La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2019 | FRANCE | N°18/02162

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 19 février 2019, 18/02162


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 51C





1re chambre 2e section





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 19 FEVRIER 2019





N° RG 18/02162 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SI2E





AFFAIRE :





G... J...


...





C/


SA LOGIS TRANSPORTS














Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Février 2018 par l

e Tribunal d'Instance de COURBEVOIE


N° RG : 11-15-0471





Expéditions exécutoires


Expéditions


Copies


délivrées le : 19/02/19


à :








Me Franck LAFON








Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA








RÉPUBLIQUE FRANÇAISE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE DIX NEUF FEVRIER...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51C

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 FEVRIER 2019

N° RG 18/02162 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SI2E

AFFAIRE :

G... J...

...

C/

SA LOGIS TRANSPORTS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Février 2018 par le Tribunal d'Instance de COURBEVOIE

N° RG : 11-15-0471

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 19/02/19

à :

Me Franck LAFON

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur G... J...

né le [...] à TUNIS (TUNISIE)

de nationalité Française

[...]

[...]

[...]

Madame S... E... J...

née le [...] à AUCHEL (62)

de nationalité Française

[...]

[...]

[...]

Représentés par Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20180140

Assistés de Me Armelle DE COULHAC MAZERIEUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0788

APPELANTS

****************

SA LOGIS TRANSPORTS

prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège N° SIRET : 59 2 0 25 811 158 [...]

[...]

Représentée par Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 619 - N° du dossier 20180113

Assistée de Me Laure-Anne FOURNIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0190

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Octobre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle BROGLY, Président,

Madame Dominique DUPERRIER, Président,

Madame Lucile GRASSET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT,

FAITS ET PROCEDURE,

Un bail initial PLI en date du 11 décembre 2001, ayant pris effet le 12 décembre 2001, a été signé entre la société d'HLM Logis-Transports en qualité de bailleur d'une part et M. K... J... et Mme S... E..., en qualité de locataires d'autre part, portant sur un appartement de quatre pièces principales n° B 202, d'une surface de 74m², situé [...] , dans le [...].

Suivant acte authentique en date du 2 juillet 2001, la société AXA France Vie (anciennement dénommée AXA France Collective) venant aux droits de la société UAP a cédé à la société Logis Transports, société anonyme d'habitations à loyer modéré et à ce titre bailleur social, les lots de volume représentatifs de [...] comprenant trois immeubles, [...], d'Anjou et Infra, soit 250 appartements, 40 au sein du bâtiment Infra, 68 au sein du bâtiment Anjou et 142 au sein du bâtiment Bretagne où résident M et Mme J....

L'acquisition du bâtiment Infra a été financée grâce à un prêt locatif social (PLS) et celle des bâtiments Anjou et Bretagne a été financée par un prêt locatif intermédiaire (PLI).

Au cours de l'année 2006, la société Logis-Transports a appliqué la législation HLM à tous les logements des bâtiments Bretagne et Anjou.

Par acte authentique du 13 décembre 2007, la société Logis-Transports a signé une promesse de vente desdits lots au bénéfice de la société SNC LES LOCATAIRES, cette promesse ayant pour objet de permettre au groupe Hermitage, promoteur immobilier russe dont la SNC LES LOCATAIRES est la filiale, d'édifier deux tours mixtes de grand standing de 307 mètres de haut, dites [...], aux lieu et place de [...], ainsi vouée à la démolition.

La société Logis-Transports a obtenu les permis de démolir les bâtiments Anjou, Bretagne et Infra dans le courant des années 2010 et 2011, la légalité des trois permis de démolir a été confirmée par le Conseil d'Etat le 22 octobre 2015.

La société Logis-Transports a également obtenu les autorisations préfectorales de démolir au regard des dispositions de l'article L 443-15 du code de la construction et de l'habitation, des trois bâtiments en 2010, 2012 et 2014.

La légalité de l'autorisation préfectorale de démolir du bâtiment Bretagne a été confirmée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 11 mars 2016 et celle du bâtiment Anjou a été confirmée par le Conseil d'Etat les 4 mai et 19 juin 2017.

