou non à l'issue de la justification du prêt. De même, le tribunal a jugé que la mention, contenue dans l'acte délivré par les propriétaires le 2 octobre 2015, de ce que les consorts [C] se proposaient d'acquérir lesdites parcelles ne pouvait caractériser une intention claire et précise d'acquérir émanant des preneurs, ceux-ci restant libres de contracter à défaut d'avoir eux même exprimé leur volonté.
Les premiers juges ont enfin retenu que dés lors que le droit de préemption avait été exercé, la promesse unilatérale de vente au bénéfice des consorts [C] devenait caduque et qu'ainsi l'assignation ne pouvait valoir levée d'option.
Le tribunal en a déduit que les consorts [C] n'étaient pas recevables à contester la régularité de l'exercice du droit de préemption et par suite celle de la vente puisqu'ils n'avaient pas la qualité d'acquéreurs évincés.
Les appelants font valoir que la promesse unilatérale litigieuse a été consentie pour une durée expirant le 30 décembre 2015, qu'à la date à laquelle M. et Mme [F] ont exercé leur droit de préemption, soit le 15 octobre 2015, le délai permettant aux consorts [C] de lever l'option n'était pas encore expiré et ne l'était toujours pas lorsqu'ils ont assigné M. et Mme [F] en annulation de leur préemption et de la vente subséquente. Or, en délivrant leur assignation, ils ont implicitement mais nécessairement manifesté leur volonté d'acquérir et donc ont levé l'option dans le délai contractuellement prévu, soulignant qu'ils avaient préalablement obtenu le concours de leur banque pour financer l'achat par proposition du 31 juillet 2015.
Les appelants ajoutent que M. et Mme [F] avaient été informés de ce qu'ils avaient levé l'option, la levée d'option n'étant soumise à aucune forme, puisque l'acte de notification de vente qui leur a été signifié par acte extrajudiciaire du 2 octobre 2015 mentionnent que les consorts [C] se proposent d'acquérir lesdites parcelles.
Les appelants affirment que le tribunal a méconnu les effets d'une éventuelle annulation de la décision de préemption litigieuse car il a été jugé à plusieurs reprises, que l'annulation a posteriori d'une décision de préemption irrégulièrement intervenue a pour effet de faire 'revivre' la promesse de vente, la condition suspensive étant alors réputée réalisée.
Les consorts [C] font ensuite valoir que le seul fait d'être titulaire d'un bail rural sur les biens vendus ne suffit pas à conférer au preneur un droit de préemption, lequel doit justifier de la réunion de plusieurs conditions, posées à l'article L412-5 du code rural, soit avoir exercé pendant au moins trois ans la profession agricole, exploiter personnellement ou par sa famille le fonds mis en vente et s'engager à exploiter personnellement le bien objet de la préemption dans les conditions fixées aux articles L. 411-59 et L. 412-12 du code rural. Les appelants soutiennent que M. et Mme [F] ne remplissent pas les deux dernières conditions dés lors qu'ils se sont installés depuis 2006 en Haute Savoie, de sorte qu'ils sont déchus de leur droit de préemption.
Après avoir rappelé le caractère conflictuel des relations entre les parties et ce depuis 2006, les intimés font valoir que la promesse était consentie aux consorts [C] sous la condition qu'aucun droit de préemption ne puisse être exercé sur les biens concernés et qu'en cas d'exercice du droit de préemption, la promesse serait caduque de plein droit et le promettant délié de toute obligation envers le bénéficiaire. M. et Mme [F], locataires de la plupart des terrains objet de la promesse, se sont vu signifier l'intention de vendre des propriétaires le 2 octobre 2015 et ont exercé leur droit de préemption le 15 octobre 2015, ce qui a eu pour effet de rendre à cette date la promesse caduque.
Les intimés affirment qu'en tout état de cause, en l'absence de levée d'option, la promesse était définitivement caduque au 30 décembre 2015 ce qui a fait perdre aux bénéficiaires le droit de demander l'annulation de la vente. Ils soulignent que quand bien-même une levée d'option ne serait soumise à aucune formalité particulière, il est constant qu'il doit s'agir d'une manifestation de volonté non équivoque d'acquérir émanant des bénéficiaires de la promesse de vente et à destination des promettants, ce qui n'est pas le cas de la notification de la promesse de vente signifiée par notaire à M. et Mme [F] ni de l'assignation délivrée par les consorts [C] à l'encontre de M. et Mme [F].
