COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53A
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 FEVRIER 2019
N° RG 17/05504 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RWSU
AFFAIRE :
COMMUNE DE [Localité 7]
VOSGES représentée par son Maire en exercice,
C/
SA DEXIA CREDIT LOCAL
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juillet 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 06
N° Section :
N° RG : 12/08366
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES -
Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES - Me Nicolas AUTET, avocat au barreau de PARIS,
l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES -
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF, après prorogation,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
[Adresse 4] représentée par son Maire en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 6]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20170299 -
Représentant : Me Marc LE SON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1171
APPELANTE
****************
SA DEXIA CREDIT LOCAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 351 804 042
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42184 -
Représentant : Me Nicolas AUTET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Représentant : Me Nicolas BAVEREZ du LLP GIBSON, DUNN & CRUTCHER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J015 -
SA CAISSE FRANÇAISE DE FINANCEMENT LOCAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 421 318 064
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003433 -
Représentant : Me Frédéric GROS du PARTNERSHIPS JONES DAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J001
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Juin 2018, Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Patricia GRASSO, Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO
FAITS ET PROCEDURE,
Selon contrat signé les 14 septembre et 8 octobre 2007, la société Dexia a consenti à la commune de [Localité 7]Vosges un prêt « Tofix Dual EUR-CHF Flexi » n° MPH251364EUR, d'un montant de 4.657.330,27 € afin de refinancer partiellement neuf prêts précédemment conclus entre elles.
Ce prêt, remboursable en vingt-quatre ans et dix mois, se décompose en trois phases successives : une première phase du 5 janvier 2008 inclus au 1er novembre 2012 exclu pendant laquelle le taux d'intérêt appliqué au décompte des intérêts est de 4,29% l'an, une deuxième phase du 1er novembre 2012 inclus au 1er novembre 2027 exclu pendant laquelle le taux d'intérêt est déterminé a posteriori successivement pour chaque période d'intérêts de douze mois précédant chaque date d'échéance d'intérêts, selon le cours de change de l'euro en francs suisses, et une troisième phase du 1er novembre 2027 inclus au 1er novembre 2032 exclu pendant laquelle le taux d'intérêt appliqué au décompte des intérêts est de 4,29% l'an.
Contestant le taux d'intérêt du prêt, la commune de [Localité 7]Vosges a fait assigner la société Dexia Crédit local devant le tribunal de grande instance de Nanterre par acte d' huissier délivré le 27 juillet 2012.
La Caisse française de financement local (CAFFIL) est intervenue volontairement à l'instance par conclusions signifiées par voie électronique le 3 septembre 2013.
Par jugement rendu le 7 juillet 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
-déclaré recevable l'intervention volontaire de la CAFFIL,
-débouté la commune de [Localité 7]Vosges de l'intégralité de ses demandes,
-condamné la commune de [Localité 7]Vosges à payer à la CAFFIL la somme de 3.514.173,86€ représentant les échéances impayées des 1er novembre 2013, 1er novembre 2014, 1er novembre 2015 et 1er novembre 2016, assortie des intérêts à un taux égal au dernier taux de facilité de prêt marginal connu à la date d'exigibilité de chaque échéance, majoré d'une marge de 3%,
-dit que les intérêts dus pour une année entière à compter du 22 mars 2017 produiront eux-mêmes intérêts un an après cette date en application des dispositions de l'article 1154 du code civil en vigueur à la date du prêt,
-enjoint à la commune de [Localité 7]Vosges de reprendre le paiement des échéances conformément aux termes du contrat de prêt,
-débouté la CAFFIL de sa demande de dommages et intérêts,
-condamné la commune de [Localité 7]Vosges à payer à la société Dexia et à la CAFFIL la somme globale de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
-condamné la commune de [Localité 7]Vosges aux dépens.
