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11/04/2019 | FRANCE | N°17/03907

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 11 avril 2019, 17/03907


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 89B

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 AVRIL 2019



N° RG 17/03907



N° Portalis DBV3-V-B7B-RXOJ



AFFAIRE :



[E] [I] épouse [N]



C/



CPAM DES HAUTS DE SEINE

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 20 Juin 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 16-02191/N





Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL BERNARD - VIDECOQ



CPAM DES HAUTS DE SEINE,



Me Véronique GALLOT



Copies certifiées conformes délivrées à :



[E] [I] épouse [N]



SA FCN







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 AVRIL 2019

N° RG 17/03907

N° Portalis DBV3-V-B7B-RXOJ

AFFAIRE :

[E] [I] épouse [N]

C/

CPAM DES HAUTS DE SEINE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 20 Juin 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 16-02191/N

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL BERNARD - VIDECOQ

CPAM DES HAUTS DE SEINE,

Me Véronique GALLOT

Copies certifiées conformes délivrées à :

[E] [I] épouse [N]

SA FCN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 14 mars 2019 puis prorogé au 11 avril 2019, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [E] [I] épouse [N]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Emilie VIDECOQ de la SELARL BERNARD - VIDECOQ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2002

APPELANTE

****************

CPAM DES HAUTS DE SEINE

Division du contentieux

[Adresse 2]

représentée par Mme [T] [A] [J] (Inspecteur contentieux) en vertu d'un pouvoir général

SA FCN

[Adresse 3]

[Localité 2]/FRANCE

représentée par Me Véronique GALLOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0486 substitué par Me Louise MILBACH, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice présidente placée,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS

Mme [E] [I] a été engagée en qualité d'assistante juridique dans un cabinet d'expertise comptable, la société FCN SA (ci-après, la 'Société').

Le 4 janvier 2007, Mme [I] adressait un courrier d'alerte à son employeur dénonçant un harcèlement de son supérieur hiérarchique, M. [V], à son encontre.

A compter du 13 février 2008, à la suite, selon elle, du harcèlement sexuel puis moral subi et notamment de nouveaux agissement violents survenus le 8 février 2008, Mme [I] était victime d'un état dépressif réactionnel sévère.

Le 14 mai 2008, elle établissait une déclaration d'accident de travail et saisissait le conseil des prud'hommes de Paris.

Selon jugement du 26 février 2010, le conseil des prud'hommes condamnait la Société à des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité.

Le jugement était confirmé par la cour d'appel de Paris aux termes d'un arrêt du 8 mars 2012.

Mme [I] sera licenciée pour inaptitude le 1er août 2017.

Entre temps, par requête du 8 septembre 2010, Mme [I] a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale des Hauts-de-Seine (ci-après, le 'TASS') tant à fin de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident qu'elle avait déclaré que de la faute inexcusable de la Société.

Par jugement en date du 14 mars 2011, le TASS a déclaré Mme [I] recevable mais mal fondée en son recours et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Par arrêt du 21 mars 2013, la cour d'appel de Versailles, autrement composée, reconnaissait le caractère professionnel de l'accident du 8 février 2008.

Par ailleurs, le 1er août 2010 la CRAMIF déclarait Mme [I] consolidée, lui accordait un taux d'incapacité permanente partielle ('IPP') de 33% à compter du 2 août 2010 et lui attribuait une pension d'invalidité.

Par décision du 4 novembre 2013, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (ci-après, la 'CPAM' ou la 'Caisse') a fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme [I] au 1er août 2010, après avis du docteur [U], médecin conseil.

Le 13 novembre 2013, Madame [I] a contesté cette décision et sollicité la mise en oeuvre d'une expertise médicale.

Le 19 février 2014, à la suite de l'expertise du docteur [E], la CPAM a confirmé la date de consolidation au 1er août 2010. Le 9 juillet 2014 le taux d'IPP de Mme [I] était fixé à 0%.

Le 24 juillet 2014 Mme [I] contestait ce taux auprès de la commission des recours amiable ('CRA') de la CPAM, qui a rejeté la contestation le 10 septembre 2014.

