COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
TA
Code nac : 58E
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 FEVRIER 2019
N° RG 17/02933 - N° Portalis DBV3-V-B7B-ROWO
AFFAIRE :
SA AXA FRANCE IARD
C/
Société AIG EUROPE LIMITED et disposant d'un établissement situé [...]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mars 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 2015F00336
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD,
Me Franck LAFON,
Me Oriane DONTOT
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA AXA FRANCE IARD
[...]
[...]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2017136
Représentant : Me Gérard HONIG de la SCP HONIG METTETAL NDIAYE & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0581 -
APPELANTE
****************
Société AIG EUROPE LIMITED et disposant d'un établissement situé [...]
- [...] (ROYAUME UNI)
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20170167
Représentant : Me Christophe ADRIEN de la SELARL ADRIEN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1145 -
SAS ACTIMEAT anciennement dénommée GEL ALPES
N° SIRET : [...]
[...]
[...]
Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20170779
Représentant : Me Michel ZUIN de l'AARPI ZUIN RHILANE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0583 -
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Décembre 2018, Madame Thérèse ANDRIEU, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE
FAITS ET PROCEDURE
La société espagnole Preparados Alimenticios , ci-après dénommée Preparados, a souscrit une police d`assurances auprès de la succursale espagnole de la société de droit anglais AIG Europe Limited, ci-après AIG, à effet du 1er 'janvier 2013. Cette dernière assure également en vertu de cette police, plusieurs filiales de Preparados, dont la société de droit italien Star Stabilimento Alimentare SpA (ci-après Star).
La société française Gel Alpes, devenue Actimeat, a pour activité la transformation de matières premières animales pour produire des ingrédients carnés, qu'elle vend ensuite aux industriels du secteur de I'agroalimentaire.
Elle est assurée en responsabilité civile auprès de la société Axa France lard, ci-après Axa,
selon la police n° [...] entrée en vigueur en 2011.
En 2012 et en janvier et février 2013, la société Gel Alpes a vendu des lots de viande à la société Star.
Suite à la révélation du scandale de la viande de cheval le 16 janvier 2013 par la presse anglaise, puis les 7 et 8 février 2013 par la presse française, la société Gel Alpes a établi, le 13 février 2013, une attestation adressée à. la société Star selon laquelle les produits qui lui étaient livrés étaient élaborés exclusivement à partir de viandes bovines.
La société Gel Alpes ayant découvert après analyses que les produits qu'elle avait livrés contenaient de la viande de cheval (notamment le lot fabriqué le 5 février 2013) a alerté la société Star par courrier du 19 février 2013.
Cette crise ayant eu des répercussions immédiates sur son état financier, la société Gel Alpes a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par jugement du tribunal de commerce de Manosque du 19 mars 2013.
La société Star subissait des préjudices consécutifs à la livraison de ses produits suite à la décision du 6 mars 2013 des autorités italiennes d'interdire la commercialisation de tous produits élaborés à partir des lots Gel Alpes, puis d'ordonner le rappel des produits, et ce en raison du risque de présence de phénylbutazone, analgésique couramment administré aux chevaux, pouvant entraîner un risque pour la santé.
La société Star a déclaré le sinistre à son assureur la société AIG, lequel a missionné un expert, le Cabinet Crawford, qui a rendu son rapport le 11 octobre 2013.
Sur la base de ce rapport, la société AIG a versé une indemnité d'un montant de 4 250 000 € à la société Preparados, selon quittance du 28 octobre 2013.
Le 18 mars 2014, la société AIG a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire de la société Gel Alpes et, le 19 mars 2014, a saisi le juge-commissaire d'une requête en relevé de forclusion, arguant de sa qualité de société étrangère et de l'impossibilité dans laquelle elle s'était trouvée de pouvoir déclarer sa créance dans les délais.
Par ordonnance du tribunal de commerce de Manosque du 1er juillet 2014, la société AIG a été déboutée de sa demande.
