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21/03/2019 | FRANCE | N°17/06216

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 21 mars 2019, 17/06216


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 38E





16e chambre





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 21 MARS 2019





N° RG 17/06216 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RY5C





AFFAIRE :








COMMUNE DE PALAISEAU





C/





SA DEXIA CRÉDIT LOCAL


...











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juillet

2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE


N° Chambre :


N° Section :


N° RG : 14/09439





Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies


délivrées le :


à :





Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES





Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSO...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 38E

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 MARS 2019

N° RG 17/06216 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RY5C

AFFAIRE :

COMMUNE DE PALAISEAU

C/

SA DEXIA CRÉDIT LOCAL

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juillet 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 14/09439

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION Avocalys, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

COMMUNE DE PALAISEAU

Hôtel de Ville, 91 rue de Paris

91120 PALAISEAU

Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Dominique DOISE de la SELAS ADAMAS-INTERNATIONAL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0291

APPELANTE

****************

SA DEXIA CRÉDIT LOCAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[...]

[...]

[...]

Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION Avocalys, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire :620 - N° du dossier 003570

Représentant : Me Xavier CLEDAT de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0238

SA SFIL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[...]

[...]

Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION Avocalys, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire :620 - N° du dossier 003570

Représentant : Me Xavier CLEDAT de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0238

SA CAISSE FRANÇAISE DE FINANCEMENT LOCAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[...]

[...]

[...]

Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION Avocalys, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire :620 - N° du dossier 003570

Représentant : Me Xavier CLEDAT de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0238

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Février 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia GRASSO, Président chargé du rapport et Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Patricia GRASSO, Président,

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,

FAITS ET PROCEDURE,

La ville de Palaiseau (ci-après la "Ville") a initié le 9 juillet 2014 une procédure devant le Tribunal de grande instance de Nanterre (le "Tribunal") aux fins de voir prononcer la nullité des clauses de stipulation d'intérêts de trois contrats de prêt [...] conclus en 2010, 2011 et 2012 (les "Prêts Litigieux") en raison de l'absence des mentions impératives du TEG dans les télécopies de confirmation des prêts et de l'absence du taux de période et de la durée de période dans le contrat de prêt conclu en 2010.

Elle sollicitait subsidiairement la nullité des clauses d'intérêt en raison du caractère prétendument usuraire des taux d'intérêt de ces prêts.

Elle sollicitait encore plus subsidiairement la nullité desdits contrats de prêt en raison de leur caractère spéculatif et de vices de son consentement.

Elle sollicitait enfin, de façon très subsidiaire, l'octroi de dommages et intérêts au motif que la banque aurait manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde et commis un acte de publicité trompeuse.

Par jugement du 7 juillet 2017, le tribunal a rejeté les prétentions de la Ville et a :

- déclaré irrecevables les demandes de nullité des contrats de prêt 2006, 2010 et 2011 pour défaut d'intérêt à agir de la Ville, (puisqu'ils ont été renégociés),

- débouté la Ville du surplus de ses demandes,

- condamné la Ville à payer aux sociétés Dexia Crédit Local, SFIL et CAFFIL la somme

globale de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Ville a interjeté appel du jugement le 9 août 2017.

Dans ses conclusions récapitulatives transmises le 28 janvier 2019, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Ville de Palaiseau, appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

- dire et juger que la conclusion des contrats de prêt de 2010, 2011 et 2012 ne caractérise pas la volonté de la commune de renoncer à agir en nullité à l'encontre de la société Dexia au titre des contrats de prêt de 2006, 2010 et 2011 et que l'ensemble de ces prêts constitue un tout indissociable ;

En conséquence :

- prononcer la recevabilité des demandes formées par la Commune au titre des contrats de prêt de 2006, 2010, 2011 et 2012 ;

- dire et juger que les contrats de prêt du 11 décembre 2006, celui du contrat modifié du 4 octobre 2010, celui du contrat modifié du 1er septembre 2011 et celui du contrat modifié du 10 septembre 2012, ont un caractère spéculatif ;

- dire et juger que les délibérations des 10 décembre 2009, 23 juin 2011 et 5 juillet 2012 pour la signature des contrats de prêt ne comprennent aucune limite et ne peuvent donc être regardées comme ayant valablement opéré délégation de compétence. Les actes passés par le maire en application de ladite délégation doivent être considérés comme ayant été accomplis sans pouvoir ;

- dire et juger que le signataire du contrat de prêt du 11 décembre 2006, celui du contrat modifié du 4 octobre 2010, celui du contrat modifié du 1er septembre 2011 et celui du contrat modifié du 10 septembre 2012, pour le compte de la Commune de Palaiseau a dépassé son champ de compétences ;

- dire et juger que le consentement de la Commune de Palaiseau à la souscription des contrats de prêt des 11 décembre 2006, 4 octobre 2010, 1er septembre 2011 et 10 septembre 2012, a été vicié et forcé ;

En conséquence :

- prononcer la nullité du contrat de prêt du 11 décembre 2006, du contrat modifié du 4 octobre 2010, du contrat modifié du 1er septembre 2011 et du contrat modifié du 10 septembre 2012 ;

- ordonner la restitution par Dexia à la Commune de Palaiseau de l'ensemble des intérêts perçus par elle et la compensation de la créance en restitution de la Commune avec la créance de DEXIA au titre de la restitution du principal ;

