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21/02/2019 | FRANCE | N°17/06100

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 21 février 2019, 17/06100


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 88A


5e Chambre





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 21 FÉVRIER 2019





N° RG 17/06100





N° Portalis DBV3-V-B7B-SBEB





AFFAIRE :





H... B...








C/


CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DES YVELINES





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Novembre 2017 par le Tribunal de

s Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES


N° RG : 16-00824/V








Copies exécutoires délivrées à :





Me Laurent RIQUELME





CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DES YVELINES





Copies certifiées conformes délivrées à :





H... B...

















le :


RÉPUBLIQUE FRANÇAIS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88A

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 FÉVRIER 2019

N° RG 17/06100

N° Portalis DBV3-V-B7B-SBEB

AFFAIRE :

H... B...

C/

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Novembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES

N° RG : 16-00824/V

Copies exécutoires délivrées à :

Me Laurent RIQUELME

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

Copies certifiées conformes délivrées à :

H... B...

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN FÉVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur H... B...

[...]

[...]

[...]

représenté par Me Laurent RIQUELME, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0295 substitué par Me Emilie BOUQUET, avocat au barreau de MONTPELLIER

APPELANT

****************

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

[...]

représentée par Mme L... O... (Inspecteur contentieux) en vertu d'un pouvoir général

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 20 Décembre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice présidente placée,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS

Le 8 septembre 2014, A... B... a été hospitalisée à Montréal au Canada. Elle était arrivée en territoire canadien le 11 juin 2014.

Son fils, M.H... B..., résident permanent au Québec, aurait appelé la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (ci-après, la 'CPAM' ou la 'Caisse') qui lui aurait indiqué qu'il devait remplir une feuille de soins à l'étranger et joindre toutes pièces justificatives afin que sa mère puisse bénéficier du remboursement des frais exposés lors de cette hospitalisation, que sa mère pourrait percevoir 70 % du montant des frais exposés. M. H... B... dit qu'il avait un témoin de cet entretien téléphonique, en la personne de Monsieur J... E....

M. B... indique que, compte tenu des informations communiquées, la décision a été prise de ne pas rapatrier A... B... en France.

L'état de santé de celle-ci s'est malheureusement dégradé (anesthésie d'urgence le 12 septembre, soins intensifs le 18 septembre).

A... B... est décédée le [...] .

Selon M. B..., le montant total des frais de s'élève à la somme de 76356,03dollars canadiens pour les soins et 62674,80 dollars canadiens pour l'hospitalisation, soit une somme totale d'environ 94500euros.

M. B... reproche à la CPAM de ne lui avoir remboursé, en date du 27 juillet 2015, que la somme de 7377,69euros, étant précisé qu'il a perçu une somme de 1844,42euros de la part de la mutuelle dont sa mère était bénéficiaire.

Il avait contesté, par courrier recommandé du 8février 2016, le montant des modalités de prise en charge mises en oeuvre par la Caisse mais celle-ci, suite à étude de son médecin-conseil, avait confirmé la base de remboursement retenue.

Le 23 février 2016, le centre national de soins à l'étranger confirmait à M. B... la base de remboursement de 7377,69 euros initialement retenue.

M. B... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines (ci-après, le 'TASS').

Par jugement en date du 28 novembre 2017, le TASS a :

. dit que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a commis une faute délictuelle procédant d'un manquement à son devoir d'information

. dit que A... B... n'a subi aucune perte de chance du fait de cette faute délictuelle ;

. débouté M. H... A... B... de sa demande d'indemnisation en sa qualité d'héritier de A... B... ;

. dit que M. B... ne justifiait d'aucun préjudice direct, certain, et actuel ;

. débouté M. Monsieur A... B... de sa demande de dommages et intérêts ;

. débouté M. B... de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

M. B... a relevé appel de cette décision.

M. B... demande à la cour de :

Avant dire droit:

. enjoindre la caisse primaire d'assurance-maladie des Yvelines de communiquer le dossier médical de A... B... ;

Sur le fond :

