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21/02/2019 | FRANCE | N°18/00040

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 21 février 2019, 18/00040


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78F



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 FEVRIER 2019



N° RG 18/00040 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SB5V



AFFAIRE :



REPUBLIQUE DU CONGO





C/

Société COMMISSIONS IMPORT EXPORT (COMMISIMPEX)

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Octobre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre :

N° Sec

tion : JEX

N° RG : 17/01714



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :



à :



Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES,



SELARL LEXAVOUE PAR...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78F

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 FEVRIER 2019

N° RG 18/00040 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SB5V

AFFAIRE :

REPUBLIQUE DU CONGO

C/

Société COMMISSIONS IMPORT EXPORT (COMMISIMPEX)

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Octobre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° chambre :

N° Section : JEX

N° RG : 17/01714

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES,

SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES -

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

REPUBLIQUE DU CONGO prise en la personne de son Ministre de la Justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones, domicilié en cette qualité audit siège

Ministère de la Justice

[Adresse 3]

REPUBLIQUE DU CONGO

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42274

Représentant : Me Kevin GROSSMANN de la SELEURL KEVIN GOSSMANN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2019 -

APPELANTE

****************

Société COMMISSIONS IMPORT EXPORT (COMMISIMPEX) société de droit étranger prise en la personne de son représentant légal en exercice M. [E] [D], domicilié audit siège en cette qualité

N° SIRET : 07B 413

[Adresse 4]

[Adresse 4] (LIBAN)

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 18125

Représentant : Me Jacques-alexandre GENET de la SELAS ARCHIPEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0122 -

SA SAIPEM S.A agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 302 588 462

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1858933 -

Représentant : Me Véronique MAJERHOLC-OIKNINE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0303

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Janvier 2019, Madame Patricia GRASSO, présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Patricia GRASSO, Président,

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO

FAITS ET PROCEDURE,

Le 14 octobre 1992, la société de droit congolais Commisimpex a conclu avec la République du Congo un protocole en vue du paiement de créances au moyen de billets à ordre souscrits par la Caisse Congolaise d'amortissement. Faute de règlement, la société Commisimpex a saisi la Chambre de commerce internationale d'une procédure d'arbitrage en application d'une clause compromissoire, contenue dans ledit protocole.

Par sentence en date du 3 décembre 2000, la Chambre de commerce internationale a, notamment:

-condamné solidairement la République du Congo et la Caisse Congolaise d'amortissement à payer à la société Commisimpex, outre les intérêts :

les sommes de :10.961.617,68 FRF

10.218.124,62 GBP

17.138.383,5 USD

1.157.150.437 XAF (FCFA),

les sommes de :15.896.744 FRF

8.685.583 GBP

14.046.451 USD.116.978 XAF (FCFA)

-ordonné le paiement par les défenderesses à la société Commisimpex des sommes de 393.333 USD et 150.000 FRF au titre des frais d'arbitrage.

Par arrêt du 23 mai 2002, signifié le 4 juillet 2002, la cour d'appel de Paris a rejeté le recours en annulation de cette sentence introduit par la République du Congo et la Caisse Congolaise d'amortissement, conférant ainsi l'exequatur à la sentence arbitrale du 3 décembre 2000.

Pour des créances distinctes, la société Commisimpex a saisi à nouveau la Chambre de commerce internationale d'une procédure d'arbitrage et par sentence en date du 21 janvier 2013, le tribunal arbitral a, notamment, condamné la République du Congo à payer à la société Commisimpex, la somme de 222.749.598, 82 euros en principal, outre les intérêts.

Par ordonnance du 13 février 2013, le président du tribunal de grande instance de Paris a rendu cette sentence exécutoire.

Le 7 mars 2013, la sentence arbitrale revêtue de l'exequatur a été signifiée à la République du Congo.

Par arrêt du 14 octobre 2014, la cour d'appel de Paris a rejeté le recours en annulation de cette sentence introduit par la République du Congo, et par arrêt du 25 mai 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la République du Congo à l'encontre de cette décision.

Le 9 décembre 2016, la société Commisimpex, agissant en vertu de la sentence arbitrale du 3 décembre 2000 et de celle rendue le 21 janvier 2013, a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la société Saipem sise [Adresse 1], des sommes dont elle est personnellement débitrice envers la République du Congo.

Le 16 décembre 2016, ladite saisie a été dénoncée à la République du Congo.