Certains locataires dont M. et Mme J..., ainsi que l'association VIVRE A LA DEFENSE en charge de la défense de leurs intérêts collectifs, ont saisi le tribunal d'instance de Courbevoie à l'effet de voir prononcer la nullité des actes notariés susvisés de 2001 et 2007, reconnaître que la société Logis-Transports n'a jamais eu la qualité de propriétaire des lots de volume en cause, pas plus qu'elle n'a pu transmettre la cession de ces derniers à la SNC LES LOCATAIRES, voir dire que la législation applicable est celle de droit commun des baux d'habitation du secteur privé libre et faire annuler pour dol les baux PLI que le bailleur social a entendu leur imposer.

Par jugement du 30 avril 2014, le tribunal d'instance de Courbevoie a disjoint le litige, se déclarant incompétent au bénéfice du tribunal de grande instance de Nanterre pour apprécier la validité des actes notariés de 2001 et de 2007 et statuer sur la qualité de propriétaire de la société Logis-Transports ou d'AXA FRANCE VIE sur les lots de volume en cause.

Par arrêt du 20 novembre 2014, la cour d'appel de Versailles a confirmé cette exception d'incompétence et décidé d'évoquer l'affaire.

Par arrêt du 30 juin 2016, elle a déclaré les demandes en nullité desdits actes notariés irrecevables pour cause de prescription.

Par arrêt rendu le 28 février 2018, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 30 juin 2016 par la cour d'appel de Versailles.

Par un premier jugement rendu le 27 février 2018, le tribunal d'instance de Courbevoie a statué sur la législation applicable aux baux en cause et sur le dol en décidant par cette décision générale que les rapports locatifs étaient soumis à la législation HLM et que les baux PLI soumis aux locataires n'avaient pas été obtenus par le jeu de manoeuvres dolosives.

Par jugements individuels rendus le même jour soit le 27 février 2018, le même tribunal a statué sur le sort de chacun des locataires assigné par la société Logis-Transports.

En effet, par acte d'huissier en date du 12 mars 2015, la société Logis Transports avait assigné M. K... J... et Mme S... E... aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- le rejet de l'ensemble des prétentions adverses,

- la validation du congé pour démolir délivré le 5 mai 2014, avec effet au 6 novembre 2014, date depuis laquelle les défendeurs se trouveraient, selon la demanderesse, sans droit ni titre dans les lieux,

- leur expulsion immédiate et sans délai,

- l'appréhension du mobilier trouvé dans les lieux,

- leur condamnation à payer une indemnité d'occupation d'un montant égal à celui du loyer contractuel, taxes et charges en sus, majoré de 50 %, à compter du 6 novembre 2014 et jusqu'au départ effectif des lieux loués, outre les dépens ainsi qu'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 27 février 2018, le tribunal d'instance de Courbevoie a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- reçu la société Logis Transports en ses demandes et l'a dit bien fondée,

à titre liminaire,

- rejeté l'ensemble des prétentions adverses, y compris celles consistant à se prévaloir de l'existence de procédures juridictionnelles présentées connexes,

- débouté M. K... J... et Mme S... E... de leur demande de sursis à statuer,

au principal,

- dit que le bail applicable n'est pas soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 en ce qui concerne la fixation du loyer mais aux dispositions d'ordre public applicables en matière de bail HLM PLI,

- dit que les locataires ne bénéficient pas d'un droit de préemption mais d'un droit au maintien dans les lieux, ce qui leurs a permis de se voir appliquer les dispositions des articles L. 443-15-1 et L. 442-6 du code de la construction et de l'habitation et 13 bis de la loi du 1er septembre 1948,

- dit et jugé que les offres de relogement signifiées les 7, 12 mars et 5 mai 2014 à M. K... J... et Mme S... E... étaient conformes aux caractéristiques énumérées à l'article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948,

- constaté le refus de M. K... J... et Mme S... E... d'être relogés,

en conséquence,

- dit et jugé que M. K... J... et Mme S... E... sont déchus du droit au maintien dans les lieux et par conséquent, occupants sans droit ni titre du logement n°B 202, situé [...] ) depuis le 6 novembre 2014,

- constaté que M. K... J... et Mme S... E... ont déjà bénéficié à ce jour d'un délai de plus de 28 mois pour se maintenir indûment dans les locaux donnés à bail,

- débouté M. K... J... et Mme S... E... de toute demande de délai pour se maintenir,

