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06/02/2019 | FRANCE | N°14/05149

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 06 février 2019, 14/05149


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 06 FEVRIER 2019



N° RG 14/05149 - N° Portalis DBV3-V-B66-PM7C

Jonction avec le 15/03416



AFFAIRE :



[O] [J]





C/



SASU LUXOTTICA FRANCE





Décisions déférées à la cour : Jugement rendu le 14 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE



Jugemen

t rendu le 28 mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE



Section : Encadrement

N° RG : 12/00406





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



SELAS BERTHEZENE NEVOUET RIVET



Me Carole PENARD...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 06 FEVRIER 2019

N° RG 14/05149 - N° Portalis DBV3-V-B66-PM7C

Jonction avec le 15/03416

AFFAIRE :

[O] [J]

C/

SASU LUXOTTICA FRANCE

Décisions déférées à la cour : Jugement rendu le 14 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Jugement rendu le 28 mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 12/00406

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SELAS BERTHEZENE NEVOUET RIVET

Me Carole PENARD

le :

Expédition numérique délivrée à Pôle emploi le 7/02/2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O] [J], appelant et intimé

[Adresse 1]

[Localité 1]

Assisté de Me Christophe NEVOUET de la SELAS BERTHEZENE NEVOUET RIVET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0106

****************

SASU LUXOTTICA FRANCE, appelante et intimée

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Carole PENARD, avocat au barreau de NICE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 11 Décembre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Madame Elisabeth ALLANNIC, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [O] [J] a été engagé par la société Luxottica France à compter du 9 novembre 1998, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de voyageur représentant et placier, VRP exclusif. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération mensuelle brute, selon lui, de 38 507,83 euros et de 12 422,55 euros selon l'employeur.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 février 2012, M. [J] s'est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle. Selon cette lettre, le salarié n'atteignait aucun de ses objectifs de manière persistante et son secteur connaissait une baisse des volumes facturés.

La société Luxottica France employait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.

Contestant son licenciement, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, le 16 février 2012, pour demander essentiellement des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 14 novembre 2014, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- dit que le licenciement de M. [J] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Luxottica France à verser à M. [J] :

- 106 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6 400,36 euros à titre de complément sur les retours d'échantillonnage,

- 640,03 euros à titre de congés payés,

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que sur les sommes ayant un caractère salarial, l'exécution provisoire est de droit et fixé la moyenne des salaires sur 12 mois à 13 244 euros,

- déclaré la formation en départage sur les demandes relatives à la clause de ducroire,

- débouté les parties sur le surplus des demandes.

- ordonné le remboursement par la société Luxottica France aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [J] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de six mois dans les conditions prévues à l'article L.122-14-4 du code du travail ancien L.1235-2/3/11 du nouveau code du travail et dit que le secrétariat greffe en application de l'article R. 1235-2 du code du travail adressera à la direction générale de Pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui a fait ou non l'objet d'un appel,

- réservé les dépens.

M. [J] a régulièrement relevé appel du jugement par lettre recommandée avec accusé de réception le 25 novembre 2014.

Postérieurement, par jugement du 28 mai 2015 auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, le conseil de prud'hommes, statuant en formation de départage, a :

- dit que la clause ducroire insérée dans le contrat de travail était nulle,

- condamné en conséquence la société Luxottica France à verser à M. [J] les sommes suivantes :

- 122 193,90 euros à titre du rappel de salaire (clause ducroire),

- 12 219,39 euros à titre de congés payés afférents,

- 5 071,19 euros à titre de rappel de salaires (complément d'indemnité de retour d'échantillonnage),

- 507,11 euros à titre de congés payés sur rappel de salaires,

- 2 535,55 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

- 253,55 euros à titre de congés payés sur préavis,

avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2012,

- 1 000 euros à titre d'indemnité pour résistance abusive,

avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions des articles R. 454-14 et 5 du code du travail selon laquelle la condamnation de l'employeur au paiement des sommes visées par les articles R. 1454-14 et 15 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire dans les conditions prévues par l'article R. 1454-28,

- rappelé que la moyenne des trois derniers mois de salaire a été fixée à la somme de 13 244 euros,

- condamné la société Luxottica France aux dépens, et l'a condamnée à verser à M. [J] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Luxottica France a régulièrement relevé appel de ce jugement par lettre recommandée avec accusé de réception le 18 juin 2015.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 11 décembre 2018, M. [J] demande à la cour de :

- prononcer la jonction des deux procédures d'appel,

- confirmer le premier jugement en ce qu'il juge son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Luxottica France à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmer concernant les sommes allouées et, statuant à nouveau, condamner la société Luxottica France à lui verser les sommes suivantes :

