La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2019 | FRANCE | N°18/03730

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 14 mars 2019, 18/03730


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre







ARRÊT N° 096



CONTRADICTOIRE



DU 14 MARS 2019



N° RG 18/03730



N° Portalis : DBV3-V-B7C-STMO







AFFAIRE :



[M] [V]



C/



SAS FINEST BAKERY INGREDIENTS









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 03 Août 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

Section : Référé

N° RG : R 18/00033







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 15 Mars 2019 à :

- Me Anne FICHOT

- Me Sandrine AZOU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE QUATORZE MARS DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRÊT N° 096

CONTRADICTOIRE

DU 14 MARS 2019

N° RG 18/03730

N° Portalis : DBV3-V-B7C-STMO

AFFAIRE :

[M] [V]

C/

SAS FINEST BAKERY INGREDIENTS

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 03 Août 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Section : Référé

N° RG : R 18/00033

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 15 Mars 2019 à :

- Me Anne FICHOT

- Me Sandrine AZOU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 07 février 2019, puis prorogé au 21 février 2019 et au 14 mars 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [M] [V]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1] (75012)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Anne FICHOT de la SCP PIGOT SEGOND - ASSOCIES, constituée/plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : G0628

APPELANTE

****************

La SAS FINEST BAKERY INGREDIENTS

N° SIRET : 803 342 633

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sandrine AZOU, constituée/ plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : R045

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Décembre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Rappel des faits constants

La SAS Finest Bakery Ingredients (FBI) distribue des ingrédients et des matières premières pour les pâtisseries et les boulangeries. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective des commerces de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Mme [M] [V], née le [Date naissance 1] 1963, a été engagée par cette société, par contrat à durée indéterminée à compter du 4 mai 2015, en qualité de directrice commerciale. Son salaire mensuel de base au moment de son embauche s'élevait à 14 200 euros brut outre un variable potentiel brut annuel maximal de 60 000 euros.

Elle a été recrutée par M. [N], lequel a été remplacé dans ses fonctions de président de la SAS FBI par M. [Q] le 13 octobre 2017.

Après un entretien préalable qui s'est tenu le 21 mars 2018 avec mise à pied conservatoire, Mme [V] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave, par lettre datée du 29 mars 2018, motif pris d'une grave déloyauté, en ce qu'elle se serait prévalue d'un parachute doré prétendument octroyé par l'ancien président aux termes d'un courrier du 10 mai 2016, qui serait incompatible avec sa demande de parachute sécuritaire formulée quelques mois plus tôt.

Le 19 juin 2018, après une mise en demeure de son conseil restée sans effet du 11 mai 2018, Mme [V] a saisi la formation de référé du conseil des prud'hommes de Poissy pour obtenir le paiement des quatre indemnités conventionnelles liées au « parachute doré » dont elle se prévalait (soit 86 779,50 euros à titre d'indemnité de préavis, 8 677,95 euros au titre des congés payés afférents, 249 332,64 euros à titre d'indemnité spécifique de rupture et 20 000 euros à titre d'indemnité complémentaire de rupture).

La décision contestée

Par ordonnance contradictoire rendue le 3 août 2018, la formation de référé du conseil des prud'hommes de Poissy a dit n'y avoir lieu à référé.

Le conseil des prud'hommes a considéré que Mme [V] fondait l'essentiel de ses demandes sur une lettre signée par l'ancien président de la SAS FBI, qui lui aurait accordé des avantages supralégaux et conventionnels en cas de rupture de son contrat de travail, dont l'actuelle direction contestait l'authenticité et avait déposé plainte. Elle a constaté la complexité des demandes et de leur fondement pour dire n'y avoir lieu à référé.

Mme [V] avait formulé les demandes suivantes :

' ordonner à la SAS FBI d'appliquer les dispositions contractuelles prévues dans sa lettre du 10 mai 2016,

' 86 779,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (6 mois),

' 8 677,95 euros au titre des congés payés afférents,

' 249 332,64 euros à titre d'indemnité de rupture spécifique,

' 20 000 euros à titre d'indemnité complémentaire de rupture,

' 1 850 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS FBI avait conclu in limine litis au sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir et au débouté de l'ensemble des demandes de la salariée et avait sollicité une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

Mme [V] a interjeté appel de l'ordonnance par déclaration n° 18/03730 du 20 août 2018.