Le 18 juillet 2017, la commune de [Localité 7]Vosges a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions transmises le 13 octobre 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la commune de [Localité 7]Vosges, appelante, demande à la cour de :
-la recevoir en son appel, l'y déclarer recevable et bien fondée,
-réformer en toutes ses dispositions la décision du tribunal de grande instance de Nanterre du 7 juillet 2017,
En conséquence,
-rejeter comme irrecevables et infondées les conclusions d'intervention volontaire de la CAFFIL à la procédure,
-condamner la CAFFIL à régler à la commune la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Au principal,
-dire et juger que le consentement de la commune à souscrire un crédit indexé sur le franc suisse a été surpris par dol, situation entraînant la nullité du contrat du 20 juillet 2008 et de son acte réitératif du 8 octobre 2008,
Subsidiairement,
-dire et juger que la loi n°2014-844 du 29 juillet 2014 est inapplicable à l'espèce,
-dire et juger qu'en violation des prescriptions de l'article R. 313-1 du code des marchés financiers, la société Dexia n'a pas affiché le TEG à l'acte du 20 juillet 2007 ni la durée de la période unitaire ou le taux de celle-ci, et constater le caractère erroné du taux ayant retenu un premier remboursement de la dette délaissant les stipulations contractuelles et des positions d'index qui n'étaient pas celles connues au jour de signature de ces contrats alors que c'est à la date de l'écrit constatant le crédit que le TEG doit s'établir sur la base des données alors connues ;
-dire et juger que sont entachées de nullité les stipulations d'intérêt enfermées aux actes de prêt des 20 juillet et 8 octobre 2007 et qu' en application des articles 1304 et 1907 du code civil sera substitué l'intérêt légal à ceux conventionnels par imputation des intérêts excédentairement versés sur la dette résiduelle au fil des règlements opérés,
En toutes occurrences,
-condamner la société Dexia au paiement de la somme de 50.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner la société Dexia au paiement des entiers frais et dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Franck Lafon par application des dispositions de l' article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la commune de [Localité 7]Vosges fait valoir :
-que l' intervention de la CAFFIL est irrecevable car le prêt a été consenti par la société Dexia Crédit local ; que la CAFFIL est une societé de crédit foncier qui ne peut donc, en vertu de l'article L. 513-15 du code monétaire et financier, procéder elle-même à un recouvrement judiciaire ; que les mandats successifs de la CAFFIL n'ont pas été produits ;
-que le contrat encourt la nullité pour dol ; que le fax de confirmation du 20 juillet 2007 n'a pas été précédé d' échanges entre les représentants de la commune et ceux de la banque complétés par des documents explicatifs ; que la formule relative au taux d'intérêts a été volontairement écrite de manière à occulter le coefficient multiplicateur ; que cette erreur a été déterminante car la commune n'aurait jamais consenti à cet acte si cette situation avait été portée à sa connaissance;
-que le contrat de prêt n'est pas soumis à la loi du 29 juillet 2014 qui exclut expressément de son champ d'application, aux articles 1 et 2, les contrats ne portant pas mention du nombre des échéances ou de la durée du prêt ; qu' en l'espèce, la fixation d' un point de départ d' amortissement au 5 janvier 2008 impliquait une durée de prêt inférieure à celle indiquée de ving-quatre ans et dix mois ; qu'il est par ailleurs erroné de porter à l'acte de prêt que la périodicité est annuelle quand la première échéance tombait 301 jours seulement après la date réputée de mise à disposition des fonds, révélant une périodicité irrégulière ;
-que la prohibition de l'usure, prévue aux articles L. 313-3 du code de la consommation et
L. 313-5 du code monétaire et financier, est applicable en l'espèce car la protection des deniers publics est une exigence de valeur constitutionnelle ;
-que la stipulation d' intérêts encourt la nullité pour défaut de respect de la règlementation relative au taux effectif global (TEG) ; que le prêt du 20 juillet 2008 (en réalité 2007 ) ne comporte aucune indication de TEG ; que l'acte réitératif du 8 octobre 2007 comporte un TEG erroné.