Madame [I] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine, qui a rejeté sa demande d'expertise sur la fixation de sa date de consolidation, par jugement du 2 août 2016.

La date de consolidation restait donc acquise au 1er août 2010.

Entre temps, le 10 décembre 2013 Mme [I] avait été informée par courrier avec accusé de réception de la CPAM de l'annulation du versement de sa pension d'invalidité, ce qui générait un indu.

Mme [I] a déclaré une rechute le 15 septembre 2014, que la Caisse a prise en charge le 19 novembre 2014.

Le 18 novembre 2016, la CPAM a notifié à Mme [I] un taux d'incapacité permanente partielle de 33% à compter du 2 août 2010.

Mme [I] a par ailleurs engagé une procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de la Société et saisi le TASS.

Lors de l'audience du 15 septembre 2014 devant le TASS, la CPAM et la Société sollicitaient la radiation de l'affaire en raison du nombre important de renvois précédemment accordés à Mme [I] .

La radiation était prononcée le 17 novembre 2014.

Mme [I] sollicitait le rétablissement de l'affaire par conclusions reçues le 19 septembre 2016 et sollicitait du TASS qu'il :

- juge que l'accident du travail était dû à la faute inexcusable de l'employeur ;

Avant dire droit sur le préjudice :

- ordonne une expertise judiciaire confiée à un expert du choix du tribunal ;

- dise que la mission serait d'examiner Mme [I], de dire quels sont ses préjudices et de les évaluer dans le respect du principe du contradictoire ;

- fixe le délai dans lequel l'expert devrait déposer son rapport ;

- dise que les frais d'expertise seraient avancés par la CPAM ;

- ordonne à la CPAM de lui verser une provision de 20 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

- condamne la Société à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonne l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 20 juin 2017, le TASS a :

- confirmé la décision rendue le 19 février 2014 par la commission de recours amiable de la CPAM des Hauts de Seine confirmant la date de consolidation au 1er août 2010 ;

- débouté Mme [I] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

- débouté Mme [I] de ses demandes, y compris de celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [I] interjetait appel de cette décision.

L'audience était fixée au 19 novembre 2018 puis au 17 janvier 2019.

Par ses conclusions écrites soutenues à l'audience, Mme [I] sollicite de la cour qu'elle :

- annule le jugement entrepris pour défaut d'impartialité et défaut de motivation ;

- à tout le moins l'infirme et statuant à nouveau, juge que l'accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur ;

Sur la réparation des préjudices :

A titre principal, avant dire droit:

. ordonne une mesure d'expertise judiciaire confiée à l'expert du choix de la cour ;

. dise que la mission de l'expert sera de l'examiner et de déterminer l'étendue des préjudices subis du fait de l'accident du travail du 8 février 2008 prévu par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 du 18 juin  2010 notamment:

- au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

- au titre des souffrances morales endurées ;

- au titre du préjudice résultant de la privation des agréments d'une vie normale;

- au titre de la perte de chance de promotion professionnelle ;

- de dire si son état a nécessité , et jusqu'à quelle date, l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne et, dans l'affirmative, de préciser la nature de l'assistance et sa durée quotidienne ;

- de dire si elle a subi des préjudices provisoires ou permanents exceptionnels et dans l'affirmative de préciser lesquels et dans quelle importance ;

. fixe le délai dans lequel l'expert devra déposer son rapport ;

. dise que les frais de l'expertise seront avancés par la CPAM ;

Dans l'attente du rapport d'expertise:

. ordonne à la CPAM de verser à Mme [I] une provision de 30 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

. renvoie l'affaire à la prochaine audience utile ;

A titre subsidiaire, au fond :

. ordonne la majoration de la rente accident du travail dans les conditions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;

. condamne la société au paiement des sommes suivantes :

- au titre du déficit fonctionnel temporaire : 22 750 euros ;

- au titre des souffrances morales endurées : 30 000 euros ;

- au titre du préjudice résultant de la privation des agréments d'une vie normale : 10 000 euros ;

- au titre de la perte de chance de promotion professionnelle : 50 706 euros ;

