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30/01/2019 | FRANCE | N°16/04374

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 30 janvier 2019, 16/04374


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



17e chambre





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE



DU 30 JANVIER 2019



N° RG 16/04374



AFFAIRE :



[T] [B]



C/



Association DELOS APEI 78 anciennement dénommée ASSOCIATION ENVOL APEI DU MANTOIS









Décision déférée à la cour : jugement rendu le 1er février 2016 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire - de Mantes

la Jolie

Section : activités diverses

N° RG : 15/00016









Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Aurélien WULVERYCK



Me Jean-Pascal THIBAULT





Expédition numérique délivrée à :



POLE EMPLOI





le :

RÉPUBLIQUE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 JANVIER 2019

N° RG 16/04374

AFFAIRE :

[T] [B]

C/

Association DELOS APEI 78 anciennement dénommée ASSOCIATION ENVOL APEI DU MANTOIS

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 1er février 2016 par le conseil de prud'hommes - formation paritaire - de Mantes la Jolie

Section : activités diverses

N° RG : 15/00016

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Aurélien WULVERYCK

Me Jean-Pascal THIBAULT

Expédition numérique délivrée à :

POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [T], [R] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

comparante en personne,

assistée de Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0016

APPELANTE

****************

Association DELOS APEI 78 anciennement dénommée ASSOCIATION ENVOL APEI DU MANTOIS

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Adresse 6]

représentée par Me Jean-Pascal THIBAULT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 470

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 novembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Laurent BABY, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marine GANDREAU,

Par jugement du 1er février 2016, le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie (section activités diverses) a :

- condamné l'Association Delos Apei du Mantois à payer à Mme [T] [B] les sommes suivantes :

. 452,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés 2013,

. 542,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés fractionnés,

. 271,44 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés d'ancienneté 2012,

. 361,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés d'ancienneté 2013,

. 323,14 euros à titre d'heures supplémentaires,

. 32,31 euros à titre de congés payés afférents aux heures supplémentaires,

- dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 5 juin 2014, date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la défenderesse, conformément à l'article 1153 du code civil,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,

- fixé à 2 469,06 euros brut la moyenne mensuelle en vertu des dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail,

- ordonné à l'Association Delos Apei du Mantois de remettre à Mme [B] les documents suivants :

. l'attestation Pôle emploi conforme à la décision,

. le bulletin de salaire de régularisation conforme à la décision,

- rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur la remise de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, hormis les cas où elle est de droit,

- condamné l'Association Delos Apeï du Mantois à payer à Mme [B] la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [B] du surplus de ses demandes,

- dit que l'Association Delos Apei du Mantois supportera les entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution.

Par déclaration adressée au greffe le 3 février 2016, Mme [B] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de radiation a été prononcée le 22 septembre 2016 pour défaut de diligences des parties et l'affaire a été réinscrite au rôle le 29 septembre 2016.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, Mme [B] demande à la cour de :

à titre principal,

- juger que son licenciement est sans cause réelle ni sérieuse,

- juger qu'elle a été victime de harcèlement moral,

en conséquence,

- annuler les sanctions disciplinaires des 20 juin 2012 et 2 décembre 2013,

- condamner la partie défenderesse à lui payer les sommes suivantes :

. 452,40 euros bruts à titre de rappel de salaire pour congés payés 2013 (5 jours),

. 542,88 euros bruts à titre de rappel de salaire pour congés fractionnés (6 jours),

. 271,44 euros bruts à titre de rappel de salaire pour congés d'ancienneté 2012 (3 jours),

. 361,92 euros bruts à titre de rappel de salaire pour congés d'ancienneté 2013 (4 jours),

. 323,14 euros bruts à titre d'heures supplémentaires (25 heures),

. 32,31 euros à titre de congés payés y afférents,

. 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation pour annulation des sanctions disciplinaires,

. 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

. 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle emploi conformes sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard,