- 500 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 579 165,94 euros net à titre d'indemnité de clientèle, celle-ci ne pouvant être inférieure à l'indemnité spéciale de rupture à hauteur de 133 061,45 euros,

- 89 569,36 euros brut à titre d'indemnité de retour sur échantillonnage,

- 8 956,93 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- statuer à nouveau et condamner la société Luxottica France à lui verser les sommes suivantes :

- 10 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- 860 824,15 euros brut à titre de rappels de salaire au titre de l'inopposabilité des avenants au contrat de travail de M. [J],

- 86 082,41 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 666 245,94 euros net à titre de complément d'indemnité de clientèle, celle-ci ne pouvant être inférieure à l'indemnité spéciale de rupture représentant un complément de 153 606, 69 euros,

- 111 040,99 euros brut à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage,

- 11 104,09 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 55 520,49 euros brut à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

- 5 552,04 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 30 427,14 euros à titre de complément d'indemnité de clientèle, celle-ci ne pouvant être inférieure à l'indemnité spéciale de rupture représentant un complément de 7 015,16 euros,

- 96 016,75 brut euros à titre de rappels de primes sur objectifs,

- 9 601,67 euros brut en paiement des congés payés afférents,

-139 771,53 euros net à titre de complément d'indemnité de clientèle, celle-ci ne pouvant être inférieure à l'indemnité spéciale de rupture représentant un complément de 3 882,54 euros,

- 23 294,79 euros brut à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage,

- 2 329,47 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 11 647,63 euros brut à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 164,76 euros en paiement des congés payés afférents,

- 18 882,50 euros brut à titre de rappels de salaire au titre des RFA,

- 1 888,25 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 8 511,12 euros net à titre de complément d'indemnité de clientèle, celle-ci ne pouvant être inférieure à l'indemnité spéciale de rupture représentant un complément de 1 962,29 euros,

- 1418,52 euros brut à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage,

- 141,85 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 709,26 euros brut à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

- 70,92 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 49 979,47 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des retours de montures de lunettes,

- 4 397,94 euros en paiement des congés payés afférents,

- 9 758,09 euros net à titre de complément d'indemnité de clientèle, celle-ci ne pouvant être inférieure à l'indemnité spéciale de rupture représentant un complément de 473,67 euros,

- 3 293,01 euros brut à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage et 329,30 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 1 646,50 euros brut à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

- 164,65 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 9 816,49 euros brut à titre de rappels de salaire au titre des fermetures de comptes de clients,

- 981,64 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 6 446,79 euros net à titre de complément d'indemnité de clientèle, celle-ci ne pouvant être inférieure à l'indemnité spéciale de rupture représentant un complément de 1 486,34 euros,

- 1 074, 46 euros brut à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage et 107,44 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 537,23 euros brut à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis et 53,72 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 35 143,80 euros net à titre de complément d'indemnité de clientèle, celle-ci ne pouvant être inférieure à l'indemnité spéciale de rupture représentant un complément de 8 102,60 euros,

- 5 857,29 euros brut à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage et 585,72 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 2 928,65 euros brut à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis et 292,86 euros brut en paiement des congés payés afférents,

- 124 484 euros net en remboursement des frais professionnels,

- 52 313,91 euros net à titre d'indemnisation au titre de l'occupation professionnelle du domicile personnel,

- 3 500 euros net à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal dans le cadre des dispositions des articles 1153 et suivants du code civil,

- ordonner la capitalisation de ces intérêts selon les termes de l'article 1154 du code civil,

- condamner la société Luxottica France aux entiers dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution forcée de la décision à intervenir,

- confirmer le second jugement en ce qu'il retient la nullité de la clause ducroire et condamne en conséquence la société Luxottica France aux sommes rappelées ci dessus avec intérêts légaux et capitalisation.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 11 décembre 2018, la société Luxottica France demande à la cour de :

- pour une bonne administration de la justice, prononcer la jonction des deux procédures d'appel initiées par les parties à savoir :

- celle concernant le jugement du 24 novembre 2014, l'instance étant initiée sous le numéro RG n° 14/5149,

- celle concernant le jugement de départage du 28 mai 2015, l'instance étant initiée sous le numéro RG n° 15/03416,

- en ce qui concerne le jugement du 14 novembre 2014 :

- réformer le jugement déféré dans la limite des condamnations prononcées à l'encontre de la société Luxottica France,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- en ce qui concerne le jugement de départage du 28 mai 2015 ayant statué sur les seules demandes au titre de la clause dite ducroire, d'infirmer la décision déférée, sauf en ce qui concerne le solde de l'indemnité de clientèle dont le salarié a été débouté,

- en tout état de cause :

- dire et juger bien fondé le licenciement mis en oeuvre à l'égard de M. [J],

- dire et juger que M. [J] n'est pas fondé à solliciter l'inopposabilité de ses avenants à son contrat de travail de 2005, 2007 et 2009,