. condamne la société au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ses conclusions écrites soutenues à l'audience, la Société demande à la cour qu'elle:

- confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité des Hauts de Seine en ce qu'il a :

. confirmé la décision rendue le 19 février 2014 par la commission de recours amiable de la CPAM confirmant la date de consolidation au 1er août 2010 ;

. débouté Mme [I] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur ;

. débouté Mme [I] de ses demandes, y compris celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

- déboute Mme [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamne Mme [I] à verser à la société la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses conclusions écrites soutenues à l'audience, la CPAM sollicite de la cour qu'elle :

- donne acte à la caisse de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour sur le mérite de la demande en reconnaissance de la faute inexcusable présentée par Mme [I] en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

Dans le cas ou la cour reconnaîtrait la faute inexcusable de l'employeur:

. lui donne acte de ce qu'elle s'en remet à justice sur le montant de la majoration de rente dans les limites de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;

. rejette les demandes formulées au titre du préjudice d'agrément, des souffrances endurées, et de la perte de chance professionnelle ;

. lui donne acte que les sommes attribuées au bénéficiaire par la cour conformément aux dispositions de l'article L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale seront avancées par la caisse, à charge pour elle d'en récupérer le montant auprès de l'employeur en application de l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Sur la nullité du jugement

Mme [I] plaide la nullité du jugement en raison de l'absence 'totale' de motivation et de ce qu'il est la reproduction d'une décision rendue en 2016 et qui ne répondait pas à la question posée, faisant preuve de partialité.

La Société considère que le TASS a jugé 'sur la base des pièces fournies par (Mme [I]) et identiques dans les deux procédures, qu'il n'y avait lieu d'ordonner une expertise' (souligné dans l'original des conclusions) et que si les procédures et les parties en présence étaient distinctes, la finalité des demandes de Mme [I] et ses pièces à l'appui étaient identiques.

Sur ce

La cour ne peut que constater que le jugement du 20 juin 2017 est, dans sa motivation, à quelques majuscules près dans les noms de famille et la mention d'une date d'audience différente, rigoureusement identique à celle du jugement du 2 août 2016 (RG 14-02340/N).

Or, le litige en cause dans cette première procédure avait trait à la date de consolidation tandis que la seconde procédure (RG 16-02191/N) concerne une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Le dispositif du jugement dans cette seconde affaire est d'ailleurs erroné qui confirme la décision rendue par la CRA fixant la consolidation au 1er août 2010.

La cour ajoute que c'est à tort que le jugement fait référence, au dispositif, à une décision de la CRA en date du 19 février 2014, puisqu'il s'agit en fait de la décision de la Caisse, suite à l'expertise du docteur [E] de maintenir au 1er août 2010 la date de consolidation (la décision de la CRA a été prise en sa séance du 10 septembre 2014).

En tout état de cause, le jugement ne comprend aucune motivation d'aucune sorte quant à la faute inexcusable et doit dès lors être annulé, la cour constatant que les parties lui demandent d'user de son pouvoir d'évocation et de trancher le litige, ce qu'il convient effectivement de faire.

Sur la faute inexcusable

Selon Mme [I], la faute inexcusable de l'employeur est établie lorsque l'équilibre psychologique du salarié est gravement compromis à la suite de la dégradation continue des relations de travail et du comportement de l'employeur.

En l'espèce, la Société avait conscience du danger et n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver son salarié, comme la cour d'appel de Versailles l'avait retenu dans son arrêt du 21 mars 2013, considérant que : 'la dégradation brutale et sévère de l'état psychologique (de Mme [I]) [était intervenue] après plusieurs mois de manifestations diverses d'un conflit avec son supérieur et après le constat d'une absence totale de volonté de la part de la société d'apporter à ce conflit une solution définitive'.

Mme [I] souligne notamment que des faits postérieurs à janvier 2007, date à laquelle elle avait dénoncé des agissements de son responsable, se sont déroulés, jusqu'en février 2008.