Par courrier du 16 décembre 2016, la société Saipem a répondu à l'huissier de justice saisissant

-qu'elle formulait toutes réserves sur la validité de la saisie, compte tenu notamment du caractère insaisissable des sommes qui en sont l'objet,

-qu'à toutes fins, elle était à ce jour débitrice envers la République du Congo des sommes à caractère purement fiscal et social suivantes :

4.544.53 euros dus à la République du Congo au titre de la Taxe unique spéciale,

4.413,16 euros dus à la Caisse nationale de sécurité sociale congolaise,

2.142.133,66 euros dus au titre de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières,

19.778,30 euros dus au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques,

38.112,25 euros dus au titre d'une autorisation temporaire d'exploiter, dérogatoire.

Par actes du 8 mars 2017, la république du Congo a fait citer la société Commisimpex et la société Saipem devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles, aux fins d'obtenir, à titre principal, l'annulation de la saisie-attribution pratiquée le 9 décembre 2016 et la mainlevée de ladite mesure d'exécution.

Par jugement rendu le 17 octobre 2017, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Versailles a :

-dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,

-rejeté la demande de nullité tirée de l'adage "saisie sur saisie ne vaut",

-rejeté la fin de non-recevoir fondée sur l'estoppel,

-débouté la République du Congo de toutes ses demandes,

-dit que la saisie-attribution pratiquée le 9 décembre 2016 entre les mains de la société Saipem sise [Adresse 1], produira tous ses effets,

-condamné la République du Congo à payer à la société Commisimpex la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejeté le surplus des demandes,

-condamné la République du Congo aux dépens, comprenant ceux de la saisie du 6 décembre 2016 entre les mains de la société Saipem sise [Adresse 1],

-rappelé que la présente décision bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire,

-ordonné la notification du présent jugement aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception et par lettre simple, ainsi qu'à l'huissier de justice par lettre simple.

Le 3 janvier 2018, la République du Congo a interjeté appel de la décision.

Le 16 novembre 2018, le Premier Président de la Cour d'appel de Versailles a refusé d'ordonner le sursis à exécution de la décision.

Dans ses conclusions transmises le 19 novembre 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses / leurs prétentions et moyens, la République du Congo, appelante, demande à la cour de :

À titre principal,

-infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution de Versailles en date du 17 octobre 2017 en ce qu'il a validé la saisie-attribution pratiquée le 9 décembre 2016, par Commisimpex, entre les mains de la société Saipem et a condamné la République du Congo aux dépens ;

-juger nulle la saise-attribution pratiquée le 9 décembre 2016 à la demande de Commisimpex entre les mains de la société Saipem ;

À titre subsidiaire,

-juger irrecevables les prétentions de Commisimpex en application des principes de loyauté procédurale et de l'estoppel ;

-condamner Commisimpex au paiement de la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

-débouter Commisimpex de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Au soutien de ses demandes, la République du Congo fait valoir :

-que les prétentions de Commisimpex sont irrecevables selon le principe de l'estoppel dans la mesure où elle a par le passé reconnu le caractère insaisissable des créances fiscales dont il s'agit et eu égard à son comportement procédural ;

-que la saisie se heurte au principe cardinal de territorialité du recouvrement de l'impôt et est subsidiairement contraire aux règles du droit public international qui interdit notamment la double imposition ;

qu'à titre infiniment subsidiaire, elle bénéficie d'une immunité d'exécution qui a été violée .

Dans ses conclusions transmises le 31 mai 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Saipem, intimée, demande à la cour de :

-donner acte à la société Saipem qu'en l'état de la procédure à la date des présentes conclusions, cette dernière s'en rapporte à la justice sur le bien-fondé de l'appel interjeté par la République du Congo ;

-condamner tout succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions récapitulatives transmises le 29 novembre 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Commisimpex, intimée, demande à la cour de :

-confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles, le 17 octobre 2017 ;

-débouter la République du Congo et la société Saipem de l'ensemble de leurs demandes ;

-condamner la République du Congo aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Debray, avocat au barreau de Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

-condamner la République du Congo au paiement d'une somme de 50.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

Au soutien de ses demandes, la société Commisimpex fait valoir :

-qu'aucune fin de non recevoir ne eut être opposée à une mesure d'exécution et qu'en tout état de cause son comportement procédural a été cohérent ;

-que le principe d'unicité du patrimoine permet de localiser les créances au siège social du tiers saisi, quand bien même il s'agirait de créances fiscales ou sociales ;

-qu'est inopérant le moyen fondé sur la Convention fiscale franco-congolaise du 27 novembre 1987 ;

-que la République du Congo a expressément renoncé à son immunité d'exécution.