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la Commune de Palaiseau est recevable et bien fondée à invoquer les droits et libertés définis au titre I de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales devant la Cour de céans ;

- juger que la loi du 29 juillet 2014 relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public n'est pas conforme à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et par conséquent qu'elle n'est pas applicable aux contrats de prêt litigieux ;

- constater l'absence, sur les fax de confirmation d'opération du 2 septembre 2010, du 15 juillet 2011 et du 23 août 2012, de la mention impérative du TEG applicable aux opérations ;

En conséquence :

- dire et juger que les clauses de stipulation d'intérêt énoncées aux contrats de prêt litigieux du 4 octobre 2010, du 1er septembre 2011 et du 10 septembre 2012, sont nulles ;

- ordonner l'application du taux d'intérêt légal en lieu et place des taux d'intérêt conventionnels annulés ;

A titre plus subsidiaire :

- constater le caractère usuraire du TEG énoncé aux contrats d'emprunt litigieux d'octobre 2010, de septembre 2011 et de septembre 2012 ;

En conséquence :

- prononcer la nullité des taux d'intérêts stipulés aux contrats de prêt litigieux et la substitution du taux d'usure en vigueur au jour de leur signature ;

- prononcer l'imputation de plein droit des perceptions antérieures excessives sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital ;

A titre très subsidiaire :

- constater le caractère abusif de la clause portant sur l'indemnité de remboursement anticipé ;

En conséquence :

- dire et juger que la clause portant sur l'indemnité de remboursement anticipé prévue au contrat de prêt du 11 décembre 2006, au contrat modifié du 4 octobre 2010, au contrat modifié du 1er septembre 2011 et au contrat modifié du 10 septembre 2012 est nulle et réputée non écrite ;

A titre encore plus subsidiaire :

- dire et juger que Dexia, la SOCIETE DE FINANCEMENT LOCAL et la CAISSE FRANCAISE DE FINANCEMENT LOCAL a engagé sa responsabilité pour manquements graves à ses obligations et pour publicité trompeuse ;

En conséquence :

- condamner solidairement Dexia, la Société de Financement Local et la CAISSE FRANÇAISE DE FINANCEMENT LOCAL à payer, en réparation du préjudice occasionné à la collectivité toutes causes confondues, le montant de la soulte pour résiliation anticipée des contrats litigieux dont le montant peut être évalué à hauteur de la valorisation du contrat du 10 septembre 2012, et le surcoût créé par le caractère spéculatif des intérêts de 2007 à 2028, soit 10.000.000 € ;

En toute hypothese :

- condamner solidairement Dexia, la Société de Financement Local et la CAISSE FRANÇAISE DE FINANCEMENT LOCAL à payer à la Commune de Palaiseau la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner solidairement aux entiers dépens Dexia, la Société de Financement Local et la CAISSE FRANÇAISE DE FINANCEMENT LOCAL dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

- En cas de défaut, ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Dans leurs conclusions récapitulatives transmises le 28 janvier 2019, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Dexia Crédit Local, SFIL et CAFFIL, intimées, demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et en particulier :

A titre principal :

- Dire et juger que l'ensemble des demandes de la Ville de Palaiseau au titre du Contrat de Prêt 2006 (n°[...] (renuméroté n°[...])) sont irrecevables car prescrites ;

-Dire et juger que l'ensemble des demandes de la Ville de Palaiseau au titre du Contrat de Prêt 2006 ([...] (renuméroté [...])), du Contrat de Prêt 2010 ([...]) et du Contrat de Prêt 2011 ([...]) sont irrecevables, seul le Contrat de Prêt 2012 ([...]) étant encore en vigueur ;

-Rejeter l'ensemble des demandes de la Ville de Palaiseau au titre du Contrat de Prêt 2012 ([...]) ;

En conséquence :

-Rejeter les demandes, fins et conclusions de la Ville de Palaiseau au titre du Contrat de Prêt 2006 ([...] (renuméroté [...])), du Contrat de Prêt 2010 ([...]), et du Contrat de Prêt 2011 ([...]) et du contrat de Prêt 2012 ([...]);

A titre subsidiaire :

- Dire et juger que le Contrat de Prêt 2006 ([...] (renuméroté [...])), le Contrat de Prêt 2010 ([...]), le Contrat de Prêt 2011 ([...]) et le Contrat de Prêt 2012 ([...]) ne sont entachés d'aucune cause de nullité ;

-Dire et juger que la demande tendant à voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts prévue dans le Contrat de Prêt 2006 ([...] (renuméroté [...])), le Contrat de Prêt 2010 ([...]), le Contrat de Prêt 2011 ([...]) et le Contrat de Prêt 2012 ([...]) pour défaut de mention du TEG est mal fondée ;

-Dire et juger qu'en tout état de cause, la stipulation d'intérêts du Contrat de Prêt 2006 ([...] (renuméroté [...])), du Contrat de Prêt 2010 ([...]), du Contrat de Prêt 2011 ([...]) et du Contrat de Prêt 2012 ([...]) est validée par application de la loi relative à la sécurisation des contrats de prêt structurés souscrits par les personnes morales de droit public, que la demande de la ville de Palaiseau soit fondée sur le fax de confirmation, qu'elle considère comme l'écrit constatant le contrat de prêt, ou sur le contrat de prêt lui-même ;

