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28/03/2019 | FRANCE | N°17/03654

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 28 mars 2019, 17/03654


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 106



CONTRADICTOIRE



DU 28 MARS 2019



N° RG 17/03654



N° Portalis : DBV3-V-B7B-RWP3







AFFAIRE :



[M] [V]



C/



SAS HESNAULT









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
>Section : Encadrement

N° RG : 14/00749







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 29 Mars 2019 à :

- Me Grégory MENARD

- Me Emilie BELS





Expédition numérique délivrée à Pôle emploi, le 29 Mars 2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 106

CONTRADICTOIRE

DU 28 MARS 2019

N° RG 17/03654

N° Portalis : DBV3-V-B7B-RWP3

AFFAIRE :

[M] [V]

C/

SAS HESNAULT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 14/00749

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 29 Mars 2019 à :

- Me Grégory MENARD

- Me Emilie BELS

Expédition numérique délivrée à Pôle emploi, le 29 Mars 2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 17 janvier 2019, puis prorogé au 28 février 2019, au 14 mars 2019 et au 28 mars 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [V]

né le [Date naissance 3] 1978 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Grégory MENARD, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 242

APPELANT

****************

La SAS HESNAULT

N° SIRET : 437 969 272

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Emilie BELS de la SELARL Cabinet Z, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E0833

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Novembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Rappel des faits constants

La SAS Hesnault, qui fait partie d'un groupe familial fondé en 1962, exploite un fonds de commerce de transit maritime et aérien sur l'ensemble des zones Océan Indien, Pacifique et Afrique. Elle emploie au moins onze salariés et applique la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

M. [M] [V], né le [Date naissance 3] 1978, a été embauché par cette société par contrat à durée indéterminée du 22 janvier 2001, en qualité d'agent de transit, affecté en dernier lieu à l'aéroport de [8].

Le salarié a été promu chargé d'affaires, statut cadre, à compter du 1er avril 2010. En cette qualité, il était responsable de la prospection et du suivi commercial sur de nombreux territoires.

M. [V] a été mis à pied à titre conservatoire par voie d'huissier le 16 mars 2012 et a été convoqué à un entretien préalable fixé le 28 mars 2012. Il n'a pas exécuté son préavis et n'a pas été payé à ce titre. Par lettre du 4 avril 2012 notifiée par voie d'huissier de justice le 27 avril 2012, M. [V] s'est vu notifier son licenciement pour faute lourde, motif pris du détournement d'une somme de 1 300 euros correspondant à un versement en espèces effectué par l'un des clients de la société, la société 2F Services, située au Congo.

Le 21 mai 2012, M. [V] a saisi le conseil des prud'hommes de Versailles en contestation de son licenciement.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 14 septembre 2015, la section encadrement du conseil des prud'hommes de Versailles a rejeté l'exception de sursis à statuer, a dit le licenciement pour faute lourde de M. [V] fondé et a débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes. Il a rejeté les demandes reconventionnelles de la SAS Hesnault.

La procédure d'appel

M. [V] a interjeté appel du jugement par déclaration n° 15-04808 en date du 26 octobre 2015. Le recours porte sur l'ensemble des chefs de demandes.

L'arrêt prononçant un sursis à statuer

Par arrêt du 25 octobre 2016, la 6ème chambre sociale de la cour d'appel a :

- confirmé le jugement déféré sur la demande de M. [V] en paiement d'indemnités de congés payés de paternité et en paiement de commissions,

- infirmé sur les frais professionnels et sur l'indemnité de congés payés,

- condamné la SAS Hesnault à payer à M. [V] la somme de 25 euros au titre des frais professionnels et celle de 16 736 euros au titre des congés payés,

- avant dire droit sur le surplus, sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'instruction en cours sur les plaintes déposées les 6 août 2012, 24 janvier 2013 et 2 décembre 2014 par la SAS Hesnault,

- ordonné le retrait de l'affaire du rôle des affaires en cours et réservé les dépens.