Dans ses conclusions transmises le 12 décembre 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société SA Dexia Crédit local, intimée, demande à la cour de :
À titre principal,
-confirmer en tous points le jugement du 7 juillet 2017 du tribunal de grande instance de Nanterre,
À titre subsidiaire, si le jugement du 7 juillet 2017 n'était pas confirmé :
-dire et juger recevable l'intervention de la CAFFIL,
-dire et juger que la demande de nullité du contrat de prêt du 8 octobre 2007 sur le fondement du dol est irrecevable car elle constitue une demande nouvelle,
À titre très subsidiaire,
-dire qu'aucun dol susceptible d'avoir vicié le consentement de la commune à la stipulation d'intérêts prévue au contrat de prêt du 8 octobre 2007 n'a été commis,
-dire et juger que la règlementation relative à l'usure n'est pas applicable au contrat de prêt du 8 octobre 2007,
-dire et juger que le contrat de prêt du 8 octobre 2007 entre dans le champ d'application de la loi du 29 juillet 2014 relative à la sécurisation du contrat de prêt structurés souscrits par les personnes morales de droit public,
-dire que la loi du 29 juillet 2014 est applicable aux moyens de nullité fondés sur les modalités de calcul du TEG et la durée de période et, partant, à la demande de nullité de la stipulation d'intérêts prévue au contrat de prêt du 8 octobre 2007, fondée sur le caractère prétendument erroné du TEG et la durée de période, et qu'elle prive en conséquence de tout fondement l'action de la commune,
En conséquence :
-déclarer l'ensemble des demandes de la commune non fondées,
-débouter la commune de toutes ses demandes,
À titre infiniment subsidiaire,
-si par extraordinaire la cour venait à considérer que la législation relative à l'usure est applicable à la commune, dire et juger que la sanction prévue à l'article L. 313-4 du code de la consommation n'est pas applicable en l'espèce, la commune n'ayant jamais payé de taux supérieur au taux d'usure,
-si par extraordinaire la cour décidait que la loi du 29 juillet 2014 ne prive pas de fondement l'action de la commune, dire et juger qu'aucun manquement à la réglementation concernant le TEG mentionné auxdits contrats de prêt n'a été commis, et en conséquence déclarer l'ensemble des demandes de la commune à ce titre non fondées et l'en débouter ;
-si par extraordinaire la cour accueillait les allégations de la commune relatives au caractère erroné du TEG prévu au contrat de prêt du 8 octobre 2007, dire et juger que la commune ne pourrait prétendre qu'au remboursement de la différence entre le TEG déterminé conformément à l'article L. 313-1 du code de la consommation et le TEG affiché, conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 29 juillet 2014,
En tout état de cause,
-condamner la commune à verser à la société Dexia la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner la commune aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Anne-Laure Dumeau en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la société Dexia fait valoir :
-que l'intervention de la CAFFIL est recevable ; que la réorganisation du 31 janvier 2013 ne s'est traduite ni par une cession du contrat par la société Dexia à la CAFFIL, ni par un changement de créancier de la commune ; que la commune n'explique pas en quoi l'intervention volontaire de la CAFFIL pourrait lui faire tort ;
-que la demande de la commune fondée sur le dol n'est pas recevable en tant qu'elle est nouvelle en cause d'appel, en vertu de l'article 564 du code de procédure civile ; que la demande est au demeurant mal fondée, car la commune est un emprunteur averti, qui a été parfaitement informé des caractéristiques du contrat de prêt et n'a pu commettre aucune erreur déterminante de son consentement ;
-que la règlementation relative à l'usure ne s'applique pas au prêt en cause, qui ne rentre pas dans le champ d'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, car il concerne une personne morale de droit public ;
