COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 20 MARS 2019
N° RG 16/04741 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RBJX
AFFAIRE :
SAS OUTLANDER
C/
[E] [T]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Octobre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE
Section : C
N° RG : F14/01928
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Stéphanie ARENA
Me Jean LORY de la SCP LORY - LE GUILLOU & ASSOCIÉS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT MARS DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS OUTLANDER
N° SIRET : 508 488 103 00021
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : Me Nathalie TOUATI SITBON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0433 - Représentant : Me Stéphanie ARENA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637
APPELANTE
****************
Madame [E] [T]
née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Jean LORY de la SCP LORY - LE GUILLOU & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 131 - Représentant : Me Carole BENDRIHEM, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1472, substituée par Me Philippe-Francis BERNARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E849
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Janvier 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Luc LEBLANC, président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Luc LEBLANC, Président,
Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Outlander a été créée en octobre 2008 et s'est spécialisée dans la distribution de produits de puériculture. Souhaitant développer la création de nouveaux produits, la société s'est rapprochée de Mme [E] [T] qui avait une expérience dans ce secteur d'activité et venait de perdre son emploi de directeur de collection.
Un accord a été conclu le 10 octobre 2009 entre la société Outlander et la société CB Conseil au nom de laquelle Mme [T] prétendait agir.
Cette convention prévoyait que la société CB Conseil aura pour mission d'assister la société Outlander dans ses travaux de création de produits pour une durée de deux ans moyennant des honoraires comprenant une partie fixe mensuelle de 3 000 € pour deux jours de travail par semaine et une partie variable égale à 1,5% du chiffre d'affaires facturé des collections créées avec sa collaboration et 2,5 % du résultat de ces mêmes collections.
Mme [T] prétend que, sous couvert de cette convention, la société Outlander l'a en réalité engagée comme directrice artistique salariée moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 000 euros plus un salaire variable. La société Outlander soutient au contraire qu'il n'était envisagé qu'une collaboration commerciale exclusive de tout lien de subordination.
En septembre 2010, la société Outlander reçoit une facture de 30 000€ correspondant à 10 prestations de 3 000 € mais refuse de s'en acquitter en considérant ne pas avoir bénéficié d'autant de prestations.
Par mail du 14 octobre 2010, Mme [T] déclare alors prendre acte de la rupture du contrat aux torts de la société Outlander à laquelle elle reproche l'absence de paiement pour le travail effectué en soutenant avoir été contrainte de créer sa propre société pour éviter à son employeur d'avoir à la déclarer et à payer des charges sociales sur son salaire.
La société Outlander employait moins onze salariés au moment de la rupture du contrat et son activité relevait de la convention collective nationale du commerce de gros du 23 juin 1970.
Invoquant l'existence d'un contrat de travail et reprochant à la société Outlander d'avoir manqué à ses obligations, Mme [T] a ensuite saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, le 1er avril 2011, pour demander essentiellement des indemnités pour licenciement abusif, l'indemnisation du travail dissimulé et le paiement de rappels de salaire et accessoires.
Par un jugement du 20 novembre 2013, le conseil des prud'hommes de Nanterre s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige.
Statuant sur contredit, par arrêt du 1er juillet 2014, la cour d'appel de Versailles a infirmé cette décision et jugé que le conseil de prud'hommes était bien compétent pour statuer sur le litige opposant Mme [T] à la société Oultander. Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation.
Par jugement du 7 octobre 2016, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :
- constaté que la société Outlander se désiste de sa demande de sursis à statuer,
- dit n'y avoir lieu à rejeter les pièces non traduites,
- constaté l'existence d'un contrat de travail,
- dit que la prise d'acte de la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Outlander à payer à Mme [T] les sommes suivantes :
- 93 750 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 30 septembre 2009 au 14 octobre 2010,
- 15 000 euros au titre des commissions,
- 10 875 euros au titre des congés payés sur salaires et commissions,
- 1 500 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif suite à la prise d'acte de la rupture,
- 22 500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2 250 € au titre des congés payés,
- le tout avec intérêt au taux légal et capitalisation,
- fixé le salaire à la somme de 7 500 euros,
- ordonné la remise des documents sociaux rectifiés à compter de la notification de la décision, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
- ordonné la compensation judiciaire,
- rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, les sommes visées par l'article R. 1454-14 sont exécutoires de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire, calculés sur la base du salaire mensuel moyen,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- condamné la société Outlander à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Outlander aux dépens.