- dire et juger que M. [J] n'est pas fondé dans ses autres prétentions tant au titre de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail,

- dire et juger, d'une manière générale, non fondées dans leur principe et injustifiées dans leur quantum les demandes de M. [J],

- en conséquence,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [J] au paiement de la somme de 94 033,82 euros net, somme correspondant aux condamnations exécutoires de droit à titre provisoire auxquelles la société Luxottica France a été condamnée par le conseil de prud'hommes de Nanterre et qu'elle a réglées,

- condamner M. [J] au paiement d'une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS :

Vu la lettre de licenciement,

Vu les conclusions des parties,

Considérant d'abord qu'en raison de leur connexité, il convient de joindre les instances suivies sous les numéros 14/05149 et 15/03416 du répertoire général qui concernent la même affaire opposant les mêmes parties et doivent être jugées ensemble ;

Sur la contestation du bien-fondé du licenciement :

Considérant que la lettre de licenciement de M. [J] est motivée par une insuffisance de résultats imputable, selon l'employeur, au caractère insuffisant de l'activité du salarié et à un manque de dynamisme commercial ; qu'il est notamment relevé que l'intéressé n'avait pas atteint ses trois derniers objectifs semestriels et fait état de la baisse des volumes facturés sur son secteur ;

Considérant que la société Luxottica France estime que ce motif est établi par la production des tableaux récapitulatifs des objectifs et des volumes facturés en 2010 et 2011 qui font apparaître des écarts allant de 69 % à 86% et un recul de 28 % du 2ème semestre 2011 par rapport au 2ème semestre 2010 ;

Considérant que pour contester la pertinence de ces chiffres, M. [J] indique avoir, au contraire, fait progresser les ventes de la société sur son secteur passant d'un chiffre d'affaires d'1,3M € en 2004 à 5,1M€ en 2011;

Considérant qu'il attribue la baisse de chiffre d'affaires constatée entre 2010 et 2011 à la politique commerciale adoptée par la société qui a conduit certains opticiens à réduire l'exposition de certains produits, comme cela ressort des mails produits, et fait observer que le chiffre des affaires commandées a progressé entre 2010 et 2011 passant de 54 000 à 60 000 pièces ;

Considérant que la société Luxottica France prétend que le seul critère à prendre en considération est le chiffre d'affaires facturé en raison de l'importance des retours de montures pratiqués par les opticiens mais en l'absence d'éléments explicatifs sur cette question, les retours de montures ne peuvent être imputés, comme le fait l'employeur, à l'insuffisance professionnelle du salarié ;

Considérant que si l'employeur indique que, selon le tableau récapitulatif versé aux débats, les résultats du salarié étaient inférieurs à ceux de ses 7 autres collègues VRP Ray-Ban Solaire, l'intéressé relève de son côté qu'aucun des 16 représentants n'atteignait les objectifs fixés par la société en prétendant que ces objectifs n'étaient pas réalistes dans la mesure où il lui était demandé d'augmenter ses ventes de 50 % entre le premier semestre 2010 et le premier semestre 2011 ;

Considérant surtout qu'il produit le compte-rendu de son entretien annuel d'évaluation du 11 avril 2011 aux termes duquel son supérieur hiérarchique relève qu'il 'est un très bon commercial, il devrait apporter son expérience' ; qu'il justifie également du fait qu'il a été classé au 2ème rang des représentants Ray-Ban en 2011 ;

Considérant qu'enfin, il ressort des tableaux comparatifs retraçant l'activité de M. [J] et celle de son successeur que les résultats de son remplaçant sont inférieurs d'environ 20 % en 2012 sur le même secteur ;

Considérant qu'ainsi, il n'est pas établi que l'insuffisance des résultats invoquée dans la lettre de licenciement soit imputable, comme le prétend l'employeur, à une insuffisance professionnelle du salarié qui avait une grande ancienneté et une longue expérience dans l'exercice de son métier ;

Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il retient que le licenciement de M. [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Sur les conséquences du licenciement :

Considérant qu'en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, étant employé au moment de la rupture dans une entreprise d'au moins 11 salariés et bénéficiant d'une ancienneté supérieure à deux années, le salarié est fondé à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

Considérant qu'en l'espèce, compte tenu de l'âge du salarié, de son ancienneté, de sa rémunération et de la dégradation de sa situation après le départ de l'entreprise, l'emploi retrouvé après deux ans de recherches étant beaucoup moins bien rémunéré, les premiers juges ont correctement évalué le préjudice subi par M. [J] ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il lui accorde 150 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonne le remboursement par la société Luxottica France à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [J] depuis son licenciement ;