Par ailleurs, la société AIG avait demandé, par lettres des 31 mars et 7 avril 2014, à la société Gel Alpes et à son mandataire judiciaire de lui communiquer le nom de l'assureur de responsabilité civile, ainsi que la police d'assurances concernée par cette affaire.
Cette demande étant restée sans effet, la société AIG a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Manosque d'une demande de communication de pièces ; elle a été déboutée de sa demande par ordonnance du 29 juillet 2014.
Sur l'appel interjeté par la société AIG, par arrêt du 29 janvier 2015. la cour d'appel d`Aix en Provence a infirmé l'ordonnance et a ordonné la communication sous astreinte par la société Gel Alpes et son mandataire des informations relatives à la police d'assurance de Gel Alpes.
Le 3 février 2015, la société Gel Alpes s'est partiellement exécutée en communiquant les conditions particulières de la police souscrite auprès de la société Axa et une attestation d'assurance pour l'année 2013.
C'est dans ces circonstances que, par actes d'huissier séparés du 6 février et du 11 février 2015, délivrés à personne habilitée, la société de droit anglais AIG Europe Limited subrogée dans les droits de la société Star Stabilimento Alimentare SpA a fait assigner respectivement la société Axa France lard et la société Gel Alpes devant le tribunal de commerce de Nanterre en demandant notamment de reconnaître la responsabilité de la société Gel Alpes responsable et de condamner la société Axa France Iard à lui verser la somme de 4 250 000 €.
Par jugement du 17 mars 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Dit l'action de la société AIG Europe Limited recevable,
- Condamné la société Axa France lard à payer à la société AIG Europe Limited la somme de 2 200 000 €, avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2015, date de l'assignation, avec anatocisme,
- Condamné la société Axa France lard à payer à la société AIG Europe Limited la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Actimeat, anciennement Gel Alpes, à payer à la société AIG Europe Limited la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement,
- Condamné la société Axa France lard aux dépens.
Par déclaration du 10 avril 2017, la société Axa France Iard a interjeté appel du jugement.
Vu les dernières conclusions de la société Axa France Iard notifiées le 1er mars 2018 aux fins de voir :
Vu les articles 31 et 122 et s. du code de procédure civile,
Vu l'article L. 121-12 du code des assurances,
Vu les articles L. 112-6 et L. 124-3 du code des assurances,
Vu la Police d'assurance AXA n° [...]
-infirmer le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau,
Sur l'irrecevabilité de l'action
- Dire et juger que la société Aig europe limited ne démontre pas être subrogée dans les droits de son assurée, la société STAR ;
- Déclarer l'action de la société Aig europe limited irrecevable pour défaut d'intérêt ou de qualité à agir ;
Sur le fond
A titre principal
- Dire et juger que la société Aig europe limited ne démontre pas la responsabilité de la société Gel Alpes/Actimeat pour les préjudices allégués;
- Débouter la société Aig Europe Limited de son action directe à l'encontre de la société Axa France Iard ;
A titre subsidiaire
- Dire et juger que la société Axa France Iard ne saurait être tenue au-delà de la limitation de garantie de 250 000 € (deux cent cinquante mille euros) applicable aux dommages immatériels non consécutifs par année d'assurance, au titre de la garantie de la responsabilité civile après livraison des produits ;
- Débouter la société Aig Europe Limited de toute demande pour le surplus de la somme de 250 000 € (deux cent cinquante mille euros) ;
A titre très subsidiaire
- Dire et juger qu'en tout état de cause, la société Axa France IARD ne saurait être tenue au-delà de la limitation de garantie de 2 200 000 € (deux millions deux cent mille euros) applicable tous dommages garantis confondus par année d'assurance, au titre de la garantie de la responsabilité civile après livraison des produits ;