Prétentions de M. [V], appelant

Par conclusions reprises à l'audience du 19 novembre 2018, M. [V] demande à la cour d'appel ce qui suit :

- infirmer le jugement,

- dire son licenciement pour faute lourde sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SAS Hesnault à lui verser les sommes suivantes :

' 21 344 euros à titre d'indemnité de licenciement,

' 13 920 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 1 392 euros au titre des congés payés afférents,

' 80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 2 606,46 euros à titre de rappel de salaire (mise à pied conservatoire),

' 260,65 euros au titre des congés payés afférents,

' 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de la SAS Hesnault, intimée

Par conclusions déposées à l'audience du 19 novembre 2018, la SAS Hesnault demande à la cour d'appel ce qui suit :

- dire et juger que les pièces adverses 1, 3, 8 et 10 versées aux débats par M. [V] sont des faux et les écarter en conséquence des débats,

- constater que le licenciement de M. [V] est caractérisé par une faute lourde et confirmer sur ce point le jugement entrepris,

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [V] à lui verser la somme de 16 255,82 euros en remboursement des sommes qui lui sont aujourd'hui facturées par la société M&M au titre des prestations engagées par M. [V] et réclamées judiciairement,

- condamner M. [V] à lui verser la somme de 3 426,54 euros en remboursement des frais d'avocat qu'elle a engagés pour assurer la défense de ses intérêts dans le cadre du litige qui l'oppose à la société M&M,

- condamner M. [V] à lui verser la somme de 33 000 euros en indemnisation du manque à gagner résultant de la perte de la société 2F Services,

- condamner M. [V] à lui verser la somme de 5 806 euros en remboursement des sommes qui lui sont aujourd'hui facturées par la société Topex Logistics au titre des prestations engagées par M. [V],

- condamner M. [V] à lui verser la somme de 30 000 euros en répartition du préjudice d'image et de réputation qu'elle a subi à raison des agissements de M. [V].

Elle sollicite enfin une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Renvoi aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande tendant à écarter des débats quatre pièces produites par M. [V]

La SAS Hesnault demande à la cour de dire que les pièces 1 (Attestation de M. [S] [W]), 3 (courrier de contestation de M. [V] du 19 mai 2012), 8 (courrier électronique de Mme [P] du 17 août 2011) et 10 (courrier électronique de Mme [T] du 26 août 2011) versées aux débats par M. [V] sont des faux et de les écarter en conséquence des débats.

En l'absence de tout commencement de preuve, il n'appartient pas à la cour de dire que ces documents sont des faux, comme cela lui est demandé, et il n'est par ailleurs pas justifié que ces pièces aient été reconnues comme étant des faux par une juridiction pénale. Il n'y a pas lieu de les écarter ab initio, la cour devant, quoi qu'il en soit, en apprécier la pertinence.

La SAS Hesnault sera déboutée de cette demande.

Sur le licenciement

M. [V] a été licencié pour faute lourde par lettre recommandée du 4 avril 2012 ainsi rédigée :

« (') Nous avons à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute lourde.

Il apparaît en effet que dans le cadre des relations professionnelles que vous entretenez avec le client 2F Services, situé à [Localité 6] au Congo, vous avez imaginé un stratagème permettant de détourner à votre profit un paiement en espèces effectué par le client.

Ainsi, à l'occasion du transport de matériels informatiques à destination de la société 2F Services située à [Localité 6] au Congo, notre comptabilité a édité le 4 août 2011 une facture numéro 555 806 au titre de diverses prestations (fret, transport, frais annexes...) pour un montant de 12 226,91 euros.

De façon surprenante, nous venons d'apprendre par la société 2F Services elle-même que le 4 août 2011, cette dernière a, par le biais de Western Union, viré un montant de 1300 euros en espèces à votre profit alors que cette somme de 1300 euros ne figurait pas dans la facture précitée numéro 555 806.

Alors qu'aux termes de votre contrat de travail, il ne rentrait pas dans vos prérogatives d'éditer des factures ni même des avoirs, vous avez imaginé régulariser ce montant en éditant le 12 août 2011, au profit du client 2F Services, une facture numéro 500. 551 d'un montant de 1300 euros au titre de prestation transport.

Le même jour, vous avez édité un avoir numéro 500 502 d'un montant identique annulant la facture précitée numéro 500. 551. Cependant, vous vous êtes bien gardé de communiquer cet avoir au client.