- ordonné leur expulsion immédiate et sans délai et celle de tous occupants de leur chef, en la forme ordinaire, avec l'assistance d'un serrurier et avec l'aide de la force publique, si besoin est, dans les conditions prévues par les articles 61 et suivants de la loi du 9 juillet 1991,

- autorisé la société Logis Transports à faire transporter et entreposer les meubles et objets mobiliers garnissant les lieux, dans tout garde-meubles de son choix, aux frais et risques de qui il appartiendra (L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution),

en tout état de cause,

- condamné M. K... J... et Mme S... E... à payer, mensuellement, à la société Logis Transports en deniers ou quittances valables, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel, taxes et charges en sus, à compter du 6 novembre 2014 et jusqu'à libération effective des lieux donnés à bail (article 1240, anciennement 1382 du code civil),

- rejeté toute autre demande,

- condamné M. K... J... et Mme S... E... à payer à la société Logis Transports la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. K... J... et Mme S... E... aux entiers dépens, au titre de l'article 696 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 27 mars 2018, M. J... et Mme S... E... épouse J... ont relevé appel de ce jugement. Aux termes de leurs conclusions transmises le 25septembre 2018, ils demandent à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 février 2018 par le tribunal d'instance de Courbevoie et statuant de nouveau,

- dire que la législation applicable aux rapports locatifs de M. et Mme J... avec la société Logis Transports est la législation de droit commun aux baux d'habitation du secteur privé marché libre et singulièrement les dispositions d'ordre public de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989,

- dire en conséquence que ledit bail n'est pas soumis à la législation HLM,

- dire que Mme D... a été nommée aux fonctions de directrice générale de la société Logis Transports selon délibération du conseil d'administration de cette dernière en date du 28juin 2013,

- dire que le procès-verbal de ladite délibération n'a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris que le 13 octobre 2014,

- dire en conséquence que la désignation de Mme D... aux fonctions de directrice générale de la société Logis Transports n'est opposable aux tiers qu'à compter du 13 octobre 2014,

- dire que les offres de relogement et le congé pour démolir ont été signifiés par huissier à M. et Mme J... les 7 et 12 mars 2014, 5 mai 2014, 16 et 19 juin 2014, 31 juillet 2014, 16 septembre 2014, 2 et 10 octobre 2014, 'à la requête de la société Logis Transports prise en la personne de Mme M... D..., Directrice Générale',

en conséquence,

- prononcer la nullité de l'intégralité desdites offres de relogement, dont celle valant congé pour démolir, en ce qu'elles ont été signifiées d'une part, en application de la législation HLM et d'autre part, avant le 13 octobre 2014 « à la requête de la société Logis Transports prise en la personne de Mme D..., directrice générale »,

- dire que les offres de relogement violent la législation d'ordre public régissant les actes d'huissiers de justice,

- dire que ces violations constituent des violations de fond,

- dire subsidiairement, qu'au cas de violations de forme, elles causent un grief à M. et Mme J...,

en conséquence,

- prononcer de plus fort la nullité de l'intégralité des offres de relogement signifiées à l'encontre de M. et Mme J...,

subsidiairement,

- dire inopposables à M. et Mme J... et dans tous les cas dépourvues de toute effectivité envers ces derniers, l'intégralité desdites offres de relogement, dont celle valant congé pour démolir,

dans tous les cas,

- dire que M. et Mme J... bénéficient du droit d'exercer son droit de préemption,

- dire que les articles L. 443-15 -I, L. 442-6 du code de la construction et de l'habitation et 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 ne sont pas applicables au présent cas d'espèce,

- dire que M. et Mme J... ne sont pas déchus de leur droit de demeurer dans les lieux loués,

- dire que M. et Mme J... ne sont pas occupants sans droit ni titre desdits lieux,

- dire qu'aucun congé ne leur est opposable,

- dire n'y avoir lieu à ordonner l'expulsion de M. et Mme J... et des occupants de leur chef,

- débouter la société Logis Transports de l'ensemble de ses demandes, en tous leurs chefs et moyens,

- condamner la société Logis Transports à payer à M. et Mme J... une somme de 5.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Logis Transports aux entiers dépens, que Me Lafon, avocat au Barreau de Versailles, pourra recouvrer directement en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions transmises le 26 septembre 2018, la société Logis Transports demande à la cour de :