1) Réforme de la procédure d'appel en matière sociale

La déclaration d'appel étant postérieure au 1er août 2016, date d'entrée en vigueur de la réforme de la procédure devant la chambre sociale de la cour d'appel (Décret n° 2016-660 du 20 mai 2016), la procédure est avec représentation obligatoire en application de l'article R 1461-2 du code du travail.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2018.

2) Réforme de l'appel en matière civile

La déclaration d'appel étant postérieure au 1er septembre 2017, date d'entrée en vigueur de la réforme de la procédure d'appel (Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile), l'appel défère à la cour la connaissance des seuls chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible (article 562 nouveau du code de procédure civile).

Il résulte de la déclaration d'appel que l'appel porte sur tous les chefs de demandes de l'ordonnance.

Prétentions de Mme [V], appelante

Par conclusions adressées par voie électronique le 15 novembre 2018, Mme [V] demande à la cour d'appel ce qui suit :

- infirmer l'ordonnance et statuer à nouveau,

- ordonner à la SAS FBI d'appliquer les dispositions contractuelles prévues dans sa lettre du 10 mai 2016,

- lui accorder une provision en application de ces dispositions contractuelles pour les montants suivants :

' 86 779,50 euros à titre d'indemnité de préavis,

' 8 677,95 euros au titre des congés payés afférents,

' 249 332,64 euros à titre d'indemnité spécifique de rupture,

' 20 000 euros à titre d'indemnité complémentaire de rupture.

L'appelante sollicite en outre une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de la SAS FBI, intimée

Par conclusions adressées par voie électronique le 28 novembre 2018, la SAS FBI demande à la cour d'appel ce qui suit :

- in limine litis, constater le dépôt d'une plainte à l'encontre de Mme [V] qui, en sollicitant devant le conseil des prud'hommes le paiement d'indemnités indues, résultant d'un courrier antidaté du 10 mai 2016 qui est un faux, s'est rendue coupable des délits d'usage de faux et de tentative d'escroquerie au jugement, en conséquence, surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge pénal à intervenir,

- sur l'incompétence du juge des référés, constater l'existence d'une contestation sérieuse, constater l'absence d'urgence, constater l'absence de trouble manifestement illicite ou de dommages imminents, en conséquence, confirmer l'ordonnance et se déclarer incompétent pour connaître des demandes formulées par Mme [V] et la renvoyer à mieux se pourvoir.

Elle sollicite encore une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Renvoi aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le sursis à statuer

La SAS FBI demande qu'il soit sursis à statuer sur la demande de Mme [V] dans l'attente du résultat de la plainte qu'elle a déposée le 12 juillet 2018. Elle soutient que l'action pénale engagée à l'encontre de Mme [V] aura une incidence directe sur l'issue du litige.

Mme [V] s'oppose à cette demande qu'elle considère comme une man'uvre déloyale de la société pour tenter d'échapper à ses obligations.

L'alinéa 3 de l'article 4 du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour le juge civil de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision à intervenir au pénal.

Le sursis à statuer peut également être prononcé dans le souci d'une bonne administration de la justice en application des dispositions de l'article 378 du code de procédure civile.

Mme [V] sollicite le versement d'un parachute doré en se prévalant d'un courrier signé par l'ancien président de la société. LSAS FBI soutient que ce courrier est un faux et a donc dans un premier temps déposé plainte auprès du procureur de la République de Versailles le 12 juillet 2018 puis a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour usage de faux et tentative d'escroquerie au jugement. Pour autant, une décision de référé n'a autorité de chose jugée qu'au provisoire, de sorte qu'il appartient au juge de rechercher si, au moment où il statue, les conditions du référés sont remplies, d'autres décisions ultérieures, y compris en référé, étant susceptibles de tirer les conséquences de l'issue de la plainte pénale.