Par ailleurs, l'extrait du journal de caisse du site de [8], établi au mois d'août 2011, ne laisse apparaître aucune entrée de caisse d'un montant de 1 300 euros alors que le client 2F Services justifie de son côté avoir émis, le 4 août 2011,un ordre de virement en espèces de ce même montant, à votre profit.

Il apparaît en réalité que vous avez purement et simplement détournée à votre profit la somme précitée de 1300 euros, en tentant de la justifier comptablement par l'émission d'une facture et d'un avoir du même montant.

De façon tout aussi grave, vous avez tenté de dissimuler ce détournement de fonds en demandant à votre collègue et comptable, Madame [I], de vous transmettre directement les courriels qui seraient adressés par la société 2F Services, sans qu'ils transitent par la direction.

Ces agissements traduisent une volonté évidente de nuire à l'entreprise, caractéristique d'une faute lourde.

Nous n'excluons pas par ailleurs, d'autre détournement de fonds, ce pourquoi nous sommes en train d'éplucher nos comptes.

En tout état de cause, la surfacturation que vous jugez bon d'appliquer à notre client, à notre insu dans votre propre intérêt, nous place dans une position extrêmement embarrassante à l'égard de ce dernier.

Votre licenciement prendra effet à compter de la première présentation de cette lettre, date à laquelle vous cesserez de faire partie de notre personnel.

Compte-tenu de la gravité de la faute qui vous est reprochée, et pour laquelle nous nous réservons d'ores et déjà la possibilité d'y donner la suite pénale qu'il convient, vous ne percevrez ni votre indemnité de préavis, ni votre indemnité de licenciement, ni votre indemnité compensatrice de congés payés.

Par ailleurs et pour les mêmes raisons la période de mise à pied nécessaire à la mise en place de la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée. (...) »

Il convient d'examiner la question de savoir si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont prescrits, avant d'examiner s'ils sont constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement et, s'il y a lieu, d'une faute lourde.

- Sur la prescription

M. [V] soutient que l'action disciplinaire engagée en mars 2012 est prescrite puisque la société avait connaissance des mouvements de fonds dès le mois d'août 2011 et des faits qu'elle lui reproche dès le mois de novembre 2011.

La SAS Hesnault conteste l'authenticité du courriel dont se prévaut M. [V] et produit une attestation du directeur administratif et financier de la société qui fixe au mois de janvier 2012 la connaissance des faits par la société.

L'article L. 1332-4 du code du travail dispose : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. »

A ce sujet, le directeur administratif et financier de la SAS Hesnault atteste en ces termes : « J'atteste sur l'honneur ne jamais avoir été informé des problèmes de surfacturation et d'encaissement rencontrés sur la société 2F Services avant le 5 janvier 2012, date à laquelle nous avons reçu un e-mail de Monsieur [R], directeur de services de la société 2F Services, se plaignant à la fois d'une surfacturation et de la dissimulation d'informations. A compter de cette date, nous avons relancé à plusieurs reprises la société pour comprendre l'origine de cette surfacturation. Nous n'avons reçu de cette société, que fin janvier 2012, les premiers éléments de justificatifs qui nous ont conduits à pousser à de plus amples investigations, avant d'arriver à la conclusion début mars 2012 que Monsieur [M] [V] était l'auteur de ces détournements de fonds. Il nous a fallu plus d'un mois pour confondre Monsieur [M] [V]. En effet, ce dernier avait volontairement multiplié les écritures comptables pour brouiller les pistes. Avant cette date, personne et surtout pas Monsieur [D] ne m'a alerté des difficultés rencontrées. (...) »

Il résulte de cette attestation que l'employeur n'a eu connaissance des faits fondant le licenciement qu'à compter du 5 janvier 2012.

La prescription des faits fautifs n'est donc pas acquise.

- Sur la cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, « tout licenciement pour motif personnel (') est justifié par une cause réelle et sérieuse ».

La cause doit être réelle, objective et reposer sur des faits ou des griefs matériellement vérifiables. Elle doit également être sérieuse. Les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.

L'article L 1235-1 alinéa 2 du code du travail dispose que s'il subsiste un doute sur le caractère réel et sérieux du motif invoqué pour justifier un licenciement, il doit profiter au salarié.