-Dire et juger que le Contrat de Prêt 2006 ([...] (renuméroté [...])), le Contrat de Prêt 2010 ([...]), le Contrat de Prêt 2011 ([...]) et le Contrat de Prêt 2012 ([...]) ne sont pas soumis à la réglementation applicable sur l'usure ;

-Dire et juger que les conditions de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit ne sont pas réunies et que Dexia Crédit Local n'a manqué à aucune des obligations auxquelles elle était tenue au titre du Contrat de Prêt 2006 ([...] (renuméroté [...])), du Contrat de Prêt 2010 ([...]), du Contrat de Prêt 2011 ([...]) et du Contrat de Prêt 2012 ([...]) ;

En conséquence :

-Débouter la ville de Palaiseau de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions se rapportant au titre du Contrat de Prêt 2006 ([...] (renuméroté [...])), du Contrat de Prêt 2010 ([...]), du Contrat de Prêt 2011 ([...]) et du Contrat de Prêt 2012 ([...]) à l'encontre de Dexia Crédit Local, de la CAISSE FRANÇAISE DE FINANCEMENT LOCAL et de SFIL ;

A titre tres subsidiaire :

-Déclarer irrecevable comme prescrite la demande de la Ville tendant à la nullité de la clause de remboursement anticipé en raison de son caractère prétendument abusif ;

-Déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de la Ville tendant à la nullité de la clause de remboursement anticipé en raison de son caractère prétendument abusif ;

-Dire et juger que la clause portant sur l'indemnité de remboursement anticipé est valable ;

En conséquence :

Débouter la ville de Palaiseau de l'ensemble de ses demandes relatives à la clause portant sur l'indemnité de remboursement anticipé prévue au contrat de prêt du 11 décembre 2006, au contrat modifié du 4 octobre 2010, au contrat modifié du 1er septembre 2011 et au contrat modifié du 10 septembre 2012;

En tout état de cause :

-Condamner la ville de Palaiseau à verser à Dexia Crédit Local, à la CAISSE FRANÇAISE DE FINANCEMENT LOCAL et à SFIL la somme totale de 30.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-Condamner la ville de Palaiseau aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Stéphane CHOUTEAU, AARPI Avocalys.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 janvier 2019.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 6 février 2019et le délibéré fixé au 21 mars 2019 suivant.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle que les demandes de «dire et juger» et « constater »ne sont pas -hormis les cas prévus par la loi- des demandes en justice mais en réalité le rappel des moyens de sorte qu'il n'y sera répondu que par l'examen desdits moyens.

Sur la recevabilité des demandes formées par la Commune au titre des contrats de 2006, 2010 et 2011

La ville a accepté de refinancer le Prêt 2006 par le Prêt 2010, le Prêt 2010 par le Prêt 2011, le Prêt 2011 par le Prêt 2012, chacun des contrats de Prêt comportant des clauses très claires mentionnant expressément que leur objet était le refinancement du contrat de prêt le précédant et donc précisément de mettre un terme au contrat précédent , le nouveau contrat constituant alors la loi à laquelle les parties ont choisi de se soumettre, et comme tel, devant être exécuté de bonne foi par les contractants comme en dispose l'article 1134 du code civil.

Il résulte des termes mêmes des Contrats de prêt litigieux, faisant mention expresse du «remboursement » des sommes prêtées, que les parties ont eu l'intention d'instaurer un nouveau contrat se substituant au précédent.

L'opération de refinancement d'un prêt existant par un prêt nouveau comporte en effet deux opérations juridiques simultanées et indissociables: le remboursement anticipé du prêt «refinancé» et le versement des fonds correspondant au montant du nouveau prêt dit de «refinancement», les deux flux se compensant l'un avec l'autre, de sorte que les Contrats de Prêt 2006, 2010 et 2011 se sont éteints par paiement.

Faute d'intérêt à agit de l'appelante, le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré les demandes formées par la Ville à l'encontre des Contrats de Prêt 2006, 2010 et 2011 irrecevables.

Sur la nullité des contrats litigieux en raison de leur caractère spéculatif

La commune de Palaiseau affirme que les emprunts en cause ont une nature spéculative, sont contraires à l'intérêt général local et sont donc illicites en application de la circulaire du 15 septembre 1992 relative aux contrats de couverture du risque de taux d'intérêts offerts aux collectivités en vigueur au moment de la conclusion de l'Emprunt de 2006.

Elle fait valoir que les contrats litigieux reposent sur une formule d'indexation basée sur l'évolution de la parité entre l'Euro et le Franc Suisse et qu'en conséquence l'évolution du taux d'intérêt appliqué aux contrats est très incertaine et soutient qu'elle ne pouvait pas, dans ces conditions, avoir une vision globale des intérêts qui pourraient être dus en exécution de ses engagements, faisant de ces emprunts un pari sur des opérations spéculatives, ce qui est contraire à l'intérêt général.

Elle prétend qu'elle ignorait, au jour de la signature des contrats, le caractère spéculatif de ces opérations et donc les risques auxquels elle s'exposait, et que les contrats signés comportaient deux opérations indissociables, à savoir un prêt et une vente d'option avec pour prix de cette vente d'option, le taux d'intérêt fixe bonifié appliqué durant la première phase.

