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21/02/2019 | FRANCE | N°15/00170

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 21 février 2019, 15/00170


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50B



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 FEVRIER 2019



N° RG 15/00170 - N° Portalis DBV3-V-B67-PPTX





AFFAIRE :





[T] [X] [S] [Z]



C/



[J] [K]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre : 5

N° Section : 2

N° RG : 09/6974




















Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :



à :

Me Margaret BENITAH

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA (2)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN FEVRIER DEUX MILLE DIX NEU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50B

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 FEVRIER 2019

N° RG 15/00170 - N° Portalis DBV3-V-B67-PPTX

AFFAIRE :

[T] [X] [S] [Z]

C/

[J] [K]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2012 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS

N° Chambre : 5

N° Section : 2

N° RG : 09/6974

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Margaret BENITAH

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA (2)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (1ère chambre civile) du 10 décembre 2014 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS (Pôle 2 - Chambre 1) le 5 juin 2013

Monsieur [T] [X] [S] [Z]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Margaret BENITAH, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.409

Représentant : Me Géraldine ROUX de la SELARL B2R & Associés, Plaidant, avocat au barreau de LYON

****************

DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI

1/ Monsieur [J] [K]

né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 3] (59)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20150222

Représentant : Me Florence ANDREANI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0291

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

2/ SARL [H] [F] MAISON DE VENTES AUX ENCHERES RCS de MARSEILLE sous le n° [F]

[Adresse 3]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20150222

Représentant : Me Philippe GAULTIER de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D1104

***************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Janvier 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport, et Madame Françoise BAZET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,

-------------------

La société [H] [F]-Maison de ventes aux enchères (ci-après [H] [F]) a organisé une vente aux enchères le 10 novembre 2007 au cours de laquelle M. [Z] a acquis quatre lots dont un lot n° [Cadastre 1] constitué par une table compas de [W] [Y] pour un montant total de 228 500 euros. M. [Z] s'est également porté acquéreur de trois autres lots lors d'une vente postérieure.

Ces achats n'ayant pas été réglés en totalité, [H] [F] a assigné le 26 mars 2009 M. [Z] en paiement du prix de vente et dommages et intérêts devant le tribunal de grande instance de Paris. M. [K], vendeur du lot n° [Cadastre 1], est intervenu à la procédure .

Par jugement du 19 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Paris a notamment :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [K],

- jugé que la vente du lot n° [Cadastre 1] était parfaite,

- condamné M. [Z] à payer une certaine somme à [H] [F] au titre du solde des achats et de frais et commissions, et celle de 60 000 euros à M. [K] au titre du solde de l'achat du lot [Cadastre 1], avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation en ce qui concerne [H] [F] et des premières conclusions pour M. [K],

- condamné M. [Z] à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500 euros à [H] [F] et celle de 2 000 euros à M. [K].

Par arrêt du 5 juin 2013, la cour d'appel de Paris a notamment :

- déclaré M. [Z] irrecevable en sa demande d'annulation de la vente du lot [Cadastre 1] sur le fondement de l'article 321-35 du code de commerce,

- confirmé le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [Z] à payer à [H] [F] la somme de 64 745,12 euros y compris les frais et commissions,

- statuant à nouveau dans cette limite, condamné M. [Z] à payer à [H] [F] la somme de 60 745,12 euros, y compris les frais et commissions,

- condamné M. [Z] à payer à [H] [F] la somme de 7 000 euros et à M. [K] celle de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour de Paris a retenu que la demande d'annulation de la vente du lot [Cadastre 1] sur le fondement de l'article 321-35 du code de commerce constituait une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile et était à ce titre irrecevable.

Sur pourvoi de M. [Z], la Cour de Cassation a, par arrêt du 10 décembre 2014, cassé cet arrêt seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de M. [Z] tendant à l'annulation de la vente du lot [Cadastre 1], jugé parfaite la vente de ce lot et condamné M. [Z] à payer à M. [K] la somme de 60 000 euros en règlement du solde relatif à l'achat du lot [Cadastre 1], et renvoyé les parties devant la cour de Versailles.

La Cour de Cassation a reproché à la cour de Paris, au visa des articles 564 et 565 du code de procédure civile, d'avoir ainsi statué sans rechercher si la demande, fondée sur un texte interdisant aux experts de mettre en vente aux enchères publiques un bien leur appartenant sauf à faire mention de leur qualité d'expert dans la publicité, ne tendait pas aux mêmes fins que la demande en résolution présentée par M. [Z] en première instance, et d'avoir ainsi privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

La cour de Versailles a été saisie le 7 janvier 2015.