M. et Mme [F] ajoutent que les consorts [C] ne demandent pas à être substitués aux acquéreurs et qu'ainsi s'ils obtenaient l'annulation de la vente conclue entre M. et Mme [F] et M. et Mme [T], ce sont ces derniers -au demeurant non attraits à la présente procédure- qui seraient à nouveau propriétaires des parcelles, avec un droit de préemption au bénéfice du preneur et exploitant des terres en cas de nouvelle vente, ce qui selon les intimés atteste de l'intention de nuire des appelants.
* * *
Au terme de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
Les consorts [C] étaient bénéficiaires d'une promesse unilatérale de vente dont la validité expirait le 30 décembre 2015. Ils disposaient à la date à laquelle M. et Mme [F] ont exercé leur droit de péremption, soit le 15 octobre 2015, d'un droit d'acquérir le bien soumis au droit de préemption et limité dans le temps.
La levée de l'option n'a pas été rendue impossible par l'exercice du droit de préemption et il appartenait aux consorts [C] de préserver les droits qu'ils tenaient de la promesse de vente. Il est de principe qu'à défaut de levée d'option, la promesse est caduque de sorte que ses bénéficiaires ne disposent d'aucun droit à l'annulation de l'exercice du droit de préemption et de la vente qui s'en est suivie, étant surabondamment observé que cette vente ne pourrait au cas présent être annulée alors que les vendeurs sont absents de la procédure. Le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente qui n'a pas levé l'option ne peut être assimilé à un acquéreur évincé. La décision de la Cour de cassation qu'opposent les appelants n'est pas pertinente dés lors qu'il s'agissait dans cette espèce d'une promesse synallagmatique de vente.
La promesse unilatérale de vente conclue le 2 juillet 2015 dispose que sa réalisation aura lieu soit par la signature de l'acte authentique constatant le caractère définitif de la vente, accompagnée du paiement du prix et du versement des frais par virement dans le délai ci-dessus soit par la levée d'option faite par le bénéficiaire dans le même délai, accompagnée du versement du prix et des frais par virement entre les mains du notaire, puis de la signature de l'acte de vente au plus tard dans les cinq jours ouvrés suivant celle-ci.
Ainsi que l'a rappelé le tribunal, la levée d'option n'est pas soumise à des règles de forme particulière. Il n'en demeure pas moins qu'elle doit traduire de la part du bénéficiaire, de façon non équivoque, son intention d'acquérir et que cette intention doit être exprimée auprès du promettant ou de son représentant.
Les consorts [C] soutiennent que l'acte de notification de l'intention de vendre a été délivré aux bénéficiaires du droit de préemption le 2 octobre 2015 à leur demande et qu'il porte la mention selon laquelle ils se proposent d'acquérir lesdites parcelles, ce qui doit être analysé comme la levée d'option. Or, cet acte n'a pas été délivré à leur demande mais à la requête des vendeurs, lesquels s'obligeaient par la promesse du 2 juillet 2015 à accomplir les formalités de purge. Cet acte a pour objet d'informer les preneurs de ce que le propriétaire du bien envisage de le vendre et qu'il existe à l'évidence des candidats à l'acquisition puisqu'une promesse unilatérale de vente a été consentie. Cette notification met ainsi les preneurs en mesure d'exercer leur droit de préemption. Sauf à dénaturer le sens de cet acte, il ne saurait s'analyser comme l'acte par lequel les consorts [C], qui y sont étrangers, lèvent l'option.
L'assignation délivrée par les consorts [C] le 22 décembre 2015 ne peut pas davantage être analysée comme la levée d'option puisque cette dernière suppose que les bénéficiaires manifestent leur volonté d'acquérir auprès de la personne concernée, soit le promettant, alors que l'assignation a été délivrée à l'encontre des acquéreurs, sans que le vendeur n'en soit seulement avisé.
En l'absence de levée d'option, la promesse de vente est devenue caduque. Les consorts [C] ne peuvent dés lors se prévaloir de la qualité d'acquéreurs évincés et sont donc dépourvus d'intérêt à agir.
Le tribunal sera en conséquence approuvé d'avoir déclaré leurs demandes irrecevables.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Les consorts [C], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 3000 euros en remboursement des frais irrépétibles d'appel de M. et Mme [F].
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [B] [C] et Mme [T] [C] à payer à M. et Mme [F] la somme de 3000 euros en remboursement de leurs frais irrépétibles d'appel,
Condamne in solidum M. [B] [C] et Mme [T] [C] aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,