Sur l'indemnité de clientèle ou subsidiairement l'indemnité spéciale de rupture :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 7313-13 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le VRP a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ; que cette indemnité ne se cumule pas avec l'indemnité spéciale de licenciement mais ne peut lui être inférieure ;

Considérant qu'en l'espèce, le salarié justifie du fait qu'il travaillait déjà dans le même secteur avant son embauche par la société Luxottica France et a apporté et développé cette clientèle personnelle au profit de son nouvel employeur ;

Considérant toutefois, comme le fait observer à juste titre la société Luxottica France, la progression du chiffre d'affaires du secteur confié à M. [J] ne résulte pas uniquement du développement de cette clientèle mais s'explique principalement par les efforts consentis par l'employeur pour augmenter le volume des ventes, que ce soit en matière de publicité, de marketing ou d'avantages financiers ainsi que par la notoriété des marques représentées ;

Considérant que M. [J] ne peut donc évaluer son préjudice en considération du seul montant des commissions perçus au cours de la dernière année en le multipliant par trois pour aboutir à une indemnité de 579 165,94 € en attribuant ainsi la totalité du chiffre d'affaires facturé à son activité personnelle dans la création et le développement de la clientèle ;

Considérant surtout que, pour l'évaluation de l'indemnité de clientèle, il doit être tenu compte non seulement des frais professionnels exposés, comme le fait le salarié qui déduit 87 080 € de frais du montant de ses commissions mais aussi des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour l'indemniser à l'avance de la perte de clientèle qu'il subira au moment de son départ ;

Considérant qu'en l'espèce, le contrat de travail prévoyait au profit de M. [J] une surcommission mensuelle initialement égale à 2 % avant d'être réduite à 1% à compter du 1er août 2005, avec la précision que cette surcommission 'constitue un versement anticipé sur l'indemnité de clientèle' destinée à l'indemniser 'du développement en nombre et en valeur de la clientèle confiée au représentant' ;

Considérant qu'il ne peut être soutenu, comme le fait le salarié, que cette surcommission constituerait en réalité un complément de rémunération ne pouvant s'imputer sur l'indemnité de clientèle future au motif que la société Luxottica France ne lui aurait confié aucune clientèle comme si cette société, dont il reconnaît par ailleurs la puissance et la notoriété de ses marques, n'avait aucune clientèle propre ;

Considérant que, de même, il importe peu que cette surcommission ait été calculée en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par le salarié mensuellement et ait supporté l'ensemble des charges sociales ; que cela ne lui fait pas perdre sa nature d'avance sur indemnité de clientèle ;

Considérant qu'en fonction des explications avancées de part et d'autre, aucun élément ne justifie de fixer le montant de l'indemnité de clientèle sur une base supérieure à deux années de commissions et la grande notoriété des marques exploitées par la société Luxottica France justifie amplement de réduire la part personnelle du salarié au développement de la clientèle à 50 % maximum ce qui aboutit à une évaluation inférieure aux sommes déjà perçues par le salarié à titre d'avances sur l'indemnité de clientèle ;

Considérant qu'enfin, selon le propre aveu du salarié, l'ensemble des avances sur l'indemnité de clientèle perçues au cours de la relation contractuelle s'élève à la somme de 236 161,53 € soit une somme supérieure à l'indemnité spéciale de rupture d'un montant de 133 061,45 € ;

Considérant que, dans ces conditions, compte tenu de l'importance des avances sur indemnités de clientèle qui ont été versées au salarié, celui-ci ne supporte aucun préjudice justifiant une indemnité complémentaire et il ne peut pas non plus réclamer le paiement de l'indemnité spéciale dont le montant inférieur ne se cumule pas avec l'indemnité de clientèle déjà perçue ;

Que le premier jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute M. [J] de sa demande en paiement d'une indemnité de clientèle supérieure et de celle subsidiaire en paiement de l'indemnité spéciale de rupture ;

Sur l'indemnité de retour sur échantillonage et la demande indemnitaire pour résistance abusive qui y est associée :

Considérant qu'en application de l'article L. 7313-11 du code du travail, le VRP doit percevoir les commissions relatives aux commandes transmises après la rupture de son contrat de travail, mais qui sont la suite directe de son activité de prospection ;

Considérant que, sur ce fondement, M. [J] demande le versement d'une indemnité évaluée à six mois de commissions soit 96 189 € bruts alors que la société ne lui a versé que 8 599,64 € ;

Considérant cependant qu'une indemnité de retour sur échantillonnage n'est due au VRP que lorsque les commandes passées après son départ sont effectivement la suite directe de son activité antérieure ;

Considérant qu'en l'espèce, aucun élément de preuve ne permet d'établir, comme le prétend le salarié que, durant les six mois suivant son départ de l'entreprise, l'intégralité des commandes passées à la société, dont il ne précise d'ailleurs ni le nombre ni le montant, serait la suite directe de son activité de prospection ;