- Débouter la société Aig Europe Limited de toute demande pour le surplus de la somme de 2 200 000 € (deux millions deux cent mille euros) ;
En tout état de cause
- Condamner la société Aig Europe Limited à lui payer une indemnité de 40 000 € (quarante mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
- Condamner la société Aig Europe Limited aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions notifiées le 2 mars 2018 de la société Actimeat (anciennement dénommée Gel Alpes) aux fins de voir :
Vu l'article 9 de la Directive n° 85/374/CCE du 25 juillet 1985 ;
Vu les articles 1386-1 et suivants du code civil (ancienne version) ;
Vu les articles 38, 39 et 79 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 ;
- infirmer le jugement rendu le 17 mars 2017 par le tribunal de commerce de Nanterre ;
Statuant à nouveau :
- dire et juger qu'aucune responsabilité ne peut être imputée à la société Actimeat, anciennement dénommée Gel Alpes ;
- en conséquence, dire et juger la société Aig Europe Limited irrecevable et mal fondée ;
-la débouter de l'ensemble de ses demandes ;
-condamner la société Aig Europe Limited au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Bertrand ROL, AARPI-JRF AVOCATS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 5 mars 2018 par la société Aig Europe Limited aux fins de :
-Vu la Directive Européenne sur les produits défectueux du 25 juillet 1985 n°85/374/CEE,
Vu les articles 1386-1 et suivants du code civil (devenus 1245 à 1245-17 du Code Civil),
Vu les articles 35 et 36 de la convention de Vienne sur la vente internationale de Marchandises,
Vu la loi espagnole sur le contrat d'assurance,
Vu l'article L 124-3 du code des Assurances,
- Dire les présentes conclusions recevables et bien fondées,
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Débouter la société Axa France Iard de toutes ses demandes, fins et conclusions
- Débouter la société Actimeat, anciennement dénommée Gel Alpes, de toutes ses demandes, fins et conclusions
Y ajoutant,
- Condamner les sociétés Axa France Iard et Actimeat au versement de la somme de 100.934,99 euros au profit de la société Aig Europe Limited, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Franck Lafon en application de l'article 699 du même code.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 mars 2018.
Par arrêt du 5 juin 2018, la cour d'appel de Versailles a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 18 septembre 2018 sans révocation de l'ordonnance de clôture aux fins de permettre à la société Aig Europe Limited de communiquer à la cour sous peine de radiation la traduction en langue française des documents suivants rédigés en langue espagnole et figurant en côte 1 ( police AIG Europe n° EA08CM1001) et 18 (extrait loi espagnole sur le contrat d'assurance) du bordereau de communication de pièces adossé à ses écritures signifiées le 5 mars 2018.
L'audience de plaidoirie a été reportée au 4 décembre 2018.
SUR CE, LA COUR
Sur la fin de non recevoir
Les parties sont d'accord au terme de leurs conclusions pour reconnaître que la loi espagnole est applicable au contrat d'assurance souscrit entre la société espagnole Preparados Alimenticios auprès de la succursale espagnole de la société AIG Europe de droit anglais avec effet au 1erjanvier 2013.
Il ressort du contrat d'assurance que l'Assuré est indiqué comme étant le preneur et ses filiales dont Star Stabilimento Alimentare S.P.A en Italie.
Selon l'affidavit établi par Maître José Maria Alvares-Cienfuegos , avocat à Madrid, non critiqué par les parties, la subrogation en droit espagnol de l'assureur dans les droits de l'assuré est soumise à deux conditions :
- l'assureur doit avoir réglé l'indemnité due en application de la police,
-l'assuré doit avoir le droit de réclamer à un tiers, l'indemnité obtenue en application de la police.
