COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80B
6e chambre
ARRÊT N° 073
CONTRADICTOIRE
DU 21 FÉVRIER 2019
N° RG 17/00604
N° Portalis :
DBV3-V-B7B-RI7S
AFFAIRE :
Me [H] [X] Mandataire liquidateur de SNC CL INNOVATION
C/
[Q] [R]
SARL PHARMAFIELD GROUPE
Association AGS CGEA [Localité 1] OUEST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Janvier 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : Activités diverses
N° RG : F 13/00957
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 22 Février 2019 à :
- Me Hubert MARTIN DE FREMONT
- Mme Aïcha KERDAGH
- Me Philippe CHATEAUNEUF
- Me Laure SERFATI
Expédition numérique délivrée à Pôle emploi, le 22 Février 2019
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN FÉVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 07 février 2019 puis prorogé au 21 février 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Me [H] [X] de la SCP BTSG
Mandataire liquidateur de SNC CL INNOVATION
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, constitué/plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
APPELANTE
****************
Madame [Q] [R]
née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Mme Aïcha KERDAGH (Délégué syndical ouvrier)
La SARL PHARMAFIELD GROUPE
N° SIRET : 753 050 657
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Florence DEMAISON GHISONI, plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et par Me Philippe CHATEAUNEUF, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643
INTIMÉES
****************
L'Association AGS CGEA [Localité 1] OUEST
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Laure SERFATI, constituée/plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : C2348
PARTIE INTERVENANTE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Décembre 2018, Monsieur Jean-François de CHANVILLE, président, ayant été entendu en son rapport,
devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS
****************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par contrat à durée indéterminée, Madame [Q] [R], née le [Date naissance 1] 1973, a été embauchée par la société SNC CL Innovation Santé le 1er septembre 2003 en qualité de déléguée médicale.
La rémunération moyenne de la salariée s'élevait à 2 029,72 euros.
La SNC CL Innovation Santé avait pour activité la visite médicale externalisée.
Le 31 juillet 2012, la société CL Innovation Santé a vendu à la société Pharmafield Groupe ses parts dans ses filiales Pharminov, Distrinov, Prominov, Prestinov, Dom Pharm Antilles, Dom Pharm Océan Indien.
Par jugement du 22 août 2012, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société CL Innovation Santé, puis par jugement du 22 novembre 2012, a prononcé la liquidation judiciaire de la société. Me [X] était désigné liquidateur de la société.
Dans ce cadre, la salariée s'est vu proposer le 22 octobre 2012 un contrat de sécurisation professionnelle auquel elle a adhéré.
Le 2 avril 2013, elle a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de requalification de son licenciement économique en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La salariée soutenait que :
- l'obligation de reclassement externe n'était pas respectée,
- l'employeur ne justifiait pas des difficultés économiques,
- l'employeur avait organisé frauduleusement sa faillite,
- l'employeur n'avait pas exécuté son contrat de travail de bonne foi.
Ainsi, la salariée sollicitait du conseil la condamnation de Me [X] en qualité de liquidateur au paiement des sommes suivantes :
' 45 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 30 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
' 12 178,32 euros d'indemnité de travail dissimulé.
Le liquidateur judiciaire, ès qualité, s'opposait aux demandes de la salariée et sollicitait sa condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'AGS concluait dans le même sens et sollicitait qu'il lui soit donné acte des limites de sa garantie.
La société Pharmafield sollicitait du conseil sa mise hors de cause et la condamnation de la salariée au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 6 janvier 2017, le conseil de prud'hommes de Nanterre requalifiait le licenciement de Mme [R] en licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de reclassement et fixait au passif de la société SNC CL Innovation Santé la somme de 20 300 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les autres prétentions des parties étaient rejetées.
Me [X], liquidateur de la société interjetait appel le 1er février 2017.
Par ordonnance du 26 juillet 2018, le conseiller de la mise en état de la 6e chambre de la cour d'appel de Versailles a déclaré irrecevables à l'égard de la société Pharmafield Groupe, les conclusions de Mme [R].
Par arrêt de déféré du 29 novembre 2018, la cour d'appel de Versailles a confirmé l'ordonnance et déclaré irrecevables les pièces et conclusions de la salariée contre la société Pharmafield Groupe, mais a déclaré recevables les conclusions de la société contre la salariée.