Au regard de ces différents enjeux, il n'apparaît pas nécessaire qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du résultat de la procédure pénale engagée par la SAS FBI.

Cette demande sera rejetée.

Sur la demande principale

Mme [V] soutient que la SAS FBI lui a consenti un parachute doré  par lettre du 10 mai 2016, dont les termes sont clairs et qui ne nécessite pas d'interprétation. Elle fait valoir que la plainte pénale dont se prévaut la société est postérieure à la saisine du conseil des prud'hommes, que la preuve de la consignation n'est pas rapportée et, quoi qu'il en soit, qu'elle n'emporte pas contestation sérieuse s'agissant d'une démarche unilatérale de l'employeur. Concernant les démarches entreprises en septembre 2017, elle soutient qu'il s'agissait pour elle de négocier, non pas un parachute doré, mais une clause de garantie d'emploi, dans la mesure où l'entreprise organisait une « purge » à la suite du changement de présidence. Elle soutient encore que le représentant légal de la SAS était investi des pouvoirs les plus étendus et que sa signature engageait la société. Elle soutient enfin que la SAS FBI ne peut remettre utilement en cause l'authenticité de la lettre du 10 mai 2016 sur la base de simples déclarations d'un tiers à l'entreprise.

La SAS FBI, de son côté, fait valoir que la demande de Mme [V] se heurte à plusieurs contestations sérieuses. Elle expose que la lettre attribuant le « parachute doré » est un faux, car elle a été antidatée par l'ancien président de la société. Elle estime que Mme [V] a sollicité un parachute « sécuritaire » en septembre 2017, ce qu'elle n'aurait pas fait si elle savait qu'elle bénéficiait de l'engagement du 10 mai 2016. Elle indique qu'elle a déposé plainte avec constitution de partie civile le 12 juillet 2018 à l'encontre de M. [N], de Mme [V] et de l'ancien DRH, M. [Z], bénéficiaire également d'une telle lettre. Elle soutient que le président n'avait pas le pouvoir de prendre un tel engagement, qui supposait l'autorisation du conseil de surveillance. Elle retient encore que le montant du parachute doré octroyé à Mme [V] est exorbitant par rapport à ce qui est pratiqué habituellement au sein de l'entreprise.

En application des dispositions de l'article R. 1455-7, « dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».

La lettre dont se prévaut Mme [V], datée du 10 mai 2016 et signée par M. [N] en qualité de président de la SAS FBI, est ainsi rédigée :

« Par la présente, en application immédiate et de manière irrévocable, je vous confirme qu'en cas de résiliation de votre contrat de travail qui vous lie avec la Société FINEST BAKERY INGREDIENTS quelle que soit la partie à l'initiative de la rupture, ou lors d'une résiliation ultérieure avec une autre société dont vous serez salariée en application de l'article L. 1224-1 du code du travail notamment ou du transfert de votre contrat pour une autre raison, les relations contractuelles prendront fin à l'expiration d'un préavis payé (versement intégral de votre rémunération brute) et non effectué d'une durée de 6 mois.

À l'échéance de ce préavis, vous percevrez une indemnité complémentaire nette, en sus de toutes indemnités de préavis et de toutes indemnités et sommes dues (notamment liées à votre ancienneté et à vos droits et avantages individuels) en application d'accords collectifs, de convention collective, de réglementation légale, d'usage, de rupture conventionnelle amiable, de transaction, ou autres, notamment liées à des mesures sociales d'un plan d'accompagnement, par exemple dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou d'un plan de départ volontaire en place au jour de la rupture des relations contractuelles.

Cette indemnité complémentaire nette, dénommée usuellement 'golden parachute' versée en complément de vos droits conventionnels, légaux, ou autres, sera équivalente au montant intégral de votre rémunération brute annuelle totale (partie fixe et partie variable) dont vous serez bénéficiaire au jour de la rupture de votre contrat de travail.

Cette indemnité complémentaire nette vous sera versée par virement au plus tard à la remise de votre solde de tout compte et des documents obligatoires liés à la fin de votre contrat de travail.