Il y est ajouté qu'en règle générale, la subrogation pourra être mise en oeuvre valablement si le paiement est fait à l'entité titulaire du droit à indemnisation selon le contrat d'assurance, la partie assurée se trouvant être habituellement celle qui a subi le dommage indemnisable. Toutefois conformément au code civil espagnol, l'assuré a la possibilité d'autoriser une autre entité à recevoir l'indemnité en son nom . Dans ce cas, le paiement fait à une autre entité que l'assuré est valable pour les besoins de la subrogation... ; si l'assuré accepte que l'indemnité due en application du contrat d'assurance soit versée à un tiers , le droit de l'assureur ne sera pas lésé... ; il en résulte que l'assureur sera subrogé dans les droits de l'assuré dès lors que l'indemnité aura été payée en application de la police d'assurance même si le paiement n'a pas été fait directement à l'assuré.
La société Axa France conteste la recevabilité à agir de la société Aig Europe estimant que celle-ci n'est pas valablement subrogée dans les droits de l'assuré, la société Star. Elle fait valoir que la société Aig Europe ne justifie pas du fait que la société Star a accepté que l'indemnité soit versée à la maison mère, la société Preparados Alimenticios. Elle considère que ni la quittance produite ni la déclaration conjointe du 28 avril 2016 des représentants d'Aig Europe et de Preparados Alimenticios ( désormais dénommée TGBF) ne démontrent que la société Star aurait accepté ce règlement.
Toutefois, la cour constate que M. Eduardo E... Y... qui a signé le courrier du 28 avril 2016 est à la fois le président du conseil d'administration de la société Star et intervient au nom et pour le compte de la société Preparados Alimenticios suivant les pièces produites et en traduction libre versées au débat par la société Aig Europe.
Par courrier du 28 avril 2016, M.Javier Villalba N... agissant au nom de la société Aig Europe et M.Eduardo E... Y... agissant en qualité de fondé de pouvoir de la société TGBF (anciennement Preparados Alimenticios) ont rappelé que la société Star comme la société TGBF étaient assurées au titre de la police, que celles-ci avaient de la même manière la qualité de preneur d'assurance, que TGBF a régularisé la quittance, que l'assureur est subrogé dans les droits de TGBF et Star.
La cour relève que s'il est exact que la quittance du 28 octobre 2013 a été établie au nom de la société Preparados Alimenticios à l'égard de la société AIG Europe, celle-ci est la société mère de la filiale Star sachant que l'assuré au terme du contrat d'assurance désigne tant la société Preparados Alimenticios que la société Star.
La société Star et la société Preparados Alimenticios sont donc tout autant l'une que l'autre l'assuré s'agissant du 'preneur et de ses filiales' au terme du contrat d'assurance, que M.Mezegue Y... est à la fois le président du conseil d'administration de la filiale Star et le représentant de la société TGBF, qu' il est indiqué dans le courrier précité du 28 avril 2016 que 'les dommages consécutifs au sinistre ont été subis du fait de la commercialisation des produits fabriqués par Star lesquels ont à leur tour affecté la société mère TGBF...'.
Ces éléments sont suffisants pour retenir que la société Star filiale de la société TGBF dont le président du conseil d'administration est aussi le représentant de la maison mère a accepté que le règlement de l'indemnité soit effectuée auprès de la société TGBF.
En conséquence, la société Aig Europe qui est subrogée dans les droits de son assuré est recevable à agir.
Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir opposée par la société Axa France.
Sur la responsabilité :
La société Aig poursuit à la fois la société Axa sur le fondement de la responsabilité pour produits défectueux suite à la transposition en droit français de la directive européenne du 25 juillet 1985 et sur le fondement de la convention internationale de vente de marchandises du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises comme l'a retenu le tribunal.
La société Axa considère que la responsabilité pour produits défectueux et celle fondée sur la convention internationale de vente de marchandises ne peuvent être cumulées et qu'elles ne peuvent en tout état de cause recevoir application et engager la responsabilité de la société Gel Alpes/Actimeat.
La société Actimeat conclut aux mêmes fins.