-que la stipulation d' intérêt prévue au contrat est valable ; qu'en premier lieu, la loi du 29 juillet 2014 s'applique au contrat, car, d'une part, aucune décision de justice passée en force de chose jugée n'a été rendue concernant le contrat conclu avant l'entrée en vigueur de la loi de 2014 par la commune, personne morale de droit public, d' autre part le contrat contient toutes les mentions requises par la loi de 2014, qui doit par conséquent être appliquée sans restriction ; qu'en second lieu, la commune est mal fondée à solliciter la nullité de la stipulation d'intérêts ; que la critique de la commune relative à l'absence de mention dans le contrat de la durée de = période se heurte à l'application de la loi du 29 juillet 2014 ; que la mention de la durée de période dans le contrat n'était en l'espèce nullement requise avant l'adoption du décret n°2011-135 du 1er février 2011 ; qu' au demeurant, il ressort des termes mêmes du contrat que la durée de période a bien été portée à la connaissance de la commune, comme en témoigne l'article 5 ; que le défaut d'indication de la durée de période ne saurait justifier l'annulation de la clause d'intérêts ; qu' en troisième lieu, la critique de la commune à l'encontre du TEG est mal fondée car ce dernier ne peut être calculé qu'en fonction des éléments à la disposition de la banque à la date à laquelle elle a signé le contrat, signature qui est intervenue avant la signature de la commune ; que l'argument est au demeurant inopérant car la loi du 29 juillet 2014 a validé les stipulations d'intérêts affectées d'une erreur dans le TEG.
Dans ses conclusions transmises le 13 décembre 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA Caisse française de financement local ( CAFFIL), intimée, demande à la cour de :
Sur la recevabilité de son intervention volontaire :
-dire recevable l'intervention volontaire de la société CAFFIL ;
En conséquence :
-confirmer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré recevable l'intervention volontaire et rejeter l'ensemble des demandes de la commune de Saint Dié des Voses à cet égard ;
Sur la demande nouvelle en nullité du contrat de prêt :
-dire que cette demande est nouvelle et en conséquence la rejeter ;
Sur l'action en nullité du prêt à raison du dol par occultation du coefficient multiplicateur exercée à tire principal par la ville,
-dire et juger que le consentement de la commune de Saint Dié des Vosges n'a pas été vicié pour dol lors de la souscription du prêt et que le contrat n'est entaché d'aucune cause de nullité,
En conséquence,
-confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la commune de Saint Dié de ses demandes d'annulation de la stipulation d'intérêts du contrat de prêt et rejeté la demande de substitution du taux légal, pour absence de dol du prêt ;
-rejeter l'ensemble des demandes formulées par la commune à cet égard,
Sur l'action en nullité du contrat de prêt MPH251364EUR fondée sur la règlementation du TEG exercée à titre subsidiaire par la ville :
-dire que les stipulations d'intérêts des contrats de prêt sont validées par application de la loi n° 2014-844 du 29 juillet 2014 relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits pr les personnes morales de droit public et que les conditions d'application de la loi du 29 juillet 2014 sont respectées ;
-dire que les demandes en nullité de la stipulation d' intérêts sont mal fondées, et que la réglementation en matière de taux effectif global a été respectée s'agissant du contrat en cause ;
-dire que la ville est exclue du champ d'application de l'usure et que le TEG n'excède pas le seuil de l'usure ;
-dire que l'application de la réglementation relative au TEG n'est pas pertinente s'agissant de prêts à taux variable
-dire que la sanction requise de substitution du taux légal au taux contractuel n'est pas pertinente et doit être écartée ;
En conséquence,
-confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la ville de Saint Dié des Vosges de ses demandes d'annulation de la stipulation d'intérêts du contrat de prêt MPH251364EUR et a rejeté la demande de substitution du taux légal ;
-rejeté l'ensemble des demandes de la ville à cet égard ;