Par arrêt du 15 décembre 2016, la cour de céans a :

- dit que la demande d'annulation de la vente du lot [Cadastre 1] formée par M. [Z] ne constitue pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile,

- dit que cette demande n'est pas atteinte par la prescription,

- avant-dire droit sur la demande d'annulation, ordonné une expertise et désigné M. [A] [H], avec pour mission de :

prendre connaissance des pièces de la procédure, et convoquer les parties,

se faire présenter la table compas attribuée à [W] [Y] ayant constitué le lot [Cadastre 1] de la vente du 10 novembre 2007 par la société [H] [F] Maison de Ventes aux Enchères,

donner un avis motivé sur l'authenticité de cette table,

faire toute observation paraissant utile à la solution du litige.

- dit que M. [T] [Z] devra consigner au greffe de la cour la somme de 3 000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert avant le 30 janvier 2017, à peine de caducité de la désignation de l'expert,

- dit que l'expert devra déposer son rapport dans les quatre mois de l'avis de versement de la consignation qui lui sera adressé par le greffe,

- désigné Mme Véronique Boisselet, Président, pour surveiller les opérations d'expertise,

- sursis à statuer sur le surplus des demandes,

- réservé les dépens.

L'expert a rendu son rapport le 8 janvier 2018. Il a conclu que la table litigieuse était authentique mais a été restaurée ou modifiée à plus de 60 %. Par ailleurs, le volume de «restauration » est excessif pour ne pas être annoncé, l'usage en vente publique étant d'annoncer les restaurations ou modifications lorsqu'elles sont supérieures à 30 % du volume de l'objet. Il a ajouté ne pas pouvoir affirmer avec certitude que la table provienne du site du CEA de [Localité 6] compte tenu de l'analyse de la peinture du piètement, et a précisé que le plateau mentionné sur le catalogue comme étant en chêne est en réalité en plaqué chêne.

Par dernières conclusions après cassation et après expertise du 12 décembre 2018, M. [Z] prie la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a été dit que la vente du lot [Cadastre 1] du 10 novembre 2007 est parfaite, en ce qu'il a été condamné à payer à M. [K] 60 000 euros en règlement du solde dû sur l'achat du lot [Cadastre 1], outre intérêts, ainsi que 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

- juger nulle pour vice du consentement la vente aux enchères publiques par la société [H] [F] du bien appartenant à l'expert d'art, M. [K],

- condamner solidairement la société [H] [F] et M. [K] à lui payer et restituer la somme de 106 032,57 euros, versée au titre de la vente du lot [Cadastre 1], outre intérêts légaux à compter du dernier versement du 1er octobre 2013,

- ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil à compter du 1er octobre 2014,

- juger que la responsabilité civile solidaire de la société [H] [F] est engagée pour n'avoir pas mentionné la restauration à plus de 60 % de la table [W] [Y] et avoir ainsi induit en erreur M. [Z] sur la valeur du meuble,

- condamner en conséquence solidairement la société [H] [F] et M. [K] à lui payer la somme de 74 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

à titre subsidiaire,

- juger que la responsabilité civile de la société [H] [F] et M. [K] doit être mise en oeuvre pour manquement aux dispositions des articles L.321-35 et L.321-35-1 anciens et L.321-9 et L.321-31 nouveaux du code de commerce,

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 74 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

en tout état de cause,

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise, avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 17 décembre 2018, M. [K] prie la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce que M. [Z] a été débouté de ses demandes contre lui et condamné à lui payer la somme de 60 000 euros au titre du prix de la vente de la table le 10 novembre 2007, assortie des intérêts au taux légal,

- déclarer M. [Z] irrecevable en ses demandes en nullité et en responsabilité, comme nouvelles et prescrites et en tout cas mal fondées et l'en débouter,

- prononcer la nullité du rapport d'expertise,

- condamner M. [Z] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 18 décembre 2018, la société [H] [F] prie la cour de :

- débouter M. [Z] de ses demandes tendant à la nullité du contrat de vente du 10 novembre 2007 portant sur la table constituant le lot [Cadastre 1] pour vice du consentement,

- juger l'action de M. [Z] en responsabilité formée sur le fondement de l'article 1382 ancien irrecevable comme hors de la saisine résultant de l'arrêt de cassation, nouvelle, prescrite et en tout cas mal fondée,

- le débouter de sa demande tendant à la condamnation de la société [H] [F] solidairement avec M. [K] à lui payer la somme de 74 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- juger l'action subsidiaire de M. [Z] en responsabilité formée à son égard pour violation des articles L321-35 et L321-35-1 anciens du code de commerce irrecevable comme hors de la saisine résultant de l'arrêt de cassation, nouvelle, prescrite et en tout cas mal fondée,

- le débouter en conséquence de sa demande à voir condamner la société [H] [F] solidairement avec M. [K] à lui payer la somme de 74 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- débouter M. [Z] de ses demandes en ce compris celles formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- condamner M. [Z] aux dépens comprenant les frais d'expertise, avec recouvrement direct ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 décembre 2018.