*****

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 janvier 2019.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 16 janvier 2019 et le délibéré au 21 férvier suivant.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'irrecevabilité, en vertu du principe de l'estoppel,

Selon l'article 122 du code de procédure civile , la fin de non-recevoir est un moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond.

Une mesure d'exécution forcée ne constitue donc pas en soi une action ou une prétention à laquelle on peut opposer une fin de non-recevoir.

En l'absence d'action intentée par la société Commisimpex, la fin de non-recevoir soulevée par la République du Congo dans l'instance en contestation de la saisie-attribution, avant que son adversaire ait soulevé le moindre moyen en défense ou formé la moindre prétention à titre reconventionnel, manque par le fait qui aurait pu lui servir de base.

En tout état de cause, à l'appui de ce chef de demande, la République du Congo soutient, en substance, que la société Commisimpex a, par le passé, adopté un comportement diamétralement contraire à la position soutenue devant le juge de l'exécution parisien, qu'elle a, par trois fois au moins, spontanément donné mainlevée de saisies-attributions en reconnaissant l'insaisissabilité des créances de nature fiscale et sociale, que le maintien de la saisie litigieuse était donc incontestablement de nature à induire en erreur la République du Congo sur ses intentions, de sorte que les prétentions de la saisissante auraient dû être déclarées irrecevables, conformément au principe de l'estoppel, consacré par la jurisprudence, selon lequel «'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui'».

En réplique, la société Commisimpex fait valoir qu'elle n'a jamais adopté de positions juridiquement incompatibles, qu'elle n'a jamais reconnu que des créances fiscales et sociales dues par une société française à un État étranger ne seraient pas localisées en France, ni même qu'un État étranger ne pouvait renoncer à son immunité que de façon expresse « et spéciale », puisqu'elle a systématiquement contesté l'argumentation soutenue par la République du Congo.

Le principe de l'estoppel est relatif aux prétentions successives et contradictoires élevées par une partie au cours d'un même litige, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir fondée sur l'estoppel.

Sur la nullité de la saisie demandée à titre principal

En exécution de deux sentences arbitrales rendues les 3 décembre 2000 et 21 janvier 2013, sous les auspices de la Chambre de commerce internationale, le 9 décembre 2016, Commisimpex a pratiqué, entre les mains de Saipem, une saisie-attribution régulièrement dénoncée à la République du Congo le 16 décembre 2016 55 , par acte remis au parquet du Tribunal de grande instance de Versailles aux fins de signification par voie diplomatique, conformément à l'article 684 alinéa 2 du Code de procédure civile.

Le 16 décembre 2016, Saipem a déclaré être débitrice des mêmes sommes précédemment déclarées par courrier du 29 novembre 2016 concernant la saisie-attribution réalisée le 14 novembre 2016.

Aux termes de l'article L111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.

En l'espèce, il n'est pas discuté que la société Commisimpex dispose d'un titre exécutoire à l'encontre de la République du Congo.

Il résulte de l'article L. 111-1 du même code que la société Commisimpex peut contraindre celle-ci, dont la défaillance n'est pas contestée, à exécuter ses obligations à son égard par des mesures d'exécution forcée à moins que la débitrice ne bénéficie d'une immunité d'exécution.

L'article L. 211-1 prévoit que le créancier peut saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.

sur le principe de territorialité du recouvrement de l'impôt

La République du Congo soutient que le principe de territorialité des voies d'exécution et le principe de territorialité du recouvrement de l'impôt, impliquent que les créances de nature fiscale et sociale soient nécessairement et uniquement localisées sur le territoire de l'État sur lequel s'exerce l'activité donnant lieu à ladite imposition de sorte que de telles créances ne sauraient valablement être appréhendées sur le territoire d'un autre État, que considérer présentes sur le territoire français, donc rendre saisissables en France les créances fiscales d'un État étranger, reviendrait à permettre le recouvrement de l'impôt étranger sur le sol français, ce qui contrevient au principe de territorialité du recouvrement de l'impôt et porte atteinte à la souveraineté de l'État étranger.

D'une part, s'il n'est pas réellement contesté que les créances saisies soient de nature 'scale et sociale et résultent d'une activité exclusivement réalisée par un 'établissement stable' au Congo, dès lors que la succursale de Saipem au Congo ne dispose d'aucun patrimoine et n'est pas dotée de la personnalité morale, que les créances saisies sont localisées au siège social de la société française, tiers saisi, sur l'ensemble des dettes dues par cette personne morale, et que s'impose le principe de l'unicité du patrimoine, la saisie-attribution a donc bien porté effet sur des dettes localisées en France.