- la recevoir en ses conclusions d'intimée, la dire bien fondée,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a constaté que M. et Mme J... avaient bénéficié d'un délai de 28 mois, (qui constitue une erreur matérielle, relative au calcul des délais obtenus de fait),

statuant à nouveau,

- constater que M. et Mme J... avaient bénéficié d'un délai de plus de 39 mois pour se maintenir indûment dans les locaux donnés à bail, le 27 février 2018,

et si besoin était,

-rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement du 27 février 2018 (R 11-15-0471), afin qu'il soit précisé que M. et Mme J... avaient bénéficié d'un délai de 39 mois pour se maintenir indûment dans les locaux donnés à bail le 27 février 2018,

en tout état de cause,

- débouter M. et Mme J... de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner M. et Mme J... à payer à la société Logis Transports la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. et Mme J... au paiement des entiers dépens de la présente instance, qui seront recouvrés par Me Minault, avocat au Barreau de Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 septembre 2018.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'appel de M et Mme J...

M et Mme J... font grief au premier juge d'avoir considéré que le bail applicable n'est pas soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 mais à celles d'ordre public applicables en matière de bail d'HLM PLI, d'avoir jugé qu'ils ne bénéficient pas d'un droit de préemption mais d'un droit au maintien dans les lieux, et d'avoir dit que les offres de relogement signifiées les 7mars,12 mars, 5 mai 2014 étaient régulières, ne contestant toutefois pas leur conformité aux caractéristiques énumérées à l'article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 applicable au bail HLM PLI.

1) Sur la détermination de la loi applicable.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M et Mme J... ont signé le 10 décembre 2001 un bail PLI avec la société Logis-Transports, soit après que celle-ci ait acquis les lots de volume de la Résidence des Damiers, le 3 juillet 2001.

M et Mme J... ne peuvent sérieusement prétendre avoir ignoré que le bail qu'ils ont signé, leur a été consenti pour une durée de trois mois seulement, (renouvelable par tacite reconduction) et que la société Logis-Transports était un bailleur social, dans la mesure où elle se serait abstenue de leur décliner sa qualité : en effet, ce bail à l'entête bail PLI qu'ils ont préalablement et nécessairement relu avant d'apposer leur signature énonce qu'il est soumis aux dispositions du Livre IV du code de la construction et de l'habitation conformément aux dispositions de l'article 40.1 de la loi du 6 juillet 1989 et de l'article L 411-3 du code de la construction et de l'habitation.

Par suite, M et Mme J... ne sont pas légitimes pour ce motif là, savoir un défaut d'information quant à la durée du bail et son régime, à revendiquer dans leurs rapports locatifs avec la société bailleresse l'application de la législation de droit commun des baux d'habitation du secteur privé marché libre : en effet, la contestation de la législation applicable aux autres locataires de la Résidence Les Damiers ne les concerne nullement.

Pour toutes ces raisons, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a considéré que le bail en cours était pleinement soumis à la législation HLM.

2) sur le droit de préemption.

C'est à juste titre que le premier juge a considéré que M et Mme J... ont droit au maintien dans les lieux et à leur relogement mais qu'en revanche, ils ne peuvent revendiquer le droit de préemption. En effet :

- d'une part force est de constater qu'ils n'avaient pas encore emménagé dans [...] lors du premier transfert de propriété intervenu le 2 juillet 2001, ayant consisté à la cession globale et en une seule fois des immeubles des Damiers par la société AXA Collectives au profit de la société Logis-Transports,

- d'autre part, l'intention de démolir du bailleur social, ainsi que les autorisations administratives obtenues à cet effet, permettent également d'écarter l'application des dispositions de l'article L443-11 du code de la construction et de l'habitation relatives à l'exercice du droit de préemption du locataire ;l'économie de l'opération de rénovation urbaine ayant pour vocation la démolition préalable des logements avant toute cession, M et Mme J... ne peuvent invoquer utilement le bénéfice d'un droit de préemption sur ce fondement.

3) Sur l'absence alléguée d'effectivité des offres de relogement pour cause de nullité, subsidiairement d'inopposabilité.

Au soutien de leur appel de ce chef, M et Mme J... font valoir que les diverses offres de relogement, dont celle supposée valoir congé, sont entachées de nullité pour cause d'absence d'applicabilité de la législation HLM, de violation de la législation régissant les actes d'huissier de justice et d'inopposabilité des fonctions de Directrice Générale de la société Logis-Transports de Mme D....