. infirmer le jugement rendu par le Tass le 28 novembre 2017, en ce qu'il a reconnu l'existence d'une faute délictuelle imputable à la caisse d'assurance-maladie des Yvelines ;

. dire et juger que la CPAM a commis une faute délictuelle violence obligation générale d'information

. dire et juger que l'action en réparation du préjudice subi par A... B... dans son patrimoine s'est transmise, à cause de mort, à M. H... A... B... son héritier ;

. dire et juger que la CPAM a commis une faute délictuelle procédant paiement tardif de la somme correspondant au remboursement forfaitaire au titre des dépenses de soins à l'étranger ;

. dire et juger que la CPAM a commis une faute délictuelle en refusant la communication du dossier médical de sa mère ;

. dire et juger que M. A... B... a subi un préjudice distinct du fait de ces fautes délictuelles ;

. condamner la CPAM à verser à M. B... en qualité d'héritier la somme en euros correspondant à 80'000 € de dommages-intérêts en réparation de la perte de chance d'obtenir le remboursement des frais exposés par sa mère ;

. condamner la CPAM à verser à M. B... la somme en euros correspondant à 24'883,90 euros en réparation du préjudice financier subi, outre la somme de 15'000 € en réparation du préjudice moral subi ;

. dire et juger que ces sommes feront courir les intérêts au taux légal à compter de la date de la sommation de payer ;

. condamner la CPAM à verser à Monsieur appelions la somme de 4000 € au titre de l'article700du code de procédure civile.

La caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, formant appel incident, sollicite la cour de :

. infirmer le jugement rendu par le Tass le 28 novembre 2017 en ce qu'il a reconnu la faute délictuelle de la caisse procédant d'un manquement à son devoir d'information

. confirmer le jugement en ce qu'il reconnut que A... B... n'avait subi aucune perte de chance, débouté M. B... de sa demande d'indemnisation en sa qualité d'héritier de A... B..., dit que M. B... ne justifie d'aucun préjudice direct, certain et actuel, débouté M.B... de dommages-intérêts, débouté M. B... de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;

. dire et juger que la caisse n'a commis aucune faute délictuelle ;

. dire et juger que M. B... ne rapporte nullement la preuve d'une quelconque faute délictuelle de la caisse des Yvelines ;

. dire et juger que M. B... ne justifie d'aucun préjudice direct, certain, et actuel ;

. débouté M. B... de son action en réparation du préjudice que A... B... aurait subi, et qui lui a été transmis à cause de mort;

. débouté M. B... de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;

. débouté M. B... de sa demande d'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées, tant pour M. B... que pour la CPAM, ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties,

Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience collégiale du20décembre2018,

MOTIFS

M. B... considère que les organismes sociaux sont débiteurs d'une obligation générale d'information à l'égard des assurés sociaux et engagent leur responsabilité civile délictuelle pour faute lorsqu'ils manquent à cette obligation. Or en l'espèce la caisse avait délivré une information erronée sur les modalités de remboursement des soins dispensés à l'étranger par l'intermédiaire de sa plate-forme téléphonique.

Il souligne qu'il a contacté cette plate-forme immédiatement après l'hospitalisation de sa mère. Il lui avait été répondu que le remboursement était de 70 % des montants réclamés, ainsi que le confirme Monsieur J... E..., qui avait assisté à cet entretien téléphonique à la demande de M. B.... Ce dernier rappelle qu'il ne s'est pas opposé à l'enregistrement de la conversation téléphonique. Compte tenu des éléments de preuve qu'il apporte, c'est à la Caisse qu'il incombe de justifier de son respect de son obligation d'information.

M. B... était parfaitement légitime à considérer que cet enregistrement de la conversation téléphonique le plaçait dans une situation juridique sereine dès lors que cet enregistrement validait l'idée que l'information délivrée constituait un engagement fiable de la Caisse et qu'il n'était pas tenu de procéder par écrit pour se constituer une preuve quant à la nature de l'information transmise.

Par ailleurs M. B... rappelle qu'il a demandé le remboursement des frais exposés au titre de l'hospitalisation de sa mère dans les jours qui ont suivi cet appel téléphonique, courant septembre et octobre 2014.

