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21/03/2019 | FRANCE | N°16/04945

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 21 mars 2019, 16/04945


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 MARS 2019



N° RG 16/04945 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RCDR



AFFAIRE :



[G] [F]





C/

SAS EULER HERMES SERVICES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Octobre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° chambre :

N° Section : E

N° RG : F13/

03146



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Elvira MARTINEZ



la SCP SUTRA CORRE ET ASSOCIES



Expédition numérique délivrée à : Pôle Emploi



le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 MARS 2019

N° RG 16/04945 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RCDR

AFFAIRE :

[G] [F]

C/

SAS EULER HERMES SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Octobre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° chambre :

N° Section : E

N° RG : F13/03146

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Elvira MARTINEZ

la SCP SUTRA CORRE ET ASSOCIES

Expédition numérique délivrée à : Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [F]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : Me Elvira MARTINEZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SAS EULER HERMES SERVICES

N° SIRET : 414 960 377

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentant : Me Romain SUTRA de la SCP SUTRA CORRE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0171 - Représentant : Me Sophie CORMARY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 515

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Janvier 2019, Madame Hélène PRUDHOMME, présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT

Le 25 avril 1995, M. [G] [F] était embauché par la société française d'assurances crédit (devenue SAS Euler Hermes Services) en qualité de chargé d'étude par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention collective des assurances.

Suivant un avenant signé le 19 juillet 2010, M. [F] était expatrié à compter du 1er août 2010 au sein d'une filiale basée Singapour en qualité de directeur financier du groupe pour la zone Asie pour une durée de trois ans.

Le 10 janvier 2013, le salarié était informé par courrier de son supérieur hiérarchique en Asie de la fin de son expatriation avec un préavis de trois mois conformément aux dispositions du contrat. Il était finalement prévu que l'expatriation prendrait fin le 30 avril 2013.

Le 26 avril 2013, la société proposait au salarié un poste de responsable des achats. Le salarié jugeait la proposition incomplète et sans lien avec son expertise professionnelle. Il ne répondait pas favorablement à la proposition de l'employeur et ne se présentait pas en France.

Le 7 mai 2013, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. L'entretien avait lieu le 17 mai 2013. Le 05 juin 2013, il lui notifiait son licenciement pour cause réelle et sérieuse, lui reprochant d'avoir refusé un poste de reclassement

Le 11 octobre 2013, M. [F] saisissait le conseil de prud'hommes de Nanterre afin que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse.

Vu le jugement du 04 octobre 2016 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Nanterre qui a :

Au titre de l'exécution du contrat de travail

- condamné la société Euler Hermès Services à verser à M. [F] la somme de 4 275 euros bruts au titre du bonus 2012 ainsi que la somme de 427,5 euros au titre des congés payés afférents.

- condamné la société Euler Hermès Services à verser à M. [F] la somme de 20 625 euros bruts au titre du bonus 2013 ainsi que la somme de 2062,5 euros au titre des congés payés afférents.

- condamné la société Euler Hermès Services à verser à M. [F] la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation d'information sur la protection sociale.

- débouté M. [G] [F] de ses autres demandes au titre de l'exécution du contrat de travail.

Au titre de la rupture du contrat de travail

- dit que le licenciement est fondé sur un motif réel et sérieux.

- condamné la société Euler Hermès Services à verser à M. [F] la somme de 2 933,25 euros bruts au titre du complément de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 293,32 euros bruts au titre des congés payés afférents.

- condamné la société Euler Hermès Services à verser à M. [F] la somme de 41 199,80 euros au titre du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

- condamné la société Euler Hermès Services à verser à M. [F] la somme de 1 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté M. [F] de sa demande d'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile en dehors des dispositions de droit (article RI454-28 du code du travail).

- rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat dé travail ... ) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités, sur la base d'un salaire moyen mensuel de 12 008 euros.

- débouté M. [F] de ses autres demandes au titre de la rupture du contrat de travail.