Considérant que c'est donc à tort que les premiers juges ont condamné la société Luxottica France à verser au salarié la somme de 6 400, 36 € à titre de complément relatif au retour sur échantillonnage et celle de 640,03 € correspondant aux congés payés y afférents ;

Que le jugement sera infirmé et M. [J] sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article L. 7313-11 du code du travail ;

Considérant que le salarié présente également une demande en paiement de 10 000 € de dommages-intérêts en raison de la résistance abusive de son employeur à lui régler l'indemnité de retour sur échantillonnage qui lui serait due ;

Considérant toutefois que la société Luxottica France ne s'est pas soustraite à son obligation contractuelle à ce titre puisqu'elle a déjà versé au salarié la somme de 8 599,64 € au titre du retour sur échantillonnage et aucun élément ne justifie que cette indemnité devrait être plus élevée :

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette cette prétention au titre de la résistance prétendument abusive de l'employeur ;

Sur le rappel de salaire résultant de l'inopposabilité des avenants au contrat de travail ayant successivement réduit le taux de commission accordé à M. [J] :

Considérant qu'il ressort des documents contractuels versés aux débats que la société Luxottica France a fait usage à trois reprises des dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail pour modifier le taux commission initialement prévu en faveur du salarié en invoquant des difficultés économiques ;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à chaque modification, l'employeur a observé les conditions de forme et de délai prévues par cet article pour informer le salarié du changement envisagé et de la faculté qui lui était laissée de faire connaître son refus ;

Considérant qu'à l'issue du délai d'un mois qui lui était imparti à cette fin, M. [J] s'est abstenu de toute réponse et a poursuivi son activité professionnelle aux nouvelles conditions sans émettre aucune protestation avant le présent litige ;

Considérant qu'il estime aujourd'hui que ces avenants ne lui sont pas opposables dès lors qu'il n'existait pas de motif économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail permettant de justifier de telles modifications ;

Considérant cependant qu'en l'absence de réponse en temps utile à la proposition faite sur le fondement de l'article L.1222-6 du code du travail, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée ;

Considérant qu'ayant eu la possibilité de s'opposer à la modification de son contrat de travail et de contester alors le motif économique invoqué pour la justifier, M. [J] ne peut plus le faire a posteriori et les juridictions prud'homales n'ont pas à vérifier, après l'acceptation du salarié, le caractère réel et sérieux du motif économique invoqué comme relevant de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

Considérant que le conseil de prud'hommes a donc exactement retenu qu'à défaut d'avoir répondu aux propositions de modification de son contrat de travail dans le délai d'un mois, le salarié ne pouvait lui demander de déclarer inopposables les avenants contractuels réputés avoir été acceptés ;

Considérant qu'au demeurant, la société Luxottica France fait observer que non seulement M. [J] n'a pas refusé les propositions qui lui étaient faites mais a même signé les deux derniers avenants ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette cette prétention et déboute M. [J] de ses demandes salariales et des demandes de réévaluation de l'indemnité de clientèle, de l'indemnité de retour sur échantillonnage et de l'indemnité compensatrice de préavis qui y sont liées ;

Sur les demandes de rappel de salaire présentées au titre de la clause ducroire :

Considérant que le contrat de travail prévoit, en son article 5, que 'les commissions seront calculées sur le montant net des factures, après déduction des remises éventuellement accordées (y compris en nature, remise de fin d'année, prime de croissance), des frais de recouvrement (y compris commissions de courtage, ducroire) assurés par la société elle-même, de la taxe à la valeur ajoutée et autres droits et taxes à la valeur ajoutée et autres droits et taxes présents ou à venir' ;

Considérant que M. [J] estime qu'une telle clause contrevient aux dispositions de l'article 5-3 de la convention collective nationale des VRP qui prévoient la nullité de la clause de ducroire ;

Considérant que l'employeur considère de son côté que cette clause est valable dans la mesure où elle ne fait pas supporter au VRP le risque d'un défaut de paiement des créances commerciales, en l'exposant à payer lui-même les créances à la place du débiteur, mais constitue en réalité une clause de bonne fin subordonnant le droit à commission à l'encaissement du prix ;

Considérant toutefois que M. [J] justifie qu'en pratique, la société Luxottica France amputait systématiquement le chiffre d'affaires réalisé par son intermédiaire d'un pourcentage de 5 % pour faire face aux frais de recouvrement, lui faisant ainsi supporter le coût et les risques liés au recouvrement des créances ;

Considérant que l'application par l'employeur de cette clause faisant contribuer le salarié aux frais de recouvrement n'est pas comparable à une clause de bonne fin qui n'a pas pour effet de priver le salarié d'une partie de ses commissions pour un motif lié aux risques de recouvrement après facturation ;