Le 12 juin 2015, la Caisse avait bien confirmé la réception de sa demande de remboursement et confirmé expressément le remboursement de l'ensemble des frais d'hospitalisation. En l'absence de règlement, M. B... avait saisi la Caisse au mois de juillet 2015 mais il n'avait obtenu qu'un décompte du remboursement sans explication ni règlement effectif.

Il avait relancé la Caisse au mois d'octobre 2015 mais aucune réponse ne lui était apportée. Il avait alors saisi le député des Yvelines, Monsieur I..., lequel avait sollicité la régularisation du dossier auprès du directeur général de la CPAM.

M. B... souligne également que le remboursement tardif mis en 'uvre par la CPAM est sans rapport avec le niveau de prise en charge financière des dépenses engagées annoncé lors de l'entretien téléphonique du 8 septembre 2014. Ce n'est que le 23 février 2016 que la Caisse a, pour la première fois, indiquée que le remboursement des frais exposés lors de soins d'urgence à l'étranger, était mis en 'uvre sur une base forfaitaire, dans la limite des tarifs et selon les conditions de la réglementation française. Il ne pouvait donc lui être reproché ni de ne pas avoir formulé sa demande de renseignements par écrit ni de ne pas avoir formalisé plutôt la discordance entre l'information donnée par téléphone et les modalités de remboursement mises en 'uvre par la caisse.

M. B... relève en outre qu'aux termes des dispositions de l'article R. 332'2 1er alinéa du code de la sécurité sociale, en aucun cas les frais médicaux exposés par sa mère ne pouvaient être pris en charge à hauteur de 70 % des montants réclamés, puisque ce montant de prestations en nature est forfaitaire et intervient en tout état de cause sur la base d'un tarif déterminé par les dispositions réglementaires.

Or la Caisse avait une obligation générale d'information et aurait dû renseigner M. B..., qui ignorait la législation en vigueur en France, du caractère forfaitaire et limité du remboursement des soins prodigués à l'étranger au bénéfice des assurés sociaux. Il souligne que dans son courrier du 12 juin 2015 la caisse écrivait : 'je vous confirme que je vais procéder au remboursement de l'ensemble des frais d'hospitalisation'.

S'agissant de l'indemnisation de la perte de chance qu'il sollicite, M. B... indique qu'il est l'héritier unique de A... B... et qu'il a indiscutablement perdu une chance, s'agissant de la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable. Il lui aurait été aisé d'accompagner sa mère en France pour être présent lors de son hospitalisation sur le territoire français. De plus, l'ensemble des éléments médicaux démontre la compatibilité de l'état de santé de A... B... avec un rapatriement sanitaire en France, ainsi que le montre le rapport établi par un médecin expert qu'il avait consulté. Il demande d'ailleurs à la cour d'enjoindre la caisse de communiquer le dossier médical de A... B... dans le but de participer à la manifestation de la vérité alors que la caisse, de manière parfaitement abusive, refuse toujours cette communication. Toujours est-il que l'expert conclut que A... B... était ''sous surveillance', probablement sous un traitement médical d'attente (administration de traitements antalgiques, éventuellement coagulant et antibiotique) jusqu'à la dégradation brutale de son état le 12/09/2014 au soir justifiant pour la première fois le recours à la chirurgie en urgence', et l'expert ajoute qu' 'il y avait probablement deux à quatre jours de surveillance soit transféré la France aurait pu être discuté', d'autant que, pendant quatre jours, A... B... avait été admise en unités de soin traditionnelle, sans surveillance resserrée ni signe d'alarme. M.B... considère ainsi que 'le rapatriement sanitaire de (sa mère) pouvait (...) être raisonnablement envisagé pendant cinq (5) jours a minima'. Au demeurant, 'même dans des hypothèses de dégradation importante de l'état de santé du patient, voire de placement soins intensifs (ce qui n'était pas le cas de Madame B...), le rapatriement sanitaire demeure toujours possible en raison des techniques médicales actuelles'.