- laissé les dépens à la charge de la partie défenderesse.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, l'Association Delos Apei 78 demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures et l'y déclarant bien fondée,

sur le bien fondé de l'observation du 20 juin 2012,

- constater la réalité des faits,

- constater qu'ils constituent une faute légère sur la forme et sur le fond,

- constater que l'observation est proportionnée,

en conséquence,

- dire l'observation bien fondée,

sur le bien fondé de l'avertissement du 2 décembre 2013,

- constater la réalité des faits

- constater qu'ils constituent une faute,

- constater que l'avertissement est proportionné,

en conséquence,

- dire l'avertissement bien fondé,

sur le bien fondé de la mesure de licenciement,

réalité du motif

- constater la réalité des faits,

en conséquence,

- dire réelle la cause du licenciement,

sérieux du motif

- constater qu'ils constituent une faute,

- constater que la sanction est proportionnée,

en conséquence,

- dire sérieuse la cause du licenciement,

sur la demande relative au harcèlement,

- constater que les faits présentés par Mme [B] ne permettent pas « d'établir » une présomption de harcèlement de la part de la hiérarchie de Mme [B],

en conséquence,

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes à ce titre,

sur le quantum des demandes pour licenciement sans cause,

- juger disproportionné et injustifié le quantum des demandes

sur la demande relative à l'exécution provisoire et à l'article 700

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes à ce titre.

SUR CE LA COUR,

L'association L'Envol gérait plusieurs établissements au sein desquels étaient accueillis des travailleurs handicapés. A la suite d'une fusion absorption à effet du 1er janvier 2015, l'association L'Envol a été renommée l'association Delos Apei 78. Elle a absorbé l'association Delos Apei du Mantois.

Mme [T] [B] a été engagée par l'association Delos Apei du Mantois, en qualité de conseillère en économie sociale et familiale, par contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 10 décembre 2001, puis à temps complet à compter du 1er novembre 2005.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.

La salariée a fait l'objet d'un courrier d'observation en date du 20 juin 2012 et d'un avertissement en date du 2 décembre 2013.

Par lettre du 2 décembre 2013, Mme [B] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé le 13 décembre 2013.

Mme [B] a été licenciée pour faute, par lettre du 20 décembre 2013 pour les motifs suivants :

- un « comportement harcelant » à l'égard de ses collègues et de sa directrice,

- incapacité à se remettre en question, rendant très difficile le travail en équipe,

- approche avec les usagers inappropriée,

- manque de clarté et incohérence de ses propos à l'écrit et à l'oral.

Le 3 juin 2014, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie aux fins de contester son licenciement.

Sur la demande d'annulation de l'observation écrite du 20 juin 2012 et l'avertissement du 2 décembre 2013 :

Comme il a été rappelé dans l'exposé des faits, Mme [B] s'est vue adresser, le 20 juin 2012, un courrier par lequel son employeur lui faisait le reproche d'un échange entre l'ATM/Axe Majeur et elle.

Mme [B] s'est encore vue adresser, le 2 décembre 2013, un avertissement par lequel son employeur lui reprochait un mauvais suivi des usagers.

Mme [B] voit dans ces deux courriers des sanctions disciplinaires injustifiées. En sens contraire, l'association Delos Apei 78 estime que ces sanctions étaient justifiées.

L'article L. 1333-1 dispose qu'« en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. »

Sur le courrier d'observation du 20 juin 2012 :

Le courrier d'observation litigieux (pièce 10 de l'appelante) relatif à des échanges de télécopie entre l'ATM/Axe majeur et elle-même est ainsi libellé : « vous avez dit que vous demandiez une simple information or le partenaire (et nous-même) n'avons pas lu cette demande comme telle mais comme une injonction d'appliquer un jugement à partir d'un courrier d'avocat et non de la décision de condamnation (document officiel du tribunal). Nous vous avons rappelé qu'il était important de soigner la rédaction des écrits (dans ce cas précis dans la demande faite au partenaire) afin d'éviter au maximum les interprétations. De plus les télécopies ou courriers destinés aux divers partenaires doivent être validés par la direction. Nous ne pouvons laisser passer cet acte. Nous vous adressons donc une observation ».

