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28/03/2019 | FRANCE | N°17/03673

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 28 mars 2019, 17/03673


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 107



CONTRADICTOIRE



DU 28 MARS 2019



N° RG 17/03673



N° Portalis : DBV3-V-B7B-RWRA







AFFAIRE :



[Q] [A]



C/



SAS SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES, venant aux droits de la SA STERIA



Syndicat AVENIR SOPRA STERIA









Décision déférée à la cour : Jugemen

t rendu le 04 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : Encadrement

N° RG : 14/00172







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 29 Mars 2019 à :

- Me François GREGOIRE

- Me Eve DREYFUS

- M. [N] [L]

R...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 107

CONTRADICTOIRE

DU 28 MARS 2019

N° RG 17/03673

N° Portalis : DBV3-V-B7B-RWRA

AFFAIRE :

[Q] [A]

C/

SAS SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES, venant aux droits de la SA STERIA

Syndicat AVENIR SOPRA STERIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : Encadrement

N° RG : 14/00172

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 29 Mars 2019 à :

- Me François GREGOIRE

- Me Eve DREYFUS

- M. [N] [L]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 31 janvier 2019, puis prorogé au 28 février 2019, au 14 mars 2019 et au 28 mars 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [Q] [A]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant en personne, assisté de Me François GREGOIRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2034

APPELANT

****************

La SAS SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SÉCURITÉ SERVICES

venant aux droits de la SA STERIA

N° SIRET : 805 020 740

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Maud CREPIN, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Eve DREYFUS de la SELAS DF ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1814

Le Syndicat AVENIR SOPRA STERIA

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par M. [N] [L] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Rappel des faits constants

La SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services est une SS2i de prestations de services dans le domaine informatique, pour le compte de clients chez qui elle affecte ses collaborateurs afin d'y effectuer des missions. Elle emploie au moins dix salariés et applique la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

M. [Q] [A], né le [Date naissance 1] 1965, a été engagé le 1er juin 1998 par la société Somepost Informatique, par contrat à durée indéterminée, en qualité d'analyste d'exploitation, statut cadre, moyennant un salaire mensuel de 13 846,20 francs, soit 2 110,81 euros, payable sur 13 mois.

Suite à des rachats successifs, M. [A] est devenu salarié de la société Imelios en 2001 puis de la société Steria, qu'il a intégré à compter du 1er mars 2002, comme cadre technique. Il percevait alors un salaire mensuel brut de 2 928 euros sur douze mois auquel s'ajoutait une prime de fin d'année correspondant à un demi-mois de salaire, soit une rémunération annuelle de 36 600 euros.

Invoquant être victime d'une discrimination syndicale, M. [A] a saisi la section encadrement du conseil des prud'hommes de Versailles le 18 février 2014.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 4 avril 2016, le conseil des prud'hommes de Versailles a :

- constaté que la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services venait aux droits de la SA Steria et possèdait la seule qualité de partie défenderesse,

- dit que l'affaire était recevable,

- débouté M. [Q] [A] de l'intégralité de ses chefs de demande et de ses prétentions,

- débouté la partie défenderesse de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la partie demanderesse aux éventuels dépens.

La procédure d'appel

M. [A] a interjeté appel du jugement par déclaration n° 17/03673 du 3 juin 2016. Le recours porte sur l'ensemble des chefs de demande.

L'affaire a été radiée le 16 mai 2017 puis a été réinscrite à la demande de M. [A].

Prétentions de M. [A], appelant

Par conclusions adressées par voie électronique le 22 novembre 2018 reprises à l'audience, au visa des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail, M. [A] demande à la cour d'appel ce qui suit :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger qu'il a été victime d'une politique de discrimination syndicale qui l'a pénalisé dans le déroulement de sa carrière, ses promotions et sa rémunération,

- ordonner à la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services de fixer son salaire mensuel brut sur 13 mois à 57 226 euros annuels, soit 4 402 euros brut mensuels,

- ordonner la remise de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, 15 jours après la notification de l'arrêt,

- condamner la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services à lui verser la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice professionnel de carrière.

L'appelant sollicite en outre la capitalisation des intérêts et une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services, intimée

Par conclusions adressées par voie électronique le 8 novembre 2018 reprises à l'audience, la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services demande à la cour d'appel de confirmer en toutes ses dispositions le jugement et donc de débouter M. [A] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions. Elle sollicite en outre une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions du Syndicat Avenir Sopra Steria

Par conclusions reçues au greffe de la sixième chambre le 14 novembre 2018 reprises à l'audience, le syndicat Avenir Sopra Steria demande à la cour d'appel de recevoir les demandes du salarié et de condamner la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services pour discrimination depuis 2002. Il sollicite la condamnation de la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services à lui verser la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Renvoi aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la discrimination syndicale

M. [A] soutient qu'il a été victime d'une discrimination en raison de ses activités syndicales.

Il rappelle ses différents mandats syndicaux, résultant soit d'une élection, soit d'une désignation, et indique justifier d'une activité syndicale continue depuis 2001.