- condamné la société Euler tiennes Services à verser les intérêts légaux capitalisés à compter de la saisine.

- ordonné la remise des documents administratifs rectifiés conformément au dit jugement et sans astreinte.

- condamné la société Euler Hermes Services aux éventuels dépens.

Vu la notification de ce jugement le 12 octobre 2016.

Vu l'appel interjeté par M. [G] [F] le 04 novembre 2016.

Vu les conclusions de l'appelant M. [F] notifiées le 01 février 2017 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- infirmer la décision du conseil de prud'hommes de Nanterre et de

- dire que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

- fixer la rémunération moyenne mensuelle de M. [F] à la somme brute de 14 927 euros par mois ;

- condamner la société au paiement complément d'indemnité de préavis, soit la somme de 32 711 euros et 3 271 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- condamner la société au paiement du complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, soit la somme de 98 761,66 euros ;

- condamner la société au paiement à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse nette de 268 686 euros.

Le Long term incentive bonus, soit la somme de 3 500 euros ;

- condamner la société au paiement d'une indemnité de dommages et intérêt pour privation de la participation pour les années 2011,2012 et 2013, soit 74 635 euros, des dommages et intérêts pour violation de l'obligation d'information sur la protection sociale, soit 179 124 euros

- de confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Nanterre qui a ordonné le paiement des sommes suivantes :

- le reliquat du bonus 2012 et les congés payés afférents, soit la somme de 4 275 euros et 427,50 euros au titre des congés payés ;

- le bonus 2013 et les congés payés afférents, soit la somme de : 22 500 euros et 2 250 euros au titre des congés payés ;

En tout état de cause

- ordonner la remise des documents rectificatifs, soit : le bulletin de salaire pour avril et mai 2013 par la société singapourienne, les bulletins de salaires pour les mois de juin à décembre 2013 mentionnant sa rémunération d'expatriation et sans retenues de cotisations sociales françaises ni CSG ni CRDS, le certificat de travail.

- ordonner la rectification du certificat de travail sur le grade de l'emploi occupé par M. [G] [F] dans son dernier emploi à savoir un grade 7 et non 6

- condamner la société Euler Hermes Services à verser à M. [G] [F] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner la société aux dépens.

Vu les écritures de l'intimée la SAS Euler Hermes Services notifiées le 21 mars 2017 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a condamné la société Euler Hermes Services à verser à M. [G] [F] les sommes suivantes :

- 4 275,00 euros à titre de bonus pour l'année 2012 ;

- 427,50 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 20 625,00 euros à titre de bonus pour l'année 2013 ;

- 2 062,50 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 1€ à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'information sur la protection sociale ;

- 2 933,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 293,32 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 41 199,80 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 1 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- confirmer le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau

- débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [F] à verser à la société Euler Hermes Services la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 10 décembre 2018.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat de travail :

reliquat du bonus 2012 : M. [F] expose qu'il était rémunéré d'une partie fixe et d'une prime sur objectifs, fixée pour l'année 2012 à 22 500 euros (pièce 7) ; le 11 mars 2013, son employeur lui notifiait que sa prime était de 18 225 euros, compte tenu de la performance retenue (pièce 11) ; le salarié faisait part de son désaccord pour l'évaluation qui lui était réservée (pièces 12 et 13). Il reproche à la SAS Euler Hermès Services de ne pas lui avoir donné les informations nécessaires à la vérification de sa rémunération ; aussi, il estime que le montant total de la prime lui est dû et réclame le paiement de la somme de 4 275 euros outre 427,50 euros au titre des congés payés y afférents.

La SAS Euler Hermès Services verse en pièce 40 le ''performance management form'' pour l'année 2012 pour justifier du résultat de 81 % des performances retenu pour ce salarié.