Sur la demande reconventionnelle de la CAFFIL au titre du contrat de prêt MPH251364EUR /
-confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la ville de Saint Dié des Vosges au paiement entre les mains de la CAFFIL du solde impayé des échéances du prêt pour les années 2013 à 2016 incluse, majorée des intérêts de retard à un taux égal au dernier taux de facilité de prêt marginal connu à la date d'exigibilité de chaque échéance, majoré d'une marge de 3 % (soit un montant total de 3.668.171,94 €) et enjoint à la ville de reprendre les paiements entre les mains de CAFFIL ;
-confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que les intérêts échus depuis une année entière à compter de la date d'exigibilité de chaque échéance impayée produiront eux-mêmes intérêt un an après cette date ;
-condamner la ville de Saint Dié des Vosges au paiement en sa faveurd'une somme de 812.316,61euros représentant le solde impayé de l'échéance de 2017 du contrat de prêt majorée des intérêts de retard tels que prévus à l'article 14 du contrat de prêt ;
-ordonner que ces intérêts impayés dus depuis au moins une année entière produiront intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ( anciennement 1154) et de l'article 14 du contrat deprêt ;
-débouter la ville de Saint Dié des Vosges de l'intégralité de ses demandes ;
-confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, au besoin par substitution de motifs,
-condamner la commune de Saint Dié des Vosges à régler à la CAFFIL la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu' aux dépens qui pourront être recouvrés par Me Chouteau, AARPI Avocalys, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la Caisse française de financement local fait valoir :
-que les prêts précédents ont été éteints par paiement en 2007, lors de la conclusion du contrat de prêt, et que le prêt litigieux figure bien au bilan de CAFFIL depuis sa mise en place ; que la ville ne peut ignorer sa qualité de prêteur, les avis d'échéance envoyés précisant que les paiements dus au titre du prêt litigieux doivent être effectués entre les mains de DMA, devenue CAFFIL ; que la commune a été dument informée de l'identité de son prêteur par courrier du 4 février 2013, indiquant très clairement que SFIL était désomais l'établissement chargé de gérer et d'assurer le recouvrement des emprunts pour le compte de CAFFIL ;
-que le contrat n'encourt pas la nullité pour dol, car la commune est un emprunteur averti qui a parfaitement compris les stipulations relatives au taux d'intérêts ; que la clause relative à la détermination du taux d'intérêt stipulée à l'article 7 du contrat est particulièrement claire et indique très précisément les modalités de fixation du taux d' intérêt, indexé sur le cours de l'euro 'franc suisse et fixé avant chaque date d 'échéance d'intérêts ; que les caractéristiques financières du prêt ont été abondamment présentées et expliquées avant la conclusion du contrat, notamment par écrit, par le biais d'une présentation remise à la commune le 11 avril 2006 particulièrement claire et détaillée ; que la commune ne rapporte pas la preuve d'une intention dolosive de la part de la société Dexia ; que la présence du coefficient multiplicateur du taux de variation du cours de change était explicite et n'était pas du tout dissimulée à la commune ;
-que les calculs de la Ville reposent sur une dénaturation de la formule de taux d'intérêt et des hypothèses de calcul imaginaires ; que les modalités d'indexation du prêt relèvent de la liberté contractuelle ; que l'indexation du prêt sur le cours d'une monnaie étrangère ou sur un ou plusieurs indices ou écarts d'indices monétaires est valable dès lors que l'indexation est conforme à l'objet de la convention et à l'activité de l'une des parties.
-que Dexia Crédit local n'a nullement l'intention de nuire à la ville ; que le groupe Dexia, à l'époque partenaire privilégié de la ville depuis 1986 a seulement répondu aux besoins de financement de la commune et à sa gestion active de sa charge financière, en conformité avec la réglementation bancaire qui lui est applicable.