Il soutient que son évolution professionnelle a été entravée, qu'en dix-neuf années de carrière, il n'a connu qu'une seule promotion, en 2013, alors que son employeur a régulièrement fait part de sa satisfaction quant à son travail, que son évolution de carrière ne correspond pas au déroulement de carrière moyen constaté chez Sopra Steria, que le changement intervenu en 2002 correspond au transfert de son contrat et au changement de convention collective et non à une augmentation.

Il soutient encore que son évolution salariale a été entravée, que l'augmentation salariale de 2002 n'était pas de 23 % comme le prétend à tort son employeur mais de 9 %, que la grande majorité des salariés au même coefficient que lui ont perçu chaque année une revalorisation salariale, que tel n'est pas son cas, que lorsqu'il a été augmenté, il l'a été moins que la moyenne de sa catégorie.

Il ajoute que la société ne donne aucune justification par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination, que les panels qu'elle produit ne sont pas pertinents, que l'appellation « ingénieur de production » qu'elle reprend n'est pas contractuelle et lui est donc inopposable, que la conjoncture économique mise en avant par la société, si elle doit être prise en compte, doit s'appliquer à tous les salariés de l'entreprise, que le salaire conventionnel minimum s'impose à l'employeur, que son respect ne démontre pas l'absence de discrimination.

La SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services conteste l'existence d'une discrimination syndicale.

Elle fait d'abord valoir que la revendication salariale de M. [A] est injustifiée, que celui-ci n'explicite pas le fondement de sa demande, que le panel établi par le salarié n'a aucune valeur probante car les personnes comparées n'occupent pas le même emploi ni ne relèvent de la même filière professionnelle, que les augmentations ne sont pas systématiques, compte tenu surtout de la conjoncture économique difficile liée à la crise, que la rémunération de M. [A] est conforme à ce à quoi il peut prétendre, qu'il a bénéficié d'une augmentation de 30 % en 2002 et qu'il a bénéficié d'augmentations régulières au fil des années, que les minima conventionnels sont respectés, que les panels comparatifs qu'elle produit démontrent également que la rémunération de M. [A] est conforme à ce qu'il peut prétendre.

Elle soutient encore que la chronologie des faits met à mal les allégations du salarié, que son investissement syndical remonte en réalité à 2006 et non à 2001 et qu'au moment de la saisine du conseil des prud'hommes, M. [A] ne détenait aucun mandat électif.

Elle prétend que M. [A] a bénéficié à la reprise de son contrat de travail d'une augmentation conséquente de 23 %, ce qui justifie qu'il n'a pas eu d'augmentation durant les premières années de son arrivée au sein de l'entreprise, qu'il perçoit une rémunération tout à fait conforme à la moyenne de la rémunération des salariés de sa catégorie, qu'il a bénéficié d'une promotion en 2013 avec une évolution de deux échelons, que M. [A] reconnaît lui-même qu'il est correctement positionné.

Le principe de non-discrimination est posé à l'article L. 1132-1 du code du travail : « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, [...], notamment en matière de rémunération, [...], de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français ».

L'article L. 2145-5 du code du travail rappelle qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de (') d'avancement, de rémunération. Ces dispositions sont d'ordre public et toute mesure contraire prise par l'employeur est considérée comme abusive.

L'aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination est organisé par l'article L. 1134-1 du code du travail : « Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

Dans un premier temps, le salarié qui se prétend victime d'une discrimination, doit étayer sa demande et donc établir l'existence de faits précis, concordants et matériellement vérifiables qui démontrent une situation défavorable laissant supposer une discrimination.

Dans un deuxième temps, l'employeur doit alors justifier que cette situation est fondée, non sur un motif discriminatoire prohibé, mais sur des raisons objectives.

Il convient dès lors, dans un premier temps, d'examiner les éléments de fait présentés par le salarié, laissant supposer l'existence d'une discrimination.

M. [A] justifie d'une activité syndicale ancienne et continue, concomitante à la période invoquée de discrimination, pour avoir été élu en 2001 en qualité de membre de la délégation unique du personnel et avoir participé à l'action syndicale, avoir été élu en 2006 délégué du personnel Steria, avoir été réélu à cette fonction en 2009 jusqu'à fin 2014, avoir été, de janvier 2015 à octobre 2016, membre d'une instance créée par la société dans l'attente des élections d'octobre 2016, avoir été désigné délégué syndical en novembre 2016 et avoir participé à ce titre aux négociations en vue de l'organisation des futures élections, enfin d'avoir été élu secrétaire du CHSCT de l'établissement de [Localité 5] en septembre 2017.