Me [X], ès qualité, conclut dans le même sens qu'en première instance.
La société Pharmafield demande à la cour de constater que Me [X] n'effectue aucune demande à son encontre et qu'ainsi elle doit être mise hors de cause. En conséquence, elle sollicite la condamnation de Me[X], ès qualité, à lui verser la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la salariée à lui payer la somme de 2 000 euros sur le même fondement.
L'AGS CGEA demande à la cour d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes et de débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes. À titre subsidiaire, elle entend voir la cour limiter le quantum des dommages et intérêts et de constater les limites de sa garantie et les conditions d'exercice de celle-ci.
Mme [R] prie la cour de prononcer la nullité du licenciement pour violation de l'article L. 1224-1 du code du travail ou à titre subsidiaire de juger que le licenciement était privé de cause réelle et sérieuse et sollicite la condamnation du liquidateur au paiement des sommes suivantes :
' 20 300 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 20 000 euros de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,
' 13 274,34 euros d'indemnité pour travail dissimulé.
À titre subsidiaire, la salariée demande à la cour de condamner le liquidateur au paiement de la somme de 40 000 euros de dommages et intérêts pour non respect des critères d'ordre du licenciement.
En tout état de cause, elle prie la cour d'ordonner à la société de produire l'assignation introductive d'instance délivrée par la liquidation de la société SNC CL Innovation Santé contre la société Pharmafield Groupe, le livre d'entrée et de sortie du personnel pour la période du 1er janvier 2012 au 30 avril 2013 de la société SNC CL Innovation Santé et les livres d'entrée et de sortie du personnel pour la période du 1er janvier 2012 au 30 avril 2013 de la société SNC CL Innovation Santé et de la société Dom Pharm.
La cour se réfère aux écritures des parties par application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 septembre 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du contrat de travail à raison de la fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail
Considérant que la salariée soutient que la société CL Innovation et Santé a violé l'article L. 1224-1 du code du travail par le biais de la cession de filiales de la société CL Innovation et Santé à la société Pharmafield ; qu'en effet celle-ci exerçait, au moins de manière accessoire, la même activité que la précédente, qui est la promotion de spécialités pharmaceutiques auprès de médecins, de pharmaciens et de centres hospitaliers ; que durant huit mois, lesdites filiales ont poursuivi leurs activités dans les locaux de la société SNC CL Innovation Santé nonobstant leur cession à la société Pharmafield Groupe ; que par l'intermédiaire des filiales, la cessionnaire a repris la clientèle de la société SNC CL Innovation Santé ; qu'actionnaire majoritaire de la société SNC CL Innovation Santé, elle est également actionnaire majoritaire de la société Pharmafield Groupe ; que la transmission de moyens incorporels, condition du transfert des contrats de travail selon l'article L. 1224-1 du code du travail, s'est faite par la reprise d'un certain nombre de cadres, après les avoir fait transiter par lesdites filiales ; que celles-ci ont poursuivi leur activité dans les locaux de la société CL Innovation et Santé ; que ce choix des salariés repris apparaît discriminatoire ; que la société Pharmafield a repris la clientèle de la société CL Innovation et Santé par le biais des filiales transférées ;
Considérant que Me [X], ès qualité, oppose que la société SNC CL Innovation Santé n'a pas été cédée, que Mme [Q] [R] n'était pas salariée d'une filiale cédée, que les deux sociétés prétendument cédante et cessionnaire n'avaient pas la même activité, ni le même siège social, quoique les filiales, dont les parts ont été vendues, aient conservé leur domiciliation au siège social de leur ancienne société mère quelques mois après la cession, que les deux sociétés n'avaient pas les mêmes clients, que l'accession en mai 2016, de l'ancien dirigeant de la société SNC CL Innovation Santé à des fonctions équivalentes à la tête de la société Pharmafield Groupe est sans portée, pas plus que n'est significative l'embauche par cette dernière société d'anciens cadres de la première, qu'aucun moyen incorporel n'a été transmis ; qu'il conclut qu'aucune fraude à l'article L. 1224-1 du code du travail n'est établie ;
Considérant que la société Pharmafield Groupe soutient également l'absence de transfert de contrat de travail en relevant que d'une part la cession de participation dans les filiales par la société SNC CL Innovation Santé à la société Pharmafield Groupe n'a même pas eu pour effet de modifier la situation juridique d'employeur de ces filiales et d'autre part il n'y a pas eu de reprise de l'activité de la société SNC CL Innovation Santé par la société Pharmafield Groupe à la suite de ces acquistions de sociétés ;