-qu'à titre principal sur la réglementaiotn du TEG, c'est la loi n° 201²4-844 du 28 juillet 2014 relative à la sécurisation des contrats de prêt structurés souscrits par les personnes morales de droit public qui doit s'appliquer. qu'aucune décision de justice n'a été rendue concernant le contrat de prêt, passé avant l'entrée en vigueur de la loi par la ville, personne morale de droit public ; que les conditions posées par les articles 1 et 2 de la loi sont réunies en l'espèce, le contrat de prêt contenant toutes les mentions requises pour la validation de la clause de stipulation d'intérêts ; que l'index à retenir pour le calcul du TEG indicatif n'a pas à être celui de la date de remise des fonds prêtés, mais peut, ainsi que l'a accepté la ville dans le contrat de prêt litigieux, être calculé sur la base des derniers cours de change publiés à la date d'émission du contrat ; que peu importe l'absence de renvoi exprès de la loi aux dispositions réglementaires de l'article R313-1 du code de la consommation, celles-ci sont nécessairement incluses et couvertes par la référence expresse dans la loi de validation aux dispositions légales du code de la consommation ;
-que la ville est exclue du champ d'application de l'usure, la protection offerte par la réglementation de l'usure étant restreinte par la loi au bénéfice de personnes physiques, consommateurs ou entrepreneurs individuels, agissant à titre personnel ;
-que l'application de la réglementation relative au TEG n'est pas pertinente s'agissant d'un prêt à taux variable, la double exigence de l'effectivité et de la globalité ne pouvant jamais être satisfaite ; que la sanction de la substitution du taux légal au taux conventionnel d'intérêt est une sanction prétorienne qui bouleverse l'équilibre du contrat alors même qu'aucun texte ne l'y autorise.
-qu'elle formule une demande reconventionnelle tendant à voir régler par la commune la totalité de l'échéance du 1er novembre 2017, avec intérêts de retard tels que prévus à l'article 14 du contrat de prêt, qui sont dus jusqu'au paiement parfait de ces échéances et dont le montant sera à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir.
La commune a sollicité la suspension de l'exécution provisoire du jugement entrepris, par assignation en référé du 28 juillet 2017 sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile. Le premier président de cette cour a débouté la ville de sa demande par une ordonnance du 2 novembre 2017, faute pour la ville de rapporter la preuve des conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire du jugement.
Par conclusions d'incident transmises les 16 novembre et 12 décembre 2017, les sociétés Dexia d'abord, puis CAFFIL ont sollicité du conseiller de la mise en état la radiation de l'appel interjeté par la commune, sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile, faute d' exécution de la décision de première instance, revêtue de l'exécution provisoire. Cet incident a été radié sur justification du réglement des sommes auxquelles elle a été condamnée ' 3.668.171,94 € - par la commune de Saint Dié des Vosges le 12 décembre 2017 sur le compte CARPA du conseil de CAFFIL. L'échéance de 2017 n'a pas été réglée.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 juin 2018.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 20 juin 2018.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la SA CAFFIL en demande comme en défense :
Aux termes de l'article 329 du code de procédure civile : 'L'intervention est principale losqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.
Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention. '
Il ressort par ailleurs de la consultation de l'extrait K bis du Registre du commerce versé aux débats par la société CAFFIL, que celle-ci à la rubrique de ce document 'Activités principales' est dite : 'Société financière- Société de crédit foncier régie par la loi du 25 juin 1999".
L'article L 513-15 du code monétaire et financier stipule que la gestion et le recouvrement des prêts consentis par une société de crédit foncier, 'ne peuvent être assurés que par un établissement de crédit ou une société de financement lié à la société de crédit foncier par contrat'
Issue de l'article 99 de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière, la prescription oblige les sociétés de crédit foncier à donner mandat écrit pour agir en leur nom en précisant que les opérations de gestion ou de recouvrement de leurs prêts 'ne peuvent être assurées que par un tiers'.
Ainsi la formulation de l'article L 523-15 du code monétaire et financier est restrictive et ne laisse aucun champ libre à l'interprétation.