Le procès-verbal dressé par l'inspecteur du travail, en date du 4 août 2010, mentionnait que Mme [I] avait fait part à plusieurs reprises à M. D. de ce que la situation, après la dénonciation, dégénérait et de ce qu'elle se sentait en danger en présence de son supérieur. Le rapport indiquait également que le successeur de M. D. 'avait connaissance que (Mme [I]) se plaignait' et que ce successeur n'avait pas apporté de réponse quant aux raisons de l'inaction de l'employeur, notamment suite au malaise de Mme [I] à l'été 2007 (en fait, la cour le précise, le 4 juin 2007).

Ce malaise, à l'occasion duquel Mme [I] avait été transportée aux urgences, était attesté par un certificat médical du 2 juillet 2007.

De plus, plusieurs collègues de Mme [I] 'ont témoigné des faits de harcèlement subis' par elle.

Enfin, la circonstance que l'affaire avait été classée sans suite par le procureur de la République n'avait pas pour conséquence que la faute inexcusable de l'employeur ne pouvait être retenue.

La Société fait notamment valoir, pour sa part, qu'elle 'prenait toutes les dispositions nécessaires pour la préservation de la santé de (Mme [I]) dès que celle-ci l'alertait sur sa situation et sur le comportement de Monsieur [V] à son égard' (en gras dans l'original des conclusions). Au courrier de Mme [I] du 4 janvier 2007, la Société avait répondu immédiatement, ce dont l'intéressée l'avait d'ailleurs remerciée dès le 16 janvier 2007.

La Société avait adressé un courrier à M. [V], le 26 janvier 2007, pour lui rappeler 'de la façon la plus ferme' son obligation de maintenir des obligations strictement professionnelles et sans ambiguïté avec Mme [I].

Les relations avaient paru se normaliser et ce n'est qu'en février 2008 que Mme [I] avait à nouveau alerté son employeur en la personne de M. D.. La Société avait proposé à Mme [I] un changement d'affectation à son retour d'arrêt de travail, elle avait demandé une promotion et une augmentation de salaire, ce que l'employeur avait refusé.

La Société avait par ailleurs diligenté une enquête auprès des collègues de Mme [I], qui n'avaient 'pas été personnellement témoins de faits ou d'actes pouvant s'apparenter aux très graves accusations portées'.

L'enquête diligentée par la CPAM aux mois de juin et juillet 2008 avait conduit cet organisme à refuser la prise en charge de l'accident déclaré le 13 février 2008 au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le procureur de la République avait quant à lui classé sans suite, le 26 avril 2011, la dénonciation 'article 40' faite par l'inspection du travail.

La Société relève, enfin, que Mme [I] 'a déjà été indemnisée au titre du préjudice subi par la Cour d'appel de PARIS' qui a confirmé le montant de 30 675 euros attribué par les premiers juges 'pour réparer le préjudice qu'elle a subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité'.

La Caisse s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur l'existence ou non d'une faute inexcusable de l'employeur et sollicite, le cas échéant, le bénéfice de l'action récursoire.

Sur ce

La cour rappelle qu'en matière de faute inexcusable, c'est à celui qui allègue la faute d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il convient de rappeler l'indépendance des procédures prud'homales et de sécurité sociale, et de souligner que la circonstance qu'il a été décidé, définitivement, que la Société avait manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [I] n'implique pas nécessairement que cet employeur a commis une faute inexcusable à l'encontre de sa salariée.

De façon similaire, la circonstance que la cour de céans, autrement composées a décidé, le 21 mars 2013, que Mme [I] avait été victime d'un accident du travail le 8 février 2008 n'a pas pour conséquence nécessaire qu'une faute inexcusable a été commise par l'employeur, qui se trouve à l'origine de l'accident.

Cela étant, il est constant que, le 4 janvier puis le 9 janvier 2007, Mme [I] a dénoncé des faits de harcèlement à M. D., mettant en cause le comportement de M. [V], son supérieur hiérarchique et qu'il est avéré que ce dernier avait eu un comportement inapproprié (qualifié par Mme [I] de 'déviant'), ce que l'intéressé n'a pas contesté.

Mais la cour est saisie d'une faute inexcusable pour des faits survenus le 8 février 2008.