'La question de la prise en charge financière était cruciale, expliquant d'ailleurs (son) appel dès le premier jour d'hospitalisation'. Il avait évoqué la question du rapatriement sanitaire avec 'Europ Assistance' et ce rapatriement pouvait être rapidement mis en oeuvre vu la fréquence des liaisons aériennes, d'autant plus que A... B... était alors 'en pleine possession de ses moyens' et 'pouvait évidemment décider de son rapatriement en France'.

En tout état de cause, il suffit qu'une éventualité favorable disparaisse pour que la perte de chance soit réparable sur le plan indemnitaire. Selon lui, 'la perte de chance est susceptible de justifier une indemnisation dès lors qu'est caractérisée 'la privation d'une probabilité raisonnable''.

S'agissant de l'évaluation de son préjudice, M. B... précise que le montant total au titre des dépenses de santé engagées, déduction faite des remboursements de l'assurance maladie et de la mutuelle, s'élève à la somme de 88997,61euros. Le niveau de probabilité du remboursement intégral des dépenses de santé qui auraient été engagées en France étant particulièrement élevé, M. B... s'estime fondé à solliciter à ce titre la somme de 80000euros. A ce préjudice s'ajoute un préjudice personnel, résultant de l'information erronée qui lui a été donnée comme du paiement tardif des remboursements, tant par la Caisse que, par voie de conséquence, par la mutuelle, comme du refus de communication du dossier médical. Il avait dû, de ce fait, exposer des frais bancaires importants, soit un préjudice financier s'élevant à la somme de 24883,90euros. Il convenait, enfin, de tenir compte du préjudice moral souffert 'compte tenu des circonstances particulièrement difficiles auxquelles (il) était alors confronté'. M. B... sollicite à ce titre la somme de 15000euros.

La caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines fait notamment valoir que M. B... ne rapporte nullement la preuve d'une quelconque faute délictuelle de sa part. L'obligation générale d'information dont les organismes sociaux sont débiteurs envers leurs assurés ne leur impose pas, en l'absence de demande de ceux-ci, de les renseigner sur leurs droits éventuels. La caisse souligne que l'attestation de M. E... est datée du 10 mars 2016 et que préalablement à la saisine du TASS M. B... n'a jamais fait mentions de ce prétendu appel téléphonique alors même que plusieurs courriers avaient été échangés avec l'organisme, et que ce n'est que devant le TASS qu'a été produite cette attestation. La caisse relève au demeurant que M. B... ne produit pas une copie de ses relevés téléphoniques permettant d'établir avec certitude la réalité de son appel téléphonique à la caisse. En tout état de cause, il ne justifie pas de la teneur de cet appel autrement que par la production de l'attestation de M.E....

Le conseil de M. B... lui-même évoque un 'possible' remboursement à hauteur de 70 % : il ne peut être exclu que M. B... et M. E... aient fait une mauvaise interprétation des dires de l'agent de la Caisse.

La Caisse rappelle, en outre, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 332'2 du code de la sécurité sociale, les caisses d'assurance-maladie peuvent procéder au remboursement forfaitaire des soins dispensés hors d'un État membre de l'union européenne aux assurés sociaux qui sont tombés malades inopinément, sans que celui-ci puisse excéder le montant du remboursement qui aurait été alloué si les intéressés avaient reçu des soins en France. En l'espèce A... B... a été hospitalisée inopinément au Québec et pouvait donc bénéficier de ces dispositions, étant souligné que, 's'agissant de soins dispensés à l'étranger, leur prise en charge demeure en tout état de cause une simple faculté laissée à la libre appréciation de la Caisse, et non une obligation', les soins étant remboursés sur la base et dans la limite des tarifs forfaitaires français en vigueur.

La Caisse ajoute que le site internet 'consultable par tous assurés sociaux', réserve une 'information particulière' s'agissant des séjours au Canada, les frais médicaux y étant particulièrement coûteux. De plus, les formulaires de soins reçus à l'étranger précisent que lorsque le remboursement est possible, le montant varie en fonction du pays dans lequel l'assuré a séjourné, de la nature et des événements à l'origine des soins.

A supposer même qu'une faute délictuelle soit retenue, il n'est pas établi par M. B... qu'elle ait eu pour conséquence d'entraîner une perte de chance pour sa mère ni un préjudice direct, certain et actuel pour lui.

