COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
VM
Code nac : 30B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 MARS 2019
N° RG 18/00058 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SCA4
AFFAIRE :
EURL C. AGGOUNE exploitant sous l'enseigne HELIO'S PUB
C/
Société civile [Adresse 1]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Octobre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de Versailles
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 15/04927
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Valérie DU CHASSIN,
Me Fanny LE BUZULIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF MARS DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
EURL C. AGGOUNE exploitant sous l'enseigne HELIO'S PUB
N° SIRET : 447 51 3 4 900
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Valérie DU CHASSIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 022
Représentant : Me Gilbert SAUVAGE de l'ASSOCIATION CHEDOT SAUVAGE SAUVAGE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R089 -
APPELANTE
****************
Société civile [Adresse 1]
N° SIRET : [Adresse 1]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Fanny LE BUZULIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 588 - N° du dossier 15018
Représentant : Me Julien MALLET de l'AARPI MVA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0905 - par Me Mathilde ANDRÉ
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Janvier 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte du 15 novembre 2005, la SCI [Adresse 4] a donné à bail commercial à la société C. Aggoune (ci-après société Aggoune), exploitant sous l'enseigne Helio's Pub, des locaux à usage de café, bar, brasserie, restaurant, traiteur, pizzeria, situés [Adresse 5], pour une durée de 9 années à compter du 15 novembre 2005, moyennant paiement d'un loyer annuel de 68.602 euros HT et HC.
Par acte du 28 avril 2009, la société Aggoune a fait assigner le bailleur en référé aux fins de désignation d'un expert du fait d'importants désordres affectant la façade de l'immeuble entraînant des risques d'infiltration. Par ordonnance du 11 juin 2009, le président du tribunal de grande instance de Versailles a désigné un expert qui a déposé son rapport le 6 septembre 2011, concluant à la nécessité de reprise de la totalité du ravalement.
Par acte du 12 mai 2014, la société [Adresse 4] a fait délivrer à la locataire une sommation visant des motifs considérés comme "graves et légitimes", la mettant en demeure de mettre fin à certaines infractions (absence d'entretien, défaut d'assurance...).
Par acte du 13 mai 2014, la société [Adresse 4] a fait délivrer à la locataire un congé avec refus de renouvellement, et sans offre d'indemnité d'éviction, à effet du 14 novembre 2014.
Par acte du 9 juin 2015, la société [Adresse 4] a fait assigner la locataire devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de validation du congé et expulsion.
Par jugement du 26 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Versailles a :
- constaté la régularité du congé et l'expiration du bail au 14 novembre 2014,
- dit que la société [Adresse 4] ne justifie pas d'un motif grave et légitime de non-renouvellement, et qu'elle est tenue de verser une indemnité d'éviction à la société Aggoune,
- dit que la société Aggoune est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 15 novembre 2014,
- rejeté les demandes reconventionnelles de la société Aggoune,
- avant dire droit pour le surplus : ordonné une expertise confiée à M. [V] afin, pour l'essentiel, de donner un avis sur les indemnités d'éviction et d'occupation,
- réservé les dépens.
Par acte du 15 novembre 2017, le bailleur a notifié au locataire qu'il renonçait au refus de renouvellement, et consentait expressément et à titre irrévocable au renouvellement du bail moyennant un prix annuel de 90.000 euros par an hors taxes et hors charges.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l'appel partiel interjeté le 4 janvier 2018 par la société Aggoune en ce que le jugement attaqué l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles en paiement d'une indemnité au titre du trouble de jouissance du fait du refus de réfection de la façade, et en paiement d'une indemnité pour procédure abusive.
Vu les dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2018 par lesquelles la société Aggoune demande pour l'essentiel à la cour de :
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle à rejeté la demande formée par la société Aggoune sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
- dire que la société [Adresse 4] a agi et exécuté de mauvaise foi la convention de bail,
- Dire qu'en percevant l'indemnité d'assurance la société [Adresse 4] a renoncé à se prévaloir des clauses du contrat relatives à l'entretien ;
- Condamner en conséquence la société [Adresse 4] au paiement d'une indemnité mensuelle de 1.000 euros en réparation du trouble de jouissance subi à compter du mois de juin 2009 correspondant à la date de nomination d'un expert judiciaire jusqu'à la réfection des façades ;
- Condamner la société [Adresse 4] à procéder à la réfection totale des façades ;
- Dire qu'à défaut de réaliser de tels travaux dans les quatre mois de la décision à intervenir la société [Adresse 4] sera redevable d'une indemnité journalière de 100 euros ;
- Condamner la société [Adresse 4] au paiement de la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société [Adresse 4] en tous les dépens.