La cour note, tout d'abord, que Mme [I] n'a établi sa déclaration d'accident du travail que le 14 mai 2008, et pour des faits qu'elle a situés le 13 février 2008, et non le 8 février, en joignant un certificat médical lui-même daté du 21 avril 2008.

Dans son arrêt du 21 mars 2013, la cour de céans, autrement composée, a certes indiqué d'emblée que Mme [I] avait précisé 'que c'est en fait les 7 et 8 février 2008 qu'elle a subi, à nouveau, une agression de la part de son supérieur hiérarchique suivie du constat d'un refus du dirigeant de l'entreprise d'intervenir'.

Il demeure que la date que Mme [I] avait elle-même fixée était le 13 février et non le 8 février 2008 et que rien n'explique qu'elle ait pu se tromper quant à la date des faits qu'elle allègue, d'autant moins qu'elle invoque une altercation (étant observé qu'il serait déjà pour le moins surprenant qu'une telle dispute ait duré deux jours).

La cour relève par ailleurs qu'ainsi qu'il résulte de la fiche médicale jointe au protocole d'expertise du docteur [U], Mme [I] n'a eu de cesse de vouloir continuer à travailler pour le même employeur (même si pas au même poste) malgré la procédure prud'homale comme malgré les procédures devant les juridictions de sécurité sociale, et notamment celle tendant à la reconnaissance d'une faute inexcusable de cet employeur.

D'ailleurs, le juge départiteur, dans le cadre de la procédure prud'homale, a noté que, suite à la lettre qu'elle avait adressé à M. D., le 4 janvier 2007, pour dénoncer les comportements inappropriés de son supérieur hiérarchique, et après que M. D. avait réuni les protagonistes et rappelé à M. [V] ses obligations, Mme [I] avait souhaité être maintenue à son poste, alors même que M. [V] resterait son supérieur hiérarchique (courrier recommandé avec accusé de réception adressé par Mme [I] à M. D. le 20 janvier 2007).

La cour souligne que Mme [I] n'invoque au demeurant aucun fait précis comme s'étant déroulé début février 2008 ou même dans les semaines précédentes.

La Société ne conteste pas que le collaborateur (M. [S].) dont elle avait pensé qu'il serait utile de le placer dans l'environnement de travail de Mme [I] et de M. [V], afin de parer à toute difficulté, n'a rejoint son poste qu'en janvier 2008, et que ce salarié ne se trouvait pas constamment à son bureau.

Mais Mme [I] ne fournit aucune précision sur ce qu'il aurait pu se passer à cette période.

Les attestations produites confirment toutes la situation difficile qu'a connue Mme [I] en 2007. L'une de ces attestations fait état d'un malaise survenu en juin 2007 à l'occasion d'un déjeuner - sans qu'au demeurant la cour puisse relier ce malaise à la situation de harcèlement dénoncée. Mais en prenant même pour hypothèse que le lien existe entre le harcèlement subi et ce malaise, la cour ne peut rien identifier qui se serait ensuite produit, et certainement pas au cours de la période de fin janvier - début février 2008.

Aucune des attestations ne fournit la moindre description d'un événement survenu à cette période de nature à caractériser la faute reprochée par Mme [I] à son employeur.

Dans ces conditions, la faute inexcusable de l'employeur ne peut être établie et Mme [I] sera déboutée de toutes ses demandes à cet égard.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La cour devra rappeler que la présente procédure est exempte de dépens.

Aucune considération ne justifie de condamner une partie à payer à l'autre partie une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

Annule le jugement du jugement du tribunal de affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine en date du 20 juin 2017 (RG 16-02191/N) ;

Évoquant,

Décide que l'accident du travail déclaré par Mme [E] [I] le 14 mai 2008 n'est pas dû à la faute de la société FCN S.A. ;

Déboute Mme [E] [I] de toutes ses demandes y relatives ;

Déboute Mme [E] [I] et la société FCN S.A. de leur demande respective d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03907
Date de la décision : 11/04/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°17/03907 : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-11;17.03907 ?
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