La société Outlander a régulièrement relevé appel du jugement le 26 octobre 2016.
Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 1er février 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, la société Outlander demande à la cour de :
- à titre principal, infirmer l'intégralité des dispositions du jugement dont appel, en dehors de celles qui ont refusé de faire droit à la demande indemnitaire de Mme [T] fondée sur les dispositions prévues par l'article L. 8221-5 du code du travail,
- statuant de nouveau, constater que l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 1er juillet 2014 et l'arrêt de la Cour de cassation du 15 avril 2016, n'ont pas qualifié la relation de travail l'ayant liée à Mme [T],
- la déclarer recevable à contester l'existence d'un contrat de travail,
- constater qu'elle n'était pas liée à Mme [T] par un quelconque contrat de travail et condamner Mme [T] à lui rembourser en deniers ou quittances l'intégralité des sommes perçues à titre de rappel de salaire, en application de la décision dont appel,
- subsidiairement, si la cour devait retenir l'existence d'un contrat de travail, constater que la convention régularisée entre les parties le 10 octobre 2009 est atteinte de nullité absolue en application des dispositions prévues aux articles 1842 du code civil et L. 210.6 du code de commerce,
- constater que Mme [T] a reconnu ne pas avoir travaillé plus de 8 jours par mois pour le compte d'Outlander d'octobre 2009 à octobre 2010,
- constater que Mme [T] n'a jamais indiqué avoir effectué d'heures supplémentaires,
- fixer en conséquence son temps de travail à concurrence de 56 heures par mois (8 jours x 7 heures),
- constater qu'en conséquence, Mme [T] ne peut revendiquer l'existence d'un contrat de travail à temps plein,
- dire et juger que l'emploi confié à Mme [T] correspond à celui d'un Technicien Niveau V, Echelon 3 tel que prévu par la convention collective du commerce de gros, à temps partiel,
- constater l'absence d'accord entre les parties sur un quelconque salaire mensuel fixe et/ou variable,
- infirmer les dispositions du jugement qui ont retenu un salaire mensuel de 7 500 €,
- fixer ledit salaire en fonction des minima conventionnels prévus pour un Technicien Niveau V Echelon 3 d'octobre 2009 à octobre 2010 soit à la somme de : 570.08 € pour 56 heures,
- limiter ses condamnations à régler un rappel de salaire, d'octobre 2009 à octobre 2010 à la somme de (570.08 x 12 mois) = 6 840.96 euros et 684.09 euros de congés payés y afférents,
- dire et juger que la prise d'acte de la rupture du contrat effectuée par Mme [T] le 14 octobre 2010 doit produire les effets d'une démission,
- en conséquence, condamner Mme [T] au paiement d'une indemnité équivalente au préavis qu'elle n'a pas effectué, telle que prévue par l'article 35 de la convention collective, soit à la somme de 1 140.16 euros,
- à titre infiniment subsidiaire sur les rappels de salaire,
1. Si la Cour estime que Mme [T] peut revendiquer un contrat de travail à temps plein, statut Technicien Niveau V échelon 3 :
- fixer le salaire mensuel à la somme de 1 544.64 € pour 151.65 h,
- limiter le rappel de salaire dû à Mme [T] à la somme de (1 544.64 x 12) = 18 535.68 euros et 1 853.56 euros à titre de congés payés y afférents,
- condamner Mme [T] au paiement d'une indemnité équivalente au préavis qu'elle n'a pas effectué, telle que prévue par l'article 35 de la convention collective du commerce de gros, à la somme de 3 089.28 euros,
2. Si la Cour estime que Mme [T] peut revendiquer un contrat de travail à temps partiel, statut Cadre Niveau VIII :
- fixer le salaire mensuel à la somme de (34 463.22/12 = 2 871.93/151.67 = 18.93 x 56 heures) = 1 060.38 euros,
- limiter le rappel de salaire dû à Mme [T] à la somme de (1 060.38 x 12) = 12 724.60 euros et 1 272.46 euros à titre de congés payés y afférents,