La Caisse souligne, à cet égard, que le rapport de l'expert consulté par M. B... indique qu'au plan médical il n'était pas possible de se prononcer avec précision. M. B... avait consulté l'expert une deuxième fois, qui avait indiqué que la probabilité de rapatriement demeurait de 20à 30 %. L'expert disait également qu'il était difficile d'apprécier la perte de chance, qu'il ne savait pas trop de quoi avaient été faits les quelques jours entre l'admission à l'intervention de nuit et d'urgence.

Il existe en outre une contradiction entre la mauvaise information qu'aurait fournie la Caisse le 8 septembre 2014 et le fait que M. B... se serait rapproché de la société Europ Assistance le 10 septembre 2014 pour évoquer le rapatriement de sa mère. Au demeurant, il ne s'explique pas sur le refus que lui a opposé Europ Assistance et n'en fait d'ailleurs pas mention dans ses écritures. En d'autres termes, M. B... ne démontre nullement que l'information délivrée par la caisse ait eu une influence sur son choix quant au rapatriement éventuel en France de sa mère et encore moins que l'état de santé de cette dernière permettait ce rapatriement.

S'agissant du remboursement des frais d'hospitalisation, la caisse rappelle l'avis du premier juge selon lequel il ne s'agit pas d'une obligation civile mais d'une obligation morale de M. B... qui a pu se transformer en obligation civile après le décès de sa mère. M. B... ne justifie d'aucun préjudice direct, certain et actuel.

Sur ce

Sur la faute délictuelle commise par la Caisse

Aux termes de l'article R. 112-2 du code de la sécurité sociale: 'Avec le concours des organismes de sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale prend toutes mesures utiles afin d'assurer l'information générale des assurés sociaux'.

Il est ainsi exact de considérer, comme le fait M.B..., que la Caisse était débitrice à son égard d'une information générale.

Encore cette obligation ne lui imposait-elle ni de prendre l'initiative de renseigner M.B... sur ses droits éventuels, ni de porter à sa connaissance des textes publiés au Journal officiel de la République française.

En l'espèce, les informations élémentaires sur le remboursement des soins à l'étranger sont accessibles depuis l'étranger sans difficulté par la voie électronique. Une simple consultation par M.B... aurait suffi à l'éclairer.

En tout état de cause, rien ne permet de vérifier que M.B... aurait reçu une information erronée de la part d'une employée (au demeurant peu 'loquace', pour reprendre l'expression de M.E...) de la Caisse.

L'attestation de M. E..., qui est salarié de la société dirigée par M.B..., rédigée 18 mois après les faits, est étonnamment précise et les termes employés suggèrent davantage la reproduction de termes souhaités que le témoignage spontané de choses entendues.

Surtout, M.B... ne produit aucun relevé téléphonique qui aurait permis de vérifier qu'il est bien entré en contact avec la Caisse le 8 septembre 2014.

Il est d'ailleurs intéressant de noter que, dans le courrier adressé par les conseils de M.B... à la Caisse, le 8février 2016, il n'est pas question d'une information erronée qu'aurait donnée la CPAM à l'intéressé mais d'une prise en charge inappropriée pour avoir tenu 'compte exclusivement de la première pathologie déclarée de Madame B... (suspicion d'un thrombose intestinale, qui a effectivement justifié initialement son hospitalisation et sa première opération chirurgicale. Cependant l'état de santé de Madame B... a poursuivi à se dégrader malgré cette intervention chirurgicale. Les médecins ont alors décidé de procéder une nouvelle opération chirurgicale ainsi que son placement au service des soins intensifs sous assistance respiratoire (...)' (sic). 'La multiplicité des pathologies ayant affecté Madame B... a été à l'origine des interventions médicales particulièrement coûteuses, auxquelles Monsieur B... a dû faire face'.

La Caisse répondait ainsi à ce courrier, le 23 février 2016, qu'il était procédé, dans une telle hypothèse, à un remboursement forfaitaire.