Le risque de double-imposition invoqué en l'espèce n'est pas une cause de la nullité de la saisie mais une conséquence éventuelle de celle-ci dont le juge de l'exécution n'a pas à connaître.

D'autre part, le litige ne concerne pas l'exercice, en France, de mesures de contraintes en vue du recouvrement par la République du Congo de créances fiscales et les sommes saisies ne portent pas sur la ressource fiscale ou le produit de l'impôt en eux-mêmes, mais sur une dette fiscale d'un tiers, de sorte que le principe de territorialité du recouvrement de l'impôt n'a pas lieu de s'appliquer à la cause .

Enfin, sont étrangères à la solution du litige les menaces d'atteinte à la pérennité d'une présence industrielle française au Congo.

Sur la violation de l'immunité d'exécution bénéficiant à la République du Congo

Aux termes de l'article L111-1 du code des procédures civiles d'exécution , l'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personne qui bénéficient d'une immunité d'exécution.

La République du Congo a, aux termes d'une lettre d'engagement en date du 3 mars 1993 indiqué: 'Le présent engagement est considéré comme un acte de commerce et est constitué à des fins commerciales. Il s'ensuit que le signataire de la présente renonce définitivement et irrévocablement à invoquer dans le cadre du règlement d 'un litige en relation avec les engagements objet de la présente toute immunité de juridiction ainsi que toute immunité d 'exécution ».
Elle a ainsi renoncé expressément à se prévaloir de son immunité d'exécution à l'égard de la société sur tous les biens susceptibles d'en bénéficier, qu'il soient ou non affectés à l'accomplissement de la mission diplomatique.

Le juge de l'exécution a retenu que le droit international coutumier n'exige pas une renonciation autre qu'expresse à l'immunité d'exécution et que la renonciation était en l'espèce claire et non équivoque.

La République du Congo argue cependant de la violation de l'immunité d'exécution à laquelle il ne pouvait être renoncé en l'espèce que suivant une renonciation expresse et spéciale .

La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 a introduit, dans le code des procédures civiles d'exécution, deux nouvelles dispositions :

-selon l'article L111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution, sont considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'Etat à des fins de service public non commerciales les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique de l'Etat ou de ses postes consulaires.

-aux termes de l'article L111-1-3 du même code, des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution forcée ne peuvent être mises en oeuvre sur les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique des Etats étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales qu'en cas de renonciation expresse et spéciale des Etats concernés.

Ces dispositions législatives qui subordonnent la validité de la renonciation par un Etat étranger à son immunité d'exécution à la double condition que cette renonciation soit expresse et spéciale est inapplicable aux faits de l'espèce, l'entrée en vigueur de la loi étant postérieure à la saisie-attribution litigieuse pratiquée le 9 décembre 2016.

S'il a pu être retenu que devant l'impérieuse nécessité, dans un domaine touchant à la souveraineté des Etats et à la préservation de leurs représentations diplomatiques, de traiter de manière identique des situations similaires et notamment celles antérieures à l'entrée en vigueur de la loi, l'objectif de cohérence et de sécurité juridique impose de ne pas recourir au droit international coutumier pour les mesures d'exécution forcée pouvant être mises en 'uvre sur les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique des États étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales, ce principe ne s'étend pas aux biens régaliens autres que diplomatiques, dont notamment les créances fiscales ou parafiscales des États étrangers sur le sol français et il n'est pas soutenu en l'espèce que les biens saisis seraient utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique ou des postes consulaires de la République du Congo, de ses missions spéciales ou de ses missions auprès des organisations internationales, ni même présumés tels, et peu importe dès lors que les biens saisis soient spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés à des fins non commerciales, qu'il s'agisse de créances fiscales et que la créance cause de la saisie n'ait aucun lien avec l'objet de la saisie.

Seuls les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions des missions diplomatiques bénéficiant d'une protection supplémentaire, il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité et de mainlevée de la saisie-attribution du 14 novembre 2016 et débouté la République du Congo de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les dommages-intérêts :

La République du Congo sollicite la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive.

La solution du litige exclut qu'il soit fait droit à ce chef de demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

La République du Congo qui succombe doit être condamnée aux dépens, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée, à ce même titre, à payer à l'intimée la somme de 15.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne la République du Congo à payer à la société Commisimpex la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la République du Congo aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 18/00040
Date de la décision : 21/02/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 16, arrêt n°18/00040 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-21;18.00040 ?
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