- condamner Mme [T] au paiement d'une indemnité équivalente au préavis qu'elle n'a pas effectué, telle que prévue par l'article 35 de la convention collective du commerce de gros, à la somme de 3 181.14 euros,
3. Si la Cour estime que Mme [T] peut revendiquer un contrat de travail à temps plein, statut Cadre Niveau VIII :
- fixer le salaire mensuel à la somme de (34 463.22/12) = 2 871.93 pour 151.67 h,
- limiter le rappel de salaire dû à Mme [T] à la somme de 34 463.22 euros et 3 447.60 euros à titre de congés payés y afférents,
- condamner Mme [T] au paiement d'une indemnité équivalente au préavis qu'elle n'a pas effectué, telle que prévue par l'article 35 de la convention collective du commerce de gros, à la somme de 8 615.79 euros,
4. Si la Cour estime qu'elle a droit à une rémunération variable :
- limiter le rappel dû à ce titre à la somme de 584,76 €,
- à titre infiniment subsidiaire, sur les indemnités liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Si la Cour devait estimer que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ramener à de plus justes proportions les conséquences indemnitaires liées à la rupture du contrat, en fonction de la qualification du contrat retenue, à savoir :
- Sur l'indemnité de préavis et congés payés sur préavis :
- pour une Technicienne Niveau V Echelon 3, à temps partiel = 1 140.16 euros et 114.01 euros de congés payés y afférents,
- pour une Technicienne Niveau V Echelon 3, à temps plein = 3 089.28 euros et 308.92 euros de congés payés y afférents,
- pour un Cadre Niveau VIII à temps partiel = 3 180.24 euros et 318.02 euros de congés payés y afférents,
- pour un Cadre Niveau VIII à temps plein = 8 615.79 euros et 861.57 euros de congés payés y afférents,
- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :
- pour une Technicienne Niveau V Echelon 3, à temps partiel = Selon un salaire moyen fixé à la somme de 570.08, une indemnité de licenciement équivalente à 114.016 euros,
- pour une Technicienne Niveau V Echelon 3, à temps plein = selon un salaire moyen fixé à la somme de 1544.64, une indemnité de licenciement équivalente à 308.80 euros,
- pour un Cadre à temps partiel, selon un salaire moyen fixé à la somme de 1 060.08, une indemnité de licenciement équivalente à 212.01 euros,
- pour un Cadre à temps plein, selon un salaire moyen fixé à la somme de 2 871.93, une indemnité de licenciement équivalente à 574.38 euros,
Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif :
- constater l'absence d'éléments de preuve du préjudice financier et moral invoqué,
- limiter sa condamnation à une condamnation symbolique équivalente à 1 euro,
- débouter Mme [T] de sa demande visant à obtenir à ce titre 45 000 euros,
Sur l'indemnité pour travail clandestin :
- débouter Mme [T] de sa demande visant à obtenir une indemnité de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail clandestin,
Si par impossible, la Cour décidait d'infirmer les dispositions du jugement dont appel, qui ont refusé de retenir l'existence de tout travail clandestin, limiter le quantum des condamnations encourues, en fonction de la qualification retenue par la Cour, à savoir :
- pour une Technicienne Niveau V Echelon 3, à temps partiel, à la somme de 3 420.48 euros,
- pour une Technicienne Niveau V Echelon 3 à temps plein, à la somme de 9 267.84 euros,
- pour un Cadre à temps partiel, à la somme de 6 360.48 euros,
- pour un Cadre à temps plein, à la somme de 17.226 euros,
- en tout état de cause, prononcer la compensation judiciaire des créances respectives,
- condamner Mme [T] à lui régler la somme de 8 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile compte tenu des frais irrépétibles exposés pour organiser sa défense ainsi qu'aux entiers dépens,
- condamner Mme [T] à lui rembourser l'intégralité des sommes qu'elle a perçues au titre de la décision prononcée par le conseil des prud'hommes de Nanterre formation départage, le 07 octobre 2016,
- débouter Mme [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions formulées à son encontre.