M.B... n'est pas fondé à invoquer une quelconque faute de la Caisse pour défaut d'information et le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la perte de chance

La cour ne peut que constater que M. B... fait une présentation erronée des faits de la cause.

En effet, une partie non négligeable de son argumentation tient à ce que sa mère se serait rendue à l'hôpital en consultation, le 8 septembre 2014, et que ce n'est que le 12 septembre qu'une situation d'urgence serait apparue.

Or, il est constant que l'on ne se rend pas à l'hôpital, surtout au Canada, pays dans lequel M.B... est résident permanent, sans un motif médical sérieux, compte tenu, justement, du coût de la prise en charge médicale dans ce pays, même en milieu hospitalo-universitaire. En réalité, A... B... est d'abord allée en consultation (MD V...) avant de se rendre à l'hôpital : c'est donc que sa situation a été jugée suffisamment préoccupante pour qu'elle doive être hospitalisée, en urgence : il a été établi une facture pour 'soins d'urgence' du 8septembre2014 à 14 heures. La patiente a été alors examinée par un urgentiste et a bénéficié d'un scanner abdominal et pelvien, ainsi que d'une consultation en chirurgie viscérale. Son état était donc sérieux.

De fait, sur chacune des 'feuilles de soins' qui ont été adressées à la Caisse par M.B..., figure la mention 'urgence médicale' ou 'Urgence médicale'.

A cet égard, la cour doit relever que M.B... est d'autant moins fonder à réclamer à la Caisse le dossier médical concernant cette hospitalisation que, par courriel en date du 12juin 2018, le centre national des soins à l'étranger, qui gère toutes les demandes de remboursement des soins à l'étranger, a répondu aux conseils de M.B... qu'il n'était 'pas en possession du dossier médical de Mme B...' et l'a invité en conséquence 'à contacter directement l'hôpital au Canada pour obtenir le rapport d'hospitalisation (...)'.

Bien plus, la cour doit souligner que le rapport établi par le médecin expert choisi par M.B... l'a été sur la seule base des factures dressées par l'hôpital et non pas sur des examens médicaux : M.B... n'a donc pas fait le nécessaire pour obtenir de l'hôpital canadien ces éléments et est d'autant moins en capacité de fonder une quelconque argumentation sur la possibilité qu'il y aurait eu de procéder ou non au rapatriement de sa mère.

En tout état de cause, comme M.B... l'indique lui-même, A... B... était titulaire d'un contrat Europ Assistance, société que M.B... a mis deux jours à contacter. Il omet de préciser que la raison pour laquelle le rapatriement n'a pas été organisé est non pas qu'il avait été rassuré que les soins médicaux seraient pris en charge mais la circonstance que sa mère se trouvait au Canada depuis 92 jours consécutifs, ce qui excluait la garantie d'Europ Assistance.

Bien plus, la circonstance que M.B... ait pris contact avec cette société d'assistance deux jours après qu'une employée de la Caisse lui aurait assuré que les frais médicaux et d'hospitalisation seraient remboursés à 70% démontre que cette réponse n'était pas de nature à le déterminer, en tout état de cause, à faire procéder au rapatriement de sa mère.

De fait, il n'y a renoncé qu'après avoir appris que l'assurance rapatriement ne pourrait être mise en oeuvre. Il n'avait d'ailleurs procédé à aucune préréservation sur l'un des, nombreux, vols permettant de rejoindre la France.

M.B... n'a donc perdu aucune chance d'aucune sorte et doit être débouté de sa demande à cet égard, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur le préjudice financier et sur le préjudice moral

Aucune faute ne pouvant être reprochée à la Caisse, M.B..., qui ne peut invoquer une perte de chance, ne peut être que débouté de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral ou financier.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La cour rappellera que la présente procédure est exempte de dépens.

Aucune considération d'équité ne conduit à condamner la Caisse à payer à B... une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines en date du 28novembre 2017 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a reconnu la faute délictuelle de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines ;

Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant :

Décide que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines n'a pas commis de faute délictuelle à l'encontre de M. H... B... ;

Déboute M. H... B... de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 17/06100
Date de la décision : 21/02/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°17/06100 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-21;17.06100 ?
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