COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 MARS 2019
N° RG 16/03653 - N° Portalis DBV3-V-B7A-Q3M3
AFFAIRE :
[R] [F]
C/
SA LEVI STRAUSS CONTINENTAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
Section : Encadrement
N° RG :
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Stéphane LILTI
la PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [R] [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Stéphane LILTI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2129
APPELANT
****************
SA LEVI STRAUSS CONTINENTAL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Jérôme HALPHEN du PARTNERSHIPS DLA PIPER FRANCE LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
M. [R] [F] a été engagé par la société Levi Strauss International dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée le 17 août 2009 à l'origine en qualité de directeur des ventes. Par la suite le salarié a assumé les fonctions de directeur commercial France.
Il a été licencié pour insuffisance professionnelle le 23 avril 2014.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 20 juin 2016 qui a débouté le salarié de ses demandes, a rejeté la demande reconventionnelle formée par la société et a condamné le salarié aux dépens,
Vu l'appel interjeté par le salarié par déclaration au greffe de la cour le 20 juillet 2016,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement le 6 février 2019 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens de M. [F] qui demande :
- à titre principal qu'il soit retenu la nullité du licenciement et que la société soit condamnée à lui verser, au titre de l'article L 1235-11 du code du travail, la somme de 276 966 euros,
- à titre subsidiaire, de constater l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et lui allouer au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 276 966 euros,
- en tout état de cause, condamner la société à verser la somme de 43 668,57 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier des RSU (Restricted Stock Unit) et la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et condamner la société aux dépens,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement le 6 février 2019 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens de la société Levi Strauss International qui demande :
- à titre principal, la confirmation du jugement déféré,
- à titre subsidiaire, dire que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être fixée à 57 450 euros,
- en tout état de cause, rejeter les autres demandes du salarié devant être condamné à verser la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
Sur la demande d'annulation du licenciement
Le salarié soutient que le licenciement dont il a été l'objet est entaché de nullité dans la mesure où il s'est inscrit dans un motif économique.
A ce propos, il fait valoir que le 10 avril 2014, soit quelques jours avant la notification de son propre licenciement, le comité d'entreprise a été consulté sur la suppression de neuf postes dans le cadre d'un petit licenciement pour motif économique et les salariés concernés par cette mesure ont été licenciés en raison de la réorganisation au niveau européen par la simplification de la structure opérationnelle. M. [F] souligne que cette réorganisation est également à l'origine de la suppression du poste qu'il occupait. En ajoutant son licenciement aux neuf autres, dix salariés étaient concernés et il souligne que ces suppressions ( concernant10 postes) auraient dû conduire la société à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi à défaut duquel le licenciement dont il a été l'objet est entaché de nullité.
Il est établi, toutefois, par les éléments du dossier (pièce n° 5 de la société Levi Strauss International pages 20 et 21) que compte tenu de difficultés économiques, en avril 2014, la société a établi un projet de licenciement conduisant à la suppression de six postes.
En outre, il est également établi que le poste qui était occupé par M. [F] n'a pas été supprimé dès lors que par la suite, M. [U] a été embauché pour exercer les mêmes fonctions que lui (pièces n° 6 et 21 de la société).
En définitive, les motifs invoqués par le salarié au soutien de la demande de nullité du licenciement ne sont pas fondés et ont, à juste titre, été écartés par le conseil de prud'hommes dont la décision rejetant la demande de nullité du licenciement sera confirmée.
Sur le motif du licenciement
L'appréciation de l'insuffisance professionnelle qui peut se définir comme le manque de compétence du salarié dans l'exécution des tâches qui lui sont confiées relève, en principe, du seul pouvoir de direction de l'employeur. En tout état de cause, il appartient à ce dernier d'invoquer des faits objectifs, précis et vérifiables.
La lettre de licenciement (pièce n° 12 du salarié) qui fixe les limites du litige faisait état de divers griefs à l'encontre du salarié après avoir rappelé, à titre liminaire, qu'en sa qualité de directeur commercial, membre du comité de direction, le salarié avait la responsabilité de définir la politique commerciale pour les marques (Levis's et Dockers), d'animer la force de vente et de piloter la stratégie commerciale en accord avec les directives globales de l'entreprise.
Etaient d'abord observées une insuffisance de résultats et une absence d'atteinte des objectifs. Il était relevé :
- pour l'année 2012 : était enregistré un écart de 10,5 % entre les résultats enregistrés par le salarié et les objectifs définis dans le plan annuel qui avait été accepté par l'intéressé (pièce n° 18 du salarié),
- pour l'année 2013 : était relevé un résultat négatif de - 7,9 millions de dollars (soit - 6,9 millions pour Levis et - 1 million pour Dockers) alors que le plan annuel qui avait été accepté avait prévu un déficit de 6 % (pièces n° 2 et 3 de la société) ce que le salarié avait admis lors de son entretien d'évaluation pour l'année considérée (pièce n° 19 du salarié).