Aux termes de ses conclusions avec appel incident transmises par voie électronique le 15 décembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [T] demande à la cour de :
- à titre liminaire, dire infondée la demande de la société Outlander sollicitant le rejet des débats des pièces produites sous les numéros 4, 5, 7, 9, 15, 16, 22, 33, 34, 49, 41 à 45, 53 à 56, 62, 63, 65, 66 et 121 et constater en toute hypothèse, qu'elle est devenue sans objet en raison de la production de la traduction desdites pièces,
- au fond, déclarer irrecevable la société Outlander à contester l'existence d'un contrat de travail entre les parties,
- en tout état de cause, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le quantum des dommages et intérêts qui lui ont été alloués en réparation de la rupture abusive de son contrat de travail et le rejet de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
- réformer et infirmer pour le surplus le jugement dont appel et statuant à nouveau sur les dommages et intérêts qu'elle a sollicité au titre de la rupture de son contrat et du travail dissimulé et condamner la société Outlander à lui payer :
1/ à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif une somme de 45 000 euros,
2/ à titre d'indemnité pour travail dissimulé une somme de 45 000 euros,
- ordonner la délivrance sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir :
* des bulletins de paie du 30 septembre 2009 au 14 janvier 2011, fin du préavis portant la mention du travail qu'elle a exercé, savoir directrice artistique,
* d'un certificat de travail pour la période du 30 septembre 2009 au 14 janvier 2011 portant la mention du travail qu'elle a exercé dans l'entreprise, savoir directrice artistique,
- condamner la société Outlander à lui verser une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2018.
MOTIFS :
Vu les conclusions des parties,
Considérant à titre liminaire, il convient de constater que la production des pièces invoquées par Mme [T] à l'appui de ses prétentions ne fait plus l'objet d'une contestation de la part de la société Outlander ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme [T] à la contestation de l'existence d'un contrat de travail :
Considérant que pour contester la recevabilité de cette contestation, Mme [T] se prévaut de l'arrêt rendu par la cour le 1er juillet 2014, devenu définitif après le rejet du pourvoi devant la Cour de cassation ;
Considérant cependant que cette décision se borne à retenir la compétence du conseil de prud'hommes de Nanterre pour statuer sur le litige opposant Mme [T] à la société Outlander au sujet de l'existence d'un contrat de travail ;
Considérant que la chose jugée sur la compétence ne fait pas obstacle à la recevabilité de la contestation sur le fond présentée par la société Outlander ;
Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que la décision du 1er juillet 2014 ne les dispensait pas d'examiner la question de fond relative à l'existence du contrat de travail revendiquée par l'une des parties et contestée par l'autre ;
Sur l'existence d'un contrat de travail :
Considérant qu'en l'absence de contrat de travail apparent entre la société Outlander et Mme [T], il appartient à cette dernière de rapporter la preuve de son existence ;
Considérant que l'existence d'un contrat de travail ne dépend pas de la qualification donnée par les parties à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité de la personne se prévalant d'une relation salariée ; qu'une telle relation de travail suppose l'accomplissement de prestations professionnelles, la fixation d'une rémunération et la présence d'un lien de subordination ; que celui-ci se caractérise par l'exercice d'une activité sous l'autorité d'une personne ayant le pouvoir de donner des ordres, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements ;
Considérant qu'en l'espèce, Mme [T] soutient que, sous couvert d'un contrat souscrit le 10 octobre 2009 avec la société CB Conseil pour échapper au paiement des charges sociales et aux contraintes de la législation du travail, la société Outlander l'a en réalité engagée pour accomplir un travail salarié de directrice artistique à temps partiel pour une durée de 2 ans ;
Considérant que les parties reconnaissent qu'à cette date, la société CB Conseil n'était pas encore immatriculée et n'avait donc aucune existence juridique ;
Considérant que pour établir que sa contribution à la création des nouvelles collections commandées par la société Outlander n'a pas été effectuée de manière indépendante mais, au contraire, sous l'autorité de cette société, Mme [T] indique qu'elle avait l'obligation de se rendre aux rendez-vous clientèle ou fournisseurs de la marque, qu'elle se présentait et était traitée comme la directrice artistique d'Outlander ;
Considérant que pour en justifier, elle produit la carte de visite qui lui a été remise sur laquelle figure son nom et sa qualité de directrice artistique ; qu'elle disposait aussi d'une adresse mail au nom d'Outlander.tm.fr et ses coordonnées professionnelles étaient celles du lieu où était établi le siège social de la société à [Localité 5] ;