Cette contrainte issue d'une loi d'ordre public vaut pour toutes opérations de recouvrement et de gestion d'une société de crédit foncier, laquelle ne peut jamais procéder elle-même à un recouvrement judiciaire, mais doit donner mandat écrit pour ce faire à un tiers.
Affirmer, comme le fait la Caisse française de Financement local, dont le jugement entrepris a repris les arguments, que l'article L 513-15 du code monétaire et financier 'n'interdit pas à une société de crédit foncier de procéder elle-même au recouvrement de ses créances', est aller à l'encontre du texte de loi qui exclut tout droit des sociétés de crédit foncier de procéder à un recouvrement direct.
La société CAFFIL rappelle elle-même que par courrier officiel du 4 février 2013, elle a fait notifier à la commune que 'SFIL est désormais l'établissement en charge de gérer et d'assurer le recouvrement de vos emprunts [...]pour le compte de CAFFIL'.
Dans ses conclusions, le conseil de CAFFIL indique même que 'la faculté de représentation de la société de crédit foncier par l'établissement gestionnaire pour l'accomplissement de ses actes juridiques s'inscrit en cohérence avec le fait que la société de crédit foncier 'ne dispose d'aucun salarié', donnant lui-même une explication à la représentation obligatoire de ce type de société par un établissement de crédit ou société de gestion.
En l'espèce, ce qui est en cause n'est pas la qualité de prêteur de CAFFIL, - les parties reconnaissant qu'à compter du 1er février 2013, CAFFIL a succédé à Dexia Municipal Agency en cette qualité et que tous les prêts consentis par la société D.M.A. par l'intermédiaire de son propre organe de représentation et recouvrement qu'était Dexia Crédit local, ont été inscrits à cette date au bilan de CAFFIL -, mais la qualité de la société de crédit foncier partie à l'instance à agir directement en recouvrement de ses créances de prêts, tant sur le plan amiable que judiciaire.
L'intimée CAFFIL ne pouvait pas davantage émettre des avis d'échéance qui constituent des opérations de gestion et de recouvrement amiable de ses prêts, ni recevoir directement sur son compte bancaire les sommes que sa mandataire SFIL mettait la ville en demeure de lui régler.
En l'espèce, il y a lieu de retenir que bien que sommée à plusieurs reprises de produire le contrat écrit de mandat la liant à la société SFIL, la CAFFIL n'a jamais donné suite à ces demandes.
La cour relève que la société CAFFIL, société de crédit foncier, titulaire du droit substantiel du prêteur, et donc disposant d'un intérêt à agir, n'a cependant pas qualité pour agir seule à titre principal puisqu'elle doit toujours être représentée par sa société de gestion, ici sa holding SFIL, laquelle n'est pas dans la cause. Le mot qualité s'apprécie ici en la personne du représentant, au sens de pouvoir, seul ce dernier ayant pouvoir pour accomplir les actes de procédure. Il importe de rappeler que l'article L 513-16 du code monétaire et financier ne fait que confirmer cette situation puisqu'il énonce clairement que 'l'établissement de crédit...chargé de la gestion des prêts ....est habilité à agir en justice au nom et pour le compte de la société de crédit foncier.'
En conséquence, l'intervention volontaire de la société CAFFIL en cours de première instance doit être reconnue irrecevable.
Le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a accueilli cette intervention.
Sur les autres demandes :
Force est de constater que la commune de Saint Dié des Vosges, auteur de l'assignation introductive d'instance du 27 juillet 2012, a valablement attrait à l'instance en nullité de contrat et contestation de la stipulation d'intérêts du prêt engagée par elle, la société Dexia Crédit local à un moment où celle-ci était la société de gestion et de recouvrement agissant pour le compte de sa mandante Dexia Municipal Agency, son co-contractant au prêt de 2007.
Dûment avisée des implications de la résolution du groupe Dexia sur l'activité de prêt de la société de gestion Dexia Crédit Local par la lettre officielle du 4 février 2013 de la CAFFIL, la demanderesse devait régulariser dans l'instance pendante devant le tribunal de grande instance de Nanterre ses demandes à l'égard de la société CAFFIL prise en la personne de sa société représentante légale agissant pour son compte.