A ce propos, M. [F] explique que ces résultats avaient eu une origine indépendante de sa volonté et de son pouvoir par suite de difficultés d'approvisionnement à la suite du basculement du système informatique et il invoquait les problèmes rencontrées en Espagne et en Italie. Ce dernier moyen est inopérant dès lors que le salarié était directeur commercial pour la France ; quant au premier moyen, il apparaît que sa position lui permettait de trouver des solutions aux éventuelles difficultés d'approvisionnement et de demander à recevoir les produits dont les magasins français avaient besoin,
- pour le premier trimestre de l'année 2014 : les objectifs n'étaient pas atteints, un résultat de - 2,5 % était enregistré en dépit des engagements pris par l'intéressé lors de son entretien d'évaluation pour l'année précédente.
Il ressortait de ces difficultés que M. [F] n'était pas aussi performant que les autres directeurs commerciaux du groupe (pièce n° 16 de la société) et l'un de ses supérieurs hiérarchiques disait avoir espéré une approche davantage digne d'un cadre.
En tous cas, il apparaissait que l'attribution de RSU évoquée par M. [F] pour se défendre de cette insuffisance avait, en réalité, concerné un grand nombre de cadres dirigeants de la société, sans que les pièces produites à ce propos ne traduisent une reconnaissance spécifique de l'action de l'intéressé (une lettre type avait été adressée le 15 août 2013 : pièce n° 7 du salarié).
En outre, il était fait grief au salarié d'avoir adopté un comportement d'opposition et de critique face aux décisions de la société Levi Strauss International.
Les pièces du dossier révélent, notamment, à la suite de l'entretien d'évaluation pour 2012 une réaction très mauvaise et manquant de professionnalisme (pièce n° 15 de la société) et un comportement identique était mentionné l'année suivante (pièce n° 3 de la société). Le 23 janvier 2014 M. [F] avait été invité à changer de comportement également à l'égard d'autres collaborateurs (pièce n°3 de la société).
A ce propos, le salarié ne fait valoir aucun élément contredisant la matérialité du grief examiné.
Par ailleurs, était relevée une incapacité de l'intéressé à remplir les missions lui étant imparties.
Il doit être rappelé que M. [F] disposait d'une délégation de pouvoirs (pièce n° 4 du salarié) et qu'il lui avait été, dès lors, conféré une large autonomie dans l'exercice de ses missions alors que dans la réalité, notamment le 31 janvier 2014, il sollicitait l'avis de M. [T] ;
le 3 février suivant, il était interrogé par ce dernier sur la situation avec le Printemps (pièces n° 8 de la société) mais il se limitait à un constat sans apporter de solution pour porter remède aux difficultés évoquées (pièce n° 25 du salarié) ;
le 10 mars 2014 après avoir fait état de problèmes d'approvisionnement il ne proposait cette fois encore aucune solution (pièce n° 24 du salarié) ;
le 14 avril 2014 était abordée la question de la baisse du prix d'un article (2-packs T-shirts) décidée par le salarié mais n'ayant pas été compensée par une hausse du volume des ventes ; sur cette question, le salarié disait à M. [T] je te laisse décider (pièce n° 24 du salarié).
Le salarié fait, sur ce sujet, état de ses entretiens d'évaluation mais, en réalité, ceux-ci soulignaient son absence de résultat et illustrait l'incapacité lui étant imputée.
Enfin, en sa qualité de directeur commercial, M. [F] devait définir une politique commerciale et adopter une stratégie et le 7 février 2014, il était destinataire d'un questionnaire sur les objectifs de vente par catégorie de produits par mois et par client (pièce n° 12 de la société) ; la réponse était souhaitée pour le 20 février suivant ; avec retard, le 28 février, M. [F] expliquait ne pouvoir fournir le renseignement attendu et sur les DOM-TOM, il apparaissait que le salarié n'avait mis au point aucun plan d'action et n'avait délivré aucune analyse chiffrée.
Sur ce point qui se situe dans la même perspective que le reproche précédent, le salarié fait observer que la critique est formée en termes généraux et il explique avoir participé à la définition de la politique commerciale ce qui est contredit, en tous cas au début de l'année 2014, au regard des précisions données ci-dessus.
En conclusion, compte tenu des explications qui précèdent, il apparaît que les reproches formés à l'encontre du salarié sont établis et que le licenciement a reposé sur un motif réel et sérieux et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le licenciement du salarié reposant sur une cause réelle et sérieuse, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier des RSU.
En toute hypothèse, concernant cette demande, il doit être observé que ce bonus était éventuellement octroyé au bout de trois années de présence dans l'entreprise, son montant étant indexé sur le prix de l'action au moment du paiement et pouvait être augmenté en fonction des performances du salarié (pièces n° 7 et 8 du salarié). En l'espèce, M. [F] a été noté en deçà des objectifs et ne justifie pas qu'il pouvait prétendre à ce bonus.
Sur les dépens et sur l'indemnité de procédure
Le salarié qui succombe sera condamné aux dépens et débouté de sa demande formée au titre des frais de procédure.
Il convient, à ce titre, d'accorder à la société Levi Strauss International une somme qu'il est équitable de fixer à 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles (section encadrement) en date du 20 juin 2016,
Y ajoutant,
Condamne M. [R] [F] aux dépens,
Condamne M. [R] [F] à verser à la société Levis Strauss International la somme de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIERE, greffier.
Le GREFFIERLe PRESIDENT