Vu les dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2018 au terme desquelles la société [Adresse 4] demande à la cour de :
- déclarer irrecevables, comme nouvelles, les demandes formulées par la société Aggoune ;
- déclarer prescrites les demandes formulées par la société Aggoune;
- confirmer le jugement rendu le 26 octobre 2017 en toutes ses dispositions ;
- débouter la société Aggoune de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Y ajoutant,
- condamner la société Aggoune au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Aggoune aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 novembre 2018.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement dont appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action exercée par la société Aggoune
Il résulte de l'article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il résulte de l'article 2239 du code civil que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.
Il résulte de l'article 2241 du même code que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.
En l'espèce, le bailleur a soulevé - dans ses dernières conclusions devant la cour - la prescription de l'action en responsabilité contractuelle exercée par la société Aggoune à son encontre (en raison du manquement à son obligation d'entretien des façades) au motif que cette dernière connaissait, depuis 2005, l'existence des désordres. Le bailleur admet que l'assignation en référé d'avril 2009 a suspendu le cours de la prescription, mais soutient que celle-ci a redémarré, pour une durée d'un an environ, en septembre 2011 lors du dépôt du rapport d'expertise, le délai de prescription de 5 ans étant écoulé au moment où la société Aggoune a exercé son action en avril 2016.
La société Aggoune n'a pas répondu sur ce moyen tiré de la prescription de son action.
L'action exercée par la société Aggoune à l'encontre du bailleur a pour objet la réparation des désordres affectant la façade, du fait du manquement de ce dernier à son obligation d'entretien. Pour établir l'existence des désordres, la société Aggoune se fonde sur le rapport d'expertise déposé en septembre 2011.
La connaissance, par la société Aggoune, des désordres en façade, constitue le point de départ de la prescription de son action. Même si ce point de départ n'est pas clairement défini, il est nécessairement antérieur à la procédure en référé introduite en avril 2009 aux fins de nomination de l'expert. L'assignation en référé du 28 avril 2009 a donc interrompu la prescription, celle-ci ayant également été suspendue du fait de l'ordonnance du 11 juin 2009 désignant l'expert. Selon ce qui est le plus favorable pour la société Aggoune, à savoir le régime de l'interruption, un nouveau délai de prescription de 5 ans a commencé à courir le 11 juin 2009, ce délai expirant ainsi au 10 juin 2014.
La présente action n'ayant été introduite, par le bailleur, qu'en juin 2015, et la société Aggoune n'ayant formulé ses demandes reconventionnelles en responsabilité contractuelle du bailleur qu'en mars 2016, son action visant tant à la réalisation de travaux qu'au paiement d'une indemnité pour trouble de jouissance est prescrite.
Dès lors que l'action est prescrite, il n'y a pas lieu de statuer sur le fond de sorte que le jugement ayant débouté la société Aggoune de son action en responsabilité doit ainsi être réformé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le premier juge a réservé les dépens de première instance dans l'attente de l'expertise à intervenir sur la fixation de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation, et les parties ne forment aucune demande sur ce point.
S'agissant des dépens de la présente instance, il convient de les mettre à la charge de la société Aggoune qui succombe.
Il est équitable d'allouer à la SCI [Adresse 4] une indemnité de procédure de 1.500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme, en ses dispositions frappées d'appel, le jugement du 26 octobre 2017,
Et statuant à nouveau,
Constate la prescription de l'action en responsabilité exercée, à titre reconventionnel, par la société C. Aggoune à l'encontre de la société [Adresse 4],
Condamne la société C. Aggoune à payer à la SCI [Adresse 4] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société C. Aggoune aux dépens d'appel.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,