Or dès le 3 septembre 2013, la société CAFFIL l'a devancée en intervenant volontairement et directement à l'instance.
La commune de Saint Dié des Vosges a immédiatement contesté, sur le fondement du statut de société de crédit foncier de l'intervenante, la recevabilité de cette intervention volontaire tant en défense à ses demandes qu'en tant que demanderesse reconventionnelle en paiement des échéances 2013 à 2016 du contrat de prêt dont la requérante contestait pour différents motifs la validité.
Par ailleurs la société Dexia Crédit local, qui a transmis à la société holding SFIL à compter du 1er février 2013, 100% de l'actif de sa filiale D.M.A renommée CAFFIL, ne pouvait plus former à compter de cette date aucune demande de recouvrement à l'encontre de la commune, et elle n'en a d'ailleurs pas formé. Il n'y a donc pas lieu de répondre aux différents moyens qu'elle développe dans ses conclusions uniquement pour soutenir l'intervention de la société Caffil, déclarée irrecevable par le présent.
La cour relève en conséquence que la commune de Saint Dié, qui était initialement demanderesse, n'a pas attrait en la cause dans le temps de la première instance devant le tribunal de Nanterre la société de crédit foncier CAFFIL dument représentée, dans le but de régulariser l'instance et permettre au tribunal puis à la cour de statuer sur ses demandes.
Elle avait pourtant été très précisément avisée par courrier officiel de la société CAFFIL du 4 février 2013, soit plusieurs mois avant l'intervention volontaire de cette même partie, des conséquences de l'approbation par la Commission européenne du plan de résolution de la société Dexia soumis par les Etats belge et français, en ces termes dépourvus d'équivoque :
'Dans le cadre de la mise en oeuvre de ce dispositif, il a été décidé de séparer Dexia Municipal Agency de Dexia Crédit local, laquelle séparation se traduit de la façon suivnte :
- Le 31 janvier 2013, Dexia Crédit local a cédé Dexia Municipal Agency à une nouvelle banque ,la 'Société de financement local', totalement dédiée au financement de prêt au secteur public local français et dont l'Etat français est l'actionnaire de référence. L'avenir de DMA s'inscrit au sein d'un dispositif durable, détenu et contrôlé par l'Etat.
-A l'occasion de ce changement d'actionnariat, DMA devient la 'Caisse française de Financement local'.
-Enfin la Société de financement local est désormais l'établissement en charge de gérer et d'assurer le recouvrement de vos emprunts tels que listés en annexe pour le compte de la Caisse française de Financement local, en lieu et place de Dexia Crédit local. '
La commune qui n'a pas redirigé ses demandes dans le respect du contradictoire en régularisant toute intervention forcée nécessaire à la régularisation de son action avant la clôture de la première instance, se trouve irrecevable dans ses demandes dirigées contre a société Dexia, qui n'est plus son co-contractant.
Les demandes initiales de la commune de Saint Dié des Vosges, non régularisées entre la lettre officielle du 4 février 2013 et la clôture devant le tribunal, seront également déclarées irrecevables.
Sur les demandes accessoires :
L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles de procédure qu'elles ont été contraintes d'exposer devant la cour d'appel.
La SA CAFFIL, qui est intervenue directement au principal alors qu'elle ne disposait pas du droit d'agir en recouvrement de ses prêts, supportera les entiers dépens de première instance
comme d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable la SA CAFFIL en son intervention volontaire en demande comme en défense vis à vis de l'action de la commune de Saint Dié des Vosges ;
Déclare la commune de Saint Dié des Vosges irrecevable en ses demandes maintenues à l'égard de la SA Dexia Crédit local ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile entre les parties ;
Condamne la SA CAFFIL prise en la personne de sa société de gestion aux entiers dépens de première instance et d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,