La cour constate que la société Axa bien que s'opposant au cumul des régimes de responsabilité ne tire pas de conséquence quant à l'irrecevabilité à agir de la société Aig Europe qui serait tiré du principe de non cumul des actions.
La société Axa ne conclut donc pas à l'irrecevabilité à agir de la société Aig mais soutient que les deux régimes de responsabilité ne peuvent être retenus simultanément.
Conformément aux conclusions des parties, la cour examinera les deux fondements de responsabilité l'un après l'autre si nécessaire sans que les deux régimes de responsabilité ne puissent être retenus en même temps et ainsi cumulés comme le fait valoir la société Axa dans la mesure où le régime de responsabilité pour produits défectueux vise la sécurité du produit alors que celui de la convention de Vienne vise sa non conformité.
Sur la responsabilité pour produits défectueux
la reconnaissance des faits par la société Gel Alpes :
L'article L 124-2 du code des assurances dispose que 'l'aveu de matérialité d'un fait ne peut être assimilé à la reconnaissance d'une responsabilité'
L'article L 124-2 du code des assurances prévoit que 'l'assureur peut stipuler qu'aucune reconnaissance de responsabilité, aucune transaction, intervenues en-dehors de lui, ne lui sont opposables. L'aveu de la matérialité d'un fait ne peut être assimilé à la reconnaissance d'une responsabilité'.
La société Axa France fait valoir d'une part qu'aucune reconnaissance de responsabilité par la société Gel Alpes ne lui est opposable, l'article L 124-2 du code des assurances trouvant à s'appliquer et d'autre part que la reconnaissance d'un fait de matérialité par la société Gel Alpes ne peut être assimilée à une reconnaissance de responsabilité
Elle en conclut qu'il appartient à la société Aig Europe de démontrer le caractère défectueux des produits livrés et ce au-delà de la simple reconnaissance par la société Gel Alpes devenue Actimeat dans son courrier du 19 février 2013 adressé à la société Star et dans lequel elle a reconnu la matérialité d'un fait s'agissant de la présence de viande de cheval dans certains lots livrés.
La société Aig Europe ne le conteste pas.
C'est donc à juste titre que le tribunal s'il a pu estimer que la matérialité des faits n'était pas contestable, a considéré que l'aveu de la matérialité ne pouvait être assimilé à une reconnaissance de responsabilité.
La responsabilité pour produits défectueux
La société Axa conclut à l'irrecevabilité de la demande de la société Aig Europe fondée sur la responsabilité des produits défectueux en droit français au motif qu'en première instance elle n'avait invoqué que la directive et non celle-ci telle que transposée en droit français.
Elle fait valoir que le dommage dont se prévaut la société Aig Europe tel qu'invoqué en première instance sur le fondement de l'article 9 de la directive n'entre pas dans le champ de celle-ci , la viande n'ayant pas été utilisée par la société Star pour son usage ou sa consommation privée comme le prévoit l'article 9 précité mais à titre purement professionnel.
La société Gel Alpes reprend le même moyen.
La société Aig Europe qui conteste avoir fait une application erronée de l'article 9 de la directive en première instance réplique qu'il s'agit bien du dommage subi par les produits de la société Star dans lesquels le produit défectueux qui contenait de la viande illégalement introduite dans la chaîne d'approvisionnement a été incorporé.
Les parties étant membres de l'Union Européenne, la directive n° 85/374 du 25 juillet 1985 sur les produits défectueux a été transposée en droit français.
Du fait de cette transposition en droit interne, les articles de la directive ne peuvent être invoqués par les parties.
En appel, la société Aig Europe fait une application exacte des textes, pouvant en tout état de cause modifier les moyens à l'appui de sa demande en appel.
Dès lors, l'irrecevabilité soulevée par les intimées ne peut être accueillie.
Elles ne sont pas davantage bien fondées pour les mêmes motifs à invoquer l'article 9 de la directive et à l'opposer à la société Aig Europe dans la mesure où la directive comme il vient d'être énoncé, a fait l'objet d'une transposition en droit interne, qu'elle n'est pas d'application directe et que les articles de celle-ci ne peuvent être invoqués par les parties.