SUR QUOI, LA COUR

M. [Z] fait valoir que son consentement a été vicié par une erreur sur la substance dans la mesure où la table :

- n'était pas en chêne contrairement aux indications du catalogue,

- avait été restaurée à plus de 60 %, ce qui n'y était pas non plus indiqué,

- ne pouvait être datée avec certitude au regard des restaurations importantes effectuées, alors que figurait sur le catalogue la date de 1953, sans autre précision,

- était de provenance incertaine, alors que le catalogue mentionnait qu'elle provenait des ateliers [W] [Y],

Il expose que [H] [F], et M. [K], en mettant en vente la table dans de telles conditions, ont engagé leur responsabilité, et lui ont causé un dommage égal au prix de vente, augmenté des frais et d'un préjudice moral, qu'il évalue à 74 000 euros.

Il observe que sa demande de dommages et intérêts ne saurait être considérée comme prescrite, puisqu'elle ne constitue que l'accessoire de la demande en résolution de la vente, qui n'était elle-même qu'un moyen de défense opposé à ses contradicteurs qui lui réclamaient le solde de la vente.

La maison de vente [H] [F] observe que, le vendeur dont elle n'est que le mandataire, étant partie à l'instance, les demandes tendant à la nullité de la vente sont irrecevables en ce qu'elles sont dirigées contre elle, puisque elle n'est pas partie au contrat de vente, et que n'existe aucune solidarité avec le vendeur.

Elle fait valoir que la demande de dommages et intérêts est irrecevable comme n'entrant pas dans le champ de la cassation prononcée, nouvelle en cause d'appel, et prescrite en application de l'article L321-17 du code de commerce, la vente remontant à novembre 2007 et la demande ayant été formulée pour la première fois par conclusions du 3 mars 2015. Elle est également mal fondée en l'absence de toute preuve de sa faute.

Elle ajoute que l'analyse faite par l'expert, selon laquelle la table a subi d'importantes restaurations, sont contredites par les attestations de spécialistes qu'elle produit, selon laquelle le plateau est d'origine, et surtout que la valeur de la table provient de son piètement métallique en forme de compas.

M. [K] dénonce le manque total d'impartialité de l'expert et son incompétence en matière d'objets de 'design', au motif notamment que les tables de cette époque, créées dans un but utilitaire, n'étaient pas en bois massif. Il observe que M. [Z], après avoir sollicité une injonction de délivrer la table, demande maintenant la mise à néant de la vente, et se contredit ainsi au détriment d'autrui. Il ajoute que M. [Z] est un collectionneur avisé, et ne démontre pas que la composition du plateau était un élément déterminant de son consentement, puisqu'il était nécessairement informé de la destination utilitaire de ce meuble, et du fait que sa valeur résidait dans son piétement. Il maintient ne pas avoir eu la qualité d'expert dans la vente de la table, et observe que M. [Z] a lui-même porté les enchères bien au-delà de l'estimation proposée, en raison de la taille exceptionnelle de la table.

******

Sur la demande d'annulation de l'expertise :

La nullité d'un rapport d'expertise ne peut être prononcée qu'à raison d'irrégularités importantes ayant causé un grief démontré, ce qui n'est pas le cas. En effet, le fait de comparer la table litigieuse avec une autre table, dont l'authenticité était établie, hors la présence des parties par nécessité, puisque ce meuble a été vu quelques heures avant sa vente, et d'en avoir soumis aux partie les photos prises sous plusieurs angles, ne saurait suffire à caractériser la partialité de l'expert. Quant à ses conclusions, il reviendra à la cour d'en apprécier la pertinence, au vu des éléments versés aux débats par les parties.

La demande d'annulation du rapport sera donc rejetée.

Sur l'annulation de la vente :

Le seul fondement invoqué au soutien de cette demande est désormais l'erreur.

Selon l'article 1110 ancien du code civil, alors applicable, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

La cour doit donc examiner si l'erreur alléguée porte sur la 'substance' de la table litigieuse et a été déterminante.