M. [A] fait état de deux faits suivants :

1) Une évolution professionnelle inférieure à l'évolution de carrière moyenne constatée au sein de la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services

L'étude des pièces produites par M. [A] permet de reconstituer son déroulement de carrière sur dix-neuf années de la façon suivante : en juin 1998, il a été embauché en qualité d'analyste d'exploitation selon la convention collective de la métallurgie. En mars 2002, lors du transfert de son contrat de travail, il a été repris avec la qualification de cadre technique niveau 2, position 2.11, coefficient 115 de la convention collective Syntec. En juin 2013, il a bénéficié d'une promotion avec la qualification d'ingénieur concepteur 2.3, coefficient 150, position qu'il occupe toujours.

A l'appui de sa démonstration, M. [A] produit un document communiqué en 2011 par le service des relations sociales de l'entreprise aux représentants du personnel sur la durée moyenne entre deux promotions en région parisienne, duquel il ressort que, pour les salariés cadre au coefficient 115 comme M. [A], le durée moyenne entre deux promotions est de 2,58 ans et de 2,9 ans en moyenne pour l'ensemble des collaborateurs cadre.

Or, lorsqu'il a bénéficié de sa promotion en 2013, M. [A] était au coefficient 115 depuis 2002, soit depuis neuf ans.

M. [A] établit ainsi qu'il a connu une évolution de carrière inférieure à celles des autres salariés de la société.

2) Une évolution salariale défavorable

Après étude de ses bulletins de paie, M. [A] apparaît avoir bénéficié de la progression salariale suivante :

1998 : 2 110 euros,1999 : 2 110 euros,2000 : 2 210,52 euros

2001 : 2 286,74 euros,2002 : 2 928 euros,2003 : 2 928 euros,

2004 : 2 928 euros,2005 : 2 928 euros,2006 : 2 928 euros,

2007 : 3 000 euros,2008 : 3 100 euros,2009 : 3 100 euros,

2010 : 3 220 euros,2011 : 3 220 euros,2012 : 3 220 euros

2013 : 3 263 euros,2014 : 3 347 euros,2015 : 3 389 euros,

2016 : 3 389 euros,2017 : 3 479 euros.

M. [A] fonde son argumentation sur une série de tableaux remis aux élus en 2013, dans le cadre des Négociations Annuelles Obligatoires, pour chaque niveau conventionnel.

Ces tableaux détaillent pour chaque année, de 2001 à 2012, l'effectif concerné, le nombre de personnes augmentées et le pourcentage moyen d'augmentation salariale.

Le rapprochement entre les augmentations de salaire de M. [A] et celle des autres salariés met en évidence les différences suivantes :

- 2003 : 58 % des salariés de la catégorie ont perçu une augmentation moyenne de 6,38% tandis que M. [A] n'a pas eu d'augmentation.

- 2004 : 192 ingénieurs ont perçu une augmentation moyenne de 4,16 % tandis que M. [A] n'a pas eu d'augmentation.

- 2005 : 326 ingénieurs sur 470 ont perçu une augmentation moyenne de 4,54 tandis que M. [A] n'a pas eu d'augmentation.

- 2006 : 78,6 % des ingénieurs ont perçu une augmentation de salaire de 4,85 % tandis que M. [A] n'a pas eu d'augmentation.

- 2007 : 63 % des ingénieurs ont perçu 5,28 % d'augmentation de salaire tandis que M. [A] a perçu une augmentation de 2,4 %.

- 2008 : 57 % des ingénieurs ont perçu 7,47 % d'augmentation de salaire tandis que M. [A] a perçu une augmentation de 3,2 %.

- 2009 : 147 salariés du coefficient 115 ont perçu une augmentation moyenne de 1,2 % tandis que M. [A] n'a pas eu d'augmentation.

- 2010 : 60 % des collaborateurs du coefficient 115 ont perçu une augmentation moyenne de 2,86 %. M. [A] a été augmenté de 3,7 %.

- 2011 : 71 % des salariés au coefficient 115 ont perçu une augmentation de salaire moyenne de 2,87 % tandis que M. [A] n'a pas eu d'augmentation.

- 2012 : 63 % des salariés au coefficient 115 ont perçu une augmentation de salaire moyenne de 4,80 % tandis que M. [A] n'a perçu qu'une augmentation de 0,6 %.

- 2013 : selon les NAO, les collaborateurs au coefficient 115 ont perçu une augmentation moyenne de 8,10 % et ceux au coefficient 150 ont quant à eux perçu 8,22 % d'augmentation tandis que M. [A] a perçu 1,3 % d'augmentation de salaire.

M. [A] établit ainsi qu'il a connu une évolution salariale inférieure à celle des autres salariés de la société au même coefficient.

Ces deux faits, évolution professionnelle et évolution salariale défavorables, laissent supposer une discrimination.