La cour constate que ce document n'est pas contesté par le salarié alors qu'il mentionne en page 8 qu'il a atteint ses objectifs à hauteur de 81 % ; aussi, ses contestations portées en pièce 12 n'apparaissant pas suffisantes pour remettre en cause l'évaluation notifiée par la SAS Euler Hermès Services dans ce document contractuel et il convient de débouter M. [F] de sa demande et d'infirmer de ce chef le jugement entrepris.

prorata de bonus 2013 : M. [F] reproche à la SAS Euler Hermès Services de ne pas lui avoir fixé les objectifs pour l'année 2013 et réclame le versement de la somme de 22 500 euros correspondant au bonus 2012.

La SAS Euler Hermès Services estime que M. [F] n'étant plus salarié au 31/12/2013, il ne peut prétendre au bonus 2013 et que, licencié le 24 mai 2013, ses objectifs n'ont nécessairement pas été atteints. Subsidiairement, elle demande à la cour de limiter le dit bonus à la somme de 9 375 euros représentant les 5 mois de présence de ce salarié dans l'entreprise.

La cour relève qu'effectivement la SAS Euler Hermès Services est dans l'incapacité de justifier de l'assignation d'objectifs à ce salarié pour l'année 2013 alors qu'elle ne conteste pas qu'une part variable de son salaire était contractuellement prévue ; le fait que le salarié ne fasse plus partie de l'entreprise au 31/12 /2013 est inopérant et en l'absence d'indication des critères de calcul de cette rémunération variable, la cour retient le montant de la rémunération variable fixée pour l'année 2012 comme accepté subsidiairement par l'employeur et fixe, au prorata de la présence du salarié dans l'entreprise pour l'année 2013, sa rémunération variable à la somme de 9 375 euros outre 937,50 euros au titre des congés payés y afférents ; le jugement sera réformé de ce chef.

Long terme incentive : M. [F] expose qu'il avait droit contractuellement à un tel bonus d'un montant de 3 500 euros à verser en 2016 ; ayant été abusivement licencié, il estime que son employeur est tenu de lui verser ce bonus dont il a été injustement privé.

La SAS Euler Hermès Services retient que le contrat de travail a pris fin en 2013 de sorte qu'il ne peut solliciter le bénéfice de cette prime dont le paiement était conditionné à sa présence dans l'entreprise.

La cour constate que par lettre du 1er mars 2012, l'employeur lui notifiait qu'il était éligible au plan LTI (long term incentive) pour un montant de 3 500 euros après une période de 4 ans ; dès lors, n'ayant pas été présent dans l'entreprise jusqu'en mars 2016, le salarié ne peut prétendre au règlement de ce bonus ; le jugement sera confirmé de ce chef.

participation et intéressement : M. [F] expose que la SAS Euler Hermès Services a conclu des accords d'intéressement et de participation dont il ne peut être exclu en raison de son expatriation car, même si son contrat de travail était suspendu avec cet employeur durant son absence de France, il persistait un lien juridique avec cette entreprise durant son détachement et il ne pouvait renoncer unilatéralement à ces dispositions d'ordre public. Aussi, il demande la condamnation de la SAS Euler Hermès Services à lui verser la somme de 74 635 euros représentant 2 mois de salaire pour chacune des années 2011, 2012 et 1 mois pour le prorata de sa présence en 2013 soit 14 927 euros x5.

La SAS Euler Hermès Services indique que lors de la signature du contrat d'expatriation, une annexe avait prévu que M. [F] percevrait une compensation équivalant à 22 % de son salaire français pour compenser l'estimation qui avait été faite de l'intéressement et la participation qu'il avait perçus en 2010 au titre de l'année 2009 ; elle affirme que les montants de cet intéressement et participation ont été inférieurs en 2010, 2011 et 2012 à la somme que le salarié a perçue d'après cette annexe et conteste qu'il puisse réclamer quoi que ce soit à ce titre au risque d'être réglé deux fois de cette somme ;

