COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 27 MARS 2019
N° RG 17/04203 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RYUS
AFFAIRE :
SA RTE RÉSEAU DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ
C/
[K] [A]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Industrie
N° RG : F12/01367
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS
AARPI METIN & ASSOCIÉS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT MARS DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA RTE RÉSEAU DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633, substituée par Me Tamar KATZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G236
DEMANDERESSE ayant saisi la cour d'appel de Versailles en exécution d'un arrêt de la cour de cassation du 14 juin 2017 cassant et annulant en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 5 mai 2015 par la cour d'appel de Versailles
****************
Madame [K] [A]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159
DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 05 Février 2019, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Luc LEBLANC, Président,
Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER
FAITS ET PROCÉDURE :
Par contrat de travail à durée indéterminée, Mme [K] [A] a été engagée en qualité d'employée à compter du 1er septembre 1964, selon le statut des agents EDF/GDF, par la Caisse nationale de l'énergie et a travaillé pour cet organisme jusqu'à sa dissolution en 1992.
A compter du 1er janvier 1993, elle est devenue salariée de GDF. Elle a ensuite été mutée, à compter du mois de décembre 2001, au sein de la société RTE Réseau de transport d'électricité où elle exerçait en dernier lieu les fonctions d'assistante reporting décomptes, Groupe Fonctionnel GF10.
Elle a bénéficié d'un départ en inactivité à compter du 1er septembre 2007.
Avant son départ de l'entreprise, Mme [A] a demandé, le 31 mai 2007, son passage au classement GF11 et cette demande a été définitivement rejetée le 18 janvier 2012 après son examen devant les diverses commissions compétentes pour en apprécier le bien-fondé.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle percevait une rémunération mensuelle brute de 2 671,66 euros calculée sur les trois derniers mois.
La société RTE employait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail et la convention collective nationale applicable à la relation de travail est le statut du personnel des industries électriques et gazières.
Mme [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, le 25 mai 2012, pour voir reconnaître la différence de traitement entre elle et ses collègues de travail comme constitutive d'une discrimination.
Par jugement du 23 juin 2014, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :
- condamné la société RTE à verser à Mme [A] 20 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination de qualification par rapport à au moins une autre personne de son service,
- fixé à 1 500 euros le montant de l'article 700 du code de procédure civile.
La société RTE a régulièrement relevé appel du jugement le 9 juillet 2014.
Par arrêt du 5 mai 2015, la cour d'appel de Versailles (6e chambre) a confirmé le jugement entrepris,
- y ajoutant, condamné la société RTE à verser à M. [A] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les entiers dépens à la charge de la société RTE.
La société RTE a formé un pourvoi devant la Cour de cassation le 6 juillet 2015.
Par un arrêt du 14 juin 2017, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2015, remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 14 novembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société RTE demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- et, statuant à nouveau, débouter Mme [A] de toutes ses demandes, plus amples et contraires,
- la condamner à la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par Maître Rol, de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 12 janvier 2018 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [A] demande à la cour de :
- de la recevoir en ses demandes et l'y déclarer bien fondée,
- confirmer 'l'arrêt de la cour d'appel de Versailles' en ce qu'il a jugé qu'elle justifiait d'une différence de traitement constituant une discrimination et condamné la société RTE à verser à la salariée des dommages et intérêts pour discrimination sur le fondement de l'article L. 1132-1 du code du travail,
- infirmer 'l'arrêt de la cour d'appel de Versailles' sur le quantum des dommages et intérêts qui lui ont été accordés,
- statuant à nouveau, condamner la société RTE à lui verser une somme de 236 000 euros nets de CSG-CRDS et de charges à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la discrimination hommes-femmes,
- condamner la société RTE à lui verser une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société RTE aux dépens.