- sur l'inapplication de la législation HLM invoquée par M et Mme J....

La cour a retenu que la législation HLM était bien applicable au bail consenti initialement à M et Mme J... qui ne bénéficient d'aucun droit de préemption sur le logement, de sorte que ce moyen développé pour conclure à la nullité des offres de relogement est inopérant.

- sur la violation de la législation régissant les actes d'huissiers de justice : absence d'identification du titulaire de l'office d'huissiers de justice instrumentaire.

M et Mme J... font valoir que :

- en ayant porté aux actes portant notification des offres de relogement, la mention, 'Nous, V... B..., F... T..., R... O..., A... B...-Y..., Huissiers de Justice associés, L... N..., X... W..., Huissiers de Justice salariés', sans autre précision quant à l'identification de l'office ministériel instrumentaire des actes, l'étude d'huissiers de justice est en totale infraction avec les dispositions qui régissent les sociétés civiles professionnelles d'huissiers de justice et les exigences posées à l'article 648 du code de procédure civile,

- dans les actes établis par une société civile professionnelle, doivent figurer à peine de nullité les nom, prénoms, qualité d'associé et la signature de l'huissier de justice qui a instrumenté, ainsi que la mention de la société dont il est membre et l'adresse du siège de celle-ci,

- une telle nullité procède d'une irrégularité de fond, qui dispense celui qui s'en prévaut de prouver un grief conformément aux dispositions de l'article 119 du code de procédure civile,

- ainsi, les offres de relogement notifiées à M et Mme J... sont-elles entachées de nullité du chef d'une irrégularité de fond, en application des dispositions susvisées et l'article 117 du code de procédure civile,

- quand bien même, cette irrégularité serait-elle qualifiée de forme, elle n'en emporterait pas moins la nullité des offres de relogement, en application de l'article 114 du code de procédure civile, en ce que, contrairement à ce que soutient la société Logis-Transports, elles font bien grief.

La société Logis-Transports réplique que :

- ce moyen soulevé pour la première fois en cause d'appel, est particulièrement mal fondé,

- les actes d'huissier délivrés à M et Mme J... font référence sans ambiguïté :

* à la forme sociale de l'étude : la société civile professionnelle [...].

* à l'identification des titulaires de l'office : Me B..., Me T..., Me O..., Me B...-Y...,

* à l'identité de l'huissier poursuivant : soit Me N..., soit Me B...-Y...,

*à l'adresse de l'étude située à l'époque [...] ).

- aucune des mentions prescrites par l'article 648 du code de procédure civile ne fait défaut dans les actes contestés,

- en toute hypothèse, à supposer même qu'une mention fasse défaut dans les actes litigieux, il ne peut s'agir que d'une irrégularité de forme ne causant aucun grief aux locataires dans la mesure où l'étude [...] est tout à fait identifiable sans aucune confusion possible : en effet, les locataires ne sauraient sérieusement soutenir que les huissiers instrumentaires n'étaient pas titulaires de l'office d'huissier concerné et partant dépourvus de capacité ou de pouvoir,

- or, en vertu des dispositions des articles 648 et 114 ensemble du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Sur ce,

L'article 648 du code de procédure civile dispose que : 'la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure'.

L'article 144 du même code dispose, s'agissant de vices de forme des actes de procédure, que :

'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief qui lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public'.

En l'espèce, l'absence de précision, dans les actes contestés, de la forme de la structure sous laquelle la société civile professionnelle exerce son activité constitue bien une irrégularité de forme qui, à l'évidence, ne cause aucun grief à M et Mme J..., dès lors que cette étude d'huissiers de justice est nettement identifiable, 'ayant pignon sur rue'.

- sur la nullité des offres de relogement alléguée pour cause d'inopposabilité des fonctions de directrice générale de Mme D... au sein de la société Logis-Transports.

M et Mme J... invoquent encore sur le fondement de l'article L 123-9 du code de commerce, la nullité des offres de relogement motif pris qu'elles ont été notifiées par huissier de justice à la requête de la société Logis-Transports prise en la personne de Mme D... en qualité de Directrice Générale, désignée à ces fonctions selon délibération du Conseil d'administration du Logis-Transports du 28 juin 2013, alors même que cette nomination n'a été régularisée auprès du greffe du tribunal de commerce que le 13 octobre 2014.