La cour relève que la pièce 12 produite par l'employeur démontre que, si pour l'année 2010, le montant total de l'intéressement et la participation versé à l'ensemble des salariés s'est élevé à 6,3 millions d'euros, pour l'année 2011 à 8 millions d'euros et pour l'année 2012 à 7,9 millions d'euros (représentant ainsi près de 2 mois de salaires bruts par salarié), il a été mentionné dans le contrat de travail d'expatriation du 19 juillet 2010, dont aucune partie ne donne de traduction en langue française, et qui a été visé par M. [F], suivant l'affirmation non contestée de la SAS Euler Hermès Services qu'il percevrait une somme de 17 600 euros annuelle pour « compenser l'estimation faite de l'intéressement et la participation » ; à défaut pour M. [F] de justifier qu'il n'a pas été rempli ainsi de ses droits alors que son salaire total de 109 583 euros amputé de cette indemnité annuelle de 17 600 euros ramenait son salaire mensuel moyen à 7 665,25 euros de sorte qu'il a perçu plus que les deux mois de salaire dont il dit qu'il pouvait prétendre au titre de l'intéressement et la participation ; ainsi le salarié a été rempli de ses droits à ce titre et il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail :

Le 24 mai 2013, la SAS Euler Hermès Services a prononcé le licenciement de M. [F] au motif que, transféré en 2010 à Singapour en tant que directeur financier de Euler Hermès Asie, reportant au directeur de région Asie-Pacifique, celui-ci, M. [V], lui avait signifié le 10 janvier 2013 son souhait de mettre fin à son expatriation à Singapour à la mi-avril, respectant le préavis spécifié dans son contrat de travail, ramené au 30 avril 2013 et lui avait demandé de se rapprocher de M. [K], DRH de la SAS Euler Hermès Services, afin d'identifier les modalités de sa réintégration ; après de nombreux échanges avec M. [K], il avait indiqué qu'il souhaitait rester en Asie et avait indiqué qu'il souhaitait contacter Allianz Singapour afin d'étudier les opportunités locales.

M. [K] s'était engagé à se rapprocher du groupe Allianz France - Europe afin de proposer son dossier. La SAS Euler Hermès Services indiquait qu'elle n'avait pas trouvé de nouvelle affectation correspondant à sa qualification aussi bien en Asie qu'en Europe, tant au sein d'Euler Hermès qu'au sein d'Allianz.

Dans la semaine du 22 avril 2013, le directeur actuel des achats d'Euler Hermès avait annoncé à M. [K] qu'Allianz France souhaitait l'intégrer dans ses équipes ce qui laissait vacant le poste de directeur des achats pour M. [F].

Le 26 avril 2013, ce poste lui avait été affecté par courrier électronique avec entretien téléphonique le 29 avril 2013 et demande de réponse pour le 3 mai 2013 tandis qu'il était, dans le même courrier réaffecté au sein de la SAS Euler Hermès Services à compter du 1er mai 2013. Il était en vacances les 29 et 30 avril 2013 et l'entretien était repoussé au 2 mai 2013.

[G] [F] n'avait donné aucune réponse pour le 3 mai 2013 ni par la suite. Aussi, par courrier du 7 mai 2013, il avait été convoqué à un entretien préalable pour le 17 mai. Son licenciement était prononcé suite à son refus de revenir en France à l'issue de son expatriation et son refus de pourvoir le poste de directeur des achats ce qui ne permettait pas de poursuivre son contrat de travail.

Pour contester son licenciement, M. [F] affirme tout d'abord que la lettre d'expatriation ne contenait pas de documentation spécifique relative au pays où il allait être expatrié ni sur les modalités de couverture des risques, pas plus que des précisions sur les cas ou les modalités de retour et les conditions de rapatriement, l'employeur s'étant seulement réservé le droit unilatéral de rompre la mission à tout moment et selon son bon vouloir, sans explication et sans préciser les modalité pratiques du dit retour. Et alors que la convention collective fait obligation à l'employeur de proposer un poste aussi compatible que possible avec les fonctions hors métropole et les compétences acquises pendant la mission, il reproche à l'employeur de n'avoir pas respecté cette obligation de reclassement et de lui avoir imposé un poste nécessitant une mobilité sans son accord et sans entretien préalable. Il reproche enfin à son employeur de lui avoir fait parvenir un courrier émanant d'une société avec laquelle il n'avait aucun lien contractuel de sorte que ce courrier lui est inopposable et ne pouvait faire courir le délai de préavis.