Il convient dès lors, dans un deuxième temps, d'examiner les raisons objectives avancées par la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services pour expliquer cette différence.

Après étude de son argumentation et de ses pièces toutefois, il apparaît que celle-ci limite sa contestation à l'existence d'une situation défavorable pénalisant le salarié, sans invoquer de raisons objectives pour l'expliquer.

Elle conteste l'ancienneté et la permanence de l'investissement syndical de M. [A].

Elle prétend encore que M. [A] a bénéficié d'une augmentation conséquente de 23 % au moment de la reprise de son contrat de travail en 2002, ce qui explique l'absence d'augmentation durant les premières années de son arrivée. En l'absence de toutes mentions en ce sens, l'examen de la convention de transfert signée entre les parties le 27 février 2002 ne permet pas de dire que l'application du coefficient 115 correspond à une promotion et non uniquement aux conséquences du changement de convention collective.

La SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services prétend encore que M. [A] reconnaît lui-même être correctement positionné. Ce point n'est pas contesté par le salarié qui démontre cependant que cette promotion de 2013 n'a consisté qu'en un changement de coefficient sans augmentation de salaire.

Ainsi, l'employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par M. [A] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L'ensemble de ces considérations conduisent à retenir l'existence d'une discrimination syndicale et donc à infirmer le jugement.

Sur les demandes du salarié

Conséquence de la reconnaissance d'une discrimination syndicale, M. [A] peut prétendre, conformément à ses demandes, à son repositionnement salarial et à l'octroi de dommages-intérêts.

- Le repositionnement salarial

M. [A] considère qu'il est bien fondé à voir reconstituer la carrière qu'il aurait dû suivre. Il ne conteste pas sa position comme ingénieur position 2.3 coefficient 150 mais demande que son salaire soit fixé à la somme de 4 402 euros sur 13 mois.

La SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services ne répond pas précisément sur ce point.

A l'appui de sa demande, M. [A] produit un panel selon lequel le salaire moyen des collaborateurs position 2.3 coefficient 150 était de 4 402 euros mensuels, soit 57 226 euros sur 13 mois en 2014.

Ce panel apparaît pertinent puisqu'il comprend des salariés travaillant en région parisienne comme M. [A], d'une ancienneté et d'un âge équivalent voire inférieur, issus de la société Steria.

Au regard de ce document et en statuant dans les limites de la demande, il y a lieu de fixer le salaire de M. [A] à la somme de 4 402 euros sur 13 mois soit 57 226 euros.

Le salarié sera par contre débouté de sa demande tendant à voir ordonnée la remise des bulletins de paie conformes sous astreinte dans la mesure où la condamnation intervient pour l'avenir.

- Les dommages-intérêts au titre du préjudice de carrière

M. [A] démontre avoir été victime d'une discrimination en raison de son action syndicale sur une longue période. Il a subi de ce fait un préjudice de carrière, une perte de chance de percevoir un salaire plus élevé et une perte induite au titre des congés payés, de la retraite et des primes, qui sera justement indemnisée par la condamnation de la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services à lui verser une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande du Syndicat Avenir Sopra Steria

Compte tenu de l'atteinte au droit syndical induite par la discrimination jugée établie, le syndicat Avenir Sopra Steria est bien fondé à solliciter la réparation de l'atteinte portée aux intérêts de la collectivité des travailleurs dont il a la charge d'assurer la défense.

Au regard des circonstances spécifiques de la cause, les dommages-intérêts qui répareront intégralement le préjudice subi seront évalués à la somme de 1 500 euros.

La SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services sera en conséquence condamnée à payer au syndicat la somme ainsi arbitrée.

Sur la capitalisation des intérêts

En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.

Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles

La SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services supportera les dépens d'appel, comme ceux de première instance, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [A] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à fixer à la somme de 2 000 euros.

Elle sera également condamnée à payer au syndicat Avenir Sopra Steria une somme de 500 euros sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Versailles le 4 avril 2016 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que M. [A] a été victime d'une discrimination syndicale ;

CONDAMNE la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services à verser à M. [A] un salaire annuel brut de 57 226 euros payable à hauteur de 4 402 euros par mois sur 13 mois ;

CONDAMNE la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services à verser à M. [A] une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;

DÉBOUTE M. [A] de sa demande tendant à la remise de bulletins de paie conformes sous astreinte ;

CONDAMNE la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services à verser au syndicat Avenir Sopra Steria une somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts ;

CONDAMNE la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services à verser à M. [A] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services à verser au syndicat Avenir Sopra Steria une somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Sopra Steria Infrastructure & Security Services au paiement des entiers dépens ;

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, légitimement empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,P /Le PRÉSIDENT empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03673
Date de la décision : 28/03/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°17/03673 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-28;17.03673 ?
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