La faute lourde est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis. Elle suppose, en outre, l'intention de nuire du salarié. L'employeur qui invoque la faute lourde pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, vise un seul fait précis : le détournement d'une somme de 1 300 euros dans le cadre d'une relation contractuelle avec la société 2F Services en août 2011.

Pour démontrer le détournement qu'elle reproche au salarié, la SAS Hesnault ne produit cependant aucune pièce de nature à établir la matérialité des faits, les différentes factures et les échanges de courriels versés aux débats ne caractérisant pas le stratagème reproché au salarié, ni le détournement de fonds.

Interrogée lors de la dernière audience sur l'issue de l'instruction suite aux plaintes qu'elle a déposées les 6 août 2012, 24 janvier 2013 et 2 décembre 2014 à l'encontre de M. [V], la SAS Hesnault a indiqué que l'instruction était toujours en cours et que, dans la mesure où elle ignorait dans quel délai cette procédure serait terminée, elle renonçait à s'en prévaloir. Ce faisant, et alors que cette instruction était l'objet du sursis à statuer prononcé le 25 octobre 2016, elle renonce au bénéfice d'une enquête pénale, dont elle reconnaissait implicitement la nécessité en sollicitant le sursis à statuer.

Au surplus, M. [V] fournit des explications plausibles suivantes :

La société 2F Services était cliente de la société Hesnault et il était l'interlocuteur de cette société. Début 2011, la société 2F Services lui a demandé de lui faire parvenir par avion 284 colis de matériel informatique pour un poids de 2 547 kg, qui devaient être acheminés par un vol du 7 août 2011. Une facture numéro 555 806 du 4 août 2011 a été établie à ce titre. La société 2F Services le sollicitait pour compléter l'envoi pour un poids de 2696 kg. Cet envoi complémentaire explique la facture 500 551 du 12 août 2011 d'un montant de 1 300 euros. Les deux sociétés étaient en rapport avec un apporteur d'affaires, Monsieur [W]. La société 2F Services lui a demandé de réceptionner un virement Western Union 1 300 euros et de le verser à Monsieur [W], étant rappelé que les virements Western Union sont nécessairement retirés au guichet par une personne nommément désignée par l'émetteur du mandat. La société Hesnault était parfaitement au courant de la remise de cette somme à Monsieur [W].

Plusieurs pièces versées aux débats par le salarié corroborent cette version.

M. [W] « atteste sur l'honneur [que M. [V] a] encaissé, à sa demande, la somme de 1 300 euros correspondant à sa commission sur cette affaire. Comme convenu avec Monsieur [M] [V], j'informerai mon contact chez 2F Services au titre de la commission qui m'était due sur cette opération, et j'adresse bien entendu une facture de ce montant dès que ma société aura été enregistrée auprès de la chambre de commerce de Paris. ». La pièce d'identité de l'attestant est jointe, de sorte que rien ne permet de remettre en cause l'authenticité de ce document, en l'absence d'autres éléments précis invoqués par l'intimée.

La société 2F Services a écrit à M. [V] et à plusieurs autres personnes le 5 août 2011 en ces termes : « Bonjour, Merci à tous de noter qu'il y a une erreur dans le montant : 1 300 et non 13 000 ! [M], suite à notre discussion et comme convenu avec M. [W], celui-ci contactera votre directeur dans la journée au sujet de sa commission chez Hesnault SAS. N'hésitez pas à me contacter si besoin. »

La SAS Hesnault apparaît également au courant de la remise de la somme de 1 300 euros à M. [W] puisque une personne du service Export Afrique de la société a écrit à M. [V] le 17 août 2011 le courriel suivant : « Monsieur [W] m'a contacté ce jour, il passera demain pour que tu lui remettes le Western Union de 1 300 euros que la société 2F t'a adressé pour lui. [N] souhaite une facture pour la compta, ainsi qu'une décharge en ta faveur. Monsieur [E] souhaite rencontrer Monsieur [W] impérativement lors de son passage demain à [8] avant de lui remettre les 1 300 euros. »

Même s'il existe une confusion possible entre les deux sommes du même montant, l'une versée à titre de la commande complémentaire et l'autre à titre de commission au profit de M. [W], aucune pièce versée aux débats ne permet d'imputer un détournement de fonds à M. [V].