Dans la transposition de la directive en droit français, le produit peut être utilisé à usage professionnel.
En effet, l'article 1386-4 ancien(1245-1 du code civile nouveau) transposant l'article 9 de la directive, énonce que ces dispositions s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne mais aussi à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
******
Pour voir appliquer la responsabilité pour produits défectueux, il convient de rapporter la preuve d'un fait générateur, d'un dommage et d'un lien de causalité.
L'article 1386-1 ancien du code civil dispose que ' le producteur est responsable du dommage causé par un défaut à son produit qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime'.
L'article 1386-4 ancien du code civil édicte qu 'un produit est défectueux au sens du présent chapitre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.'
Les sociétés Axa France et Gel Alpes estiment que les produits de la société Gel Alpes n'ont présenté aucun problème de dangerosité, la seule présence de viande de cheval ne suffisant pas à l'établir dans la mesure où aucune trace de phénylbutazone n'a été détectée.
La société Axa France ajoute qu'il ressort du rapport de l'expert missionné par la société Aig Europe, le cabinet Crawford, qu'il n'y a pas de risque sanitaire dès lors que :
-la présence de résidus de phénylbutazone dans la viande de cheval ne constitue pas un motif de préoccupation pour les consommateurs compte tenu de la faible probabilité d'exposition et, de manière générale, de la faible probabilité d'effets toxiques (selon un communiqué émis conjointement par l'EFSA (European Food Safety Authority) et l'EMA (European Medicine Agency) ;
- la cause de l'ordre de retrait (émis par les autorités italiennes) qui concerne l'Assurée provient davantage de l'utilisation prohibée de la viande de cheval, c'est-à-dire une fraude alimentaire, qui ne constitue pas un danger pour la santé du consommateur.
La société Axa en conclut qu'il n'y a pas de défectuosité du produit livré au sens de l'article 1386-1 du code civil ancien.
La société Gel Alpes fait valoir que si certes, elle est producteur , il ne suffit pas à la société Aig Europe de soutenir que le produit n'est pas conforme. Elle rappelle que la preuve doit être rapportée de ce que le produit porte atteinte à la sécurité, l'intégrité physique ou provoque la destruction ou la dégradation des biens. Elle estime qu'en l'espèce, si le produit livré n'était pour une partie clairement identifiée non conforme à la commande de la société Star, il ne présentait aucun défaut de sécurité et que ce sont les autorités sanitaires italiennes qui ont réagi trop rapidement sans s'assurer que les lots contenaient de la viande de cheval et portaient des traces de phénylbutazone.
Elle indique que le dommage subi n'est pas celui de la société Star mais celui de la société Actimeat qui a vu ses produits détruits.
Enfin, elles ajoutent que c'est la société Star qui pour le moins doit supporter le préjudice subi dans la mesure où elle a incorporé le produit de la société Gel Alpes sans au préalable procéder aux contrôles nécessaires.
La société Aig Europe réplique que les lots commercialisés par la société Gel Alpes suspectés de contenir de la viande de cheval ont été interdits par les autorités sanitaires italiennes au motif que ces produits présentaient un risque pour la santé humaine et ont en conséquence été rappelés par la société Star dans les conditions décrites par le rapport Crawford.
Elle estime que les produits ainsi commercialisés par la société Gel Alpes n'offraient pas la sécurité nécessaire , se trouvaient affectés d'un défaut et demande en conséquence la confirmation de la décision de première instance qui a retenu la responsabilité de la société Gel Alpes.
1- Il est établi que le lot livré le 5.02.2013 fourni par la société Gel Alpes contenait de la viande de cheval au lieu de viande bovine. Le seul fait de la présence de viande de cheval même si des traces de phénylbutazone n'ont pas été détectées ne permettait pas d'assurer la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, l'autorité italienne ayant ordonné le rappel de l'ensemble des lots suspectés au motif qu'ils présentaient un risque pour la santé humaine.