*****
Considérant que l'article L. 1224-1 du code du travail s'applique et les contrats de travail sont poursuivis avec le nouvel employeur sous la triple condition que l'activité transférée constitue une entité économique autonome qui conserve son identité et qui a son propre personnel, une organisation et des moyens spécifiques ; qu'une entité économique autonome est un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ;
Considérant que Mme [Q] [R] a adhéré au plan de sécurisation professionnelle le 22 octobre 2012, alors que l'employeur, après avoir cédé ses filiales le 31 juillet 2012, avait été mis en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 22 août 2012 ; que postérieurement à la rupture, la société SNC CL Innovation Santé a été placée par la même juridiction en liquidation judiciaire ; que ladite cession occasionnée par cette situation financière n'a fait que transférer des participations des filiales dans la société Pharmafield Groupe, mais n'a nullement modifié la situation juridique de celles-ci en qualité d'employeur ; qu'en conséquence, il ne pouvait être question de transfert de contrat de travail de leurs salariés dans les conditions de l'article L. 1224-1 du code de travail ; qu'en tout état de cause, l'intéressée était salariée de la société mère et non d'une filiale ;
Que la société SNC CL Innovation Santé invoque le rapport établi le 20 novembre 2012 par le juge commissaire, qui explique que les procédures collectives dont elle faisait l'objet résultaient du maintien de charges trop importantes, eu égard à l'existence de salariés sous employés et à la perte de gros clients à savoir Lundebeck, Mylan et Air Liquide Santé, alors que régnait un climat de crise mondiale dans le secteur d'activité concerné ; qu'il précise que le marché sur lequel travaille la société SNC CL Innovation Santé est un secteur difficile depuis plusieurs années pour les principales raisons liées à la multiplication des contraintes réglementaires et à la volonté des pouvoirs publics de réduire les dépenses de santé avec :
- la mise en place de taxes fiscales et parafiscales nouvelles et spécifiques de plus en plus importantes visant à amputer la profitabilité importante dont bénéficiaient les laboratoires pharmaceutiques ;
- les nombreux déremboursements de produits et/ou baisse de prix dans d'autres cas ;
- le développement des médicaments génériques, consécutivement à "l'affaire Mediator" entrée en vigueur de la "loi Bertrand" et la "refonte de l'agence du médicament, ayant pour principales conséquences :
- la restriction de l'accès au marché pour les nouvelles molécules ;
- une accélération des déremboursements de classes thérapeutiques entières ;
- de nombreuses baisses de prix non compensées par l'arrivée prévue de nouveaux produits" ;
Que le rapport ajoute que faute de repreneur satisfaisant, il a fallu en venir à la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire par jugement du 22 novembre 2012 ;
Considérant que la société SNC CL Innovation Santé a pour objet la promotion commerciale par des visiteurs médicaux ; que rien ne permet de penser que la société Pharmafield Groupe avait le même objet et la même clientèle, à l'époque contemporaine de la cession ou de la liquidation, même si le commissaire aux comptes a certifié le 20 février 2017 que cette dernière société a commencé à développer une activité commerciale plusieurs mois après, à compter du mois de septembre 2013, avec d'autres partenaires que ceux de la société SNC CL Innovation Santé ; que l'existence de trois clients semblant être les mêmes et figurant d'un côté sur la liste de ceux de la société SNC CL Innovation Santé établie en novembre 2012 par l'administrateur et de l'autre sur la balance auxiliaire de la société Pharmafield Groupe en décembre 2014, plus de deux ans après les cessions en cause, est insuffisante pour qu'il puisse en être déduit dès cette cession la transmission de l'ensemble de la clientèle ; que la société SNC CL Innovation Santé et la société Pharmafield Groupe n'ont pas le même siège social ; que la poursuite de leur activité par les sociétés filiales, dont les parts ont été cédées, pendant quelques mois après la cession de juillet 2012 dans les locaux de la société mère, n'a aucune incidence sur la question posée du transfert d'une entité économique autonome correspondant à l'activité de la société SNC CL Innovation Santé ; que les embauches par la société Pharmafield Groupe de certains cadres de la société SNC CL Innovation Santé, notamment de son gérant, échelonnés au cours des années 2012 et 2013, ne sauraient à elles seules suffire à caractériser le transfert d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ; que le salarié n'apporte aucun élément pertinent ou suffisant de nature à démontrer la cession d'une entité économique autonome ;