Les sociétés Dexia, SFIL et CAFFIL soutiennent, au contraire, que les prêts litigieux ne sont ni

des instruments financiers ni des contrats spéculatifs.

En effet, selon les banques, seuls les produits ou contrats figurant à l'article L 321-1 du code monétaire et financier peuvent recevoir la qualification d'instruments financiers et que les contrats

de prêts dits 'structurés' n'en font pas partie.

Elles ajoutent que les contrats de prêts ne comportent pas de vente d'option et que l'élément conditionnel figurant dans la formule du taux d'intérêt de la deuxième phase du prêt n'est que l'expression mathématique des conditions de variation du taux d'intérêt et soutiennent en conséquence que les contrats ne confèrent nullement au prêteur le droit protestatif d'exercer ou non son option à terme. Chacune des parties aux contrats de prêt est définitivement engagée dès la conclusion du contrat et ce sans qu'aucune manifestation de volonté soit requise de leur part.

Elles affirment que les modalités d'indexation des crédits à taux variable relèvent de la liberté contractuelle et n'affectent pas la nature des prêts litigieux.

Elles soutiennent encore que les contrats de prêts ne sont pas des contrats spéculatifs dans la mesure où la ville n'a jamais cherché un gain déconnecté d'un financement mais qu'elle a simplement souhaité re-financer des dépenses d'investissement par recours à l'emprunt en cherchant à optimiser son taux d'intérêt et que l'aléa inhérent à un taux variable d'emprunt ne confère pas un caractère spéculatif à l'opération.

Les contrats de prêt octroyés par un établissement bancaire appartiennent à la famille des opérations de crédit, régies par les articles L. 313-1 et suivants du code monétaire et financier.

Les instruments financiers sont visés aux articles L. 211-1 et D. 211-1 A du code monétaire et financier et relèvent des services d'investissement limitativement énumérés à l'article L. 321-1 dudit code.

Alors que la spéculation est la situation dans laquelle une personne met ses ressources en péril dans l'unique dessein de s'enrichir, la conclusion des contrats litigieux avait au contraire pour finalité de procurer à la Ville des ressources, non pas dans un but d'enrichissement, mais pour financer ou refinancer ses investissements par recours à l'emprunt la manière qu'il jugeait optimale en termes de taux d'intérêt.

Les contrats de prêt dits « structurés » appellent l'utilisation de mécanismes destinés à fixer, en

fonction des conditions de marché, le taux d'intérêt applicable, mais demeurent néanmoins destinés à offrir une solution de financement à un client emprunteur dont l'obligation essentielle demeure celle de restituer les fonds prêtés, et en cela, contrairement à ce qu'affirme la Ville les contrats de prêt litigieux traduisent une opération économique unique.

Le prêt, même assorti d'une clause d'indexation complexe, qui relève de la liberté contractuelle, demeure une opération de crédit et ne peut être vu comme un "produit d'investissement", peu important que cette clause soit liée à l'évolution du change.

Si le contrat de prêt litigieux comporte un aléa, à savoir l'application pour la deuxième phase de remboursement d'un taux variable calculé en fonction du taux de variation de change de l'Euro en Franc Suisse, il ne constitue pas pour autant un contrat spéculatif, ni un produit d'investissement.

Enfin, le de prêt litigieux ne présente aucun caractère optionnel dans la mesure où les conditions dans lesquelles sont engagées les parties sont définitivement fixées lors de la conclusion des contrats et ne requièrent aucune manifestation de volonté de la part des parties. Ainsi, si le taux d'intérêt de la deuxième phase de remboursement n'est pas fixé au moment de la signature du contrat, le mode de calcul de ce taux variable est très précisément défini et ne comporte aucune option possible.

La présence d'une condition déterminant le calcul du taux dans la phase structurée, matérialisée par la locution « si », ne caractérise aucunement l'existence, dans le contrat de prêt, d'une option de vente, mais fixe simplement un seuil au-delà duquel le taux d'intérêt applicable à la phase en question ne sera pas le taux fixe de référence mais la formule prévue au contrat et pose une condition, liée à la survenance d'un événement futur, incertain et extérieur à la volonté des parties.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la nullité des prêts litigieux pour défaut de pouvoir du maire :

La Ville affirme que le maire n'avait pas compétence pour signer les prêts litigieux, la délégation qui lui a été consentie par le conseil municipal ne pouvant lui conférer la possibilité de signer des emprunts structurés de nature spéculative et donc illicite.

Elle se prévaut de la circulaire du 4 avril 2003 relative aux régimes des délégations de compétences en matière d'emprunt, de trésorerie et d'instruments financiers selon laquelle les délégations trop larges qui ne fixent pas de limites au champ des pouvoirs délégués peuvent être sanctionnées par le juge administratif et fait valoir qu'en l'espèce, la délibération du 5 juillet 2012 portant délégation de compétence au Maire ne reprend pas toutes les caractéristiques prévues à la circulaire du 4 avril 2003 puisque ne sont pas indiqués : le montant de l'emprunt,- le taux effectif global, la durée maximale de l'emprunt, le type d'amortissement et la possibilité de procéder à un différé d'amortissement, les index pouvant être retenus comme référence de taux d'intérêt et d'une manière générale les conditions de taux, la possibilité de recourir à des opérations particulières, comme des emprunts obligataires ou des emprunts en devises, la faculté de procéder à des tirages échelonnés dans le temps, à des remboursements anticipés et/ou consolidation.