L'authenticité de la table est reconnue de manière catégorique par l'expert, et les parties s'accordent sur ce point, qui doit donc être tenu pour acquis.

L'expert a considéré cependant que le plateau de la table d'une part n'était pas en chêne, comme indiqué sur le catalogue, mais en 'bois plaqué chêne', et, d'autre part était 'anormalement peu usé' et donc très vraisemblablement refait. Il a ajouté que, dans les usages des hôtels des ventes, s'il n'est pas précisé 'plaqué ou lamellé', c'est que le meuble est en bois massif, et il existe une erreur sur ce point dans le catalogue. Le piétement a par ailleurs été repeint, en sorte qu'il est impossible d'assurer que la table provient bien du site du CEA de [Localité 6], malgré sa couleur 'Bleu EDF'.

L'inexactitude du catalogue, qui mentionne, sans autre précision, qu'il s'agit d'une 'importante table de type Compas à grand plateau rectangulaire en chêne' (nous soulignons), est constante.

Il est cependant manifeste que l'acquéreur, qui, alors que l'évaluation figurant au catalogue était de 35 000 à 45 000 euros, a porté les enchères à 80 000 euros ne souhaitait pas essentiellement acheter une table ayant un plateau en chêne, mais que seul était déterminant le fait qu'il s'agisse d'une table '[W] [Y]'. Or ce souhait a été satisfait.

Il était seulement indiqué au catalogue, en ce qui concerne l'origine de la table, 'Ateliers [W] [Y], 1953". Ainsi, le fait qu'il ne puisse être affirmé avec certitude que cette table proviendrait bien du site EDF de [Localité 6] est indifférent dans le cadre du présent litige.

Force est bien de constater par ailleurs que les conclusions de l'expert relatives à des 'restaurations' à 60 % ne reposent que sur ses propres hypothèses à l'examen de la table litigieuse, alors que sont produits par M. [K] des éléments nombreux et convaincants (attestations [M], [W], notamment, selon lesquelles ces tables avaient à l'origine une destination purement utilitaire, pour des collectivités par exemple, l'époque, encore soumise aux restrictions, excluait un recours au bois massif, et le plateau était conçu pour pouvoir être changé, et apparaissait ainsi purement contingent et dissociable de l'oeuvre de [W] [Y], dont la spécialité était le travail du métal). Tant l'expert que ces attestants soulignent ainsi que le principal intérêt de cette table résidait dans son piètement, dont l'authenticité n'est pas, elle, contestée.

M. [Z] ne discute pas ce dernier point, et il doit être observé en outre, que, bien qu'il soit un collectionneur averti d'objets de cette époque, il n'a formé sa demande fondée sur l'erreur qu'après l'expertise, alors que la demande d'annulation de la vente, sur d'autres fondements, l'a été d'emblée devant le tribunal, notamment dans des écritures du 21 avril 2011.

Ainsi, que les restaurations de la table soient avérées ou non, elles ne peuvent être considérées comme ayant altéré, dans l'esprit de l'acquéreur, la substance de l'objet acheté, même si, ainsi que souligné par l'expert, elles peuvent avoir une incidence sur sa valeur. Il sera donc jugé que la preuve que l'erreur sur le bois constituant le plateau, et d'hypothétiques restaurations aient été déterminantes du consentement de M. [Z] n'est pas rapportée.

La demande d'annulation de la vente sur le fondement de l'erreur sera donc rejetée.

Il en résulte que, la vente étant jugée parfaite, le jugement sera confirmé sur la condamnation de M. [Z] à payer à M. [K] le solde de la vente, soit la somme de 60 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 26 mars 2009.

Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur les articles L321-17 et L.321-32 du code de commerce :

Cette demande est formée à la fois à titre principal, cumulativement avec la demande d'annulation, et à titre subsidiaire.

M. [Z] se plaint d'avoir été abusé sur la valeur de la table, en raison de l'inexactitude des mentions portées sur le catalogue, et de la violation par M. [K] de l'interdiction faite aux experts d'une vente de vendre lors de cette vente des objets leur appartenant sans en faire mention. Il demande ainsi réparation du prix selon lui excessif payé.

Cependant la maison de vente [H] [F] observe à juste titre que les actions en responsabilité civile contre les opérateurs de ventes volontaires aux enchères publiques se prescrivent par cinq ans à compter de l'adjudication ou de la prisée, par application de l'article L321-17 du code de commerce. Ce texte particulier doit être considéré comme dérogatoire au principe selon lequel la prescription ne court qu'à compter de la révélation du dommage. Dès lors, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens d'irrecevabilité soulevés en ce qui la concerne, la demande de dommages et intérêts dirigée contre elle sera déclarée irrecevable.