Considérant ensuite qu'elle verse aux débats de nombreux mails attestant de l'étendue de son activité professionnelle pour le compte de la société Outlander et du fait que cette activité était dirigée par la société ;
Considérant qu'ainsi, le mail du 29 décembre 2009 lui fixe le planning des réunions professionnelles internes à l'entreprise auxquelles elle doit assister en même temps que les autres salariés ; qu'il s'agit de réunions opérationnelles se tenant deux jeudis par mois et il lui est demandé de retenir ces dates sur son agenda ;
Considérant qu'il ressort également des échanges de mails que le rôle de Mme [T] ne se limitait pas au conseil de création mais qu'il lui était également demandé de surveiller les opérations de fabrication, les livraisons et de mettre en place les collections dans la grande distribution, comme ce fut le cas pour l'opération 'Mamas & Papas' aux Galeries Lafayette évoquée dans plusieurs mails du mois de novembre 2009 ;
Considérant qu'à la lecture de ces mails, il apparaît également qu'elle était amenée à donner son avis sur les recrutements effectués par la société, à apprécier la qualité des stagiaires de l'entreprise et à valider le prix de certaines fournitures ;
Considérant qu'ainsi, elle a participé de l'intérieur à la vie de l'entreprise et son rôle n'a donc pas été celui d'un prestataire externe comme le soutient aujourd'hui la société Outlander ;
Considérant ensuite que les nombreux échanges avec les autres salariés de l'entreprise montrent également qu'elle n'agissait pas de manière indépendante mais devait, au contraire, informer régulièrement les dirigeants de la société de l'avancement de chacune des opérations qui lui étaient confiées et leur rendre compte en permanence ;
Considérant enfin que sa participation au sein de l'entreprise était strictement encadrée et contrôlée puisqu'il lui était demandé d'effectuer deux jours de travail par semaine et que la société Outlander a refusé de lui payer ce qu'elle réclamait au motif qu'elle n'avait pas accompli le nombre de jours auxquels elle était tenue, les bureaux étant fermés le 11 novembre 2009 et le 15 juillet 2010 ;
Considérant qu'ainsi, Mme [T] n'était pas libre d'organiser son temps comme elle le souhaitait mais devait venir au bureau où son activité était contrôlée et pouvait être sanctionnée ;
Considérant que, comme le fait également observer l'intimée, dans la lettre du 13 octobre 2010, la société Outlander reconnaît que sa rémunération lui est versée mensuellement en fonction du travail effectivement réalisé au sein de la société et ne constitue pas une rémunération à la vacation ; qu'elle était donc traitée de la même façon que les autres employés de la société ;
Considérant que, dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'en contrepartie d'une rémunération mensuelle, Mme [T] avait exercé son activité professionnelle sous l'autorité de la société Outlander qui en contrôlait l'exécution ;
Que leur jugement sera confirmé en ce qu'il reconnaît l'existence d'un contrat de travail ;
Sur la qualification du contrat de travail :
Considérant que Mme [T] demande que son contrat de travail soit qualifié de contrat à durée indéterminée à temps plein sur le fondement des articles L. 1245-1 et L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction alors applicable ;
Considérant qu'à défaut de convention conclue conformément aux dispositions légales relatives aux contrats à durée déterminée, le contrat de travail de Mme [T] est réputé à durée indéterminée ;
Considérant qu'en revanche, si le contrat à temps partiel doit nécessairement faire l'objet d'un contrat écrit mentionnant obligatoirement la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois sous peine d'être présumé avoir été conclu à temps complet, cette présomption peut être détruite lorsque l'employeur rapporte la preuve contraire ;
Considérant qu'en l'espèce, la société Outlander établit que la durée de travail était égale à deux jours par semaine et qu'en dehors des jours convenus avec Mme [T], en fonction de ses disponibilités, elle n'avait pas à se tenir en permanence à sa disposition et pouvait avoir d'autres occupations ;
Considérant qu'il résulte en effet de la facture établie par Mme [T] en septembre 2010 que celle-ci n'a travaillé que 80 jours pendant les 10 mois de sa relation avec la société Outlander ;
Considérant que l'appelante produit également le tableau récapitulatif dressé par la salariée sur lequel figure à côté de chaque mois la date exacte des jours travaillés ; que l'intéressée a donc fait elle-même le décompte précis de son activité professionnelle qui n'a pas excédé les deux jours par semaine initialement prévus ;
Considérant ensuite qu'il ne ressort pas des nombreux mails échangés entre la société Outlander et Mme [T] que celle-ci était dans l'impossibilité de prévoir à l'avance le rythme de son travail et se tenait en permanence à la disposition de son employeur ;