Elle se prévaut également de l'article L 2122-22 du code général des collectivités territoriales selon lesquelles les délégations données par le conseil municipal au maire de la commune doivent, selon elle, être strictement délimitées et suffisamment précises, notamment en reprenant les conditions financières du prêt en faisant valoir que, par délégation, le maire peut, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont reconnus, recourir à des emprunts, réaliser des opérations de couverture des risques de taux et de change, mais n'a aucune faculté pour conclure sur délégation des emprunts structurés de nature spéculative.

Elle se prévaut enfin de la circulaire du 15 septembre 1992 relative aux instruments de couverture du risque de taux d'intérêt offerts aux collectivités locales et aux établissements publics locaux qui, selon elle, la faculté pour une collectivité de choisir une formule de taux dite "structurée" et que l'interprétation faite par cette circulaire serait opposable aux intimées ne pouvaient, selon elle, les ignorer.

Les sociétés Dexia , SFIL et CAFFIL répondent que les contrats d'emprunt relèvent des domaines de compétence autonome des collectivités locales depuis la loi du 2 mars 1982 sur la décentralisation qui autorise les communes à « recourir à l'emprunt» et à réaliser toutes les opérations financières utiles à la gestion des emprunts, y compris toutes opérations d'échange de taux et qu'en l'espèce, le Conseil Municipal de la Ville a délégué au Maire une partie de ses attributions en le chargeant de prendre les décisions relatives à la réalisation et à la gestion des emprunts destinés au financement des investissements prévus par le budget, le Maire ayant valablement signé des décisions autorisant la conclusion des Prêts Litigieux et les opérations de refinancement afférentes, lesquelles reprennent l'ensemble des caractéristiques des Prêts Litigieux.

Elles font valoir qu'une circulaire n'est pas une source de droit et n'a aucune valeur normative devant les tribunaux judiciaires.

Elles soutiennent enfin qu'en l'espèce lesdélégations contestées comportent des limites et que les grandes caractéristiques des contrats sont bien définies.

La circulaire du 15 septembre 1992, qui rappelle que les collectivités et établissements publics locaux doivent rechercher l'intérêt général et non la réalisation d'opérations à caractère spéculatif, ne pose pas le principe de l'interdiction de conclure des contrats présentant un caractère spéculatif, ceux-ci pouvant être librement conclus à la condition qu'ils ne le soient pas dans un but spéculatif mais dans l'intérêt général de la collectivité et une circulaire administrative n'a en tout état de cause aucune valeur normative devant les juridictions de l'ordre judiciaire.

Cette circulaire, qui n'est qu'une simple interprétation de la loi du 2 mars 1982 ne vise d'ailleurs que les instruments financiers de couverture souscrits par les collectivités et non les emprunts dits "structurés".

Mme Claire V..., maire de la Ville à l'époque de la conclusion du Contrat de Prêt 2012 a reçu du conseil municipal, par délibération n°2012-07-13 du 5 juillet 2012 , délégation de compétence à l'effet de procéder à la réalisation de l'emprunt.

La délibération précise que l'emprunt doit se faire « dans la limite des sommes inscrites chaque année au budget » et précise que « le contrat de prêt pourra comporter une ou plusieurs des caractéristiques ci-après », lesquelles sont définies.

Ainsi, concernant le montant de l'emprunt, il est clairement mentionné qu'il est destiné au « financement des investissements prévus par le budget et aux opérations financières utiles à la gestion des emprunts, y compris les opérations de couvertures des risques de taux de change ». Il a donc été prévu que le montant du prêt ne saurait excéder les limites fixées et ne saurait être en deçà du budget et des opérations financières utiles.

S'agissant du taux effectif global et du type d'amortissement ainsi que de la possibilité de procéder à un différé, il a été précisé que le TEG devait être « compatible avec les dispositions légales et réglementaires applicables en cette matière » et la possibilité d'un « différé d'amortissement » a été prévue.

S'agissant de la durée de l'emprunt, le maire s'est vu octroyer la « possibilité d'allonger la durée du prêt » et cette faculté de rallonger ou de raccourcir la durée lui a également été donnée dans le cadre de réaménagement et/ou de renégociation de la dette.

Les conditions de taux sont également mentionnées, les délibérations précisant que le maire a la « faculté de passer du taux variable au taux fixe ou du taux fixe au taux variable » ainsi que celle de « modifier une ou plusieurs fois l'index relatif au(x) calcul(s) du ou des taux d'intérêt. »

« La faculté de procéder à des tirages échelonnés dans le temps, à des remboursements anticipés et/ou consolidation » a expressément été prévue.

En outre, les décisions du maire de la Ville en date du 9 novembre 2006, du 2 septembre 2010, du 12 juillet 2011 et du 22 août 2012, autorisant respectivement la conclusion des contrats de prêt, transmises au contrôle de légalité, n'ont fait l'objet d'aucune opposition de la part du Préfet d'Ile-de-France qui n'a pas donc analysé l'opération d'emprunt comme une opération spéculative qui serait interdite aux collectivités locales aux termes de la Circulaire de 1992.

Le Prêt Litigieux de 2012 , qui n'avait pas, ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus, de caractère spéculatif, n'était donc pas illicite et le moyen tiré de l'incompétence du signataire des Contrats de Prêt est mal fondé.