Il apparaît même vraisemblable, conformément à la thèse soutenue par le salarié, que la somme de 1 300 euros, prétendument détournée, a en réalité été versée à Monsieur [W] en sa qualité d'intermédiaire, à la demande de la société 2F Services et avec l'aval de la SAS Hesnault.

En toute hypothèse, faute pour la SAS Hesnault de rapporter la preuve qui lui incombe de la matérialité des faits qu'elle reproche au salarié, le licenciement apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Sur l'indemnisation du salarié

Après examen des bulletins de paie, il convient de fixer le salaire de référence à la somme de 4 640 euros.

Conséquence de l'absence de cause réelle et sérieuse fondant le licenciement, il est dû au salarié les sommes suivantes :

Indemnité conventionnelle de licenciement

Compte tenu de son ancienneté (11 ans et demi, préavis inclus), M. [V] peut prétendre à une indemnité conventionnelle de 21 344 euros.

Indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents

M. [V] aurait dû percevoir une indemnité de préavis correspondant à trois mois de salaire, soit la somme de 13 920 euros outre les congés payés afférents pour 1 392 euros.

Rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire

M. [V] est fondé à réclamer le paiement du salaire retenu au titre de la mise à pied conservatoire, tel qu'il figure sur ses fiches de paie des mois de mars et avril 2012, soit la somme de 2 606,46 euros, outre les congés payés afférents pour 260,65 euros.

Indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

S'agissant du licenciement d'un salarié de plus de deux ans d'ancienneté et opéré dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement intervient pour une cause qui n'est ni réelle ni sérieuse, il est octroyé au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment qu'à la date du licenciement, M. [V] avait une rémunération mensuelle brute de 4 640 euros, qu'il était âgé de 34 ans, qu'il bénéficiait au sein de l'entreprise d'une ancienneté de plus de onze ans, compte tenu également du fait qu'il justifie avoir perçu des indemnités de licenciement après son licenciement jusqu'au mois d'avril 2014, qu'il justifie ensuite avoir créé sa propre société en mars 2015, il convient d'allouer au salarié une somme de 42 000 euros.

Sur les demandes de la SA Hesnault

Prétendant que le salarié se serait rendu coupable de plusieurs détournements de fonds, la SAS Hesnault demande que M. [V] soit condamné à lui régler les dettes qu'elle a contractées auprès de différents transporteurs, ainsi que les frais de justice qu'elle a engagés devant la juridiction commerciale dans le cadre des litiges qui l'ont opposée à ces sociétés.

Faute toutefois de démontrer que ces dettes sont imputables à M. [V], la SAS Hesnault doit être déboutée de ces demandes.

Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi

L'article L. 1235-4 du code du travail prévoit que : « Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ».

Il y a lieu en l'espèce de condamner la SAS Hesnault de rembourser à Pôle emploi la totalité des indemnités de chômage versées à M. [V], dans la limite de six mois.

Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la SAS Hesnault supportera les entiers dépens.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [V] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu l'arrêt de la 6ème chambre sociale de la cour du 25 octobre 2016,

REJETTE la demande de la SAS Hesnault tendant à dire que les pièces 1, 3, 8 et 10 versées aux débats par M. [V] sont des faux et à les écarter des débats ;

CONFIRME le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Versailles le 14 septembre 2015, en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la SAS Hesnault ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

DIT que le licenciement prononcé par la SAS Hesnault à l'encontre de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Hesnault à verser à M. [V] les sommes suivantes :

' 21 344 euros à titre d'indemnité de licenciement,

' 13 920 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 1 392 euros au titre des congés payés afférents,

' 42 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 2 606,46 euros à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

' 260,65 euros au titre des congés payés afférents,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Hesnault à rembourser à Pôle emploi la totalité des indemnités de chômage versées à M. [V], dans la limite de six mois ;

CONDAMNE en outre la SAS Hesnault à payer à M. [V] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Hesnault au paiement des entiers dépens ;

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, légitimement empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,P /Le PRÉSIDENT empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03654
Date de la décision : 28/03/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°17/03654 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-28;17.03654 ?
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