Considérant qu'au contraire, son mail du 2 septembre 2010 qui fait référence aux deux jours de travail par semaine convenus avec l'entreprise, laisse clairement entendre que son rythme de travail était défini d'un commun accord avec l'entreprise et qu'en dehors de ces journées de travail, elle était entièrement libre de son emploi du temps ; que cela est confirmé par les nombreux extraits de correspondance montrant que les parties s'entendaient à l'avance sur la date des journées de travail ;
Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont retenu qu'il était dû à la salarié une rémunération calculée sur la base d'un temps complet alors que l'employeur apportait la preuve de ce que la durée de travail ne dépassait pas les 80 jours convenus à l'avance d'un commun accord et qu'en dehors de ces journées, elle n'avait pas à se tenir à sa disposition et pouvait vaquer librement à d'autres occupations ;
Que le jugement sera donc infirmé de ce chef ;
Sur le rappel de salaire dû à Mme [T] pour la période du 30 septembre 2009 au 14 octobre 2010 :
Considérant que pour évaluer à 7 500 € le montant de son salaire mensuel, Mme [T] se réfère à la somme convenue dans l'accord du 10 octobre 2009 ;
Considérant toutefois que cette convention était censée rétribuer des prestations de service et ne prévoyait qu'une contrepartie financière de 3 000 € pour deux jours de présence par semaine ;
Considérant qu'au surplus, comme le fait remarquer la société Outlander, le raisonnement de la salariée est tiré d'une extrapolation d'un document entaché de nullité pour avoir été conclu avec une société non immatriculée n'ayant pas de personnalité juridique ;
Considérant que le salaire de Mme [T] ne sera pas pour autant reconstitué par référence au salaire défini par la convention collective applicable, comme le demande la société Outlander dès lors qu'indépendamment de la convention du 10 octobre 2009, les parties se sont toujours entendues, pendant la relation contractuelle, pour fixer à 3 000 € par mois la rétribution de l'intéressée au titre de sa collaboration à la création des collections ; que cela ressort notamment des correspondances entre Mme [T] et la société Outlander en septembre 2010 :
Considérant que dans ces conditions, le jugement sera infirmé en ce qu'il condamne la société Outlander à payer à Mme [T] un rappel de salaire de 93 750 € alors qu'il lui était dû sur la base d'un temps partiel la somme de 37 500 € de salaire augmentée de 3 750 € au titre des congés payés y afférents ;
Sur la commission sur le chiffre d'affaires :
Considérant que Mme [T] se prévaut également de l'accord du 10 octobre 2009 pour réclamer à la société Outlander le paiement de sa rémunération variable calculée en pourcentage du chiffre d'affaires ;
Considérant cependant qu'à l'appui de cette prétention, elle ne fournit aucun élément chiffré expliquant son mode de calcul et la société Outlander fait là encore observer que la demande de Mme [T] se fonde sur une convention entachée de nullité absolue ;
Considérant qu'elle reconnaît toutefois l'application volontaire de la clause prévoyant cette rémunération variable puisqu'en novembre 2011, elle a établi à l'attention de son adversaire un tableau comprenant les éléments justificatifs du chiffre d'affaires réalisés aux termes duquel la commission s'élève à la somme de 584,76 € ;
Considérant qu'il convient de réformer le jugement sur ce point et de condamner la société Outlander à payer la somme de 584,76 € au lieu de 15 000 € au titre du rappel de commission et celle de 58,47 € au lieu de 1 500 € au titre des congés payés y afférents ;
Sur l'imputabilité de la rupture :
Considérant qu'en cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et d'une démission dans le cas contraire ;
Considérant qu'en l'espèce, les manquements invoqués par Mme [T] sont suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail puisqu'il s'agit de l'absence de paiement de sa rémunération ;
Considérant que la société Outlander indique que l'intéressée s'est volontairement abstenue de réclamer sa rémunération avant le mois de septembre 2010 mais lorsqu'elle l'a fait le 6, son employeur ne s'est pas acquitté en temps utile de son obligation ;
Considérant qu'en effet, les deux chèques d'un montant de 11 960 €, dont fait état l'employeur pour justifier du paiement, datent du 25 octobre 2010 pour l'un et du 13 décembre 2010 pour l'autre soit à une époque postérieure à la prise d'acte ;
Considérant qu'enfin, contrairement à ce prétend l'employeur, cette situation n'est pas ancienne mais au contraire contemporaine de la prise d'acte qui fait immédiatement suite au différend des parties sur la rémunération ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il décide que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Considérant qu'en application de l'article L 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté a droit à une indemnité réparant le préjudice en résultant;
Considérant qu'en l'espèce, compte tenu de l'âge de la salariée au moment de la rupture du contrat de travail, de sa situation après le licenciement et du montant de sa rémunération à temps partiel, l'indemnisation due préjudice résultant de la perte de son emploi sera fixée à la somme de 10 000 € ;