Le producteur est responsable du défaut de son produit.
Les sociétés intimées ne contestent pas dans les lots livrés la présence de viande de cheval laquelle est susceptible de nuire à la santé du consommateur final. Dès lors, le produit fourni par la société Gel Alpes est défectueux en ce qu'il contenait de la viande de cheval ou susceptible d'en contenir au lieu de viande bovine et compromettant ainsi la sécurité attendue pour le produit élaboré par la société Star à partir des lots de viande livrés s'agissant de la sauce italienne pour pâtes dénommée sauce ragout.
Les sociétés appelantes font valoir qu'il s'agit davantage d'une question de fraude que de dangerosité d'un produit dans la mesure où il n'a pas été trouvé de traces de produit toxique dans les lots analysés, la société Star ayant procédé à la destruction des lots Gel Alpes sur les instructions des autorités italiennes qui avaient ordonné le rappel de l'ensemble des lots suspectés au motif qu'ils présentaient un risque pour la santé humaine.
Cependant, la lutte contre la fraude invoquée par les appelantes ne dément pas la preuve de la défectuosité du produit livré qui n'offrait pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
2- Les société appelantes font en outre valoir l'article 1386-2 du code civil ancien qui prévoit que ' les dispositions du présent titre s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même'
Elles considèrent que le préjudice qui serait en lien avec la livraison des produits Gel Alpes serait la perte de valeur de ces produits.
Cependant, le dommage n'est pas constitué des lots de produits défectueux livrés par la société Gel Alpes mais bien de l'ensemble des produits livrés par la société Star à partir des lots de viande non consommables fournis par la société Gel Alpes qui entraient dans la composition des produits destinés à la consommation.
3 - L'article 1386-8 du code civil ancien dispose que : 'en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables'.
L'article 1386-13 du même code civil ancien édicte que 'la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable'.
La société Axa et la société Actimeat considèrent qu'en application de l'article 1386-8 du code civil c'est à la société Star de supporter le préjudice subi ou pour le moins en partie dans la mesure où elle a incorporé le produit de la société Gel Alpes dans ses fabrications sans au préalable procéder aux contrôles nécessaires.
La société Aig Europe répond que la société Star ne pouvait s'appuyer que sur les attestations communiquées par son fournisseur , n'ayant pas lieu à vérification à réception des produits.
S'il est exact qu'il y a eu incorporation du produit de Gel Alpes dans celui de la société Star s'agissant de sauces d'accompagnement de pâtes italiennes de type ragout, c'est bien le produit de la société Gel Alpes qui était susceptible de contenir de la viande de cheval et de ce fait des traces de phénylbutazone et ce alors que la société Gel Alpes par courrier du 13 février 2013 avait assuré la société Star de la provenance de sa viande d'origine bovine.
Les sociétés Gel Alpes et Axa ne démontrent donc pas une faute de la société Star qui n'aurait pas procédé à des contrôles, celle-ci ayant été assurée de la qualité de la viande qui lui était livrée par la société Gel Alpes.
Dans ces conditions, la société Gel Alpes devenue Actimeat est donc seule responsable du dommage subi par la société Star sur le fondement de la responsabilité pour produits défectueux.
Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité pour produits défectueux et ce sans qu'il soit nécessaire d'évoquer la convention de Vienne .
Sur le préjudice
Pour justifier du préjudice subi par la société Star, la société Aig Europe produit un rapport d'expertise établi par un cabinet privé , le cabinet Crawford déposé le 11 octobre 2013 qui a fixé le préjudice global à la somme de 7 008 271 € qui comprend :
-le coût des marchandises immobilisées ou retirées du marché,
-les frais de retrait et de destruction des marchandises frappées d'interdiction,
-les coûts de réhabilitation,
-les pertes de bénéfice.