En complément, la société vous employant lors de la rupture de votre contrat de travail prendra en charge, à votre première demande, et à hauteur de 20 000 euros hors taxes maximum, le programme d'outplacement de votre choix.

Pour ce programme d'outplacement, si vous ne souhaitez pas bénéficier directement de la prise en charge par la société, il pourra vous être directement versé en complément de vos indemnités de départ un montant net de 20 000 euros, à votre première demande. »

Aux termes de cette lettre, la SAS FBI a consenti, au bénéfice de Mme [V], un dispositif d'indemnisation spécifique en cas de rupture du contrat de travail. Un tel « parachute doré » peut en effet être prévu au bénéfice d'un salarié pour diverses raisons, et notamment en raison des avantages que la société tire de son recrutement ou de l'importance des fonctions qui lui sont attribuées. Il ressort des explications données par les parties que la pratique du parachute doré était courante pour les cadres au sein de la SAS FBI.

Pour démontrer que la demande de Mme [V] se heurte à une contestation sérieuse, la SAS FBI oppose d'abord l'existence d'une incohérence pour Mme [V] à avoir tenté de négocier un parachute doré en septembre 2017 alors qu'elle était censée connaître l'existence du parachute doré obtenu par lettre du 10 mai 2016.

Les explications de la salariée sur ce point sont éclairantes et apparaissent particulièrement convaincantes : en effet, Mme [V] indique qu'en septembre 2017, elle a mis en avant sa situation spécifique, l'augmentation de son périmètre de fonctions dans la mesure où elle occupait deux postes en même temps et l'augmentation de son investissement au sein de la société DGF, holding du groupe, pour tenter de négocier, sans succès, avec les investisseurs de DGF et non avec la SAS FBI, une clause de garantie d'emploi.

Cette clause consiste pour l'employeur à prendre l'engagement de garder la salariée pendant un temps déterminé. En principe, un salarié qui souhaite préserver son emploi le plus longtemps possible négocie en effet plutôt les conditions de son maintien en poste plutôt que les conditions de sa rupture.

Compte tenu du contexte, la SAS FBI reconnaissant multiplier les ruptures de contrats de travail dans le dernier trimestre 2017 à la suite du changement de présidence, il apparaissait légitime pour Mme [V], en sa qualité de directrice commerciale cumulant diverses fonctions, de s'assurer de son maintien dans son emploi.

Au regard de ces explications, il n'existe pas d'incohérence entre le bénéficie d'un parachute doré obtenu en mai 2016 et la négociation d'une clause de garantie d'emploi en septembre 2017, à une période où Mme [V] s'investissait pleinement dans ses fonctions.

La SAS FBI oppose ensuite l'absence de pouvoirs de l'ancien président pour signer l'engagement du 10 mai 2016.

L'article L. 227-6 du code du commerce dispose que : « La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social.

Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.

Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers. »

En vertu de ce texte, le représentant légal d'une SAS est investi des pouvoirs les plus étendus et sa signature engage la société.

La SAS FBI, qui soutient que les rémunérations les plus hautes devaient être validées par le conseil de surveillance, démontre certes qu'une telle disposition était prévue dans ses statuts, mais ne démontre pas qu'elle était mise en 'uvre en pratique. Elle ne produit notamment pas l'autorisation qu'aurait donnée le conseil de surveillance à l'embauche de Mme [V], pour la fixation de sa rémunération, pour son augmentation ou pour sa rupture. Quoi qu'il en soit, une telle disposition n'est pas opposable à la salariée qui sollicite le bénéfice d'une mesure qui lui est favorable et qui ne serait pas en mesure de produire la décision du conseil de surveillance. Elle ne peut donc constituer une contestation sérieuse.

La SAS FBI oppose en dernier lieu que les circonstances particulières de cette affaire résultant du changement de présidence intervenu en octobre 2017, autorisent à remettre en cause l'authenticité de l'engagement contesté.