La SAS Euler Hermès Services indique en premier lieu que les éléments sur le pays ou les modalités de couverture du risque ne concernent pas la rupture du contrat de travail et affirme que le contrat d'expatriation prévoyait une date limite au 1er août 2013 avec possibilité de fin anticipée moyennant un préavis de 3 mois ; ainsi, elle expose qu'en ayant prévu une fin d'expatriation le 10 janvier 2013 pour fin avril 2013, elle respectait ses engagements. Elle affirme que tous les éléments concernant la nouvelle affectation ont été transmis au salarié dès le 26 avril 2013 en qualité de responsable des achats, la mention de directeur des achats telle que portée dans la lettre de licenciement ne traduisant qu'une erreur matérielle dont ne peut se prévaloir le salarié. D'ailleurs, il a choisi de ne pas répondre sur la proposition de poste qui lui a été faite à cette date de sorte qu'elle l'a licencié plusieurs jours après l'expiration du délai de réflexion donné.

En ce qui concerne les contestations de M. [F] concernant les indications contenues dans le contrat du 19 juillet 2010 relatives au pays dans lequel l'expatriation devait se faire et les modalités de couverture des risques garantis, celles-ci concernent la conclusion du contrat et sont inopérantes pour la contestation relative au terme de ce contrat.

Ce contrat d'expatriation non traduit versé aux débats mentionne qu'il est passé pour une durée de 3 ans, la compagnie se réservant le droit de le rapatrier avant l'expiration de ce délai, avec un préavis de 3 mois (pièce 5 du salarié) ;

Le 10 janvier 2013, M. [V], responsable de la région APAC de la société Euler Hermès Hong Kong Services Ltd, informait M. [F] du terme mis à son expatriation avant la date des 3 ans prévus initialement puisque son retour en France était programmé au plus tard pour le 10 avril 2013, son contrat de travail français étant ré-activé dès son retour en France et il lui était demandé de se rapprocher de M. [K], DRH, corporate et mobilité internationale, afin d'organiser son retour ;

M. [F] soutient tout d'abord qu'il n'avait aucune relation contractuelle avec cette société Euler Hermès Hong Kong Services Ltd de sorte que ce courrier lui était inopposable et ne pouvait faire courir le délai de préavis. La SAS Euler Hermès Services verse alors l'organigramme de l'organisation de la Société Euler Hermès démontrant que [T] [V] était le supérieur hiérarchique de [G] [F] de sorte que l'utilisation du papier à en-tête de la société Hong-Kongaise relevait d'une simple erreur matérielle n'entâchant nullement d'inopposabilité cette lettre ; à défaut pour M. [F] de justifier qu'il n'a pu comprendre de qui émanait cette lettre du 10 janvier 2013, et alors que tous les autres contacts émanait du même [V] pour la SAS Euler Hermès Services, il convient de retenir que cette lettre a valablement permis d'enclencher le processus du retour du salarié en France.