La société Axa conteste cette évaluation au motif qu'il s'agit d'un rapport privé émis de manière non contradictoire à l'égard des société Gel Alpes et Axa.
La société Aig Europe réplique qu'il s'agit d'une pièce du dossier soumise à la contradiction des parties dans le cadre du débat judiciaire.
Il n'en demeure pas moins que s'il s'agit d'une pièce régulièrement versée aux débats et soumise au débat contradictoire, elle ne peut servir de seule base d'évaluation du préjudice et elle doit être corroborée par d'autres éléments.
Si la société Aig Europe a versé sous la pièce n°19 les annexes du rapport privé comme le relève la société Axa , il s'agit des pièces comptables, commandes , factures et avoirs de la société Star sur lesquelles le rapport Crawford a été basé et qui permettent ainsi d'apprécier son contenu au regard des pièces versées, la cour disposant en conséquence de suffisamment d'éléments pour apprécier le préjudice lequel n'est pas contesté au demeurant en son quantum par la société Axa.
Sur les conditions et limites de la garantie :
La société Axa entend opposer à la société Aig Europe ses limitations de garantie . Elle estime que le sinistre relève de la limitation de garantie relative aux dommages immatériels non consécutifs et demande en conséquence à ce que sa garantie soit limitée à 250000 € au terme des conditions particulières.
Elle fait valoir que si la société Aig Europe lui oppose le fait qu'il s'agit de dommages matériels et de dommages immatériels consécutifs , sa garantie sera limitée en tout état de cause à 2 220 000 € qui est la limite de garantie 'tous dommages garantis confondus pour la RC après livraison des produits.
Sur les dommages subis
Les conditions générales multirisque de la police définissent les dommages immatériels comme 'tout dommage autre que les dommages corporels ou matériels et notamment tout préjudice pécuniaire résultant de la privation d'un droit , de la perte d'un bénéfice, de l'interruption d'un service rendu par une personne ou par un bien. '
Le dommage immatériel non consécutif est 'tout dommage immatériel qui n'est pas la conséquence d'un dommage corporel ou matériel, qui est la conséquence d'un dommage corporel ou matériel non garanti'.
Les mêmes conditions générales définissent le dommage matériel comme étant toute destruction ou détérioration d'une chose ou d'une substance.
La société Axa soutient qu'il s'agit de dommages immatériels non consécutifs au motif que l'incorporation d'un produit non conforme dans un autre n'entraîne pas à proprement parler une dégradation de ce produit final au sens d'une atteinte physique à une chose ou à une substance.
Il convient de constater que les produits de la société Star ont été détériorés du fait de l'incorporation de la viande fournie par la société Gel Alpes dans les produits de sauce mises sur le marché ce qui constitue un dommage matériel, l'incorporation de la viande suspecte ne pouvant être détachée du produit finalisé et détruit.
La société Star a également supporté les dommages immatériels consécutifs qui en résultent comme le soutient la société Aig Europe.
Sur la limitation de garantie
La limitation de garantie prévue aux conditions particulières du contrat d'assurance doivent être appliquées.
C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu des dommages matériels et immatériels consécutifs et a appliqué la limite de garantie à la somme de 2 200 000 €.
Le jugement dont appel est confirmé.
Sur les autres demandes :
Le jugement est confirmé en ce qu'il a laissé les dépens de première instance à la charge de la société Axa France Iard et condamné les sociétés Axa France Iard et Acimeat à des frais irrépétibles.
La société Axa France Iard sera condamnée à supporter les dépens d'appel avec droit de recouvrement direct en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à verser à la société Aig Europe la somme de 6000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les parties sont déboutées de leurs autres demandes.
PAR CES MOTIFS
par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre en ses dispositions
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société Axa France Iard aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct ,
Condamne la société Axa france Iard à verser à la société Aig Europe la somme de 6000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,