Considérant que la société Luxottica France fait aussi observer que cette clause correspond non seulement au recouvrement des créances mais aussi aux frais de gestion et remises imposés par les centrales d'achat ;

Considérant toutefois, comme le fait remarquer à juste titre M. [J], elle ne fournit aucune pièce permettant à la cour de distinguer entre ce qui relève de la gestion et du recouvrement dont le coût est illicitement transféré au salarié et ce qui est lié aux remises, étant observé que celles-ci font l'objet d'autres opérations réduisant déjà le chiffre d'affaires à partir duquel se calcule les droits à commission du VRP ;

Considérant que dans ces conditions, le conseil de prud'hommes a exactement décidé, dans son second jugement, que la clause litigieuse était entachée de nullité et ne pouvait donc recevoir aucune application même partielle ;

Que le second jugement sera donc confirmé en ce qu'il condamne la société Luxottica France à verser un rappel de salaire à ce titre ainsi que les compléments d'indemnités qui y sont associés au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

Considérant qu'en revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il alloue au salarié des compléments au titre du retour sur échantillonnage et des congés payés y afférents auxquels la société Luxottica France n'est pas tenue pour les mêmes raisons que celles précédemment énoncées ;

Considérant qu'à l'inverse, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné cette société à payer 1 000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive de l'employeur qui persistait à demander l'application d'une clause transférant au salarié un risque qui devait être normalement être supporté par l'entreprise ; qu'il n'y a pas lieu d'augmenter le montant de cette indemnité ;

Sur les demandes présentées au titre des remises de fin d'année :

Considérant que le contrat de travail prévoit que les commissions versées au salarié sont calculées en fonction du chiffre d'affaires net résultant des commandes passées par son intermédiaire et que les remises consenties aux clients en fin d'année seront déduites du montant des commissions ;

Considérant que la société Luxottica France a déduit en conséquence du chiffre d'affaires servant de base au calcul des commissions dues à M. [J] l'ensemble des remises de fin d'année liées à la croissance du chiffre d'affaires des clients d'une année sur l'autre ;

Considérant que pour contester cette déduction, le salarié invoque d'abord l'existence d'un usage au sein de l'entreprise de ne pas procéder à de telles déductions ;

Considérant cependant que si, durant les années 2003 à 2005, la société Luxottica France n'a pas opéré de déductions au titre des remises de fin d'année, cette simple omission en dépit des stipulations contractuelles les prévoyant expressément ne constitue pas, comme le soutient le salarié, un usage fixe, constant et général interdisant à l'employeur d'appliquer les déductions litigieuses ;

Considérant que le salarié soutient également que la clause de son contrat de travail déterminant les conditions de calcul de ses commissions ne pouvait pas permettre à son employeur de réduire unilatéralement le montant de sa rémunération comme il l'a fait ;

Considérant toutefois qu'il peut parfaitement être convenu entre les parties au contrat que la rémunération variable du salarié dépendra du chiffre d'affaires net enregistré par l'employeur après déductions des remises consenties aux clients ; que même si des remises et des avantages sont accordés aux clients pour faciliter les ventes, le revenu du salarié reste défini par des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur ;

Considérant qu'il importe peu que ces remises soient consenties en fin d'année après les commandes passées par l'intermédiaire du salarié ;

Considérant que les premiers juges ont donc justement rejeté les prétentions du salarié tendant à reconstituer le chiffre d'affaires à partir duquel sont calculées ses commissions en y réintégrant le montant des remises de fin d'année après avoir rappelé que les choix de politique commerciale de l'entreprise n'entraînaient pas en soi une modification du contrat de travail ;

Que le jugement sera également confirmé en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes salariales et indemnitaires associées à cette prétention ;

Sur les demandes présentées au titre des montures retournées ;

Considérant que M. [J] soutient également que le chiffre d'affaires à partir duquel ses commissions ont été calculées a été injustement minoré des sommes correspondant aux montures de lunettes retournées par les opticiens après les lui avoir commandées ;

Considérant cependant, comme le reconnaît le salarié, son contrat de travail prévoit expressément que les commissions sont calculées sur le montant net des factures après déduction de toutes remises éventuellement accordées y compris en nature, remise de fin d'année etc... ;

Considérant que la société Luxottica France fait valoir que le retour de marchandises est expressément prévu dans les conditions générales de vente, dont un exemplaire est produit aux débats ; qu'elle précise que lorsque les montures de lunettes non vendues lui sont retournées par les opticiens, son chiffre d'affaires se trouve nécessairement réduit mais qu'il l'accepte pour favoriser la prise de commande ;