En ce qui concerne la proposition de mobilité, M. [F] écrivait le 22 février 2013 à M. [K] qu'il avait contacté Allianz pour une recherche de poste pour lui à Singapour, sans résultat pour le moment, et lui demandait s'il avait quelque chose à lui proposer. Le 27 mars 2013, il réécrivait à M. [K], pour faire suite à l'entretien qu'ils avaient eu le 7 mars, qu'il restait dans l'attente de proposition de sa part ainsi que le 18 avril 2013, alors que sa remplaçante avait été nommée et avait pris ses fonctions, il indiquait n'avoir reçu aucune proposition d'affectation et imaginait dans ces conditions que son contrat se poursuivait jusqu'au 31 juillet comme initialement prévu. Le 26 avril 2013, il recevait de la part de M. [K], DRH, une proposition d'affectation à Paris La Défense au sein de Euler Hermès Services à compter du 1er mai 2013, avec prise de poste au plus tard le 13 mai 2013 en qualité responsable des achats du groupe Euler Hermès Services, lui énumérant les missions principales, définissant son supérieur hiérarchique comme étant le directeur organisation groupe et administration, les termes de son rapatriement et de sa rémunération, lui précisant que son contrat de travail avec Euler Hermès Singapore Services se terminait le 30 avril 2013 et lui demandait de prendre contact téléphonique avec son futur supérieur hiérarchique le 29 avril 2013. Cette lettre se limitait à sa première page, la suite n'étant pas adressée au salarié. M. [F] qui était en congés-payés les 29 et 30 avril 2013, ne la recevait qu'après ses congés, ne répondait pas à la SAS Euler Hermès Services et celle-ci le convoquait le 7 mai 2013 à un entretien préalable à la procédure de licenciement au siège de la société.

Les protestations de M. [F] concernant l'absence d'entretien préalable et d'accord de sa part pour procéder à sa mutation géographique ne sont pas recevables dès lors qu'au terme de son expatriation, son contrat de travail en France reprenait exécution.

Néanmoins, la cour constate que le poste qui lui avait été proposé le 26 avril 2013 concernait un poste de « responsable des achats du groupe Euler Hermès Services », alors que la SAS Euler Hermès Services lui reproche dans la lettre de licenciement d'avoir refusé le poste de « directeur des achats » qui venait dêtre libéré par son titulaire qui venait d'être intégré dans les équipes de la société Allianz. Or, la cour relève, comme le soutient exactement le salarié, qu'aucun poste de « directeur » ne lui a été proposé et alors que M. [F], cadre de direction depuis le 1er janvier 2009, n'a pas refusé de poste de directeur des achats, le motif du licenciement qui a été mentionné dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, n'est ni réel ni sérieux, l'indication d'une erreur matérielle ne pouvant être retenue concernant l'appellation litigieuse du poste proposé ;

[G] [F] réclame un rappel de salaire au titre du préavis de 6 mois qui lui est dû calculé sur le montant de la rémunération à laquelle il pouvait prétendre si le contrat de travail s'était normalement poursuivi ; il soutient que ce salaire doit être calculé sur son expatriation et prendre en compte tous les éléments qu'il aurait perçus si l'employeur ne l'avait pas licencié sans cause réelle et sérieuse ; la SAS Euler Hermès Services estime que son expatriation ayant pris fin au mois de mai 2013, son salaire doit être calculé sur les éléments français.

En effet, indépendamment du licenciement prononcé, le contrat d'expatriation de M. [F] avait pris fin en mai 2013 de sorte que le salaire à prendre en compte est le salaire de ce dernier en France outre les primes variables et périodiques telles que mentionnées dans la fiche Pôle emploi qu'il devait percevoir, soit une rémunération brute mensuelle de 9 069,22 euros ; ainsi, l'indemnité de préavis due était de 54 415,34 euros de sorte que la SAS Euler Hermès Services lui doit un rappel de 17 123,60 euros

En ce qui concerne l'indemnité conventionnelle de licenciement, M. [F] étant expatrié sur les 12 mois précédant le licenciement, son salaire mensuel à prendre en compte était de 11 667 euros en incluant les primes de mission, d'expatriation et les avantages en nature de sorte que compte tenu de l'indemnité de 89 781,81 euros déjà versée, il convient de renvoyer les parties à calculer cette indemnité au regard de la convention collective applicable et compte tenu de ce salaire retenu pour l'année précédant le licenciement, de dire que cette indemnité sera soumise aux cotisations sociales et fiscales en vigueur à la date de son versement en France, sauf à re-saisir la cour par voie de simple requête en cas de difficultés.