Plus précisément, il apparaît que le courrier que l'employeur reproche à Mme [B] d'avoir envoyé consiste en une télécopie du 12 avril 2012 dans laquelle Mme [B], s'adressant à l'ATM (association tutélaire du Mantois), demande au curateur chargé du suivi de M. [Z] : « Monsieur, Pour l'affaire [R] c/ [Z], en charge du dossier de Mademoiselle [Q] [R], je me permets de revenir vers vous pour le versement de l'indemnisation de la victime, suite au jugement prononcé en date du 15.02.2012. A ce jour, Mademoiselle [Q] [R] est sans nouvelle de votre part, curateur de Monsieur [Z], dans sa gestion financière. Elle aimerait une suite favorable à sa requête en tant que partie civile. Pouvons-nous convenir d'une rencontre avec cette jeune femme pour envisager le paiement de cette indemnisation ' A moins que la présence des avocates des deux personnes ne soit indispensable. Ci-faxé le délibéré. Fax à Madame Maître [S] pour information de cette demande en paiement. Je vous remercie pour votre correspondance. Je vous prie d'agréer mes salutations distinguées. »

L'association Delos Apei 78 estime cette télécopie hors sujet sur le fond et inadaptée sur la forme par son caractère comminatoire.

Pour autant, cette télécopie, reproduite ci-avant, ne présente rien de comminatoire. Elle n'est pas davantage « hors sujet » dès lors qu'il n'est pas contesté que la majeure protégée victime (Mme [R]), qui était suivie par l'association Delos Apei 78, avait bien bénéficié d'une condamnation en qualité de partie civile, l'auteur-M. [Z] suivi par l'ATM dans le cadre d'une curatelle renforcée-, ayant bien été condamné. En outre, il n'est pas contesté que Mme [B] était en charge du dossier de Mme [R]. Il ressort au demeurant des éléments du dossier (cf. la pièce 11 de la salariée) que Mme [B] était en rapport avec l'avocat de Mme [R] et que ses honoraires n'avaient toujours pas été réglés le 10 mai 2012 s'agissant d'une audience qui s'était tenue le 15 février 2012. Ainsi, le recouvrement, par Mme [R], des sommes qui lui avaient été allouées par le tribunal correctionnel était-il important pour permettre de rétribuer son conseil, la circonstance que le jugement n'ait pas été notifié n'empêchant nullement son exécution volontaire.

Certes, la pièce 7 de la salariée montre que le curateur de M. [Z] a mal accueilli la demande de Mme [B] puisque le 13 avril 2012, il écrivait : « Nous faisons suite à votre télécopie du 12 avril courant qui laisserait à penser que nous avons commis une faute. Sans remettre en question le courrier de l'avocat de la partie civile, nous sommes, à ce jour, sans décision de condamnation, seul document sur le fondement duquel nous pouvons intervenir (...) ». Toutefois, la façon dont ledit curateur a accueilli la demande de Mme [B] n'engage que lui. Or, il a été vu qu'elle ne présentait pas de caractère comminatoire. Elle ne laissait pas davantage à penser que son destinataire avait commis une faute.

La sanction prononcée par l'association Delos Apei 78 est donc infondée.

Il s'ensuit que, infirmant en cela le jugement du conseil de prud'hommes, cette sanction sera annulée.

Sur l'avertissement du 2 décembre 2013 :

L'association Delos Apei 78 a adressé à Mme [B] un avertissement aux termes duquel elle était invitée à s'expliquer « sur le courrier adressé par [G] [A], directrice adjointe de l'ESAT [Établissement 1] de [Localité 1] ». L'association Delos Apei 78 a reproché à Mme [B] les faits suivants : « Dans ce courrier, il est fait mention de vos interventions inappropriées vis-à-vis des usagers et des partenaires et ce malgré des invitations régulières de la part de la hiérarchie à clarifier votre positionnement professionnel. Nous ne pouvons laisser passer ces attitudes. En conséquence nous vous adressons un avertissement ».