Ils font valoir que, conformément aux dispositions de l'article susvisé et à celles des articles R123-66 et R 123-54 du même code, Mme D... n'avait pas le pouvoir de représenter la société Logis-Transports envers les tiers jusqu'au 13 octobre 2014.

La société Logis-Transports réplique que :

- les offres de relogement ont été signifiées notamment au cours de l'année 2014, à la requête de Mme M... D..., régulièrement nommée en qualité de directrice générale, lors du conseil d'administration de la société ayant siégé le 28 juin 2003,

- effectivement cette nomination n'a été régularisée auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris que le 13 octobre 2014,

- cependant, du 28 juin 2013 au 13 octobre 2014, Mme D... pouvait valablement engager et représenter la société Logis-Transports, contrairement à ce que soutient obstinément la locataire qui confond le pouvoir d'engager et de représenter la société et la non opposabilité de la délibération aux tiers.

Sur ce,

Aux termes de l'article L 123-9 du code de commerce, 'la personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer ni aux tiers, ni aux administrations publiques qui peuvent toujours s'en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre.

En outre, la personne assujettie à un dépôt d'actes ou de pièces en annexe au registre ne peut les opposer aux tiers ou aux administrations que si la formalité correspondante a été effectuée. Toutefois, les tiers ou administrations peuvent se prévaloir de ces actes ou pièces (...)'.

Force est de constater que M et Mme J... font une mauvaise interprétation des textes dont ils se prévalent à l'appui de leur demande de nullité des offres de relogement qui lui ont été notifiées par la société Logis-Transports.

En effet, aussi longtemps que la délibération du conseil d'administrations du 28 juin 2013 n'a pas été déposée au greffe du tribunal de commerce, la société Logis-Transports ne pouvait opposer aux tiers la nomination de Mme D... en qualité de Directrice générale de la société.

Pour autant, le retard dans le dépôt de la délibération du 28 juin 2013 au greffe du Tribunal de commerce est sans incidence et ne saurait entraîner la nullité des actes accomplis par Mme D... qui a été régulièrement désignée en qualité de Directrice générale, fonction qui recouvre le pouvoir non limité de représenter et engager la société.

Ce moyen doit être écarté comme non pertinent.

Tant dans les motifs que le dispositif de leurs conclusions, M et Mme J... ne contestent pas le dispositif du jugement qui a retenu que les offres de relogement notifiées à la requête de la société Logis-Transports les 12 mars 2014, 11 avril 2014 et 15 mai 2014 répondaient aux critères de l'article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948, et que la troisième offre (valant congé signifiée le 15 mai 2014 à effet au 16 novembre 2014, visant les articles L 442-6 II du code de la construction et de l'habitation et 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 et précisant qu'à l'expiration d'un délai de six mois suivant la notification, les locataires seront déchus de tout droit au maintien dans les lieux s'ils refusaient l'offre formulée), est régulière au fond.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé non seulement en ce qu'il a retenu que le congé pour démolir en date du 15 mai 2014 a pris effet le 16 novembre 2014 et que depuis cette date, M et Mme J... sont occupants sans droit ni titre, mais encore en toutes ses dispositions subséquentes, étant observé que celle relative à l'expulsion est devenue sans objet dans la mesure où, après qu'un commandement d'avoir à quitter les lieux au plus tard le 9 mai 2018 ait été délivré à M et Mme J... par acte d'huissier de justice en date du 9 mars 2018, il a été procédé à leur expulsion effective le 1er août 2018.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Succombant en leur recours, M et Mme J... seront condamnés aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de M et Mme J... au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel par la société Logis-Transports peut être équitablement fixée à 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à préciser que le bail initial consenti 7 mai 1999, pour une durée de six ans par la société AXA COLLECTIVES à M et Mme J... est venu à expiration le 31 mai 2005 et que la demande d'expulsion est devenue sans objet dès lors qu'elle est intervenue le 1er août 2018,

Rejette le surplus des demandes de M et Mme J...,

Condamne M et Mme J... à verser à la société Logis-Transports la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M et Mme J... aux dépens d'appel pouvant être recouvrés par Me Minault, avocat au Barreau de Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle BROGLY, Président et par Mme SPECHT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 18/02162
Date de la décision : 19/02/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 1B, arrêt n°18/02162 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-19;18.02162 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award