Ce faisant, elle procède par voie d'affirmations sans jamais fournir un commencement de preuve. Le simple fait de déposer une plainte pénale ne garantit pas que les accusations portées sont fondées et la thèse soutenue par la SAS FBI de la machination ourdie par l'ancien président voulant se venger de la société n'est étayée par aucun commencement de preuve.

La SAS FBI fonde principalement son argumentation sur la circonstance que Mme [V] aurait négocié, de façon suspecte, un parachute doré alors qu'elle en avait déjà un. L'ensemble de son raisonnement est cependant basé sur une méprise dès lors que l'on retient que ce n'est pas un parachute doré que Mme [V] tentait de négocier, mais une clause de maintien de l'emploi. Cette clause par laquelle l'employeur s'interdit de licencier la salariée pendant une certaine période, sauf à lui verser des dommages-intérêts, vise à assurer une stabilité d'emploi et diffère donc, dans son objectif et sa cohérence, du parachute doré, qui lui vise à indemniser favorablement les conséquences d'une éventuelle rupture du contrat de travail. Dans un cas, on cherche à garantir le maintien dans l'emploi tandis que dans l'autre cas, on cherche à indemniser les conséquences de la rupture.

Enfin, l'argument selon lequel le montant du parachute doré serait exorbitant, apparaît inopérant dans la mesure où les éléments de comparaison fournis par la société sont insatisfaisants, comme ne concernant que des ruptures transactionnelles et que les circonstances de la négociation ne sont jamais identiques, ce qui explique d'ailleurs que ces engagements soient en principe tenus secrets.

En définitive, il est établi que l'engagement du 10 mai 2016 de verser un parachute doré à Mme [V] résulte d'un écrit qui ne présente pas d'indices de falsification, que celui-ci a été signé par une personne qui avait le pouvoir de le faire à la date considérée, qu'il prévoit un avantage légitime, car habituel au sein de l'entreprise et surtout qu'il n'est pas en contradiction avec la démarche du mois de septembre 2017 tendant à obtenir une clause de garantie de l'emploi.

L'ensemble de ces considérations conduisent à retenir l'absence de contestations sérieuses pouvant faire obstacle à l'application de l'engagement contractuel au profit de Mme [V].

Il y a donc lieu à référé.

Sur les sommes allouées, à titre de provision, à Mme [V] en application du parachute doré

Le parachute doré dont bénéficie Mme [V] prévoit le bénéfice des dispositions suivantes :

1. un préavis non exécuté d'une durée de six mois, quelle que soit la partie à l'initiative de la rupture. Il est dû à ce titre 6 x 14 463,25 = 86 779,50 euros outre les congés payés afférents pour 8 677,95 euros.

2. une indemnité complémentaire nette équivalente au montant intégral de la rémunération brute annuelle totale (partie fixe et partie variable) au jour de la rupture du contrat de travail. En vertu de l'attestation Pôle emploi remplie par l'employeur, Mme [V] a bénéficié d'une rémunération de 249 332,64 euros sur les douze mois précédant la rupture. Par conséquent, il est dû à la salariée à ce titre, la somme de 249 332,64 euros.

3. La prise en charge d'un outplacement, qui peut être remplacée à la première et simple demande de la salariée, par une somme complémentaire de 20 000 euros.

La SAS FBI sera condamnée à verser à Mme [V], à titre provisionnel, les sommes ainsi déterminées.

L'ordonnance sera infirmée en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La SAS FBI, qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à Mme [V], une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME l'ordonnance rendue par le conseil des prud'hommes de Poissy le 3 août 2018 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS FBI à payer à Mme [V], à titre provisionnel, les sommes suivantes :

' 86 779,50 euros à titre d'indemnité de préavis ;

' 8 677,95 euros au titre des congés payés afférents ;

' 249 332,64 euros à titre d'indemnité spécifique de rupture ;

' 20 000 euros à titre d'indemnité complémentaire de rupture ;

Y ajoutant,

CONDAMNE en outre la SAS FBI à payer à Mme [V] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS FBI au paiement des entiers dépens ;

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, légitimement empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,P /Le PRÉSIDENT empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 18/03730
Date de la décision : 14/03/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°18/03730 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-14;18.03730 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award