Le courrier dont il est question consiste en un courrier du 21 octobre 2013 adressé par la fondation [Établissement 1] à l'association Delos Apei 78 (sous son ancienne dénomination). Par ce courrier, la fondation [Établissement 1] indiquait : « Je tenais à vous informer que j'ai en attente le dossier de M. [L] [Z] depuis plus d'un an. Il m'a été envoyé par Mme [B] et un rendez-vous avait été prévu avec ce Monsieur pour un stage à l'ESAT de [Localité 1]. Ce rendez-vous a été annulé par Mme [B] qui devait nous recontacter ultérieurement. A ce jour, j'attends encore qu'elle me téléphone. N'ayant pas de nouvelles, je vous informe que j'archive ce dossier. Je tenais également à vous signaler qu'il nous est difficile de travailler avec Mme [B]. Les personnes qu'elle nous oriente en stage sont souvent mal accompagnées et lors des bilans (si le stage va jusqu'à son terme) ses argumentations sont incompréhensibles pour le stagiaire. Nous restons donc souvent dans l'inachevé, voire dans l'échec par rapport à la personne reçue. (...) »

L'association Delos Apei 78 se fonde donc, pour justifier son avertissement, sur le seul courrier que lui a adressé l'ESAT [Établissement 1]. Il n'en ressort qu'un seul élément circonstancié relatif au dossier de M. [L] pour lequel Mme [B] n'a pas recontacté l'ESAT. Ce fait, pris isolément ne permet pas de caractériser « une intervention inappropriée ». Quant aux autres éléments, relatifs aux personnes « souvent mal accompagnées », un complément plus circonstancié, ne reflétant pas que l'avis de l'ESAT [Établissement 1], aurait été nécessaire.

En définitive, les faits tels que présentés dans la lettre d'avertissement autant que dans le courrier du 21 octobre 2013 laissent demeurer un doute quant à la réalité du motif disciplinaire invoqué.

Le doute profitant au salarié par application de l'article L. 1333-1, il conviendra, infirmant en cela le jugement du conseil de prud'hommes, d'annuler l'avertissement du 2 décembre 2013.

Sur la demande de dommages et intérêts :

Les sanctions disciplinaires injustifiées prononcées à l'encontre de Mme [B] lui ont causé un préjudice qui sera intégralement indemnisé par l'octroi d'une somme de 1 000 euros, somme au paiement de laquelle, statuant à nouveau, l'association Delos Apei 78 sera condamnée.

Sur le harcèlement moral :

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.».

Sur le terrain de la preuve, il ressort de l'article L. 1154-1 que lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1 le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il revient donc au salarié d'établir la matérialité de faits précis, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris en leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Dans la négative, le fait de harcèlement ne peut être reconnu. Dans l'affirmative, il revient à l'employeur de prouver que ces éléments ne constituent pas un harcèlement.

En l'espèce, Mme [B] se plaint :

. d'avoir fait l'objet de sanctions disciplinaires injustifiées vouées à la faire démissionner,

. d'avoir été privée de la possibilité d'intervenir au forum emploi et handicap le 15 novembre 2012 alors pourtant que l'organisateur avait sollicité sa présence en raison de la qualité de son travail.

Elle ajoute qu'il en est résulté pour elle des conséquences sur son état de santé puisqu'elle s'est trouvée en dépression.

Le premier des deux faits est établi dès lors que les deux sanctions disciplinaires dont Mme [B] a fait l'objet ont été annulées.

Le second fait n'a appelé de la part de l'association Delos Apei 78 aucun développement. Il n'est cependant pas établi par la pièce 12 de Mme [B]. Cette pièce consiste en des échanges de courriels entre Mme [B], sa hiérarchie et le Pôle Emploi ' organisateur du forum ' qui souhaitait voir Mme [B] participer au Forum emploi et handicap en novembre 2012 et novembre 2013. Il y a apparaît que Mme [B] a participé au forum de 2012 (cf. le courriel du 14 novembre 2012 de 17h39 page 6 de la pièce 12) contrairement à ce qu'elle allègue. Si, en réalité, Mme [B] voulait reprocher à son employeur de ne pas l'avoir laissée participer au forum organisé ' non pas en 2012 mais en 2013 ' alors le refus de l'employeur n'est pas établi. Tout au plus apparaît-il en page 11 de la pièce 12 de la salariée que la directrice lui répondait que d'autres personnels seraient peut-être intéressés pour participer à ce forum.

En définitive, sur les deux griefs dont Mme [B] se plaint pour conclure au harcèlement moral, seules les sanctions injustifiées sont établies. Si elles ont nécessairement eu pour effet une dégradation des conditions de travail de Mme [B] susceptible de compromettre son avenir professionnel puisque, ainsi qu'il sera vu plus loin, un licenciement ne pouvait être envisagé qu'après deux sanctions, il demeure que ces faits séparés de 18 mois ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la cause de la rupture :

L'article 33 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 (mise à jour au 15 septembre 1976) prévoit : « Les mesures disciplinaires applicables aux personnels des établissements ou services s'exercent sous les formes suivantes :

- l'observation ;

- l'avertissement ;

- la mise à pied avec ou sans salaire pour un maximum de 3 jours ;

- le licenciement.