Considérant que, selon elle, cette pratique commerciale a le même objet et le même effet que les remises commerciales auxquelles elles s'assimilent et qu'il doit donc en être tenu compte pour déterminer le chiffre d'affaires net à partir duquel sont calculées les commissions du VRP ;

Considérant qu'il est en effet exact que les retours de marchandises ont nécessairement pour conséquence de diminuer le volume des ventes et constituent, comme les autres gestes et remises consentis aux clients, des pratiques commerciales dont il doit être tenu compte pour déterminer le chiffre d'affaires net en fonction duquel se calcule les droits à commission du VRP ;

Considérant que M. [J] soutient aussi que les montures de lunettes retournées sont évaluées à un prix supérieur à celui antérieurement facturés mais le listing des comptes clients qu'il verse aux débats à l'appui de cette affirmation ne permet pas de confirmer l'existence d'une telle disparité de prix ;

Considérant que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont refusé de réintégrer le volume des ventes annulées à la suite du retour des montures de lunettes dans le chiffre d'affaires servant de base au calcul de la rémunération du salarié ;

Que le jugement sera également confirmé en ce qu'il déboute M. [J] de l'ensemble des demandes salariale et indemnitaires associées à cette prétention ;

Sur les demandes présentées au titre de la fermeture unilatérale de certains comptes clients et du retrait de la clientèle passant sous le système Star :

Considérant que M. [J] demande aussi que soit réintégré dans le chiffre net servant de base au calcul de ses commissions le volume d'affaires dont il a été privé en raison de la décision de la société Luxottica France de fermer unilatéralement certains comptes de clients et de lui retirer la clientèle concernée par l'application du système Star ;

Considérant qu'il fait valoir qu'en l'absence de stipulations contraires, son droit à commission est acquis dès la commande même si celle-ci n'est pas honorée par la société comme elle aurait dû l'être ;

Considérant cependant que, sous couvert de cette prétention, le salarié remet en cause la politique commerciale de son employeur qui subordonne la prise de commandes à l'achat d'un nombre minimum de pièces par mois ou par an ;

Considérant que ces quotas sont fixés dans les contrats conclus avec les opticiens et, comme en justifie l'employeur, l'imposition d'un nombre minimum de pièces pour toute commande figure dans les conditions de vente de la société auxquelles le VRP ne peut se soustraire ;

Considérant qu'au demeurant, la société Luxottica France fait observer qu'il est seulement demandé aux VRP de ne plus visiter les opticiens passant trop peu de commandes mais que leurs comptes ne sont pas totalement fermés, les commandes pouvant être prises directement par téléphone auprès de la société, auxquels cas le VRP du secteur reçoit une commission ;

Considérant que, de même, la société justifie du fait que le système de commercialisation Star géré par une société distincte de Luxottica France n'est pas imposé mais laissé au choix de certains clients qui préfèrent avoir accès à une collection présélectionnée gérée par cette société plutôt que de passer commande par l'intermédiaire des VRP ;

Considérant qu'il est donc normal que les commandes enregistrées par ce système ne figurent donc pas dans le chiffre d'affaires net servant de base au calcul des commissions du VRP, comme le prévoit le contrat de travail qui exclut expressément de sa clientèle les succursales de certains réseaux d'opticiens ayant recours à ce système de commercialisation ;

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette les prétentions salariales de M. [J] sur ce fondement ainsi que l'ensemble des demandes accessoires qui y sont liées ;

Sur les demandes présentées au titre de la privation des primes d'objectifs :

Considérant que, sur ce point, M. [J] considère que son employeur lui imposait sans son accord et tardivement des objectifs irréalisables et demande en conséquence le paiement des rappels de salaire correspondant aux primes dont il a été privées ;

Considérant toutefois que la société Luxottica France justifie avoir fait volontairement usage des dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail en informant le salarié, selon les formes prévues par cet article, qu'il disposait d'un délai d'un mois à compter de la réception de la proposition d'objectifs pour faire connaître son refus et qu'à défaut, il était réputé l'avoir accepté ;

Considérant que M. [J], qui n'a manifesté aucune opposition aux objectifs auxquels ses primes étaient subordonnées, ne peut aujourd'hui en contester l'application ;

Considérant que, de même, c'est à tort qu'il soutient que ses objectifs étaient irréalisables sous prétexte que certains comptes ont été fermés par la société ou qu'une partie de sa clientèle lui a été retirée avec l'application du système Star alors qu'il a déjà été constaté que l'exigence d'un nombre minimum de pièces pour les prises de commandes figure dans les conditions générales de vente auxquelles le VRP devait se soumettre et que son contrat de travail limitait expressément son rayon d'action aux opticiens préférant commander par l'intermédiaire de représentants plutôt que par le système Star ;