MOTIFS :
Vu les conclusions des parties,
Sur l'existence d'une discrimination hommes-femmes :
Considérant que Mme [A] prétend avoir subi une discrimination en raison de son sexe à l'occasion de son travail effectué, de 2001 à 2007, au sein du service reporting décomptes de la société RTE ;
Considérant qu'en application de l'article L. 1134-1 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, en cas de litige relatif à l'application de l'article L. 1132-1 du code du travail, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné en tant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Considérant qu'en l'espèce, Mme [A] fait valoir qu'au sein du service reporting décomptes, six agents, répartis en deux équipes, effectuaient exactement le même travail que le sien et qu'elle était l'unique salariée de son équipe à être classifiée au groupe fonctionnel 10 alors même qu'elle avait l'ancienneté, les diplômes, un parcours professionnel et des responsabilités qui justifiaient son classement au groupe fonctionnel supérieur ;
Considérant que, selon elle, la stagnation dans l'évolution de sa carrière de 1993 à 2001 puis de 2001 à 2007, l'absence de formation au poste occupé laissent supposer l'existence d'une discrimination caractérisée par la différence de traitement subi par rapport à ses collègues de travail;
Considérant toutefois, que la société RTE fait d'abord observer à juste titre que le déroulement de la carrière de l'intéressée au sein des autres entreprises de l'industrie électrique et gazière, de 1993 à 2001, avant qu'elle n'accède à son emploi au sein du service reporting décomptes ne lui est pas imputable et ne peut donc lui être reproché ;
Considérant ensuite qu'au sein du service reporting décomptes, les organigrammes fournis de part et d'autre montrent que l'équipe 1 était composée de cadres sauf M. [T], expert responsable d'équilibre, auquel se compare Mme [A] ; que l'équipe 2 était composée de la salariée et de deux autres collègues de travail, l'un étant expert responsable d'équilibre et l'autre, Mme [W], occupant les mêmes fonctions d'appui expert RE que celles dévolues à l'intéressée ;
Considérant que la situation de Mme [A] ne peut donc se comparer qu'avec les deux autres salariés dénommés ci-dessus M. [T], étant classé GF 11, et Mme [W], GF 13 ;
Considérant qu'il convient de noter que la différence de classement entre ces trois personnes ne peut pas s'expliquer par le sexe puisque les femmes occupent les deux extrémités des classements ;
Considérant que la société RTE justifie aussi du fait que, contrairement à ce que soutient Mme [A], les agents n'étaient pas exactement chargés du même travail puisque M. [T] s'occupait d'un portefeuille de 'Responsables d'équilibre physiques' qui suppose des compétences et pratiques professionnelles spécifiques beaucoup plus complexes que celles nécessaires à la gestion du portefeuille 'responsable d'équilibre déclaratifs' dévolu à l'intéressée, comme cela ressort de ses évaluations professionnelles ;
Considérant que la circonstance que les agents des deux équipes soient amenés à se remplacer en cas de besoin ne signifie pas que Mme [A] était dans la même situation que M. [T] ;
Considérant que la société RTE ajoute que cette personne avait acquis le titre d'expert responsable d'équilibre alors que ce n'était pas le cas de Mme [A] désignée dans l'organigramme comme appui expert RE et dont les évaluations professionnelles prouvent qu'elle n'avait pas encore atteint le même degré d'expertise ; que c'est pourtant cette expertise acquise dans l'exercice des fonctions qui ouvre droit à une promotion au groupe fonctionnel supérieur ;
Considérant que l'intéressée fait aussi grief à la société RTE de ne pas l'avoir formée pour lui permettre d'acquérir la maîtrise complète de l'emploi occupé mais il ressort de ses entretiens d'évaluation qu'elle était en formation au sein de la mission d'expert RE et le relevé des formations suivies par l'intéressée démontre que l'employeur s'est loyalement acquitté de son obligation de formation à l'égard de la salariée ;
Considérant que Mme [A] reproche également à la société RTE de ne pas avoir pris en compte ses diplômes de comptabilité mais l'intéressée n'a jamais pu apporter les justificatifs de leur obtention ;
Considérant qu'enfin, l'employeur verse aux débats les fiches individuelles de deux salariés masculins appartenant au service reporting décomptes, M. [B] et M. [C] qui, à l'époque de la relation de travail, avaient un classement identique à la salariée, peu important que le second ait réussi à atteindre le groupe 11 après son départ ;
Considérant qu'il résulte de tous ces éléments appréciés dans leur ensemble que les faits invoqués par Mme [A] ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination en raison de son sexe puisqu'une de ses collègues féminines a obtenu le plus haut classement et qu'en tout état de cause, le classement supérieur de l'un de ses collègues masculins est justifié par des raisons objectives étrangères à toute discrimination ;
Considérant que, dans ces conditions, c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'une discrimination au préjudice de Mme [A] et ont condamné la société RTE à l'indemniser du préjudice en résultant prétendument ;
Considérant que le jugement sera donc infirmé et la salariée sera déboutée de l'ensemble de ses prétentions ;
Considérant qu'au regard de la situation respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que la condamnation prononcée à ce titre par les premiers juges sera infirmée ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;
- Infirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
- Déboute Mme [K] [A] de sa demande d'indemnisation au titre de la discrimination ;
- Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne Mme [K] [A] aux dépens qui seront recouvrés pour ceux la concernant par le conseil de l'appelante conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,