Il convient donc de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'elle a retenu que la Ville est valablement engagée par l'acte de prêt conclu par le maire de la commune le 10 septembre 2012 et de débouter la Ville de Palaiseau de sa demande en nullité du prêt de ce chef.

Sur la nullité du contrat de prêt litigieux pour dol et vice du consentement :

La Ville soutient que son consentement aurait été vicié sur le fondement du dol et de la violence économique.

Elle soutient qu'elle n'était pas un emprunteur averti, qu'elle n'a pas compris que le taux d'intérêt des Prêts Litigieux était susceptible de varier, qu'elle a été insuffisamment informée .et se prévaut de la mauvaise exécution ou l'exécution déloyale par le prêteur de l'obligation d'information et de conseil à laquelle il est tenu vis-à-vis de son emprunteur aux seules fins d'emporter la signature de ce dernier à un contrat dont il ignore en réalité les principales qualités et le plaçant par suite en situation de dépendance financière à son égard peut constituer une parfaite illustration de ces divers agissements.

Les sociétés Dexia, SFIL et CAFFIL répondent que la Ville est emprunteur averti, que la loi et la jurisprudence reconnaissent aux collectivités publiques le caractère averti et que la Commune de Palaiseau avait de l'expérience et des compétences dans le domaine de ces emprunts.
Elles soutiennent que la Ville ne démontre pas l'existence des éléments constitutifs de dol, qu'il n'y a eu aucune dissimulation volontaire d'informations de leur part, que les graphiques remis dans les documents de présentation donnaient les informations nécessaires à la Ville et que les probabilités d'augmentation significative et durable du franc suisse par rapport à l'euro étaient très faibles à la signature du contrat de prêt.

Elles font valoir qu'aucune information susceptible de provoquer une erreur déterminante n'aurait été dissimulée à la Ville qui a reçu une information complète concernant les stipulations d'intérêts et sur le mécanisme de résiliation anticipée des prêts litigieux ainsi que sur le montant de l'indemnité de résiliation anticipée corrélative, qu'aucun élément trompeur ne lui aurait été communiqué.

Enfin, elle affirment que la Ville n'a pas non plus été victime d'une quelconque violence économique en l'absence de dépendance économique puisque la Ville pouvait obtenir des concours bancaires auprès d'autres établissements de crédit.

Aux termes de l'article 1109 ancien du code civil, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Le dol est, selon l'article 1116 du code civil, une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par une partie sont telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre

partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas, doit être prouvé et exige, en outre, la preuve de l'intention de nuire.

Pour apprécier la demande en nullité fondée sur l'existence d'un dol, il importe d'examiner la nature du contrat souscrit ainsi que le caractère averti ou non de la commune.

Il a été dit supra que le contrat n'avait pas un caractère spéculatif quand bien même, si la référence à la parité entre l'Euro et le franc suisse est facilement compréhensible, les formules de calcul des intérêts de retard figurant au contrat sont incontestablement complexes.

Le caractère averti d'une commune ne se présume pas ; il convient, en conséquence, de procéder

à une analyse in concreto, au jour de la conclusion du contrat.

En l'espèce, la commune de Palaiseau compte 30.000 habitants.

La Ville a signé avec Dexia Crédit Local une vingtaine de contrats de prêt, dont plusieurs sont encore en vigueur et inscrits au bilan de CAFFIL à ce jour, pour un encours qui s'élevait, en septembre 2016, à près de 11 millions d'euros.

La gestion de la dette de la Ville est assurée principalement par trois personnes : le maire de la Ville (François Lamy, maire de la Ville entre 2001 et 2012, ancien ministre de la ville, député depuis 1997 et membre de différentes commissions permanentes de l'Assemblée Nationale), un élu en charge des finances (Daniel J... lors de la mise en place des prêts contestés dans le cadre du présent litige, remplacé par Hervé C... depuis 2014) et le directeur financier de la Ville (Jacques Y... entre 2003 et 2009, ce dernier ayant été remplacé par Florence Garin depuis 2010).

Temporairement, entre 2012 et 2014, la fonction de maire de la Ville a été assurée par Claire V..., François Lamy ayant démissionné de son poste afin d'occuper celui de ministre de la ville, preuve de ses compétences en matière de gestion locale.

En outre, l'équipe municipale de la Ville est assistée, par le cabinet d'experts financiers, Finance Active qui s'affiche comme un spécialiste de la "gestion active de la dette" des collectivités locales de toutes tailles. C'est l'un des principaux conseils aux collectivités et il dispose d'une expérience reconnue en la matière. Finance Active est intervenu dans la mise en place des refinancements effectués par la Ville à compter de 2010 et l'a assistée pour chacun des prêts contestés.

La Ville gère un budget important.

Dès 2000, la section d'investissements du budget de la Ville affichait un budget d'environ 13 millions d'euros. En 2016, son budget annuel était de plus de 57 millions d'euros, dont près de 44 millions d'euros alloués à la section fonctionnement et près de 14 millions d'euros à la section investissement.

Il n'est pas contestable que la Ville assurait une gestion active de sa dette et re-négociait régulièrement ses emprunts auprès des différents établissements bancaires auxquels elle avait recours notamment, outre la société DEXIA, le Crédit Agricole, la Caisse d'Epargne, le Crédit Mutuel ou encore la Société Générale.