Considérant que les motifs qui précèdent justifient que non seulement Mme [Q] [R] ne démontre pas que les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail sont remplies, mais qu'il est établi qu'elles ne le sont pas ; que le licenciement ne saurait donc être critiqué à cet égard ;
Sur l'absence de recherche de reclassement
Considérant que la salariée soutient qu'il y a confusion d'intérêts entre la société CL Innovation et Santé et la société Pharmafield Groupe ; qu'en conséquence la société aurait dû chercher des postes de reclassement au sein des filiales transférées ; qu'en outre, l'absence de sérieux dans la recherche de reclassement ressort selon elle de la publication d'offres d'emploi pour un contrat à durée déterminée de délégué pharmaceutique publiée le 3 juillet 2012 et de délégué médical comme de délégué pharmaceutique du 29 octobre 2012 ; qu'enfin, alors que le mandataire a précisé qu'ils avaient obtenu dans le cadre d'une recherche de reclassement externe quatre propositions, ils en ont diffusé la liste aux salariés, alors qu'il aurait dû être procédé à des offres écrites, précises, concrètes et personnalisées ; que ces sociétés ont répondu n'avoir aucun poste disponible alors que plusieurs dizaines d'offres d'emploi ont été publiées pendant la même période ; qu'ainsi le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant que Me [X], es qualité, répond que les trois seules sociétés du groupe sont la Celimox, maison mère, la SFE Pharma et la Selitis, la première et la dernière ayant été placées en liquidation judiciaire en même temps que la société SNC CL Innovation Santé, alors que les fonctions de l'intéressée ne pouvaient être exercées au sein de ces entités, dont l'objet était pour la première, une activité de holding, pour la deuxième une activité de soutien aux entreprises et pour la troisième du placement de main d'oeuvre ; qu'au surplus, ajoute-t-il, ces sociétés ont répondu négativement à la demande de reclassement en leur sein formée par le liquidateur ;
*****
Considérant qu'en application de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient, sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ;
Considérant que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein le cas échéant, du groupe auquel l'entreprise appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;
Considérant que l'employeur ne répond pas à l'argument pertinent de la salariée, selon lesquels des offres d'emploi en contrat à durée déterminée ont été diffusées par la société SNC CL Innovation Santé quasiment au moment de la rupture, sans avoir été proposées à Mme [Q] [R] ; qu'en particulier il n'explique pas comment de telles offres si proches de la rupture intervenue en octobre 2012 pouvaient ne pas être connues au moment de cette dernière, à raison notamment de leur motif de recours ; que de multiples demandes de reclassement ont été faites selon une liste établie par l'administrateur judiciaire auprès des diverses sociétés et notamment des filiales qui ont été cédées à la société Pharmafield Groupe ; que la société SNC CL Innovation Santé ne produit pas le livre d'entrée et de sortie du personnel pour la période comprise entre le 1er janvier 2012 et le 30 avril 2013 ; que la société SNC CL Innovation Santé laisse dans le doute la question de savoir si ces sociétés constituaient avec elle un groupe au sens de l'obligation de reclassement ; que les réponses aux courriers de demande de reclassement adressés aux différentes entités, ne sont pas produits dans leur intégralité, tandis qu'aucune explication n'est fournie sur l'issue de ces demandes ; que, dans ces conditions, Me [X], ès qualité, ne justifie pas avoir rempli son obligation de reclassement sérieusement et c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé la rupture dénuée de cause réelle et sérieuse ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;
Considérant que la salariée ne justifie pas de sa situation à la suite de la rupture ;
Que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [Q] [R], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail une somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant précisé que son salaire mensuel brut était en dernier lieu de 2 256,80 euros par mois ;
Sur la mauvaise foi de l'employeur