Compte tenu de ces éléments, et au regard de l'âge du salarié lors de la rupture (42 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (plus de 18 ans) et compte tenu du montant de son salaire, et alors que M. [F] qui ne donne aucun élément sur sa situation personnelle et professionnelle à la suite de ce licenciement, a retrouvé un emploi à Singapour dès janvier 2014 suivant son profil LinkedIn (pièce 39 de l'employeur), de sorte que la cour évalue son préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 100 000 euros soumis aux cotisations sociales et fiscales en vigueur à la date de son versement en France.

M. [F] sollicite enfin des dommages et intérêts pour violation par la SAS Euler Hermès Services de l'obligation d'information sur la protection sociale avant son départ à Singapour et pendant la durée de son expatriation de sorte que l'absence de réponse a conduit à un refus de prise en charge par la mutuelle des expatriés et à une péremption des droits au régime français de sécurité sociale après son licenciement ce qui a entraîné un préjudice d'anxiété né de la méconnaissance par son employeur de sa couverture sociale, du refus de prise en charge de ses soins et ceux de sa fille. Si M. [F] ne justifie d'aucun préjudice durant toute la période de son expatriation au titre du régime de sécurité sociale et de protection sociale des expatriés, la SAS Euler Hermès Services justifie de son affiliation auprès de la Caisse des Français de l'étranger (CFE) et Pôle emploi Expatriation, outre une assurance complémentaire AWC et retraite de sorte qu'elle conteste tout manquement de ce fait. Lors de la rupture du contrat de travail, la SAS Euler Hermès Services lui a indiqué qu'il pourrait faire valoir ses droits relatifs à la portabilité de la couverture médicale complémentaire, il a fait le choix de passer son préavis à Singapour alors que son contrat d'expatriation était rompu en mai 2013 et qu'il ne relevait plus de la CFE ; la SAS Euler Hermès Services justifie qu'elle a alors accepté de prendre en charge les frais de santé de M. [F] ou de sa famille antérieurs au 06/10/2013 sans qu'il ne justifie que d'autres frais ne lui auraient pas été remboursés du fait de son employeur de sorte qu'il ne justifie d'aucun préjudice résultant du comportement de la SAS Euler Hermès Services et il sera débouté de ce chef de réclamation.

Sur le remboursement par l'employeur à l'organisme des indemnités de chômage

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités ;

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation. S'agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la SAS Euler Hermès Services ;

La demande formée par M. [F] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions ayant débouté M. [F] de ses demandes relatives au long term incentive, à l'intéressement et la participation et ayant condamné la SAS Euler Hermès Services aux dépens et à lui verser la somme de 1 100 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile  ;

et statuant à nouveau des chefs infirmés

Déboute M. [F] de sa demande au titre du reliquat du bonus 2012

Condamne la SAS Euler Hermès Services à verser à M. [F] à titre du prorata du bonus 2013 la somme de 9 375 euros outre 937,50 euros au titre des congés payés y afférents

Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [F]

en conséquence, Condamne la SAS Euler Hermès Services à verser à M. [F] :

à titre de complément d'indemnité de préavis la somme de 17 123,60 euros outre 1 712,36 euros au titre des congés payés y afférents

à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 100 000 euros soumis aux cotisations sociales et fiscales en vigueur à la date de son versement en France

Renvoie les parties à calculer, sur les bases précisées aux motifs du présent arrêt, les éventuelles sommes dues au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement par la SAS Euler Hermès Services, compte tenu du règlement de 89 781,81 euros déjà effectué, et dit que cette indemnité sera soumise aux cotisations sociales et fiscales en vigueur à la date de son versement en France

Autorise les parties à re-saisir la cour par voie de simple requête en cas de difficultés

Déboute M. [F] du surplus de ses réclamations

Ordonne le remboursement par la SAS Euler Hermès Services, aux organismes concernés, des éventuelles indemnités de chômage versées à M. [F] dans la limite de 6 mois d'indemnités en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ;

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la SAS Euler Hermès Services aux dépens d'appel ;

Condamne la SAS Euler Hermès Services à payer à M. [F] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 16/04945
Date de la décision : 21/03/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°16/04945 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-21;16.04945 ?
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