L'observation, l'avertissement et la mise à pied dûment motivés par écrit sont prononcés conformément au règlement établi et déposés suivant les dispositions légales.

Toute sanction encourue par un salarié et non suivie d'une autre dans un délai maximal de 2 ans sera annulée et il n'en sera conservé aucune trace.

Sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions citées ci-dessus, prises dans le cadre de la procédure légale.

Pour la procédure de licenciement, les dispositions légales s'appliqueront aux établissements quel que soit le nombre de salariés. »

L'article 4.1.3. du règlement intérieur impose également deux sanctions disciplinaires valables avant de pouvoir notifier un licenciement puisqu'il précise : « sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait précédemment, d'au moins deux sanctions citées à l'article 4.1.1. » c'est-à-dire soit une observation écrite, soit un avertissement, soit une mise à pied.

En l'espèce, Mme [B] n'a pas fait l'objet d'un licenciement pour faute grave. Son licenciement devait donc être précédé de deux sanctions valables.

Il a été vu que les deux sanctions disciplinaires dont Mme [B] a fait l'objet ont été annulées.

Il en résulte que le licenciement ne pouvait être prononcé et, par voie de conséquence, il est injustifié. Sans qu'il soit rendu nécessaire d'examiner les griefs contenus dans la lettre de licenciement, il conviendra de le dire sans cause réelle et sérieuse, infirmant en cela le jugement du conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie.

Mme [B] jouissant d'une ancienneté de 12 ans et l'association Delos Apei 78 employant près de 500 salariés, l'appelante peut prétendre à l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que « si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9. »

En l'espèce, Mme [B] qui percevait une rémunération moyenne brute de 2 469,06 euros par mois et était âgée de près de 45 ans lors de son licenciement a, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, subi un préjudice qui sera intégralement réparé par l'octroi d'une indemnité de 23 000 euros.

Il conviendra, en application de l'article L. 1235-4, dans sa version applicable au présent litige, d'ordonner le remboursement par l'association Delos Apei 78 aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les autres demandes :

Mme [B] réclame paiement de :

. 452,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés 2013 (5 jours),

. 542,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés fractionnes (6 jours),

. 271,44 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés d'ancienneté 2012 (3 jours),

. 361,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés d'ancienneté 2013 (4 jours),

. 323,14 euros à titre d'heures supplémentaires (25 heures),

. 32,31 euros à titre de congés payés afférents aux heures supplémentaires,

Il s'agit en réalité d'une demande tendant à la confirmation, sur ces points, du jugement critiqué.

Sur ces demandes, l'association Delos Apei 78 n'articule aucun moyen et ne sollicite pas l'infirmation du jugement.

Il conviendra en conséquence de le confirmer sur ces points de même qu'il sera confirmé en ce qu'il a ordonné à l'association Delos Apei 78 de remettre à Mme [B] l'attestation Pôle emploi conforme à la décision et le bulletin de salaire de régularisation conforme à la décision.

La demande d'astreinte afférente sera rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, l'association Delos Apei 78 sera condamnée aux dépens.

Elle sera en outre condamnée à payer à Mme [B] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

Annule le courrier d'observation du 20 juin 2012,

Annule l'avertissement du 2 décembre 2013,

Dit le licenciement de Mme [B] du 2 décembre 2013 sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l'association Delos Apei 78 à payer à Mme [B] la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité pour sanctions injustifiées,

Condamne l'association Delos Apei 78 à payer à Mme [B] la somme de 23 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Confirme le jugement sur le surplus,

Y ajoutant,

Rejette la demande d'astreinte,

Ordonne le remboursement, par l'association Delos Apei 78 aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

Condamne l'association Delos Apei 78 à payer à Mme [B] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'association Delos Apei 78 aux dépens,

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 16/04374
Date de la décision : 30/01/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°16/04374 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-30;16.04374 ?
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