Considérant qu'enfin, contrairement à ce que soutient le salarié, ses objectifs ne lui ont pas été fixés tardivement mais avant le début de chaque exercice, comme le justifient les tableaux récapitulatifs d'objectifs, produits par la société Luxottica France, qui précisent que les avenants auxquels fait référence le salarié ne font que réitérer les objectifs préalablement fixés ;

Considérant qu'au demeurant, il avait la faculté de s'y opposer s'il estimait réellement qu'il lui était impossible de les atteindre en raison de leur fixation tardive ;

Considérant que, dans ces conditions, c'est également à bon droit que les premiers juges ont débouté M. [J] de ses prétentions salariales au titre des objectifs non réalisés et des demandes accessoires qui y sont liées ;

Sur la demande de prise en charge de frais professionnels :

Considérant que M. [J] demande le remboursement de la totalité de ses frais professionnels en soutenant que son contrat de travail ne prévoit pas le versement d'une somme forfaitaire correspondant à ses frais ; qu'à l'appui de sa demande, il fournit ses avis d'imposition ;

Considérant toutefois que la société Luxottica France est fondée à se prévaloir de la clause du contrat de travail aux termes de laquelle il est expressément convenu que 'les taux de commission définis ont été calculés de manière à couvrir l'ensemble des frais professionnels exposés par le représentant dans l'exercice de son activité (voyages, véhicule, correspondance, etc..), ceux-ci étant évalués forfaitairement à 30 % des commissions' perçues ;

Considérant que le salarié estime que les frais ne peuvent s'imputer à l'avance sur sa rémunération future mais le remboursement des frais professionnels peut valablement être fixé de manière forfaitaire en pourcentage des commissions à percevoir, comme le prévoit le contrat de travail de M. [J] ;

Considérant qu'en exigeant le remboursement de frais professionnels en plus de la prise en charge forfaitaire d'ores et déjà prévue par son contrat de travail, le salarié demande en réalité que ses frais professionnels lui soient remboursés deux fois ;

Considérant qu'il ne justifie pas non plus avoir réellement exposé des frais professionnels plus élevés que ceux évalués forfaitairement dans son contrat de travail ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute le salarié de cette prétention en rappelant qu'aux termes de l'article 5-1 du contrat de travail, les frais professionnels sont l'affaire du salarié et sont compris dans le commissionnement ;

Sur l'indemnité demandée au titre de l'occupation professionnelle du domicile du salarié :

Considérant que, sur ce point, M. [J] soutient qu'en l'absence de bureau mis à sa disposition, il était contraint d'effectuer des tâches administratives à son domicile dont une partie était ainsi utilisée à des fins professionnelles ;

Considérant toutefois que l'employeur fait observer à juste titre que le travail du salarié est itinérant et que l'ensemble des tâches administratives et de reporting est effectué sur le terrain, entre chaque visite, à l'aide de l'Ipad fourni aux salariés ;

Considérant que la production d'une photo et d'un plan sur lequel apparaît une pièce de bureau ne suffit pas à justifier de la nécessité pour le salarié d'occuper une pièce de son domicile pour exécuter son travail ;

Considérant qu'en l'absence de sujétions particulières obligeant le salarié à consacrer une partie de son domicile à un usage professionnel, sa demande sera rejetée d'autant plus que comme le relève à juste titre l'employeur, il n'a pas tenu compte de la prescription de l'article 2224 du code civil ;

Que le jugement sera donc également confirmé de ce chef ;

Sur les autres demandes :

Considérant que les intérêts légaux courront sur les créances salariales à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter du jugement en ayant prononcé la condamnation ;

Considérant que les intérêts échus pour une année entière à compter de la demande de capitalisation pourront eux-mêmes produire intérêts ;

Considérant qu'enfin, chacune des parties succombant à la majeure partie des prétentions contenues dans son recours, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ; que les condamnations prononcées à ce titre par les premiers juges seront en revanche confirmées ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;

Ordonne la jonction des instances suivies sous les numéros 14/05149 et 15/03416 du répertoire général ;

Confirme les jugements entrepris en toutes leurs dispositions sauf en ce qu'ils condamnent la société Luxottica France à verser à M. [O] [J] une indemnité de retour sur échantillonnage et les congés payés y afférents ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute M. [O] [J] de ses demandes en paiement d'une indemnité de retour sur échantillonnage et les congés payés y afférents au titre de la clause ducroire ;

Dit que les intérêts légaux courront sur les créances salariales à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter du jugement en ayant reconnu le bien-fondé ;

Dit que les intérêts échus pour une année entière à compter de la demande de capitalisation produiront eux-mêmes intérêts ;

Déboute les demandes respectives présentées en cause d'appel par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle engagés ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 14/05149
Date de la décision : 06/02/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°14/05149 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-06;14.05149 ?
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