Que le jugement sera donc réformé en ce qu'il lui accorde une indemnité plus élevée ;
Considérant que, de même, en fonction d'un salaire mensuel de référence égal à 3 000 € les indemnités de rupture seront réduites aux sommes suivantes :
- 9000 € pour l'indemnité compensatrice de préavis due à Mme [T] dont les fonctions de directrice artistique justifient l'application du statut de l'encadrement et 900 € au titre des congés payés y afférents,
- 600 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
Sur l'indemnisation du travail dissimulé :
Considérant que Mme [T] demande le paiement de l'indemnité forfaitaire équivalente à six mois de salaire au motif que la société Outlander aurait sciemment dissimulé son emploi ;
Considérant cependant qu'il n'est pas justifié que cette société ait voulu dissimuler l'emploi de la salariée en la contraignant à former une société et en lui faisant signer l'accord du 10 octobre 2009 ;
Considérant que le caractère intentionnel de la dissimulation ne se déduit pas du seul fait qu'une relation contractuelle soit requalifiée en contrat de travail ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme [T], il n'est pas établi que la société Outander ait eu connaissance du fait que la société CB Conseil n'était pas immatriculée au moment où la convention du 10 octobre 2009 a été conclue et les risques juridiques résultant d'un tel engagement laissent supposer le contraire ;
Considérant qu'il n'est donc pas rapporté la preuve que cette société se soit intentionnellement soustraite à ses obligations en matière de déclarations sociales ;
Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute la salariée de sa demande en paiement de l'indemnité de travail dissimulé ;
Sur les autres demandes :
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il se prononce comme il l'a fait sur la production des intérêts et leur capitalisation sauf à rappeler que les intérêts courent sur les créances salariales à compter de la date de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter de la date de la décision qui les alloue ;
Considérant que l'employeur devra remettre à la salariée de nouveaux documents de fin de contrat et des bulletins de paie rectifiés conformément à la présente décision sans qu'il y ait lieu d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte et le jugement sera infirmé sur ce point ;
Considérant que les sommes auxquelles les parties sont réciproquement tenues feront l'objet d'une compensation conformément aux dispositions en fixant les règles ;
Considérant qu'enfin, au regard de la situation respective des parties, il convient de condamner la société Outlander qui succombe en la majeure partie de ses prétentions à payer à Mme [T] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;
- Constate que la production des pièces invoquées par Mme [E] [T] à l'appui de ses prétentions ne fait plus l'objet de contestation ;
- Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ;
- Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il retient l'existence d'un travail à temps plein, évalue en conséquence les créances salariales et indemnitaires de Mme [E] [T] sur la base d'un temps complet et se prononce comme il le fait sur le rappel de commissions et sur l'astreinte ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
- Dit que le contrat de travail de Mme [E] [T] était à temps partiel ;
- En conséquence, limite le montant des condamnations dont la société Outlander est redevable envers Mme [E] [T] aux sommes suivantes :
- 37 500 € à titre de rappel de salaire pour la période du 30 septembre 2009 au 14 octobre 2010 et 3 750 € correspondant aux congés payés y afférents,
- 9 000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 900 € correspondant aux congés payés y afférents,
- 600 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- Porte le montant des condamnations dont la société Outlander est redevable envers Mme [E]
[T] au titre de sa rémunération variable à la somme de 584,76 € et à celle de 58,47 € correspondant aux congés payés afférents ;
- Porte à 10 000 € le montant de la condamnation de la société Outlander au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Rappelle que les intérêts légaux courent sur les créances salariales à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter de la décision qui les accorde, les intérêts échus pour une année entière à compter de la demande de capitalisation produisant eux-mêmes intérêts ;
- Dit que la société Outlander devra remettre à la salariée les nouveaux documents de fin de contrat et les bulletins de paie rectifiés conformément à la présente décision ;
- Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
- Dit que les sommes réciproquement dues par les parties feront l'objet d'une compensation conformément aux règles applicables en la matière ;
- Condamne la société Outlander à payer à Mme [E] [T] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa propre demande à ce titre ;
- La condamne aux dépens ;
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,