Au surplus, la Ville n'a pas jugé nécessaire d'avoir recours au service spécialisé de la

préfecture destiné à conseiller les communes dans le cadre de la passation d'un contrat de prêt.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments le caractère averti de la Ville lors de la souscription

de l'emprunt contesté en 2012.

La décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.

Les vices du consentement invoqués par la commune, doivent s'apprécier au regard de cet élément.

En l'espèce, la société Dexia, engagée depuis de nombreuses années auprès de la commune de

Palaiseau n'avait aucun intérêt à provoquer volontairement 'la faillite' de cette dernière, notamment parce qu'elle n'aurait plus eu alors la capacité de la rembourser.

Pour chaque Contrats de Prêt, la Ville a eu des informations contextuelles, des simulations, des bilans avantages/inconvénients remis à chaque étape du processus décisionnel.

Elle était assistée, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, d'un directeur financier et du cabinet Finance Active.

Il n'est pas contestable à la lecture des documents remis à la commune et des clauses du prêt souscrit par la commune que le caractère variable du taux pendant la deuxième et la troisième phase du prêt n'a pas été caché aux représentants de la commune notamment dans leur durée.

Le fait que les documents produits et les simulations remises à la commune n'envisagent pas l'hypothèse la plus défavorable du cours du change Euro/Franc suisse, hypothèse qui s'est en définitive réalisée, et en conséquence, l'ampleur de la variation du taux d'intérêts ne constitue pas

en soi une man'uvre dolosive.

Par ailleurs, la banque n'a pas l'obligation de faire connaître à l'emprunteur le montant de la marge réalisée par la société prêteuse ainsi que les éventuelles commissions perçues. Il ne peut

donc lui être reproché une réticence dolosive à cet égard.

La dénomination du prêt faisant référence à une certaine fixité ne peut davantage être retenue

comme une man'uvre dolosive, alors même que la nature variable du taux d'intérêt figure expressément dans les clauses du contrat.
La présentation du franc suisse comme étant 'historiquement' une valeur refuge ne constitue pas un mensonge, dès lors que cette affirmation faisait référence, dans le graphique fourni à titre d'illustration, exclusivement à la conjoncture économique passée et présente au moment de la conclusion du contrat.

La présentation du taux de barrière retenu comme étant un profil sécurisé était un pari optimiste mais pas un mensonge.

La commune de Palaiseau ne rapporte donc pas la preuve de man'uvres caractérisées ou de réticence dolosive de la banque destinées à vicier son consentement.

En outre, la commune de Palaiseau ne justifie pas davantage de la violence économique dont elle se plaint et du caractère captif de sa situation par rapport à la société Dexia puisque comme il est indiqué ci-dessus, elle ne conteste pas avoir obtenu des prêts d'autres organismes bancaires.

La décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.

Sr la nullité de la stipulation d'intérêts

La Ville invoque la nullité des taux d'intérêt contractuels du contrat de prêt de 2012 en raison de ce que le TEG n'était pas mentionné dans la télécopie ayant précédé la conclusion de ce contrat.

Les intimée, comme l'a fait le tribunal, opposent à cette demande la loi n° 2014-844 , promulguée le 29 juillet 2014, relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public, déclarée conforme à la constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-695 DC du 24 juillet 2014.

La Ville répond que la cour doit écarter l'application de cette loi dont les articles 1à 3 sont selon elle contraires aux articles 6-1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et à l'article 1er du premier Protocole additionnel de la convention.

Mais une personne morale de droit public ne pouvant être considérée comme une organisation non gouvernementale au sens de l'article 34 de la CEDH, ne peut saisir cette instance, invoquer utilement devant les juridictions nationales les stipulations de la Convention ou du Protocole additionnel et ce quelle que soit la nature du litige, cette dernière ne modifiant en rien sa qualité.

Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompatibilité avec les articles 6-1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention est écarté.

En conséquence et du fait de son intervention rétroactive il convient de faire application à l'espèce des dispositions de la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014.

Il n'est pas contesté ni contestable, qu'en application de l'article 1er de cette loi, l'absence de mention du TEG n'est pas une cause de nullité de la clause de stipulation d'intérêts figurant dans un contrat de prêt souscrit par une commune.

En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts.

Sur le caractère usuraire du taux effectif global énoncé au prêt litigieux

La ville soutient que le taux de 12,55 % contenu au contrat de prêt de 2012 est usuraire, le taux d'usure étant alors de 4,09 %.

Les intimées répondent, comme le tribunal, que ce prêt est exclu du champ d'application des dispositions de l'article L.313-3 du Code de la consommation, L 314 -6 du même code, et à titre subsidiaire que la réglementation sur l'usure ne saurait s'appliquer au prêt qui a permis à la Ville de réduire l'aggravation des conditions financières de son Prêt antérieur.

La réglementation sur l'usure figure au Chapitre III du Titre I du Livre III du Code de la consommation relatif à l'endettement. Ce Chapitre III institue des dispositions communes aux Chapitres I et II, relatifs respectivement au crédit à la consommation et au crédit immobilier. Le champ d'application du Chapitre III est donc limité par celui des Chapitres I et II, des dispositions communes ne pouvant à l'évidence concerner des prêts précisément exclus du champ d'application des Chapitres I et II.