En ce qui concerne M. [K], pris en sa qualité de vendeur, la cassation a pour effet de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant l'arrêt cassé. Ainsi, même s'il s'agit d'une cassation partielle, dans la mesure où la demande en dommages et intérêts est présentée concomitamment à la demande d'annulation de la vente, qui reste à juger, dont elle peut être considérée comme l'accessoire, ou à titre subsidiaire par rapport à cette demande d'annulation, elle ne peut être considérée comme n'entrant pas dans le champ de la saisine de la cour de renvoi. Pour le même motif, elle entre dans les prévisions de l'article 566 du code de procédure civile, et échappe ainsi à la prohibition des demandes nouvelles.

Néanmoins, si cette demande peut ainsi être considérée comme l'accessoire de la demande d'annulation de la vente, encore faut-il, pour que sa recevabilité soit admise, qu'elle ait été formée dans le délai de prescription prévu pour les actions en responsabilité civile, en l'absence de toute indivisibilité par rapport à la demande d'annulation, formée dès le début de la procédure. Or la vente a eu lieu le 10 novembre 2007 et il n'est pas justifié d'une demande de dommages et intérêts, fondée sur la qualité d'expert de M. [K], et sur l'inexactitude des mentions du catalogue sur les caractéristiques de l'objet vendu avant le 12 décembre 2018, date de dernières écritures de M. [Z]. Cependant, l'inexactitude des mentions du catalogue sur la consistance du plateau, et les interrogations sur d'éventuelles restaurations ne se sont révélées qu'à la suite de l'expertise. La prescription n'a dès lors pu courir qu'à compter du dépôt du rapport, soit le 8 janvier 2018.

La demande indemnitaire formée contre M. [K] est donc recevable.

Il vient cependant d'être jugé que ni la consistance du plateau, ni d'éventuelles restaurations ne constituaient l'élément déterminant du consentement de l'acquéreur, dont il doit être rappelé qu'il n'a contesté la vente qu'après avoir été assigné en paiement du prix. Les mêmes considérations conduisent à juger qu'en achetant dans le cadre d'une vente aux enchères, à un prix proche du double de la valeur estimée figurant sur le catalogue, l'acquéreur a, de manière certaine, privilégié le fait qu'il s'agissait d'une table issue des ateliers [W] [Y], en sorte que le préjudice résultant de l'inexactitude des mentions du catalogue, par le fait allégué d'une déclaration inexacte du vendeur, n'est pas démontré de manière certaine. En d'autres termes, M. [Z] ne rapporte pas la preuve, qui lui incombait, qu'il n'aurait pas porté les enchères à un niveau aussi élevé s'il avait eu connaissance de la consistance du plateau, et d'interrogations sur d'éventuelles restaurations.

La demande est donc mal fondée et sera rejetée.

Sur les autres demandes :

M. [Z], qui succombe, supportera les dépens de l'instance sur renvoi après cassation, et contribuera aux frais de procédure exposés par M. [K] à hauteur de 2 000 euros, et par la maison de ventes [H] [F] à hauteur de 2 000 euros également.

PAR CES MOTIFS

La cour

Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 10 décembre 2014,

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 15 décembre 2016,

Rejette la demande d'annulation de l'expertise judiciaire,

Confirme le jugement déféré en ce que :

- la demande d'annulation de la vente du lot [Cadastre 1] a été rejetée,

- M. [T] [Z] a été condamné à payer à M. [J] [K] la somme de 60 000 euros au titre du solde de la vente de ce lot, avec intérêts au taux légal à compter des premières conclusions déposées devant le tribunal, et capitalisation,

- M. [T] [Z] a été condamné à payer la somme de 2 000 euros à M. [J] [K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Déclare irrecevables comme prescrites les demandes en dommages-intérêts de M. [T] [Z] dirigées contre la société [H] [F] Maison de Ventes aux Enchères,

Rejette celles dirigées contre M. [J] [K],

Condamne M. [T] [Z] à payer la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société [H] [F] Maison de Ventes aux Enchères et à M. [J] [K] et aux dépens de l'instance sur renvoi après cassation, lesquels comprendront les frais d'expertise, avec recouvrement direct,

Rejette toute autre demande.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 15/00170
Date de la décision : 21/02/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°15/00170 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-21;15.00170 ?
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