Considérant que la salariée soutient que l'employeur était de mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail et se trouve responsable de la situation économique de l'entreprise en ce qu'il n'a pas informé et consulté le comité d'entreprise comme il doit le faire en application des articles L. 2323-6 et L. 2323-19 du code du travail sur les mesures de nature à affecter le volume et la structure des effectifs ou en cas de cession ou de modification importante des structures de production de l'entreprise ; qu'il en est résulté, selon Mme [Q] [R], l'impossibilité pour cette institution représentative de demander la poursuite des contrats de travail avec la société Pharmafield Groupe en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, l'impossibilité de prendre des mesures urgentes en vue du reclassement des salariés ou le retard accumulé pour les recherches d'emploi ; qu'elle impute aussi aux dirigeants, en s'appuyant sur le rapport du cabinet d'expertise comptable Explicite, commis par le comité d'entreprise, l'organisation des difficultés économiques par des frais injustifiés tels que l'organisation d'un séminaire dispendieux à [Localité 3] pour 500 salariés, les retraits de sommes importantes sur les compte de la société SNC CL Innovation Santé pendant la période suspecte, la refacturation au profit de la société mère, Celimox, qui n'a que trois salariés, de frais de siège, dont le montant a été consommé, ou encore des versements au profit de la SFE Pharma qui détient 0,02 % de Celimox ;
Considérant que Me [X], ès qualité, conteste tant la faute que le préjudice invoqués ; qu'il soutient que l'obligation de consulter le comité d'entreprise sur des cessions de filiales est douteuse, que cette institution était informée chaque année dans le cadre de ses attributions générales de la situation économique de l'entreprise comme elle l'a été d'ailleurs du projet de cession, que les salariés visés par le projet de licenciements n'ont pu être connus avant octobre 2012 c'est-à-dire avant la détermination des critères d'ordre des licenciements, qu'un détournement au profit des deux sociétés actionnaires, Celimox et Innovation, eût été vain, puisque celles-ci sont indéfiniment et solidairement tenues des dettes de la société fille, que le comité d'entreprise était informé des difficultés économiques de la société, que la refacturation des frais de siège au profit de Celimox était le moyen de rémunérer les dirigeants de la société mère, dont M. [Q] qui avait vu son salaire fixé dans sa lettre d'engagement du 1er février 2010, que les salaires des dirigeants sociaux de la société SNC CL Innovation Santé n'ont jamais été augmentés, que des séminaires tels que celui de [Localité 3] étaient régulièrement organisés, le cas échéant aux frais du client, dans un but commercial et qu'enfin la perte de chance de retrouver un emploi, que le salarié invoque comme conséquence de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur, se confond avec le préjudice né de la rupture ;
*****
Considérant que le salarié invoque un préjudice matériel et moral né de la perte de chance de conserver son emploi ou d'en trouver un autre à la suite de la rupture dans les meilleures conditions, à raison d'irrégularités liées à la consultation des institutions représentatives ou d'une gestion coûteuse pour la société au profit de dirigeants de celle-ci et de la société mère notamment ; qu'il n'est pas démontré que ces décisions critiquées de la direction ont pu avoir une répercussion sur Mme [Q] [R], autre que celle née de la rupture pour laquelle elle est indemnisée sur le fondement de l'absence d'effort suffisant de reclassement ; que dans ces conditions, la salariée ne peut qu'être déboutée de sa demande ;
Considérant qu'en outre, en présence d'une autorisation de licenciement définitivement donnée par ordonnance rendue le 16 octobre 2012 par le juge commissaire, la salariée est irrecevable à contester le licenciement sur le fondement de la seule fraude dans l'exécution du contrat de travail ;
Considérant qu'au vu de ces motifs, la demande de Mme [Q] [R] tendant à voir ordonner la communication par la société SNC CL Innovation Santé de l'assignation introductive d'instance que cette entreprise a délivrée à la société Pharmafield Groupe devant le tribunal de commerce de Nanterre pour démontrer une éventuelle fraude, apparaît sans intérêt ;
Sur le travail dissimulé
Considérant que la salariée sollicite l'allocation de la somme de 13 274,34 euros d'indemnité de travail dissimulé, au motif qu'entre le 1er janvier 2012 et le 22 octobre 2012, les cotisations sociales et salariales n'ont pas été versées aux organismes sociaux, quoiqu'elles fussent prélevées tous les mois d'après les bulletins de salaire, et que pour la période correspondant au redressement judiciaire comprise entre le 23 août et le 22 octobre 2012, l'AGS CGEA a versé les salaires assortis des charges afférentes aux prestations sociales ; que Mme [Q] [R] ajoute que l'Urssaf a indiqué n'avoir pas reçu de la société SNC CL Innovation Santé les déclarations annuelles des données sociales de 2012 et 2013 ;