Or, les dispositions légales en vigueur à la date de signature des Contrats de Prêt excluent précisément les prêts dont le montant total est supérieur à 75.000 euros du champ d'application du Chapitre II relatif au crédit à la consommation et les prêts consentis à des personnes morales de droit public du champ d'application du Chapitre II relatif au crédit immobilier.

En outre, les textes excluent la personne physique agissant pour ses besoins professionnels ou la personne morale se livrant à une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale de leur champ d'application et protègent les personnes physiques qui ont conclu des prêts non destinés à leur activité professionnelle et les personnes morales qui ne se livrent pas à une activité économique ou professionnelle.

Or les collectivités territoriales, lorsqu'elles souscrivent un prêt destiné à financer leurs investissements dans l'intérêt collectif de leurs administrés, sont bien des personnes morales se livrant à une activité professionnelle non commerciale, en dépit de la Charte Gissler qui concerne l'hypothèse où la collectivité conclut des instruments financiers à terme et dont les termes ne peuvent être étendus aux opérations de crédit.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la commune de cette demande.

Sur la nullité de la clause de remboursement anticipé

La Ville soutient que la clause de remboursement anticipé (IRA) serait abusive et devrait être réputée non écrite en application des articles L 132-1 et L 212-1 du code de la consommation.

Cette demande se distingue de la demande en nullité des contrats de prêt litigieux, formulée dès la première instance et maintenue en cause d'appel, qui tend à l'anéantissement desdits contrats dans leur intégralité, en ce qu'elle ne vise qu'à l'anéantissement d'une seule clause du contrat.

Or la Ville n'a introduit la demande en nullité de l'IRA fondée sur le caractère prétendument abusif de la clause que le 22 novembre 2018 et non seulement cette demande est nouvelle en cause d'appel et par tant irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, mais encore, une action ayant pour objet de faire déclarer non écrite une clause en raison de son caractère abusif est soumise au délai de prescription de cinq ans qui court à compter de la date du contrat de prêt, en l'espèce 2012 et l'action introduite au-delà du délai de cinq ans est prescrite.

Sur la responsabilité de la société Dexia pour manquement à ses devoirs d'information, de

conseil et de mise en garde

La commune reproche à la banque des manquements graves et manifestes de la banque en tant qu'établissement dispensateur de crédit et des manquements graves et manifestes de la banque en tant que prestataire de service d'investissement et aux premiers juges, alors qu'ils avaient justement admis le caractère complexe des contrats souscrits, de ne pas avoir retenu la responsabilité de la banque DEXIA.

C'est par de justes motifs, que la cour reprend, parce que le contrat de prêt ne constitue pas unproduit d'investissement en raison du caractère non spéculatif du contrat, que le tribunal aconsidéré que le contrat de prêt 2012 n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L.211-1 du code monétaire et financier et que les obligations de conseil et de mise en gardeimposées aux prestataires de services d'investissement, et notamment prévues aux articles L. 533-11 et suivants du code monétaire et financier, n'étaient pas applicables en l'espèce.

S'agissant des obligations de la banque en qualité de dispensateur de crédit, dès lors qu'il a été dit supra que la commune de Palaiseau était un emprunteur averti, la banque n'était pas tenue à son égard d' une obligation de conseil non prévue contractuellement, ni d'un devoir de mise en garde,

étant par ailleurs souligné que la commune ne prétend pas que les prêts litigieux comportaient un

risque manifeste d'endettement excessif de la ville ou de difficulté pour cette dernière à faire face

à ses obligations de remboursement ni que la banque aurait eu sur ses facultés de remboursement

raisonnablement prévisibles des informations que celles-ci ignorait.

Elle avait pour seule obligation, comme tout dispensateur de crédit, d'informer complètement la commune sur les caractéristiques des prêts, afin d'éclairer sa décision.

A cet égard, la société Dexia établit avoir remis à la commune des documents précis comportant les formules de calcul des intérêts, qui, pour être complexes, n'en étaient pas moins compréhensibles pour un emprunteur averti.

L'intitulé des prêts litigieux est sans importance, s'agissant d'interlocuteurs qualifiés qui étaient en mesure de constater le mode de calcul des intérêts à un taux variable selon les périodes de remboursement et d'en saisir le sens et la portée à l'aide des autres documents remis, notamment, des propositions détaillées de refinancement des prêts en cours, des graphiques présentant l'historique des indices des taux d'intérêts connus à l'époque de conclusion des contrats, des tests de sensibilité.

Par ailleurs, si comme tout organisme bancaire, la société Dexia avait nécessairement un intérêt

financier à la souscription d'un contrat de prêt, elle n'avait pas pour obligation de faire connaître

le montant de sa marge. Il n'en résultait pas davantage une obligation de conseil renforcé.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la Ville.

Sur les demandes accessoires

Il parait inéquitable de laisser à la charge de la société Dexia et de la CAFFIL les sommes engagées par elles et non comprises dans les dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort,

Confirme la décision entreprise ;

Y ajoutant,

Déclare la Commune de Palaiseau irrecevable en sa demande tendant à la nullité de la clause de remboursement anticipé ;

Condamne la commune de Palaiseau à payer à la société Dexia Crédit Local et à la CAISSE FRANÇAISE DE FINANCEMENT LOCAL la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la commune de Palaiseau aux dépens de l'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 17/06216
Date de la décision : 21/03/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 16, arrêt n°17/06216 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-21;17.06216 ?
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