Considérant que Me [X], ès qualité, répond que les faits allégués ne peuvent être qualifiés de travail dissimulé tant au regard de l'élément matériel que de l'élément moral qui le définit, que les versements AGIRC et ARCO par les organes de la procédure collective ont totalisé une somme de 106 681,42 euros et les versement au bénéfice de l'Urssaf la somme de 106 681,42 euros et que les salariés ont toujours été déclarés ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi le fait pour tout employeur :
1° de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la déclaration préalable à l'embauche ;
2° de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la délivrance de bulletins de paie ou de la mention sur ces derniers d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ;
3° de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale ;
Considérant qu'il s'ensuit que le non paiement des cotisations sociales, invoqué par la salariée, serait-il établi, ne caractérise par le travail dissimulé ;
Considérant que la salariée verse aux débats une lettre de l'Urssaf datée du 4 janvier 2016, adressée à un autre salarié de la société SNC CL Innovation Santé et certifiant qu'il ressort des recherches effectuées que l'employeur n'a "semble-t-il" pas envoyé les déclarations annuelles des données sociales 2012 et 2013 ; que toutefois, il est justifié de ces déclarations pour la période du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2012 ; que ces éléments imprécis ne permettent pas à la cour de retenir le travail dissimulé ; que par suite la demande de versement de l'indemnité de six mois prévue à l'article L. 223-1 du code du travail ne saurait être accordée ;
Sur la demande de régularisation auprès des organismes sociaux
Considérant que Mme [Q] [R] demande la condamnation de Me [X], ès qualité, à régulariser auprès des organismes sociaux les cotisations sociales pour l'année 2012 ;
Considérant que le liquidateur répond que le recouvrement des cotisations patronales et salariales relève de la compétence de l'Urssaf, qu'en tout état cause, s'agissant de sommes dues postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, seule la fixation au passif pourrait être ordonnée ;
Considérant qu'il est justifié par le liquidateur de ce que l'Urssaf a déclaré sa créance le 24 avril 2013, de sorte que la demande doit être rejetée ;
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné la fixation au passif de l'employeur du remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu'il ne s'agit pas du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ;
Sur l'intervention de l'AGS UNEDIC CGEA [Localité 1] OUEST
Considérant qu'il convient de dire que la garantie de l'AGS CGEA [Localité 1] s'exercera dans les conditions fixées au dispositif ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Considérant qu'il convient de dire que Mme [Q] [R] et la société SNC CL Innovation Santé qui succombent toutes deux conserveront la charge de leurs propres dépens, mais que la salariée devra assumer ceux relatifs à la mise en cause de la société Pharmafield Groupe qui n'a pas prospéré ; qu'il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de débouter les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
CONFIRME le jugement déféré, sauf sur le montant des dommages et intérêts accordés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau,
FIXE au passif de la société SNC CL Innovation Santé une créance de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en faveur de Mme [Q] [R] à hauteur de la somme de 15 000 euros ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [Q] [R] de ses demandes de production de l'assignation introductive d'instance délivrée par la liquidation de la société SNC CL Innovation Santé contre la société Pharmafield Groupe, du livre d'entrée et de sortie du personnel de la période du 1er janvier 2012 au 30 avril 2013 de la société SNC CL Innovation Santé et des livres d'entrée et de sortie du personnel pour la période du 1er janvier 2012 au 30 avril 2013 de la société SNC CL Innovation Santé et de la société Dom Pharm ;
FIXE au passif de la société SNC CL Innovation Santé le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Mme [Q] [R] à compter du jour du licenciement dans la limite de six mois ;
DÉBOUTE Mme [Q] [R] de sa demande d'indemnité de travail dissimulé ;
DÉBOUTE la société SNC CL Innovation Santé et la société Pharmafield Groupe de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, à l'exception de ceux de la société Pharmafield Groupe qui sont à la charge de Mme [Q] [R] ;
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en l'absence de Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, régulièrement empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,